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Le Trompeur trompé (opéra-comique de Valville et Gaveaux)

Le Trompeur trompé, opéra-comique, de Bernard-Valville, musique de Gaveaux, 14 thermidor an 8 [2 août 1800].

Théâtre Feydeau.

Titre :

Trompeur trompé (le)

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

14 thermidor an 8 (2 août 1800)

Théâtre :

Théâtre Feydeau

Auteur(s) des paroles :

M. Bernard-Valville

Compositeur(s) :

M. Gaveaux

Le Trompeur trompé est donné dans l’Almanach des Muses de 1801 sous le titre du Tuteur trompé. Il y fait l’objet d’une présentation assez longue :

Pierre Simonin, négociant, obligé de partir pour les Indes, a laissé sa fille Agathe, encore au berceau, sous la tutèle de Jocard, procureur, qui, voyant sa pupille âgée de dix-huit ans et jolie, forme le projet de l'épouser. Mais le jeune Duval, élève de marine, et neveu de l'armateur Beaupré, est aimé d'Agathe, et est entré, à l'insu de son oncle, en qualité de premier clerc chez Jocard. Dans l'absence de ce dernier, arrive chez lui un marin, lequel reconnaît sa fille sous les traits d'Agathe : c'est Pierre Simonin. Il contient sa joie, se dit voyageur domicilié à l'île de France. Agathe sait que c'est là que réside son père ; elle apprend qu'il vit, que même il vient d'arriver à Paris. Elle se confie au prétendu voyageur, lui avoue son amour pour Duval, et le prie de s'intéresser à elle. Bientôt Simonin instruit Jocard du sujet qui l'amène. Une tartane1 lui a été confiée, et doit lui appartenir après un terme fixé, s'il prouve la mort du propriétaire. Jocard, qui ne connaît pas Simonin, lui répond de la tartane s'il veut passer pour le père d'Agathe et faciliter son mariage. Simonin consent. On amène des notaires ; mais Jocard est bien étonné d'entendre Simonin dicter le nom de Duval comme devant être uni à celui d'Agathe. Il voudrait protester contre les qualités que Simonin a prises ; celui-ci justifie de son acte de tutèle, et Jocard déchu de son espoir est réduit au silence.

Des ressemblances avec d'autres pièces connues. Des scènes très-gaies. Une musique fort agréable. Du succès.

Sur la page de titre de la partition, à Paris, A la Nouveauté, :

Le Trompeur trompé, Opéra comique en un acte et en prose, Paroles de F. Bernard-Valville Dédié à Mlle Fanny Lancel Par P. Gaveaux, Auteur de a Musique. Représenté pour la première fois au Théâtre Feydeau le 14 Thermidor an 8. (Ou le 2 Août l’An 1800 Vieux stile.)

Courrier des spectacles, n° 1247 du 16 thermidor an 8 [4 août 1800], p. 2 :

[Succès brillant pour trois causes : « l’intérêt de la pièce elle-même, le jeu parfait des acteurs , et la musique », soit l’intrigue, les interprètes, le compositeur. Personne n’a à se plaindre du critique. L’intrigue est un imbroglio assez compliqué, non dénué de poncifs de ce genre de pièces, avec une belle jonglerie sur l’identité du personnage de Pierre Simonin, invité à se faire passer pour lui-même et qui a du mal à faire reconnaître son identité à celui qui l’a poussé à emprunter une identité autre que la sienne. Tout finit bien sûr par le mariage attendu. Les interprètes sont à la hauteur de la pièce : tous ont été excellents. Quant à la musique, dont le critique se réjouit qu’elle soit « exempte de fracas » (une idée qu’on rencontre souvent), elle offre « plusieurs jolis airs » très bien servis par l’actrice principale. Par contre, le critique éprouve le curieux besoin de s’étonner des éloges que le texte décerne, non pas aux acteurs, mais aux personnages qu’ils jouent (en faisant, semble-t-il un lapsus : « auteurs » au lieu d’« acteurs »). Un critique moderne ne ferait pas cette confusion (du moins je le souhaite). Il ne reste plus qu’à nommer les auteurs, demandés et venus recueillir leur récompense en applaudissements nourris.]

Théâtre Feydeau.

Trois choses ont contribué au succès brillant qu’obtint hier à ce théâtre le Trompeur trompé, opéra en un acte : l’intérêt de la pièce elle-même, le jeu parfait des acteurs , et la musique.

Pierre Simonin, négociant, parti depuis dix-huit ans pour les Indes, a laissé Agathe sa fille, encore au berceau, sous la tutelle de Monsieur Jocard, procureur, qui voyant croître et embellir sa pupille, cherche à l’épouser. Mais un jeune homme, nommé Duval, neveu de Beaupré, armateur, et élève de marine, a sçu gagner le cœur d’Agathe, et il s’est fait recevoir à l’insçu de son oncle, premier clerc , chez M. Jocard.

Tandis que ce dernier court la ville pour presser son mariage, arrive dans son étude un marin qui reconnoît bientôt sa fille sous les traits d’Agathe. Ce marin, c’est Pierre Simonin lui-même. Il sait contenir sa joie à la vue de sa fille, et se dit voyageur domicilié à l’Isle-de-France ; c’est précisément le lieu où réside son père. Elle apprend qu’il est vivant, et qui plus est, qu’il vient d’arriver à bon port, mais que des affaires pressantes le retiennent en ville. Agathe avoue ingénuement à ce voyageur l’amour qu’elle a conçu pour Duval ; et elle conjure Simonin de s’intéresser pour lui.

Simonin connoît déjà Duval ; l’inclination de sa fille lui plaît : mais il sait que M. Jocard prétend aussi à la main d’Agathe. Au retour de ce dernier en son étude, il lui déclare l’affaire qui l’amène : une tartanne lui a été confiée sous condition qu’après nn certain laps de tems, il en seroit possesseur, en justifiant néanmoins de la mort du véritable propriétaire. Cette affaire fait ouvrir les yeux à Jocard. Il ne peut épouser Agathe qu'en justifiant aussi de la mort de Pierre Simonin. Dans cet embarras, il lui vient l’idée de faire jouer à Pierre Simonin lui-même, qu’il ne connoît pas, le rôle de père d’Agathe. Jocard lui répond de la tartanne s’il veut faire le père. Pierre Simonin s’en acquitte à merveille. Jocard trompé, applaudit : il court chercher le notaire ; Beaupré et Duval en amènent un de leur côté, et Jocard est tout étonné de voir que Pierre Simonin, en qualité de père, donne Agathe à Duval. En vain il prétend que c’est un père de sa façon, qu’Agathe n’est pas sa fille ; les preuves sont contre lui, et il renonce à regret à ses projets de mariage.

Les citoyens Juliet dans le rôle de Jocard, Rézicourt dans celui de Pierre Simonin, sont au-dessus de tout éloge ; le citoyen Fay a chanté avec goût et fait preuve d’intelligence ; le citoyen Georget a été applaudi dans le rôle de Beaupré. Mademoiselle Lesage a rempli le rôle d’Agathe avec une intelligence rare. C’est sans contredit un de ses rôles les plus agréables.

La musique exempte de fracas, offre un chant pur, mélodieux ; on y distingue plusieurs jolis airs au charme desquels ajoute encore le goût et le jeu de Mademoiselle Lesage. On prodigue peut-être trop dans cette pièce les complimens .aux auteurs [sic ?]. Par exemple la phrase « Vous feriez un bon comédien » adressée par Juliet à Rézicourt n’a pas autant flatté que celle où celui-ci avoue que quelquefois il joue la comédie. Nous sommes les premiers à applaudir au talent du cit. Rézicourt et nous n’hésitons pas à le placer au premier rang de nos acteurs lyriques, sur-tout pour la vérité de son jeu : mais le premier éloge suffisait.

Les auteurs ont été généralement demandés, et le citoyen Fay est venu nommer pour les paroles, le citoyen Bernard-Valville, auteur de Marcelin, et pour la musique, le cit. Gaveaux. Tous deux amenés sur le théâtre, ont recueilli le tribut d’applaudissemens que mérite leur jolie production.

F. J. B. P. G***.          

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome II, p. 422 :

[Compte rendu très positif : jeu des acteurs, musique, seules les paroles n’ont pas droit à un adjectif louangeur. Pourtant, c’est une pièce « à tuteur et pupille », qui accumule allègrement les poncifs (le père revenant d’Inde, le tuteur qui veut épouser sa pupille, laquelle aime un subordonné de son entreprenant tuteur...). Le dénouement complique simplement le schéma attendu en suscitant un faux Simonin, qui est pourtant bien le vrai.]

Théâtre Feydeau.

Ce théâtre, fermé depuis quelque temps, vient enfin d'être ouvert: on y voit reparaître avec plaisir des acteurs aimés du public, Juliet, Lesage, Rézicourt, Georget ; mesdames Scio, Lesage, Rolando, etc.

Le Trompeur trompé.

Cette pièce, jouée le 15 thermidor an 8, a eu du succès.

Pierre Simonin, en partant pour les Indes, a laissé Agathe sa fille sous la tutèle de M. Jocard, procureur. Celui-ci veut l'épouser, mais elle lui préfère Duval, jeune clerc de Jocard. Simonin revient de son voyage, et sans se faire connoître il vient chez Jocard, et le consulte sur une affaire supposée, dans laquelle il faudroit justifier de la mort de Simonin. Jocard qui revient toujours à son projet, propose à l'étranger de passer plutôt pour Simonin lui-même. Simonin y consent; mais au lieu de donner à Jocard la main d'Agathe, il la donne à Duval. En vain Jocard proteste que c'est un faux Simonin ; tout se réunit contre lui, et il est contraint de renoncer à ses projets. La pièce a été parfaitement jouée ; la musique chantante et mélodieuse fait honneur au C. Gaveaux ; les paroles sont du C. Bernard Valville.

La Décade philosophique, littéraire et politique, huitième année de la République, IVe trimestre, n° 33, 30 Thermidor, p. 363-364 :

[C’est sous le titre du Tuteur trompé que la Décade philosophique rend compte du Trompeur trompé. Ce compte rendu manque d’ailleurs singulièrement d’enthousiasme. La pièce nouvelle, qui a eu beaucoup de succès, ne le méritait pas : à quoi bon refaire ce que d’autres ont fait bien mieux ? Seule la musique est bien jugée.]

Théatre Feydeau.

Le Tuteur Trompé, comédie en un acte ; paroles du C. Bernard-Valville, et musique du C. Gaveaux, représentée le 14 thermidor.

Cette pièce a reçu beaucoup d'applaudissemens et tous les journaux quotidiens en ont fait l'éloge. Elle ne présente cependant rien de neuf ; le fond, les personnages, les caractères, tout en est usé jusqu'au dégoût. Qu'y a-t-il, en effet, de plus commun et de plus trivial au théâtre qu'un vieux fripon de procureur ? qu'une jeune fille sous la tyrannie d'un tuteur jaloux, qui veut s'approprier sa personne et son bien, en l'enlevant au jeune amant qu'elle aime ? qu'un père qui revient des Indes après dix-huit ans d'absence, et qui arrive juste à point nommé pour confondre le tuteur avare ? On trouve cependant quelque talent dans cette comédie, mais il est probable que le succès n'en sera qu'éphémère. Pourquoi placer sur la scène un procureur de l'autre siècle, quand, heureusement pour le siècle présent, il n'existe plus de procureur ? Certes, celui du C. Valville est beaucoup moins plaisant, et n'est pas aussi vrai que Jérôme Pointu. Sous le rapport de l'abus qu'il fait de sa puissance, il est bien au-dessous de cet autre procureur, tuteur aussi, de l'Intrigue Epistolaire. Croit-on que si Fabre-d'Eglantine vivait aujourd'hui, il s'amusât à recopier les tableaux faits et refaits autrefois sur le théâtre des mœurs et des professions du tems passé ? et qu'il n'emploierait pas sa verve comique à nous peindre les hommes d'aujourd'hui ? Comment a-t-on osé d'ailleurs, après l'Intrigue Epistolaire, essayer de mettre un Tuteur trompé sur la scène ? Celui de d'Eglantine n'a-t-il pas plongé dans l'oubli tous les Tuteurs dupés de nos modernes comiques ?

La musique du C. Gaveaux a été fort goûtée. On l'a surtout beaucoup louée de ce qu'elle est exempte de fracas. Cet éloge mérité semble faire indirectement la satire de nos bruyans compositeurs actuels.

1 La tartane est, d'après le TLFI, un « petit bâtiment de pêche et de cabotage à voile latine, en usage autrefois sur les côtes méditerranéennes, à bords hauts, à l'arrière élancé, possédant un grand mât [...] et plusieurs voiles ».

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