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Le Triomphe de David

Le Triomphe de David, mélodrame en trois actes de Caigniez, musique de Leblanc, ballets de Hus le jeune, 5 frimaire an 14 [27 novembre 1805].

Théâtre de la Gaieté.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1806 :

Le Triomphe de David, mélodrame en trois actes, Par M. Caigniez. Musique de M. Leblanc, Ballets de M. Hus le jeune. Représenté pour la première fois, sur le théâtre de la Gaieté le 27 novembre 1805.

La première a eu lieu en fait le 26 novembre, d'après le Courrier des spectacles.

Le texte de la pièce est précédé d'une sorte de préface :

[Reconnaissance de dettes envers Alfieri, mais aussi revendication de son propre apport : sa pièce a son originalité.]

Alfiéri, célèbre poète tragique Italien, a fait une tragédie de Saül. L'action de sa pièce est insuffisante pour remplir les cinq actes ; aussi je doute que transportée, telle qu'elle est, sur notre théâtre, elle pût y réussir; mais elle renferme des beautés de détail du premier ordre; et j'avoue que je ne me suis point fait un scrupule d'en employer quelques-unes, lorsque mon plan, absolument différent du sien, me l'a permis. On sait que tout ce qu'on peut tirer des auteurs anciens ou étrangers est regardé comme de bonne prise.

Ce qui fait principalement que la marche de ma pièce s'écarte tout-à fait de celle qu'à [sic] suivie Alfieri, c'est que je me suis attaché à mettre en action ce qui n'est qu'en recit chez l'auteur italien.

L'onction sacrée donnée à David par Samuel, me sert de nœud principal. La découverte de cette circonstance qui était restée long-tems ignorée de Saül, motive les fureurs de ce dernier et toute l'action de ma pièce. J'ai été surpris que mes devanciers, Durier et Alfieri lui-même, m'ayent laissé l'entière disposition d'un si puissant moyen, que la lecture de la Bible aurait pu leur offrir comme à moi; mais on ne pense pas à tout, et voilà comme on trouve toujours à glaner après les autres.

La manière dont j'ai établi les caractères des deux filles de Saül que j'ai rendues rivales, celle dont j'ai présenté la circonstance du manteau coupé, le double songe de Saül et de son ministre, l'apparition fantastique de l'ombre de Samuel et le dénouement que je fais résulter d'une des prédictions de cette ombre, tout cela m'appartient encore.

Dans la scène 4 du 3e acte, en faisant entendre un pizzicato de harpe, pendant que David récite ses vers, j'ai essayé de donner l'idée de la Mélopée des Grecs, chez qui la simple déclamation était souvent soutenue par des instrumens de musique. J'ai a [sic] me féliciter d'avoir hasardé cette nouveauté aussi agréable qu'elle a produit à la représentation, me fait penser qu'il sera quelquefois possible de l'employer avec avantage.

Ne voulant point finir ma pièce par la mort de Saül, la conviction où je laisse le spectateur que ce malheureux Roi n'a plus que quelques jours à vivre, doit, si je ne me trompe, produire un effet aussi terrible et en même tems plus intéressant que si je l'avais fait mourir réellement. On frémit à l'idée qu'il mourra bientôt ; mais l'on s'attendrit à celle des douceurs que les caresses de ses enfans vont au moins répandre sur ses derniers jours. Cette manière d'amener la catastrophe tragique est neuve, et le public a bien voulu m'en savoir gré.

Courrier des spectacles, n° 3228 du 7 frimaire an 14 [28 novembre 1805], p. 3 :

Le Triomphe de David, mélodrame en trois actes, a obtenu hier au théâtre de la Gaîté un succès brillant. Nous reviendrons demain sur cette production qui mérite d'être distinguée de la foule des mélodrames que l’on joue aux Boulevards.

Courrier des spectacles, n° 3229 du 8 frimaire an 14 [29 novembre 1805], p.2-3 :

[Le nouveau mélodrame, au sujet curieux, est rapproché de la situation politique présente : ce Triomphe de David fait penser à celui « du Monarque Français », pour qui le mot triomphe s'écrit au pluriel. Le public s'est livré au petit jeu des allusions. Mais la réussite de la pièce tient aussi à ses qualités : caractères bien tracés, scènes enchaînées, style pur et élégant (c'est une qualité rare aux Boulevards). Jamais pièce consacrée à David n'avait atteint un tel niveau. L'intrigue résumée ensuite, c'est un fragment d'histoire sainte revu par l'auteur : elle se transforme en intrigue de mélodrame, avec amours, trahisons, intervention surnaturelle, combats. Et la fin est bien celle d'un mélodrame : consolé seulement par la harpe de David, Saül sait qu'il va mourir (Caigniez a choisi de ne pas le faire mourir sur scène, mais Abner le traître n'est plus là, et sa mort précède de quelques jours celle du Roi), et il accorde la main d'une de ses filles à David. En quelques lignes, le critique souligne tout ce que la pièce a de positif : « ce mélodrame est monté avec beaucoup de soin », deux actes très brillants, et le troisième offrant de l'intérêt, costumes et décors « pleins de fraîcheur », interprétation (« jouée avec ensemble »). La musique est en accord avec la pièce : « d’une facture large, pompeuse et analogue au sujet ». Les auteurs sont cités, paroles et musique. Ne manque que le chorégraphe.]

Théâtre de la Gaité.

Le Triomphe de David,

On ne pouvoit choisir, pour le triomphe du Roi d’Israél, un moment plus favorable que celui où les triomphes du Monarque Français électrisent toutes les ames ; aux chants qui célèbrent ses exploits s’unissent tout naturellement les cris de victoire qui accompagnent le char de David triomphant : aussi le succès de ce mélodrame a-t-il été complet. Chaque allusion a été suivie des plus nombreux applaudissemens ; cependant, si les circonstances ont puissamment servi la gloire de l’auteur, elles ne sont pas le seul titre qu’il ait à réclamer auprès des spectateurs. Dans tout autre tems, son ouvrage eût mérité de réussir ; il y règne un intérêt soutenu ; les caractères sont tracés avec habileté, les scènes adroitement liées entr’elles, et, ce qui est rare aux Boulevards, cette pièce est écrite avec pureté et élégance. Ce n’est pas la première fois que David poursuivi par Saül est le sujet d’une représentation théâtrale. Celle-ci est sans contredit la meilleure que nous ayons encore vue.

David a sauvé Saül des mains des Philistins ; une des filles du Roi doit être la récompense du vainqueur ; Merob et Michol soupirent également pour David : mais Saül séduit par 1es perfides conseils d’Abner, son général, entre dans un accès de fureur à la vue du guerrier, et même le fait arrêter. Jonathas son fils et ses deux filles facilitent sou évasion à la faveur de la nuit. David à peine sorti du camp, entend le projet formé par les ennemis de surprendre Saül. Alors ne consultant que son devoir et le danger de son roi, il rentre dans le camp, et va de suite informer Jonathas des desseins de l’ennemi ; celui ci fait part à son père de l’avis qu’il vient de recevoir. Saül alors regrette David son plus ferme appui; mais Abner lui rappelle que ce guerrier aspire à sa couronne, et qu’il a reçu du prophète Samuel l’onction sacrée. Le Roi retombe dans ses accès de fureur, et rencontrant David qui n’a pu fuir, il veut le perser [sic] de sa lance ; une puissance invisible retient son bras, il reconnoît la main de Dieu ; et apprenant ensuite que David est le même qui lui a sauvé la vie dans le combat, et qui, au péril de ses jours, est venu dévoiler les projets des Philistins, il lui promet de nouveau la main de sa fille s’il revient vainqueur, et lui abandonne le commandement de son armée. Abner est obligé de suivre le héros dans les combats. Les Philistins attaquent le camp ; une des tribus se défend avec peine. Saül seul dans sa tente est livré au plus sombre désespoir ; son délire augmente ; la terre semble trembler et s’entr’ouvnr sous ses pieds ; des nuages épais et une profonde obscurité l’environnent ; un tombeau frappe ses yeux égarés ; l’ombre de Samuel s’élève.

Le Roi tombe la face contre terre et entend cet arrêt sortir de la bouche du fantôme : « David doit régner sur Israël, Abner tombera sous les coups des Philistins, et Saül lui-même ne survivra que peu de jours à son général. » Epouvanté de cette sinistre prédiction, le Prince tombe sans connoissance. Bientôt Jonathas arrive annonçant le retour de David et la défaite des ennemis. Le héros entre triomphant. Le Roi paroît insensible. David prend sa harpe, dont les accords harmonieux tirent Saül de sa mélancolie. Il reconnoît ses enfans ; mais il ne voit point Abner, Abner dont la mort doit être dans quelque jours suivie de la sienne. Cependant il se résigne à la volonté du Seigneur ; il unit Michol à David. Merob, qui aimoit ce héros, fait le sacrifice généreux de son amour ; elle avoit promis sa main au Roi des Moabites, à condition qu'il sépareroit sa cause et ses troupes de celles des Philistins, et elle avoit préparé ainsi le triomphe du guerrier et de sa rivale. Ce mélodrame est monté avec beaucoup de soin. Le premier et le troisième actes sont très-brillants, le second offre de l'intérêt ; les costumer et les décorations sont pleins de fraîcheur, et 1a pièce- est en général jouée avec ensemble par MM. Marty, St.-Aubin, Rivière, Auguste, et par Mlles. Planté et Riyet.

La musique présente plusieurs morceaux d’une facture large, pompeuse et analogue au sujet ; elle est de M. Leblanc ; les paroles de M. Caigniez, auteur de plusieurs ouvrages estimés joués à ce théâtre et à celui de 1'Ambigu-Comique.

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