Une heure de caprice, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de Gersin et Année, 9 vendémiaire an 14 [1er octobre 1805].
Théâtre du Vaudeville.
-
Titre :
|
Une heure de caprice
|
Genre
|
comédie mêlée de vaudevilles
|
Nombre d'actes :
|
1
|
Vers / prose ?
|
en prose, avec des couplets en vers
|
Musique :
|
vaudevilles
|
Date de création :
|
9 vendémiaire an 14 [1er octobre 1805]
|
Théâtre :
|
Théâtre du Vaudeville
|
Auteur(s) des paroles :
|
Gersin et Année
|
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Masson, an XIV. – 1805 :
Une heure de caprice, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de MM. Gersin et Année, Représentée pour la première fois sur le Théâtre du Vaudeville, le 9 Vendémiaire an 14 (1 Octobre 1805).
Courrier des spectacles, n° 3174 du 11 vendémiaire an 14 [3 octobre 1805], p. 2 :
[La pièce nouvelle a vraiment réussi, non par une bande d’écoliers payés pour applaudir, mais par ses qualités (incidents, scènes, couplets, tout a contribué au succès). Il s’agit bien sûr d’une histoire de mariage : un jeune homme souhaite épouser une femme fantasque, son opposé parfait avec qui il est en procès. Il tente de s’adapter à ses goûts, mais elle en change sans cesse, et il arrive toujours à contre-temps. Pour gagner le cœur de sa belle, il choisit de se montrer généreux, en lui évitant de perdre sa fortune dans le procès qui les oppose. Pleine de reconnaissance, elle accepte de l’épouser. L’interprète principale a droit à un éloge très appuyé. Et l’auteur a été « vivement demandé ». Mais le critique ignore son coauteur.]
Théâtre du Vaudeville.
Une Heure de caprice.
On peut passer une demi-heure très-agréable avec cette heure de caprice. C’est un ouvrage composé avec beaucoup d’esprit et d’un fort bon ton, l’auteur a laissé de côté les pointes et les calembourgs, ressource trop ordinaire des auteurs ses confrères ; c’est sur des incidens calculés avec justesse, sur des scènes d’un effet piquant et sur des couplets fort bien tournés qu’il a fondé l’espoir de ses succès, et son attente n’a point été démentie. Il a été applaudi, non point par une faction turbulente de jeunes écoliers payés pour battre des mains, mais par tous ceux qui aiment le bon esprit et le bon goût.
Le sujet est en lui-même très-peu de chose : Adèle est une jeune veuve d’un caractère enjoué, mais fantasque et capricieux. Elle ne trouve le bonheur que dans les bals, aux spectacles, dans les cercles, et se lasse promptement des plaisirs qu’elle recherche le plus. Elle est en procès avec Linval, jeune homme d’un caractère tout opposé, qui n’aime que la retraite, l’étude et les arts. Un oncle d’Adèle charmé des heureuses qualités de Linval, persuadé d’ailleurs que sa nièce doit perdre son procès, lui propose de tout concilier en épousant Linval. Linval obtient la permission de se présenter : mais on le prévient que, s’il veut gagner le cœur d’Adèle, il doit éviter sur-tout de paraître sérieux, attaché à la solitude et aux goûts paisibles. Linval profite de l’avis, et se présente avec toute l’étourderie d’un petit maître. Malheureusement, comme les goûts d’Adèle sont très-variables, elle a depuis quelques instans changé de projets ; elle prétend renoncer aux bals, aux fêtes, et à toutes les dissipations, pour ne plus s'occuper que de cultiver son esprit par l’étude et la réflexion Jugez de quelle manière elle reçoit Linval : elle est tellement choquée de ses airs étourdis, de son ton léger, de ses propos frivoles, qu’elle le quitte brusquement. Linval, doublement déçu, forme le projet de venir abjurer ses torts, et professer de nouveau les principes qu’il a suivis.
En toute chose, le point capital est d’arriver à propos : Linval arrive encore trop tard ; l’étude et les livres ont causé à Adèle un ennui et un dégoût mortel ; elle les a jettés de côté, avec la ferme résolution de n’en plus ouvrir un de sa vie. Jugez encore comme Linval est accueilli, quand il vient témoigner ses regrets d’avoir employé des déguisemens si indignes de lui ; quand il parle de nouveau de son irrésistible penchant pour la vie solitaire, la campagne, les lettres, et une petite société d’amis sûrs et peu nombreux. Adèle rit de nouveau de la métamorphose, et l’assassine encore de plaisanteries. Linval sort déconcerté pour la seconde fois : mais, décidé à gagner le cœur d’une femme qui n’a d’autre défaut que la légèreté de son caractère, il en trouve bientôt le moyen. Tandis qu’Adèle s’amuse tantôt à faire de la philosophie, tantôt à courir les cercles, les juges. en s’occupant d’une autre cause, ont jugé par hasard la sienne, et la lui ont fait perdre. Linval en est instruit avant elle ; il se présente do nouveau, propose une transaction, et parvient à la faire accepter. Lorsqu’elle est signée, Adèle apprend que sa cause est perdue, et qu’elle doit à la générosité de Linval la conservation de sa fortune. Cet acte noble et délicat la pénètre de reconnoissance ; elle abjure tous ses travers et donne sa main à Linval.
Cette petite pièce est jouée avec un talent rare par Mad. Hervey. chargée du rôle d’Adèle. Il est difficile de rendre avec plus de. goût, de finesse et d'intelligence toutes les nuances d’un rôle très-varié et difficile. L’auteur a été vivement demandé, et nous avons déjà dit que l’ouvrage étoit de M Gersain.
L’Esprit des journaux français et étrangers, an XIV / 1805, tome II (brumaire an XIV, Octobre 1805), p. 285-286 :
[Le compte rendu commence de façon inhabituelle, par l’évocation du couplet d’annonce, pas du tout réussi, et la réaction paradoxale qu’il suscite. Signe de prudence des auteurs ? Peut-être, et c’est une bonne idée si c’est le cas, parce que « le fonds de leur ouvrage, n'est pas très fort », idée confirmée par le résumé de l’intrigue, une histoire de jeune veuve en procès avec celui qui veut la séduire, et qui parvient finalement par sa délicatesse à se faire épouser. Pièce jugée sans ambition, à l’intérêt faible, mais écrite avec goût et bon esprit, avec des couplets « bien tournés », elle a fait rire, en particulier quand on y caricature les juges. Mme Hervey est félicitée pour son « talent très-réel pour le bon genre de la comédie ». Le critique ne connaît qu’un auteur, Gersin.]
Une Heure de Caprice, première représentation.
Le couplet d'annonce n'avait pas favorablement disposé l'auditoire.
« Tant mieux , dit auprès de nous un habitué, ils s'attendent à une mauvaise pièce. »
Ce tant mieux n'était pas si bête, puisque le succès a été complet.
Si les auteurs avaient débuté par une antithèse ou un calembourg, c'est-à-dire, par tout ce que le Vaudeville moderne a de plus sublime, la pièce n'aurait peut être pas été achevée ; le moyen de ne pas décroître quand on le prend d'abord si haut ? Et le moyen d'être souffert dans le monde quand on décroît ?
Il était d'autant plus prudent à nos auteurs de ne pas s'annoncer avec éclat, que le fonds de leur ouvrage, n'est pas très fort.
Une jeune veuve, jolie, aimable, mais capricieuse, plaide pour affaires de famille, contre un jeune homme dont elle est aimée, Linval ; elle pourrait terminer l'affaire à l'amiable en épousant sa partie adverse ; mais il suffit que ce soit un moyen conseillé par la raison, pour qu'elle répugne à l'employer. Linval , à qui elle avait d'abord trouvé trop de philosophie et de tristesse, se présente chez elle habillé dans le dernier genre, et singe du mieux qu'il peut les manières de nos incroyables, espérant par cette apparence de changement, vaincre les préventions dont il est l'objet ; mais il a le malheur de jouer son jeu précisément à l'heure où le caprice de sa cruelle la dispose à des réflexions mélancoliques, de sorte que loin de lui plaire par son stratagême, il ne fait que l'affermir dans la résolution où elle est de ne pas l'épouser. Un quart-d'heure après, changement de batteries, il revient pour lui parler. morale, mais la girouette a encore tourné, sa morale est une nouvelle gaucherie. Heureusement que, sur ces entrefaites, le procès vient d'être jugé, et que Linval a gagné sa cause ; instruit de cet èvénement avant la veuve, il feint de ne l'avoir pas appris, et affectant des craintes sur l'issue de l'affaire, il demande un accommodement ; la veuve touchée de sa modestie, signe, au lieu de la transaction proposée, un bel et bon contrat de mariage. Quelqu'un vient alors annoncer qu'elle a perdu son procès avec dépens, et elle découvre, par ce moyen , toute la délicatesse de son mari.
Cette pièce n'est pas du genre ambitieux ; l'intérêt n'en est pas bien vif ; mais elle est écrite avec beaucoup de goût et de bon esprit, et les couplets en sont très agréablement tournés. On a beaucoup ri de la méprise des juges qui, suivant le rapport du valet, ont jugé la cause de Linval sans la connaître, et d'après les débats d'une autre. Le public a même fait répéter cette épigramme véritablement digne des Plaideurs.
Mme. Hervey, qui remplit le rôle de la Capricieuse, y développe un talent très-réel pour le bon genre de la comédie, son jeu est rempli de graces d'esprit et de vérité.
Les auteurs, ou plutôt l'auteur a été demandé, et l'on est venu nommer, M. Gersain.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 10e année, 1805, tome VI, p. 205-206 :
[Avec un tel sujet, le critique suggère qu’on peut faire bien plus, et bien mieux que la pièce de Gersain, sa capricieuse se montrant au total fort peu contrariante. Il faut peu de choses pour qu’elle revienne à de meilleurs sentiments : un procès perdu, qu’on lui fait croire gagné, et un mariage qui montre ce qu’on considère alors comme un acte de générosité du nouveau marié, un « généreux sacrifice » d’après le critique. Au total, une pièce qui témoigne de l’esprit de son auteur, mais qui a un double défaut très répandu au théâtre, « elle est et peu amusante ». Une interprète (féminine) remarquée.]
Une Heure de caprice.
II y auroit de quoi faire une comédie en cinq actes avec une heure des caprices d'une femme ; à peine cependant l'auteur a-t-il pu remplir un acte, semé de couplets. Les caprices de son héroïne se bornent à contrarier sa suivante, à vouloir lire et à rejeter ensuite tous les livres ; enfin, elle se décide à passer la journée seule pour réfléchir. Elle fait défendre sa porte : cependant son amant qui survient dans l'instant de cette boutade morale, est prévenu par la soubrette ; il joue le Caton, et sa maîtresse qui, sans l'avoir dit à personne, s'ennuie, déjà de la philosophie, le renvoie assez brusquement. Il change de batterie, s'habille en petit maître ; parle modes et spectacles : la dame a déjà changé de goût, et veut encore reconduire ; mais un trait de générosité vient finir cette bluette d'une manière sentimentale. La dame a perdu un procès considérable. Son amant lui fait croire qu'elle l'a gagné, hâte l'instant de leur union : elle apprend alors qu'elle a perdu une partie de sa fortune, et le généreux sacrifice du jeune homme reçoit sa récompense.
M. Gersain a beaucoup d'esprit ; sa pièce le prouve : mais elle est longue et peu amusante, c'est un grand défaut. Madame Hervey y a été généralement applaudie.
Ajouter un commentaire