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Un seul violon pour tout le monde

Un seul violon pour tout le monde, divertissement en un acte mêlé de vaudevilles, de Chazet, Armand-Gouffé et Dupaty, 25 fructidor an 8 [12 septembre 1800].

Théâtre du Vaudeville.

Titre

Un seul violon pour tout le monde

Genre

divertissement

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose, avec couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

25 fructidor an 8 [12 septembre 1800]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Chazet, Armand Gouffé et Dupaty

Courrier des spectacles, n° 1288 du 26 fructidor an 8 [13 septembre 1800], p. 2-3 :

[La pièce tourne autour du calendrier républicain, qui ne fait manifestement toujours pas l’unanimité en 1800. Les auteurs du vaudeville s’emparent d’un sujet qui divise la société, confient la cause des deux calendriers à deux personnes qui ont chacun un enfant à marier, et n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la date, décadi ou dimanche. Un repas organisé en présence du maire, en même temps curé du village, et donc tenant aux deux calendriers, civique et religieux, ne permet pas de rapprocher les points de vue, jusqu’à ce qu’arrive la nouvelle du rétablissement de la liberté des cultes. Le curé maire en profite pour faire admettre aux deux parents qu’ils doivent consentir au mariage de leurs enfants, et le critique cite un couplet plaidant pour la tolérance religieuse, avant que l’ancien sonneur (lié donc à la paroisse) livre ses réflexions sur ce calendrier qui remplace les saints par des légumes, des outils et des animaux, et fait que le jour de sa fête sur le calendrier est désormais dédié au dindon, et non plus à saint Nicodème. Les auteurs ont été nommés, mais sans enthousiasme : la pièce est froide, elle comporte des longueurs, et les acteurs ne savaient pas leur rôle.]

Théâtre du Vaudeville.

Deux auteurs de charmans vaudevilles, partagés d’opinion, défendoient, l’un les institutions anciennes et le dimanche, l'autre les innovations et la décade. Tous deux la plume à la main faisoient valoir leurs raisons pour et contre ; aucun n’admettoit celles de son adversaire. Un tiers se mit de la partie. Connu, estimé des deux autres, on s’en rapporte à lui. Il réunit les raisons écrites de chaque côté ; il y joint les siennes, e . . . bref, de cette réunion est né un joli petit divertissement en un acte. Ils voulurent d’abord le nommer le Dimanche et la Décade ; mais comme ce titre rappeloit le sujet de la querelle, ils lui ont prudemment substitué celui d’Un seul violon pour tout le monde.

Madame Basin fait le dimanche, Robert la décade, leurs enfans l’amour. Ces derniers désespèrent de jamais être unis, à cause de l’entêtement de leurs parens. Le Maire du village, qui en est aussi le Curé, est invité un jour, qui est également dimanche et décade, à dîner chez l’aubergiste Grégoire, d’un côté par Robert et de l’autre par madame Bazin. Le Curé-Maire cherche à les rapprocher ; ses efforts sont inutiles. A table, on convient de ne point parler politique, et le premier mot de Robert est de boire à la décade. Agitation générale; le pauvre médiateur perd ses raisons. Une dépêche télégraphique annonce la liberté des cultes proclamée par le Gouvernement. Cette nouvelle produit le meilleur effet.

Le Curé Maire profite de cette occasion pour réunir Robert et madame Bazin, et les faire consentir au mariage de leurs enfans :

Air des Visitandines.

Que nul de vous jamais n’insulte
A l’homme guidé par son cœur ;
Laissons chacun suivre son culte.
Pour honorer le Créateur,
Pour rendre hommage a sa puissance,
Quelque soit le tems ou le lieu,
L'encens monte toujours vers Dieu
S’il est offert par l’innocence.

Ce couplet qui a été applaudi n’a cependant pas été redemandé ; le suivant, quoique plus foible, a eu cet honneur.

Bourdon, ancien sonneur de la paroisse :

Air : Je suis né natif de Ferrare.

Changeant nos anciennes coutumes,
De saints on a fait des légumes,
Des assassins et des rateaux,
Même jusqu'à des animaux.
Jugez donc ma surprise extrême,
Lorsque cherchant St Nicodême
Qu’on m'avoit donné pour patron,
Je trouve que je suis dindon.

Les auteurs ont été demandés, mais néanmoins sans enthousiasme ; ce sont les citoyens Dupaty, Chazet et Armand-Gouffé. Nous croyons pouvoir expliquer la cause de cette presqu’indifférence du public ; d’abord il y a un peu de froid dans la pièce en général ; on y remarque des longueurs, sur-tout dans la scène entre le Curé, madame Bazin et l’Aubergiste, mais la faute doit sur-tout être attribuée aux acteurs, qui ne possédant pas bien leurs rôles, ralentissoient la marche d’un ouvrage dont les traits pleins de gaîté exigeoient un débit rapide, et qui ne fût pas arrêté à chaque instant par le défaut de mémoire.

P. J. B. P. G ***          

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome III, p. 410 :

[La pièce paraît trop sérieuse, et sur un sujet trop sérieux, pour un théâtre comme le Vaudeville. Le dénouement, de plus, ne dénoue rien du tout.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Un seul violon pour tout le monde.

Le but de cette pièce est de ramener à la tolérance les partisans du Dimanche et ceux de la Décade. La première représentation en a été donnée le 25 fructidor an 8.

La matière étoit bien délicate à traiter, et les auteurs avoient à éviter les extrêmes ; voici leur sujet : la scène se passe dans un village, un jour où la Décade et le Dimanche se sont rencontrés ; M.lle Bazin, dévote, et Robert, partisan du nouveau calendrier, ont l'une une nièce, l'autre un fils, qui s'aiment beaucoup. La différence d'opinions qui divise les parens, empêche l'union des jeunes gens. Le respectable curé, qui est aussi maire de l'endroit, est invité, par les deux parties, à dîner chez Grégoire, cabaretier ; il n'y a qu'une seule table, il faut s'y mettre tous ensemble. Le bon pasteur cherche à les réunir : mais tous les habitans surviennent, et disputent ensemble parce qu'ils veulent danser séparément, pour célébrer chacun la fête, selon son opinion, et qu'il n'y a qu'un seul violon -pour tout le monde. Le dénouement est le décret qui ordonne la tolérance relativement à la célébration des jours de repos. Les auteurs auroient dû considérer que ce dénouement ne concilioit rien, et ne pouvoit raccommoder personne ; qu'au contraire, chacun doit être plus ferme dans son opinion, puisqu'elle est appuyée par l'autorité des lois. Les parens, qui ne veulent pas unir leurs enfans, à cause de la différence d'opinions, sont exactement copiés de ceux de J. J. Rousseau. La réconciliation est la même, ou plutôt elle ressemble, au premier aspect, à celle du Conciliateur, et ensuite à celle que fait maître Jacques, dans l’Avare, entre le père et le fils, qui d'abord se croient d'accord, et ensuite se disputent plus vivement. Les couplets sont la plupart bien faits et saillans ; on peut y trouver cependant des principes un peu dangereux, des idées trop hasardées, et d'autres trop grandes pour être resserrées dans le cadre étroit d'un vaudeville. Au reste, la pièce a eu un grand succès, et ne peut que faire honneur à l’espril des CC. Chazel, Armand-Gouffé et Dupaty. Mais les discussions philosophiques, je dirai presque théologiques, ne sont pas à leur place sur un théâtre, bien moins au Vaudeville, et encore moins dans une pièce intitulée Divertissement.                    T. D.

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