Téniers, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, par MM. Joseph Pain et Bouilly. 26 vendémiaire an 9 [18 octobre 1800].
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Téniers |
Genre
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comédie mêlée de vaudevilles
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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26 vendémiaire an 9 (18 octobre 1800)
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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MM. Joseph Pain et Bouilly
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, au magasin de pièces de Théâtre, an IX :
Téniers, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles ; Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 26 vendémiaire an IX. Par J. N. Bouilly et Joseph Pain.
L’artiste a contre son talent
Les sots et les jaloux à craindre ;
Il faut que son siècle ignorant
Après lui courre pour l’atteindre.
Téniers, scène III.
La pièce est dédiée à madame Ageron, que Bouilly, dans Mes récapitulations, tome 2, p. 292, présente comme « cette mère adoptive de la femme » qui lui aurait fourni le sujet de certaines de ses pièces :
Souffrez que votre nom pare ce faible ouvrage,
Qu’au sein des loisirs les plus doux,
De l’amabilité faisant l’apprentissage,
Deux bons amis tracèrent près de vous.
Des juges séant au parterre,
Téniers obtint un favorable arrêt......
Eh ! pouvait-il ne pas leur plaire ?
Il avait pris votre secret !
Courrier des spectacles, n° 1324 du 27 vendémiaire an 9 [19 octobre 1800], p. 2-3 :
[Le critique choisit de présenter la pièce sous forme d’un petit dialogue qui permet de comparer la pièce nouvelle au vaudeville de Rembrandt, autre histoire de peintre qui se fait passer pour un autre. Pour que le public du vaudeville soit satisfait, les auteurs lui ont concocté une petite intrigue amoureuse et un nouveau prince arrivant incognito dans le village où Teniers est lui-même incognito. Le peintre reconnaît le prince, mais le prince ne reconnaît le peintre quand il fait montre de son talent. A la fin, tout le monde a reconnu tout le monde, et la jeune fille épouse celui qu’elle aime. Le jugement du critique est très positif : la pièce fait beaucoup rire, et tout a contribué au succès, la variété des situations, les tableaux, les groupes, la gaîté de l’un, la jalousie de l’autre. Les couplets pourraient être plus mordants, comme dans bien des pièces modernes, mais, loin d’être « des couplets vieillis en portefeuille », ils ont le mérite de tenir « parfaitement à l’action ». Auteurs et acteurs ont été nommés.]
Théâtre du Vaudeville.
« Que sonne-t-on au Vaudeville ? — Une pièce nouvelle. — Le titre ? — Téniers. — Quoi, ce peintre à qui l’on attribue le même trait qu’à Rembrandt ? — Précisément, le même. — Ah ! que voulez-vous voir ; les mêmes scènes que nous avons déjà vues au théâtre où se donne Rembrandt ? — Mais que sait-on ? cela sera peut-être autrement traité, et puis, d’ailleurs, il y a quelque différence dans les deux événemens. Rembrandt se fait passer pour mort, revient incognito chez lui mettre l’enchère sur ses propres tableaux. Voilà ce que l’histoire dit de l’un. L’autre se fait aussi passer pour mort, et retiré dans un village, en attendant que ses chefs-d’œuvres soient vendus, son talent le trahit et le fait reconnoître, etc., etc. Ainsi. . . . —Je ne m’y oppose plus, allons voir Teniers. »
On part, on arrive, on descend, on monte, on se place, la toile se lève :
« Teniers, après avoir répandu le bruit de sa mort, s’est retiré, sous le nom de Dominique, dans un village où madame Broc, femme d’un aubergiste, le considère et le nourrit : elle est sur le point de marier sa fille Anna ; mais monsieur et madame Broc ne sont pas d’accord sur le choix d’un gendre. Le barbouilleur de vernis plait à l’un, et Carle Ménestrier plait à la dame, et, qui plus est, à la demoiselle. »
« Carle a encore pour ami Teniers, et il sait gagner en partie les bonnes grâces de M. Broc, en lui amenant une noce entière, qui vient la faire à la nouvelle enseigne que Teniers a placé au-dessus de la porte de l’hôtellerie : au grand Léopold. L’archiduc de ce nom, égaré à la chasse, arrive dans le village sous le nom d’officier du prince. Il cache son rang et sa dignité, et demande quel est l’auteur de l’enseigne. L’hôtesse nomme Dominique. Léopold est curieux de le voir. Teniers, qui revient de terminer quelques affaires, pour faire obtenir à Carle la main d'Anna se présente devant l’officier prétendu, qu’il reconnoît pour être l’Archiduc lui-même. Loin de se nommer, Teniers conserve le plus rigoureux incognito ; mais il parle de son art avec un enthousiasme qui charme le prince, et celui-ci l’invite à venir à sa cour. Les paysans de la nôce forment une danse. Duvernis racle quelques contredanses, après lesquelles une violente dispute entre lui et son rival, fournit à Teniers les modèles d’un tahleau d’après nature. Soudain ses crayons tracent sur le papier cette scène grotesque. Le prince Léopold est derrière lui : Teniers enthousiasmé s'écrie : « O Teniers, quel moment ! etc. » Il voit le prince, s’apperçoit qu’il s’est trahi, et lui-même nommant Léopold le fait connoître à ces bons paysans. L’action finit par le mariage de Carie avec Anna. »
« Pendant tout cet acte on n’a pas cessé de rire. On revint on rioit encore. Les situations variées, les tableaux, lesgrouppes, la franche gaîté de Teniers, la basse jalousie de son rival, qui le prend pour un barbouilleur comme lui, tout a décidé le succès mérité de ce joli vaudeville.
Les couplets n’ont peut-être pas tout le sel, tout le mordant que l’on trouve dans plusieurs ouvrages modernes, et auquels [sic] souvent on sacrifie trop : mais ils sont soignés. Ce ne sont pas des couplets vieillis en portefeuille et encadrés tant bien que mal dans l’ouvrage, ils tiennent parfaistement à l’action.
Les auteurs vivement demandés sont les cit. Joseph Pain et Bouilly. Les cit. Duchaume, Carpentier, Julien et Chapelle, et mesd. Duchaume et J. Laporte, ont joué avec un ensemble parfait les differens rôles qui leur étoient confiés.»
Nous avons transcrit la conversation de deux amis ; nous avons transcrit leur rapport sur le succès de la pièce ; ils ont chanté ces deux couplets. . . nous les transcrivons presque sous la dictée. Lecteurs, pardonnez l’indiscrétion. . , c’est pour vous que notre plume la commet.
Madame Broc (parlant à Léopold du peintre Téniers) :
Air du Traité nul.
Il a voulu sur notre enseigne
Peindre un souverain bienfaisant ;
L’expérience nous l’enseigne,
Grands nous attirent le talent :
Parmi tous ceux que l’on renomme,
Dont le mérite est éprouvé,
Il a cherché le plus grand homme,
Dites, ne l'a-t-il pas trouvé ?
Teniers propose pour sujet d’un tableau, le moment où Léopold sauve des flammes une famille entière. Léopold répond :
Air : Au tems passé.
Amis, j’ai pu tous conserver la vie,
C’est moi qui suis le plus heureux ;
Au bienfaiteur on doit porter envie,
Il n’a plus à former de vœux :
Mais ambitieux que nous sommes,
Un trône sait nous captiver.
Ah ! s'il est beau de commander aux hommes,
Il est plus beau de les sauver !
F. J. B. P. G ***.
Mercure de France littéraire et politique, tome second, n° IX (1er Brumaire an 9) p. 208-209 :
[Compte rendu très positif : la pièce est pleine de qualités (« des scènes agréables, des couplets simples et faciles, et beaucoup de gaieté »), et ne croit pas devoir utiliser calembours et jeux de mots, que le critique du temps considère volontiers comme un terrible fléau. La décoration évoque la peinture de Téniers. Et la pièce est très bien jouée.]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
Teniers.
La première représentation de ce vaudeville, joué le 26 vendémiaire, a obtenu un grand succès.
Teniers, pour vendre plus cher ses tableaux, a fait courir le bruit de sa mort. Il fait un voyage en Flandres ; et, sous le nom de Dominique, il peint des enseignes, pour vivre, et des paysages, pour son plaisir.
L'archiduc Léopold, qui s'est égaré en chassant, voit un cabaret, demande à se rafraîchir et s'arrête pour jouir du spectacle d'une noce champêtre qui arrive. Dominique ne fait pas semblant de reconnaître Léopold ; et, dans une conversation, l'amène à parler de Teniers. Léopold témoigne le regret de ne l'avoir pas connu. Dominique se dit son ami particulier ; la confiance s'établit, et Léopold promet d'avoir, pour Dominique, les égards qu'il aurait dû avoir pour Teniers, dont il lui apprend qu'il a acheté fort cher tous les tableaux, à sa vente. La noce arrive, la danse va commencer ; une rixe survient entre la fille de l'aubergiste, que protège Dominique, et un barbouilleur, son rival.
Les groupes qui se forment enthousiasment Teniers ; il saisit un crayon, et trace une esquisse rapide, en s'écriant : Ah ! Teniers, voilà ton plus bel ouvrage. Léopold l'entend, et cette reconnaissance forme le dénouement.
Le tableau de la fin, qui est celui de la noce flamande, a fait le plus grand plaisir. Les costumes et les attitudes sont exacts, et en retracent fidèlement tous les détails :1a décoration même est imitée du tableau de Teniers. Cet ouvrage n'offre ni calembourgs, ni jeux de mots, mais des scènes agréables, des couplets simples et faciles, et beaucoup de gaieté. Le rôle du niais est le seul auquel on puisse reprocher de n'être pas très-bien tracé. Les rôles ont été parfaitement joués. Les CC. Charpentier et Duchaume, dans ceux du barbouilleur et de Teniers, ont mis du vrai comique. Le C. Julien a joué avec sensibilité le rôle de Léopold. On devait remarquer aussi M.me Duchaume, jouant une Flamande dont la caricature était d'une grande vérité.
Les auteurs sont les CC. Joseph Pain et Bouilli,
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome IV, p/ 126 :
[Parmi les qualités de la pièce, une qui revient à deux reprises ; la vérité, celle du tableau final, reproduisant un tableau de Téniers, et celle de la peinture par l’actrice de « la caricature d'une flamande ».]
Teniers.
Ce vaudeville anecdotique a été joué le 26 vendémiaire avec un grand succès. Le fond du sujet est le même que celui de Rembrandt, joué aux Troubadours, le 26 fructidor. Teniers, pour savoir si ses ouvrages se vendroient bien après sa mort, en fait courir le bruit, et se retire dans un village de Flandres, où il prend le nom de Dominique, et se donne pour un peintre, ami de Teniers. Léopold, que le hasard conduit dans ce village, y voit Temers, lui parle de ce grand peintre, sans le reconnoître, et lui apprend qu'il a acheté fort cher tous ses tableaux à sa vente. Une noce villageoise arrive, et interrompt leur conversation : une rixe s'élève ; Teniers saisit un crayon, et, emporté par l'enthousiasme, il s'écrie : Ah Teniers, voilà ton plus bel ouvrage ! Léopold l'entend, et l'emmène à la cour, en lui promettant de ne plus l'abandonner. L'amour d'un .jeune villageois, protégé par Teniers, et sa rivalité avec un barbouilleur, qui se donne pour un grand artiste, et qui a pris pour enseigne, Aux mille couleurs, jette beaucoup de gaieté dans la pièce. Le tableau de la fin, où tous les acteurs prennent la position des personnages de la noce flamande de Teniers, est d'une grande vérité, et a fait beaucoup de plaisir.
La pièce a été jouée avec beaucoup d'ensemble. Le C. Julien a mis, dans le rôle de Léopold, toute la dignité et la sensibilité qui lui convenoient. Les CC. Duchaume et Carpentier ont bien joué les rôles de Teniers et de Duvernis. M.me Duchaume avoit saisi la caricature d'une flamande avec beaucoup de vérité.
Les auteurs sont les CC. Joseph Pain et Bouilly. -
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1801, tome V, p. 284 :
Téniers, comédie en un acte et en prose mêlée de vaudevilles , représentée pour la première fois sur le théâtre du Vaudeville, le 26 vendémiaire an 9 ; par J. N. Bouilly et Joseph Pain. A Paris, au magazin des pièces de théâtre, rue des Prêtres-Saint-Germain-I'Auxerrois, n.° 44, en face de l'église. An 9. in-8.° de 55 pages. Prix 1 fr. 20 cent.
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