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Une matinée de Frontin
Une matinée de Frontin, opéra comique en un acte, paroles de Leber, musique de Catruffo, 17 août 1815.
Théâtre de l'Opéra-Comique.
Le nom du librettiste est souvent écrit Lebert.
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Titre :
Une matinée de Frontin
Genre
opéra comique
Nombre d'actes :
1
Vers / prose
prose et vers
Musique :
oui
Date de création :
17 août 1815
Théâtre :
Théâtre de l’Opéra Comique
Auteur(s) des paroles :
Constant Leber
Compositeur(s) :
Giuseppe Catruffo
Almanach des Muses 1816.
Sujet original ; intrigue conduite avec adresse ; scènes amusantes ; quelques longueurs ; musique très-faible. Demi-succès.
Journal de l’Empire, 19 août 1815, p. 1-3 :
[Avant d’arriver à l’analyse d’une intrigue confuse et convenue, le critique éprouve le besoin de régler ses comptes avec les pièces qui se contentent de reprendre les éléments d’une pièce connue, de Molière par exemple : à quoi bon refaire Pourceaugnac, surtout en le refaisant mal, en enlevant ce qui est le meilleur pour le remplacer par de nouvelles invraisemblances ? Le plus surprenant, c’est qu’une telle pièce a pu réussir. Le critique arrive à l’analyse minutieuse de cette intrigue sans originalité. Il en souligne l’arbitraire, quand ce n’est pas l’invraisemblance. On retrouve un schéma tellement rebattu : une jeune fille qu’on veut marier à un niais provincial, et qui veut épouser un jeune officier, un domestique qu’on confond avec son homonyme, et qui réussit à tout arranger, les affaires de la jeune fille comme les siennes. Deux gros défauts pour cette pièce : l’imitation « trop servile », et l’invraisemblance, dont le critique nous donne une longue liste (qui contient des éléments qui peuvent nous étonner : les militaires, difficiles à duper ?). Les quelques mots plaisants de la pièce sont loin de suffire pour en faire une bonne comédie. D’autant plus que la musique n’est pas bonne : « la pâleur et la monotonie de la musique » de M. Catruffo, bon musicien par ailleurs, montrent son manque de sens du théâtre : sa musique n’est pas dramatique. Il faut dire que le même soir, on donnait une pièce tout-à-fait remarquable sur le plan musical, et la comparaison a été rude pour la production de M. Catruffo.]
OPERA-COMIQUE.
Première représentation d’Une Matinée de Frontin, opéra comique en un acte et en prose, paroles de M. Lebert, musique de M. Catruffo.
Le fond de cette petite pièce est le même que celui de Pourceaugnac : c’est pour la vingtième fois au moins que l’on ressuscite le pauvre gentilhomme limousin, en l’affublant d’un nom et d’un travestissement nouveau mais les. Beaufils les Deschalumeaux les Daubépine ne feront point oublier les héros des rives de la Vienne. Molière, dans ses moindres farces, est toujours Molière ; la raison, la vérité, la nature, s'y cachent sous le masque de la Folie : c'est la Philosophie en habit de carnaval ; le ridicule y est outré mais il ne porte jamais à faux : ses portraits sont chargés, mais rëconnoissables ; et si, pour amuser le peuple, il fait quelquefois grimacer ses figures, l'homme d'esprit devient peuple volontiers, et rit, sans en rougir, de quelques -bouffonneries un peu fortes qui servent de passe-port à de doctes et utiles leçons.
Qu'un auteur comique se jette aujourd'hui dans la farce, assurément je ne lui en ferai point un crime; La gaieté est devenue si rare, même au théâtre, qu'en ce genre l'excès est beaucoup moins à craindre que le défaut : mais que l'on croie atteindre ce but, joyeux en refaisant une pièce de Molière; que pour faire disparoître une ressemblance trop frappante, on retranche ce qu'il y a de meilleur dans l'original, pour y substituer des invraisemblances nouvelles, des situations forcées, et un style dépourvu de rapidité et de chaleur ; que l'on espère couvrir cette nullité d'invention par une musique à peu près aussi nulle que les paroles, et que néanmoins, de ce concours de moyens négatifs, il résulte une espèce de succès : voilà ce que les connoisseurs jugeroient naturellement incroyable, et ce qui vient d'être démontré possible par la réussite du nouvel opéra de MM. Lebert et Catruffo.
La scène se passe à Paris, au milieu et sous les lanternes du boulevard du Mont-Parnasse. La décoration est d'une grande vérité ; le point précis est le tournant de la route d'Orléans et l'angle formé par le boulevard avec la rue Notre-Dame-des-Champs. Vis-à-vis la Chaumière est une maison à balcon dont les habitans sont les personnages nécessaires à la comédie. Cette maison appartient à M. Després, bourgeois retiré des affaires, qui y vit avec une nièce et une soubrette nommée Mlle Marton. M. Després attend ce jour même M. Daubépine, l'un des notables de Vermanton, auquel, sans l'avoir jamais vu, il a promis la main dt: Lucile ; mais Lucile, comme c'est l'usage, s'est arrangée de son côté avec un jeune officier de dragons, et son amour est appuyé par son frère qui est capitaine dans la même corps que son amant. Martin est en sentinelle sur le balcon, où elle attend, pour lui remettre un billet de sa maîtresse le laquais du jeune Florville ; elle sait que ce laquais se nomme Frontin ; mais depuis deux jours, ce Frontin, porteur d'un nom si commun parmi ses confrères, a été renvoyé par son maître. Il est donc inutilement attendu par Marton.
Par un de ces hasards que les auteurs comiques tiennent dans leur main, paroît en ce moment sur le boulevard, un autre laquais qui se nomme aussi Frontin : celui-ci est fort embarrassé de sa personne. Il est depuis huit jours sur le pavé, sans un sou, sans crédit, n'ayant pas déjeuné, et s'amusant à prendre l'air à défaut d'une nourriture plus solide. Marton l'appelle par son nom ; étonné parce qu'il se croit connu, il répond ; Marton descend et le prenant pour le domestique de M. Florville, elle le met au courant des affaires de cœur de Lucile, lui confie sa lettre et l'intéresse au prompt succès de sa mission en lui donnant une bourse de cinq louis. Frontin promet exactitude et fidélité ; et bientôt, voyant paroître un officier de dragons, il suppose que c'est Florville et lui remet la lettre. L'erreur est grave ; l'officier est Valcour, frère de Lucile. Que signifie ce mystère ? Frontin lui persuade de ne point entrer dans la maison ; il y va, dit-il, de l'intérêt de Lucile. Ici, l'embarras de l'auteur est manifeste, et il s'est créé une difficulté dont il n'a pas su sortir. Comment un frère peut-il craindre de compromettre sa sœur en entrant chez elle ? Il se retire docilement pour aller lire la lettre à l'écart.
Après avoir donné quelqu'argent à Frontin en reconnoissance de son zèle, il revient bientôt et, ne comprenant rien au billet amoureux de Lucile, il veut savoir de Frontin le nom de l'amant auquel il étoit destiné. Au nom de Florville, Valcour enchanté se promet de servir avec chaleur les intérêts de son ami.
A Valcour, Frontin s'est donné pour le valet de M. Després ; à M. Després pour celui de Valcour ; à Lucile pour celui de Florville : chaque changement de maître, étayé de services, qu’il rend ou qu'il promet de rendre, lui vaut une gratification nouvelle. C'est ainsi qu'une matinée qui avoit commencé pour Frontin sous des auspices tristes et nébuleux, devient de momens en momens plus riante par les contributions que son industrie prélève sur ses nombreuses dupes.
Enfin arrive M. Daubépine. Il -tombe, au sortir de la diligence, sur le boulevard, et s'adresse, pour connoître la maison de M. Després, au moderne Sbrigani. Celui-ci, charmé d'avoir trouvé une nouvelle victime, plus facile à immoler que les premières, se. joue de sa crédulité, le met aux prises avec Valcour qui lui propose un duel ; dégoûte M. Despréz de son projet de mariage en lui faisant, comme Sbrigani à Oronte, la fausse confidence que Daubépine est père de trois pauvres petits enfans, et finit par remettre le sot provincial sur la route de Bourgogne, après lui avoir arraché quelques louis pour prix de ces bons et loyaux services.
Florville délivré de la présence de son rival, épouse Lucile et Frontin couronne sa matinée en entrant au service de Valcour.
Indépendamment du vice radical d'une imitation trop servile, cette comédie pèche par le défaut de vraisemblance dans presque tous ses détails. C'est une série de. situations bizarres dont l'ensemble trop resserré dans l'étendue d'un acte, forme un imbroglio très difficile à expliquer. Tous les personnages qui arrivent sur un même point pour se livrer à la discrétion d'un valet qu'aucun d'eux ne connoît ; ce valet, qui dupe successivement tout le monde, jusqu'à des militaires qui ne sont pas d'ordinaire gens à donner tête baissée dans des pièges à la Cassandre ; cette conformité du nom de Frontin sur laquelle est fondée toute l'intrigue; le lieu même de la scène si singulièrement choisi ; le boulevard au milieu duquel Marton vient pendant un quart-d'heure chanter une polonaise sans attrouper les passans :
tous ces incidens peu naturels donnent à l'ouvrage une couleur fausse et romanesque que ne compensent point quelques mots heureux et piquans que l'on applaudit avec justice, notamment les protestations de Frontin qui ne parle jamais plus audacieusement de son honneur qu'au moment où il y forfait avec le plus d'impudence.
Ce rôle est bien joué par Martin ; mais toute la flexibilité de son gosier n'a pu racheter la pâleur et la monotonie de la musique. Si M. Catruffo, à en juger par l’Aventurier et Félicie, ne manque ni de grâce ni de facilité, en revanche, l'impression dramatique lui échappe, ou peut-être lui est tout-à-fait inconnue. Du reste, j’étois, je dois l'avouer, dans des dispositions un peu sévères. On venoit de jouer Rose et Colas, chef-d’œuvre de naturel et de vérité, qu'on entend depuis cinquante ans, qu'on croit toujours entendre pour la première fois. Compositeurs (modernes, étudiez la manière de Monsigny : mais évitez son redoutable voisinage. C.
Rose et Colas est un opéra-comique de Sedaine, musique de Monsigny, créé en 1764 à l'Hôtel de Bourgogne et repris en 1801 à l'Opéra-Comique (Feydeau).
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 20e année, 1815, tome IV, p. 434-437 :
[Le compte rendu est bien long, mais c’est que l’analyse de l’intrigue est faite avec minutie, mais aussi avec sympathie : Frontin est un personnage traditionnel aux multiples talents pour tromper les autres, et c’est bien l’image qui est donnée de lui. La pièce est jugée aussi de façon positive : elle est « fort amusante », malgré le caractère répétitif de scènes qui ne peuvent que se ressembler. Elle vaut surtout par le poème (le livret), car la musique est peu originale, et il y a peu de morceaux marquants (seul un trio a droit d’être qualifié de « remarquable »). Martin est le seul interprète à être cité, mais de manière très positive. Et les auteurs ont été nommés, signe que la pièce a réussi.]
THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.
Une Matinée de Frontin, opéra comique en un acte et en prose, joué le 17 Août.
Frontin est depuis huit jours sans condition. Son estomac est vide, et il n'a pas le sou pour aller déjeûner : en attendant un sort plus heureux, il se promène sur le Boulevart du Mont-Parnasse, et passe en revue les causes qui l'ont privé de ses emplois. Tantôt il a commis une faute d'addition dans ses mémoires ; tantôt le vin qu'il avoit en garde a fait sauter les bouchons et brisé les bouteilles. C’est une fatalité.
Que va-t-il faire ? Le hasard le favorise : une jolie soubrette (Marton) l'appelle d'une maison voisine, et, le prenant pour le valet de Florville, l'amant de Lucile qu'elle sert, elle le charge d'une lettre de sa maîtresse, et elle y joint, de sa part, une bourse contenant quelques louis, en récompense de son zèle. Dans ce court entretien, il apprend que Lucile, nièce et pupille de M. Després, est destinée à un riche provincial, M. Daubépine, qui est en route pour Paris ; mais on l'instruit en même temps que Valcourt, frère de Lucile et ami de Florville, est tout disposé à favoriser les amans, et qu'il doit arriver de sa garnison pour rompre l'union projetée.
Effectivement, à peine Frontin a-t-il eu le temps de compter l'argent qui lui vient si à propos, que Valcourt se présente. Frontin, dont la perspicacité est en défaut, suppose que c'est l'amant aimé ; il l'aborde, lui remet la lettre de Lucile, et l'engage à se retirer pour ne point donner de soupçon, lui faisant observer avec intention, qu'il l'attend depuis le point du jour. Valcourt, sans exiger d'explication, craint d'agir contre les intérêts de sa sœur, et s'éloigne pour lire le billet ; mais, avant de sortir, il donne à Frontin une pièce d'or pour ses deux heures de faction, et il lui recommande d'être fidèle aux intérêts de Lucile ; Frontin reconnoît trop tard qu'il a fait un quiproquo.
En apercevant un autre officier, il ne doute point que ce ne soit Florville. A défaut de lettre, il lui en dit à peu près le contenu, qu'il tient de Marton ; il lui persuade d'écrire à Lucile, et trouve moyen de se faire payer à déjeûner. Il donne ensuite cette réponse à Lucile. Entendu par M. Després, il se voit obligé de se faire, passer pour le valet de Valcourt, qui, dit-il, est retenu en route, à quelques lieues de Paris, faute d'argent pour faire réparer sa voiture. Després lui donne une bourse, et voilà notre fourbe possesseur d'une nouvelle somme. C'est maintenant au tour de Daubépine, qui paye les flatteries de ce valet. Plus tard, pour s'excuser aux yeux de Valcourt de l'étourderie qu'il a faite, il lui dit que le billet étoit destiné pour Daubépine, et il excite une querelle entre eux, afin d'éloigner le provincial.
Jusques-là ses mensonges ont bien réussi; mais, lorsque tous les personnages sont rassemblés, il se trouve, malgré toute son adresse, dans le plus grand embarras. Lucile croit qu'il appartient à Florville; celui-ci ne doute point qu'il ne soit au service de Després ; Després est persuadé qu'il sert Valcourt. Il se trouve à la fin qu'au lieu d'être le valet de tout le monde, il n'est plus le valet de personne, et qu'aucun des personnages ne le connoît. Son dernier mensonge est d'affirmer qu'il est le domestique de Daubépine, sur le compte duquel il donne les renseignemens les plus défavorables, qui déterminent Després à marier Lucile à Florville. Lorsqu'il est parvenu à faire conclure cet hymen, il avoue sa nouvelle ruse ; non-seulement on la lui pardonne, mais il épouse Marton, et il entre au service de Florville, sous la promesse de renoncer à l'intrigue, et de devenir honnête homme.
Cette pièce, conduite avec assez d'esprit et d'adresse, est fort amusante mais la répétition rapprochée de scènes à peu près pareilles étoit un inconvénient attaché au sujet, et que l'auteur n'a pu éviter : ce défaut a nui à l'effet d'une partie de l'ouvrage, mais n'a pas empêché son succès, qui est dû beaucoup plus au poème qu'à la musique. La première scène, parfaitement chantée par Martin, a paru un peu longue, quoiqu'elle se termine par un duo agréable. Une polonaise, que chante Madame Boulanger, a été fort applaudie.
Le seul morceau vraiment remarquable d'une Matinée de Frontin est un trio exécuté par Martin, Darancour et Moreau ; mais le défaut principal de cette musique est de manquer d'originalité, malgré la prodigalité de ces agrémens affectés, qui semble caractériser la nouvelle école italienne.
Martin, qui avoit le rôle principal, a chanté à merveille, et a joué comme il l'a chanté.
Les auteurs ont été demandés et nommés : ce sont MM. Lebert et Catruffo.
Dans leur Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, p. 433, Nicole Wild et David Charlton disent que la pièce, créée le 17 août 1815, a connu cinq représentations.
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