Les Trois rivaux, ou Chacun sa manière

Les Trois rivaux, ou Chacun sa manière, comédie en un acte et en vers, de Charles Maurice [Descombes], 2 janvier 1807.

Théâtre de l'Impératrice.

Le 2 janvier 1807, le n° 3613 du Courrier des spectacles annonce la première des Trois rivaux, ou Chacun sa manière, comédie nouvelle en un acte, en vers.

Titre :

Chacun sa manière, ou les Trois rivaux

Genre

comédie

Nombre d'actes :

 

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

30décembre 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Charles Maurice [Descombes]

Journal de l'Empire, 2 janvier 1807, p. 3-4 :

[Après avoir proposé des spéculations sur le titre, et avoir reconnu qu'elles étaient fausses, le critique donne ce qu'il croit la bonne explication : il s'agit, selon lui, de montrer que « chacun a son caractère », et il dresse la liste des trois rivaux (un militaire, un financier et un petit-maître, chacun clairement identifié), et présente la jeune veuve qui va devoir choisir entre eux, en organisant une épreuve destinée à éclairer son choix. Regret du critique : pourquoi recourir une fois de plus à ce procédé usé ? Le regret est d'autant plus vif que l'épreuve est, selon le critique « très-inutile », un seul des amants potentiels étant jugé sincère aux yeux de la veuve. Un militaire sincère, un financier orgueilleux, un petit-maître intéressé. La veuve tente cependant l'épreuve et annonce que son visage a été défiguré par la variole. Tous reculent, même le brave militaire, mais le critique indique bien que c'est pour permettre à la pièce de durer un peu plus longtemps, et après l'hésitation du militaire, on a la reculade du financier, qui montre bien qu'il n'est plus si désireux d'épouser celle qui n'est plus présentable, et le petit-maître l'imite d'autant que la veuve est ruinée. Retour du militaire pour la reconnaissance finale. Il a réfléchi et veut épouser la veuve même défigurée. Mais elle soulève le voile qui masquait son visage défiguré, et elle « se montre dans tout l'éclat de ses charmes ». Le jugement que le critique formule ensuite est sans complaisance : si chacun peut faire des comédies « à sa manière », l'auteur a choisi ici « la moins bonne de tous ». Il faut plus que « quelques traits d'esprit, quelques éclairs de gaieté ». Et de formuler les hautes exigences de l'écriture de théâtre, « savoir penser, dessiner des caractères,, imaginer une intrigue, conduire une action » et encore « connoître les hommes et la société, et ne pas crayonner des chimères ». Mais le jeune auteur n'est pas condamné sans rémission  il a déjà produit une bonne pièce, il lui reste à acquérir connaissance de l'art et maturité, Il a su tracer quelques scènes « amusantes », les acteurs ont bien joué, sa pièce plaît aux femmes, elle devrait connaître « un certain nombre de représentations » (le critique ne prend pas trop de risques).

THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

Les Trois Rivaux, ou Chacun a sa manière.

La première partie du titre annonce qu'il est question d'amour : on seroit tenté de croire que la seconde, Chacun a sa manière, indique que chacun a sa manière de faire l'amour ; et cependant ce n'est point cela. Chacun a sa manière signifie que chacun a son caractère. Les trois rivaux sont : un jeune militaire doux. Sensible, honnête, qui ressent pour une jeune veuve un amour véritable ; un financier fastueux, qui ne considère dans cette veuve qu'une très-belle femme propre à satisfaire sa vanité ; un petit-maitre obéré, qui ne voit dans la même femme qu'un moyen de payer ses créanciers et de faire sa fortune. La veuve délicate veut éprouver ces trois rivaux : l'idée d'une pareille épreuve est déjà bien usée au théâtre. Après Legrand et Marivaux, je ne sais comment on ose encore servir au public les mêmes situations réchauffées et gâtées  :c'est une grande preuve de stérilité.

Mais pour comble de malheur, l'épreuve est ici très-inutile, et ne peut avoir lieu : on n'éprouve que ceux dont on peut douter. La veuve connoît la passion sincère du militaire, la vanité du financier, les vues intéressées du petit-maître. Que veut-elle donc éprouver ? Et qu'a-t-elle de mieux à faire que de récompenser celui qu'elle connoît pour un véritable amant, en lui donnant la main ? Cela n'empêche pas qu'elle n'ait la fantaisie de tenter l'épreuve ; et cette épreuve consiste à faire dire au retour d'un voyage, à ses trois amans qu'elle est horriblement défigurée par la petite-vérole : on leur montre un portrait qui lui ressemble à faire peur.

A cet aspect, le véritable amant recule lui-même : sommé de dire s'il aime encore, il demande du temps pour la réflexion ; mais ce n'est pas l'amant qui a besoin de temps, c'est le poète : si le jeune militaire prenoit son parti sur-le-champ, comme il le doit, la comédie finiroit là : l'auteur a besoin encore de quelques scènes pour les deux autres personnages. Le financier fait beaucoup de lazzis, mêlés de politesse et de répugnance ; mais le petit-maître, qui n'aime que les écus, se montre moins déconcerté du désastre de la figure, et paroît même déterminé à épouser, lorsque, pour l'achever, on lui persuade que la veuve n'en est pas quitte pour être laide, et qu'elle est encore ruinée : le petit-maître, qui avoit tenu bon contre la petite-vérole, ne tient pas contre la banqueroute.

Après que ces deux faux amans se sont démasqués, arrive l'amant véritable qui certes a eu tout le temps de délibérer ; il est bien résolu d'épouser sa veuve, quelque laide qu'elle puisse être :: magnanimité qui ne tarde pas à recevoir son salaire. La belle, qui jusqu'alors avoit parue voilée pour cacher sa prétendue difformité, lève soudain son voile et se montre dans tout l'éclat de ses charmes.

C'est une conception foible et fausse ; et si chacun a sa manière de faire une comédie, celle-ci est la moins bonne de toutes : quelques traits d'esprit, quelques éclairs de gaieté qui brillent dans le dialogue, ne suffisent pas ; il faut savoir penser, dessiner des caractères,, imaginer une intrigue, conduire une action ; il faut connoître les hommes et la societé, et ne pas crayonner des chimères. Le jeune auteur est le même qui a déjà donné à ce théâtre le Parleur éternel : il a de la facilité, tourne passablement un vers ; mais il ignore l'art, et n'a pas encore acquis la maturité de jugement nécessaire pour faire un bon ouvrage dramatique. Cependant cette bagatelle, telle qu'elle est, a des scènes amusantes, et le jeu des acteurs la fait valoir : elle plaît assez aux femmes ; et je ne doute qu'à ce titre elle n'ait un certain nombre de représentations.

Courrier des spectacles, n° 3614 du 3 janvier 1807, p. 4 :

Les trois Rivaux joués au Théâtre de l’Impératrice, ont obtenu un succès complet. Le cadre en est simple, mais il est rempli ingénieusement. Une jeune veuve a trois amans ; l’un est un merveilleux qui ne veut épouser une femme que pour se donner une maison ; l’autre un homme riche qui ne songe à se marier que par vanité, afin qu’on cite dans le public la beauté de sa femme ; le troisième est un jeune militaire plein d'ame et de sensibilité. La veuve, pour éprouver ses prétendus, feint successivement qu’elle a perdu sa fortune et sa beauté. Deux des amans se retirent, le jeune officier lui reste seul fidèle ; elle lui donne sa main. Cette pièce est en vers très-agréablement écrits ; les détails en sont agréables, et les traits d’esprit nombreux. Elle est de M. Maurice, auteur du Parleur éternel.

Elle a été jouée avec un grand talent par Mlle. Moliere, Picard aîné, Closel, Mlle. Delille et Firmin. Ce jeune acteur mérite une mention particulière. Son jeu est animé, sa diction juste, son maintien plein de décence et de grâce. Il paroît appelé à des succès distingués.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome I, p. 477 :

[Compte rendu fort rapide et peu explicite.]

THEATRE DE L’IMPERATRICE.

Chacun sa manière, ou les Trois Rivaux.

Petite comédie agréablement versifiée. C’est l’ouvrage d’un jeune auteur qui annonce des dispositions, M. Charles MAURICE.

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