Une matinée du jour, comédie en deux actes, en prose, d'Étienne et Gaugiran-Nanteuil, 29 floréal an 10 [19 mai 1802].
Théâtre Français, rue de Louvois
L'attribution de la pièce à madame de Bawr par Larousse n'est pas attestée ailleurs.
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Titre :
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Une matinée du jour
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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2, puis 1
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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29 floréal an 10 (19 mai 1802)
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Théâtre :
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Théâtre Français, rue de Louvois
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Auteur(s) des paroles :
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Etienne et Gaugiran-Nanteuil
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Almanach des Muses 1803
M. Déricourt a deux fils d'un premier mariage : Valville est sage et rangé ; Déricourt est un merveilleux, qui prétend réformer les mœurs et les habitudes de son oncle, arrivé de la veille à Paris. Cet oncle est un franc campagnard, qui trouve fort singulier qu'on déjeûne à une heure, qu'on dîne à soc, et qu'on se couche à trois. Il est sur-tout scandalisé des ridicules de Déricourt, à qui il destinait Henriette sa fille. Il voudrait rompre cet hymen, Henriette, qui aime Valville, en serait fort aise. Les deux pères sont à peu près d'accord sur ce nouveau projet d'hymen, lorsqu'un usurier vient demander le paiement d'un billet de soixante mille francs, souscrit par Valville. Celui-ci n'avait emprunté cette somme que pour obliger son frère. Le fait s'éclaircit, et Valville est lavé d'un soupçon qui le chagrinait beaucoup. Un nouvel incident jette l'alarme dans la famille. Valville se bat au bois de Vincennes avec un satirique, qui, dans ses vers, a attaqué madame Déricourt. Par bonheur, il a triomphé de son adversaire. Son oncle lui donne la main d'Henriette, et Déricourt se console de la perte de sa maîtresse, sur l'assurance que lui donne son père que ses dettes seront payées. Le jeune étourdi embrasse même un projet de réforme, et promet d'aller passer six mois à la campagne avec son oncle, pour oublier ses liaisons et se corriger de ses travers.
Très peu d'action ; des traits heureux ; l'auteur a resserré sa pièce en un acte, après la première représentation, qui avait été assez mal accueillie.
Courrier des spectacles, n° 1901 du 30 floréal an 10 [20 mai 1802], p. 2 :
[Un premier paragraphe nous fait partager les affres de l’auteur de théâtre : il lui faut convaincre un directeur de théâtre, mais cela semble facile (il suffit de donner le titre d'une de ses pièces), beaucoup plus facile que de convaincre le parterre, qui n’a pas été indulgent envers la pièce nouvelle. Le sujet est résumé : ce résumé tient en peu de lignes, une histoire de dette qui ruine les espoirs matrimoniaux d’un personnage, jusqu’à ce qu’on comprenne qu’il n’est pas endetté, mais qu’il a simplement voulu rendre service à son frère, et tout est arrangé. Deux défauts expliquent l’échec : d’abord elle est en deux actes, quand il y avait de quoi faire un acte ; on parle beaucoup pour ne rien dire ; et le dénouement se fait sans le retour du généreux et honnête prêteur. La pièce « annonce de l’esprit », « quelques traits […] ont été applaudis », mais ils sont noyés dans un flux de « conversations qui n’en finissent plus ». Rien sur l’auteur... (le Journal de Paris du lendemain dira qu'il ne s'est pas fait connaître)]
Théâtre Louvois.
Première Représentation d’Une Matinée du Jour.
Traitez en sujet léger, lisez-le dans les boudoirs, vous obtenez mille bravo ; votre ouvrage y paroit merveilleux, et à l’instant vous l’apportez au directeur. — Qui êtes-vous ? je n’ai pas l’honneur de vous connoître. — Je suis l’auteur de telle pièce. A l’instant ayez ou non le sens commun, vous êtes admis presque sur parole. Mais cette admission ne suffit pas, il faut encore l’aveu du parterre, et sa sanction est sur-tout bien difficile à obtenir. Hier il l'a refusée à la pièce nouvelle.
Un Négociant de province a envoyé à Paris chez son frère, sa fille Hortense, qu’il se propose de marier à d’Héricourt son neveu. D’Héricourt n’a pas sçu plaire à Hortense et Sainville son frère est l’amant préféré. Au moment où les deux pères vont se donner une promesse qui ne dérangera rien à leurs projets, un préteur sur gages se présente à eux ; cet homme vient demander le montant d'un billet souscrit par Sainville. D’Héricourt père et son frère sont anéantis. Comment ont-ils pu se tromper ainsi sur Sainville ? mais tout s'éclaircit. D’Héricourt n’avoit pas de ressources, Sainville n’a pas cru se compromettre en signant pour lui. Le billet est acquitté et la main d’Hortense est le prix qu'obtient le généreux Sainville. Tel est le fonds d’une pièce en deux actes représentée hier sur ce théâtre. Le premier acte est tout entier en conversations futiles, aussi l'auteur en a-t-il fait lui-même la critique dans cette phrase qui est à la fin : Est-ce qu'on y a parlé de quelques chose ? Quand [sic] au second, nous attendions pour le dénouement, le retour de cet honnête prêteur, nous le croyons utile. Point du tout, il ne reparoît plus, et le personnage est escamoté ; on ne peut nier néanmoins que cet ouvrage annonce de l'esprit: il y a quelques traits qui ont été applaudis, mais ils sont noyés dans des conversations qui n’en finissent plus, et qui répandent sur toute la pièce un froid qui nuit à son succès.
Journal de Paris, n° 241 du 1er prairial an 10, p. 1490-1491 :
[Il n’est pas si évident de reconnaître dans le compte rendu du Journal de Paris la pièce critiquée la veille par le Courrier des spectacles. Dans ce nouvel article, la pièce prend une dimension de critique sociale qu’ignore le Courrier des spectacles. Mais c’est pour dire que cette critique n’est pas pertinente : le caquetage et la curiosité que dénonce la pièce n’est pas parisienne, mais provinciale, la preuve étant trouvée dans la Petite ville de Picard. Sinon le critique du Journal de Paris trouve le titre « bisare » et met en doute l'originalité de la pièce, au sujet des plus banal (« l'opposition de nos mœurs parisiennes avec celles des ci-devant provinces ») : toute la drôlerie de la pièce viendrait de Collin d’Harleville. L’intrigue est simplement « tout à fait nulle », et la pièce ne vaut que par des détails que le public a apprécié, au point de presque lui éviter la chute.]
Théâtre de Louvois.
Ire Représentation d'une Matinée du Jour.
Cette pièce est en deux actes; & en un acte elle eût paru trop longue. Elle est intitulée : « une Matinée du Jour », & tout le dernier acte est censé avoir lieu dans l'intervalle de quatre à cinq heures du soir. – Qu'est-ce d'ailleurs que ce titre bisare ? le jour a-t-il plus d'une matinée, ou pourroit-on dire une matinée de la nuit ? L'auteur a donc fait des fautes jusques sur l'affiche : aussi, en la lisant, avons-nous assez mal auguré de l'ouvrage; il est certains pressentimens qui ne nous trompent presque jamais.
Le sujet est, sans contredit, le plus bannal du théâtre ; c'est l'opposition de nos mœurs parisiennes avec celles des ci-devant provinces : un citoyen de la Charité-sur-Loire, (l'auteur comptoit beaucoup sur le nom de cette commune pour égayer la société) vient à Paris pour marier sa fille Henriette à un jeune fat, fils aîné de M. Déricour ; à peine est-il descendu chez les parens de ce freluquet, qu'il se sent dégoûté de la capitale ; comme le Francheval des Mœurs du Jour, il blâme tous nos usages, il se plaint du jargon & de la frivolité des jeunes gens, de l'heure où l'on dine, & de celle où l'on se couche ; enfin, il parle d'aller au Muséum, lorsque tout le monde va voir la course, &c. Bref, à la gaieté près, il doit tout ce qu'il dit, tout ce qu'il fait, au C.en Colin-d'Harleville. Quant au père de Déricour, c'est un de ces bons maris ne blâment rien, & qui sacrifient tout à la paix de leur ménage ;
« C'est un homme, en un mot, à mener par le nez. »
M.me Déricour, sa seconde épouse , vise à une réputation ; aussi en parle-t-on par-tout, même dans les satyres ; elle ne s'occupe que de bockeis , de bals, de soupers-priés, & le plus grand ridicule d'une femme, est, à ses yeux, de monter à cheval en robe blanche. Il n'y a enfin que le jeune Valville , second fils de M. Déricour, qui sache plaire au provincial ; Valville est un de ces jeunes raisonneurs dont Voltaire disoit assez lestement :
Adulescent qui s'érige en barbon ;
Jeune écolier qui vous parle en Caton,
Est, à mon sens, un animal bernable,
Et j'aime mieux l'air fou que l'air capable.
Mais s'il parle mal, il agit bien, du moins hors de la scène, car on nous dit qu'il se bat pour la belle-mère, & qu'il s'est chargé des dettes de son frère ; deux traits de ce genre sont trop généreux, & la conduite du frère ainé est trop blamable, pour que le provincial & sa fille ne proposent pas un changement de nom dans le contrat de mariage. Aussitôt dit, aussitôt fait. La fiancée du volage Déricour épouse le vertueux Vaiville ; & l'on va faire la noce en province.
L'intrigue de cette pièce est tout-fait nulle ; le dialogue en est même assez commun, mais à défaut d'intérêt & d'originalité, l'auteur y a éparpillé quelques jolis mots, & il s'en est peu fallu que ce foible assaisonnement n'ait suffi aux spectateurs ; le parterre est par fois si benin ! Les mots, autrement dit les traits, sont depuis quelque temps la grande ressource de nos jeunes poètes dramatiques ; quand ils ont dénaturé le style d'une ancienne pièce, quand ils l'ont semé de paillettes, ils se vantent d'avoir fait un ouvrage ; ils finissent par le croire eux-mêmes, & ce qu'il y a de pis, c'est que le public est assez foible pour tolérer cette charlatanerie de fripiers, ou assez... aveugle pour en être dupe. Au surplus, l'auteur de la Matinée du Jour, en imitant les devanciers, ne s'est pas montré compilateur exercé. Il a fait, entr'autres, une transposition de caractères qui nous fait douter de ses talens d'observation. Selon lui, Paris n'est rempli que de cotteries, où chacun vient raconter ce qui se passe chez son voisin, tandis qu'en province il n'y a ni caquetage ni curiosité ; c'étoit le contraire qu'il falloit dire ; ce n'est qu'à Paris que l'intérieur d'un ménage peut être l'asyle impénétrable du mystère : la Petite Ville de Picard prouve assez qu'on n'en sauroit dire autant de la province.
Quelques voix ont demandé l'auteur; mais il pas jugé convenable de se nommer.
Picard dans un rôle de bavard, & Clauzel. ont été vivement applaudis.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, VIIIe année, tome I.er, p. 104 :
Théâtre Louvois.
Une Matinée du jour.
Mauvaise imitation du Cercle, jouée le 29 floréal. Le public en a fait justice.
Paul Porel et Georges Monval, L’Odéon, Histoire administrative, anecdotique et littéraire (Paris, 1876), p. 200 :
Le 14 mai, une Matinée du jour, comédie en deux actes et en prose, d'Étienne et Gaugiran-Nanteuil, tomba sous quelques sifflets et fut réduite en un acte à la seconde.
Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXE siècle, tome deuxième (Paris, 1867), p. 406 (dans l’article consacré à Alexandrine.-Sophie Coury de Champgrand, Mme de Bawr) :
[Pierre Larousse attribue à Mme de Bawr cette pièce, ainsi que quelques autres... Elle ne figure toutefois pas dans la liste de ses œuvres qu’on trouve dans ses Souvenirs. Mais d’où tire-t-il l’attribution à madame de Bawr ?]
Une Matinée du jour, comédie en deux actes et en prose, représentée la même année [1802], sur la même scène [le Théâtre Louvois], inspira à un journal de théâtres la charmante boutade suivante : « Traitez un sujet léger, lisez-le dans les boudoirs, vous obtenez mille bravos ; votre ouvrage y parait merveilleux et à l'instant vous l'apportes au directeur. « Qui êtes-vous ? je n'ai pas l'honneur de vous connaître. — Je suis l'auteur de telle pièce. » A l'instant, ayez ou non le sens commun, vous êtes admis presque sur parole. Mais cette admission ne suffit pas ; il faut encore l'aveu du parterre, et c'est cette sanction surtout qui est difficile à obtenir. Hier, il l'a refusée à la pièce nouvelle... Le premier acte est tout entier en conversations futiles ; aussi, l'auteur en a-t-il fait lui-même la critique, dans cette phrase qui est à la fin : « Est-ce qu'on y a parlé de quelque chose ?... » On ne peut nier, néanmoins, que cet ouvrage n'annonce de l’esprit : il y a quelques traits qui ont été applaudis, mais ils sont noyés dans des conversations qui n'en finissent plus, et qui répandent sur toute la nièce un froid qui nuit à son succès. »
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