Les Trois noms, ou C'est le même, comédie en trois actes et en prose, par M. Edmond Isoard (ou Isouard), 5 mars [1806].
Théâtre de l'Impératrice.
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Titre :
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Trois Noms (les), ou C’est le même
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Genre :
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comédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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5 mars 1806
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Edmond Isoard ou Isouard
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Almanach des Muses 1807.
Ouvrage d'un enfant de treize ans que le parterre a renvoyé à l'école.
Journal de Paris, n° 65 du 6 mars 1806, p. 486 :
[Un jugement légèrement condescendant d'une production d'un enfant de treize ans et demi, qu'on renvoie à ses études élémentaires, avant de dire tout ce qui manque à sa pièce, et de rappeler les conditions très contestables qui ont conduit à ce que son nom soit prononcé, comme s'il falait éviter une chute pourtant manifeste.
Le bonhomme Rondon est un personnage de la comédie de Voltaire, l'Enfant prodigue.]
Théatre de l'Impératrice.
La comédie intitulée : les Trois Noms, ou C'est le Même, représentée hier pour la première fois à ce théâtre, n'a point réussi. Il faut en féliciter l'auteur, enfant de treize ans & demi, que ce mauvais succès doit détourner d'une carrière pour laquelle il ne paroît pas né. Il jugera sans doute plus convenable de retourner à son école, pour y repasser son rudiment, ou apprendre les quatre premières règles de l'arithmétique, que d'aller grossir, à son âge, la troupe des auteurs sifflés.
Adolescent qui s'érige en Caton,
Est à mon sens un animal bernable,
dit le bon homme Rondon dans l'Enfant prodigue ; c'est une vérité sentie par tout le monde, & qui n'a pas médiocrement contribué à la chute de la pièce nouvelle. Cette pièce n'est, au surplus, qu'un canevas assez commun sur lequel notre petit auteur n'a cousu que des scènes plus communes encore. Pas un trait piquant, peu ou point de gaieté ; on n'y trouve pas même un de ces bons défauts qui, tout en prouvant l'inexpérience d'un débutant, annoncent au moins de l'imagination & un esprit original, & donnent par là quelque espérance.
Le petit auteur ayant été demandé à grands cris par cinq ou six personnes résolues, que les sifflets n'intimidoient nullement, il a bien fallu, bon gré, mal gré, entendre nommer M. Edmond Isoard.
Nous donnerons l'extrait de la pièce dans un des prochains N.os, si toutefois elle a une seconde représentation.
Il semblerait qu'il n'y ait pas eu de seconde représentation, ni donc d'extrait de la pièce, au moins jusqu'au 30 avril...
Courrier des spectacles, n° 3319 du 6 mars 1806, p. 2-3 :
[L’auteur de la pièce qui a échoué est un enfant de treize ans, ce qui suffit à en expliquer les multiples insuffisances : un enfant ne peut avoir l’expérience et la réflexion durement acquise d’un adulte. Et le critique s’interroge sur l’opportunité de mettre au théâtre ces travaux d’enfant, qu’il vaudrait mieux renfermer « dans le secret de la famille », dans l’intérêt même de l’enfant. S’il n’est pas exclu de voir des enfants réussir au théâtre, ce n’est pas le cas ici : « il n’y a rien de neuf, ni dans le plan, ni dans les détails, ni dans les caractères, ni dans les pensées. Le style est inanimé et sans couleur. » Le résumé de l’intrigue fait ensuite montre une histoire sans originalité d’une jeune fille confiée à un tuteur qui tombe amoureux d’elle. Son amant réussit après bien des aléas à retrouver sa bien aimée et c’est lui que la reine choisit comme époux de sa protégée, plutôt que le tuteur. « Toute cette intrigue est délayée dans une longue suite de scènes malheureusement dépourvues de vraisemblance et d’intérêt », et le public a sifflé, ce qui n’a pas empêché que l’auteur soit demandé, et nommé »?]
Théâtre de l’Impératrice.
Les Trois Noms , ou C'est le même.
Tout le monde sait que cette pièce est l’ouvrage d"un enfant de treize ans II ne faudroit donc pas s’étonner si l’on n’y trouvoit qu’un roman mis en dialogue. C’est tout ce que l’on peut attendre d’un auteur de son âge, dont le tems, l’expérience et l’observation n’ont pu mûrir les idées et former le jugement. I1 seroit même très-fâcheux qu’un enfant en sçût davantage. Ses talens prématurés déposeroient contre ses parens et contre son cœur. Il n’est donné qu’à l’homme qui a vécu longtems dans la société d’en remarquer et d’en peindre les vices ; et c’est un avantage qu’il acheté chèrement. Quels instituteurs voudroient le procurer à leurs élèves au même prix ? Mais il arrive souvent qu’un enfant d’un esprit actif et fécond s’échauffe à la lecture où à la représentation de quelques événemens extraordinaires, et qu’il se sera pressé du désir d’imiter ou de créer.
Sans vouloir ici décider ce que doit faire un sage instituteur, il me semble que l’on ne pourroit point nous accuser d’une trop grande sévérité, si nous disions que ces premiers essais devroient au moins être renfermés dans le secret de la famille ; que le respect même que l’on doit à l'enfance exige ce ménagement, et que c’est y manquer que de l’exposer trop tôt aux regards du public ? car, soit qu’il réussisse, soit qu’il échoue, quel bien peut-on se promettre de cette imprudente tentative ? S’il obtient des succès, ne s’enflammera t-il pas d’une nouvelle ardeur, et ne doit-on pas craindre qu’il ne néglige des soins bien autrement importans, pour se livrer tout entier aux conseils de son amour-propre et à l’intempérance de son imagination ? et s’il tombe, quelle douleur d’être si tôt l’objet de la dérision publique ? Mais on est naturellement disposé à caresser les talens naissans, à accueillir leurs premières productions, comme on aime les premières fleurs qui naissent au printems. Il faut bien de l’indulgence pour la foiblesse d’un cœur paternel. Il est si doux d’applaudir aux triomphes de ses enfans !
Latonæ tacitum pertentant grandia pectus.
Malheureusement le père du jeune auteur n’a pas eu cette satisfaction. Si quelque chose peut intéresser dans les essais d’un jeune débutant, c’est la fécondité des idées, et quelque germe d’originalité dans les conceptions; le désordre même peut devenir dans ce cas l’indice du talent. Mais il n’y a rien de neuf, ni dans le plan, ni dans les détails, ni dans les caractères, ni dans les pensées. Le style est inanimé et sans couleur.
Un jeune homme nommé Clairval est amoureux de Julie, dont le père vient d’être nommé à l’ambassade d’Espagne. Julie accompagne son père, et plaît à la Reine, qui la nomme fille d’honneur. L’ambassadeur meurt, et la Reine obligée de faire un long voyage, confie Julie à Don Pèdre, vieux seigneur Castillan, qui devient à son tour amoureux de sa pupille. Clairval instruit de ces événemens, se rend en Espagne sous le nom de Don Juan, à dessein d’enlever Julie et de la ramener en France, chez une de ses parentes. Il fait une chute en route ; on le transporte par hazard dans un des châteaux de Don Pèdre ; il y trouve Dona Bianca, sœur de ce Castillan, vieille fille de quarante ans, qui devient amoureuse de lui. Il feint de répondre à cet amour, et parvient à entrer dans le château où Don Pèdre garde Julie, en prenant le nom de Valerio et le déguisement d’un jardinier.
Julie et Dona Bianca le reconnoissent ; on se donne des rendez-vous. Les valets se mettent de la partie. Don Pèdre sollicite de la Reine la permission d’épouser Julie. La Reine, au lieu d’y consentir, déclare que Julie ne peut épouser que Clairval. L’heureux amant se fait reconnoître, et Don Pèdre est éconduit.
Toute cette intrigue est délayée dans une longue suite de scènes malheureusement dépourvues de vraisemblance et d’intérêt. L’ennui a gagne l’auditoire, et les sifflets ont terminé la représentation.
Après de longs débats, on est venu donner le nom de l’auteur, qui s’appelle Edmond Isouard.
La Revue philosophique, littéraire et politique, an 1806, Ier trimestre, n° 8 du 11 mars 1806, p. 506 :
[Article repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, tome IV, avril 1806, p. 291-292.
Une sorte d’exécution de la pièce d’un tout jeune homme dont rien n’est bon, ni le nœud, ni les situations, ni les caractères, ni le style. L’âge de l’auteur est présenté comme l’explication de ce ratage, et le critique s’étonne qu’on ait accepté de jouer une pièce si peu aboutie. Le critique en vient même à douter qu’elle soit bien de celui qu’on donne pour l’auteur, et il fait porter la responsabilité de ce fiasco le « gouverneur mal-adroit » qui a accepté qu’on joue cette pièce.]
Théâtre de l'Impératrice , rue de Louvois.
Les Trois Noms, ou C'est le même, en trois actes, en prose.
Un imbroglio espagnol, dont le nœud n'est ni conçu, ni développé, dont les situations n'offrent rien de piquant, dont les caractères n'ont aucune physionomie, dont le style est traînant et sans, couleur, avait justement indisposé le public, et cependant-une sorte d'indulgence perçait à travers le mécontentement général. Le mot de l'énigme s'est enfin expliqué. Aux cris redoublés de ceux qui s'acharnaient à demander l'auteur, on est venu annoncer que la pièce était de M. Isoard, âgé de treize ans et demi. Cet âge si tendre, échappant à peine à l'enfance, est assurément bien digne de quelques égards et peut avoir droit à des ménagemens ; mais comment les confidens intimes du jeune auteur, comment ses instituteurs surveillans n'ont-ils pas été les premiers à lui faite sentir, sans décourager ses dispositions, que l'envie de paraître trop tôt en public est l'écueil du vrai talent ? Comment le jury d'examen a-t-il pu recevoir l'ouvrage et en permettre la représentation ? On lui ferme peut-être pour jamais, par cette imprudence, une carrière dans laquelle avec de l'étude, de la persévérance et des conseils, il aurait pu se signaler un jour ; car enfin, il faut le dire, si réellement l'ouvrage est de lui, ce qui, malgré son extrême médiocrité, paraît encore difficile â croire, ce jeune écolier annonce des dispositions au style de la comédie. Quel est ici le plus indiscret ou du jeune étourdi qui prend à treize ans et demi l'essai de ses aîles débiles pour un véritable essor, ou du gouverneur mal-adroit qui l'expose dès son premier pas à l'humiliation d'une chûte ? C'est contre celui-ci que se sont dirigés les sifflets, et c'est lui seul qui les mérite. L. C.
Archives littéraires de l'Europe, suivis d’une Gazette littéraire universelle, tome neuvième (1806), Gazette littéraire, mars 1806, p. liv :
[La jeunesse aurait pu excuser l’auteur, si la pièce n’avait pas été si mauvaise. La leçon ? Il faut se méfier de ses amis !]
Théâtre Louvois.
Les Trois Noms ou C'est le même, comédie en trois actes, en prose.
Cette pièce n'avoit qu'un seul titre à l'indulgence du public ; elle est l'ouvrage d'un enfant de treize ans. Si elle n'eût été que médiocre, l'âge de l'auteur l'auroit sans doute sauvée des sifflets ; mais aucune considération ne pouvoit les retenir après trois actes d'invraisemblances ennuyeuses. Des amis indiscrets ont cependant obtenu avec assez de peine qu'on proclamât le nom du petit prodige ; nous ne le répéterons pas et nous croirons le mieux servir, car c'est le cas d'appliquer le mot de Tacite : Pessimum inimicorum genus , laudantes.
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