La Vallée de Barcelon(n)ette, ou le Rendez-vous des deux Ermites, comédie-vaudeville en un acte, de Dieulafoy et Gersin, 21 mars 1808.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Vallée de Barcelon(n)ette (la), ou le Rendez-vous des deux Ermites
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose, couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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21 mars 1808
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Dieulafoy et Gersin
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Almanach des Muses 1809.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1808 :
La Vallée de Barcelonette, ou le Rendez-vous de deux ermites, comédie-vaudeville en un acte, par MM. Dieulafoy et Gersin ; Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 21 Mars 1808.
La police secrète du premier empire: bulletins quotidiens adressés par Fouché à l’empereur ..., p. 110 :
Au Vaudeville, première de La Vallée de Barcelonnette ou le rendez-vous des deux ermites, de Dieulafoy et Gersin : succès complet.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome V, mai 1808, p. 280-287 :
[Le critique choisit de nous raconter l’intrigue en ménageant (un peu) le suspense sur lequel l’intrigue est construite, du moins au début. Mais on comprend bien sûr que l’ermite et Catinat ne sont qu’une même personne, et c’est avec une certaine ironie que la suite est racontée, pour insister sur la faible vraisemblance de cette intrigue, qui finit bien, par des chansons, comme elle avait commencé. La pièce est qualifiée de « plus joli vaudeville qui ait paru depuis long-temps à ce théâtre ». Elle a bien des qualités : « des tableaux piquans et animés , la gaité la plus franche et la plus vive », elle est bien jouée, notamment par Mme Hervey dans un rôle travesti. Reste que la question de la vraisemblance. Le critique commence par douter de sa nécessité, pourvu que l’action soit intéressante. Mais il s »interroge aussi sur la nécessité de réunir ces deux grands personnages en prenant de si grands risques : on aurait pu utiliser des gens moins importants pour cette réunion. Et la dernière phrase résume bien le dilemme où les auteurs sont placés.]
La Vallée de Barcelonnette, ou le Rendez-vous de deux Hermites.
C'est une vallée de Savoie qui s'offre au lever de la toile ; de bons montagnards boivent, dansent, rient, en attendant la retour de leurs enfans qui doivent revenir ce jour même de la tournée annuelle qu'ils ont été faire à Paris, chantant la montagnarde, et non pas comme Figaro, faisant la barbe à tout le monde, mais ramonant toutes les cheminées qu'ils trouvent sur la route. Georgette attend son prétendu Charles, fils de Simon l'honnête homme, qui a dans sa famille
Quatre cents ans de ramonage.
Le son du triangle se fait entendre, et toute la jeune bande paraît sur la colline ; Charles est à la tête : on descend, les havresacs sont ouverts, le fruit des travaux de l'année est remis aux vieux parens, des présens sont apportés aux. jeunes amoureuses, les chants joyeux recommencent de plus belle, et le patois, les postures gigantesques de ces bons Savoyards ajoutent à la gaîté des rondes et des tableaux que forme ce joli peuple du Vaudeville répandu de tous les côtés sur le théâtre.
Au milieu de tout cela parait un grave hermite égaré la veille dans 1a montagne : il a été conduit par le père Sirnon dans la vallée de Barcelonnette, où il attend, dit-il, un autre hermite avec lequel il doit conférer pour les affaires de son ordre. Simon et lui ont causé des affaires du temps, de la guerre qui désole ce pays, d'un baron allemand qui y commande pour le prince Eugène, et qui, par amitié pour le duc de Savoie, allié de l'empereur, pille et rançonne les sujets, tandis que les Français, commandés par Catinat, consolent au moins les ennemis après les avoir battus, et les secourent même quelquefois après les avoir pillés : or, dit Simon,
L'ennemi qui me rend ma bourse
Est le meilleur de mes a mis.
Aussi serait-il fort l'ami des Français, sur-tout de Catinat. Le connaissez-vous ? demande l'hermite avec un air d'inquiétude : non pas précisément ; mais Catinat a, six ans auparavant, sauvé la vie à Charles, qui, dans un grand hiver, était tombé transi à la porte d'un hôtel de Paris ;
Il mourait sur la glace
Et sa marmotte aussi.
Catinat, qui sortait de chez lui, les a vus, les a secourus tous deux ; et l'enfant, pénétré de reconnaissance, a fait des vœux pour qu'ils se retrouvassent un jour
Dans le ciel, moi , vous et mon père,
Et ma marmotte en vie.
Charles, en arrivant et en jettant les yeux sur l'hermite, paraît étonné, son trouble augmente à chaque regard, et s'explique bientôt, quand le commandant de la citadelle vient annoncer aux paysans que, d'après un avis qu'il reçoit du prince Eugène, Catinat doit passer déguisé dans les montagnes pour conférer avec le duc de Savoie. Il leur donne ordre d'arrêter tout voyageur, et montre des soupçons sur l'hermite. Eh ! qui ne connaît le père Ambroise, s'écrie Charles, qui depuis un instant a l'œil à tout. C'est lui qui arrange nos familles, mange les œufs de nos .poules ; ses prières valent celles de tout un couvent. Le baron paraît peu se fier à la sainteté du père. Lui, dit Charles, il défierait le diable, et le forcerait de tourner le dos.
Malgré ses ruses et ses trames,
I1 est homme, dans un instant,
A vous envoyer dix mille ames,
En paradis , tambour battant.
Le commandant, spirituel comme le sont à la comédie tous les gouverneurs de forts et tous les gardiens de filles, se paie de ces bonnes raisons, et laisse en se retirant le temps à Catinat de s'assurer qu'il a été reconnu ; Charles tombe à ses pieds ; que fais-tu là ? lui demande le commandant qui les surprend ; mon métier, répond en se relevant le leste et joyeux Charles ; et sautant, chantant autour du maréchal, il trouve moyen de l'assurer de son zèle pour le servir, et de s'assurer du consentement de Catinat. Le commandant est revenu pour engager le père Ambroise à lui servir d'espion auprès de Catinat ; le père, comme on le juge bien, consent à tout pour avoir plutôt fait ; il tremble de voir arriver le duc de Savoie, qui doit venir sous le costume d'un autre hermite, et qu'il espère, dans cette entrevue, détacher de l'alliance de l'empereur. Il trouve cependant le temps de chanter, sur les devoirs de la guerre, un petit couplet qui convient très-bien à Catinat, supposé que Catinat ait jamais chanté des couplets, mais qui convient peu à un général qui a peur qu'on ne le découvre sous son habit d'hermite. Pendant ce temps-là, le duc arrive ; mais presque aussitôt arrive un second avis du prince Eugène, portant que Catinat doit être dans ces montagnes, déguisé en hermite. En voilà deux; il ne s'agit que de choisir. Le duc de Savoie, qui court le moins de danger des deux, déclare qu'il est Catinat, et les deux herraites, toujours par un effet de l'esprit de Charles et de la bêtise du commandant, sont enfermés ensemble dans un donjon voisin, où Catinat espère avoir enfin son entrevue avec le duc, et dans lequel il a fait signe à Charles de tâcher de pénétrer. Cela n'est pas aisé. On a mis trois sentinelles à la porte du donjon ; la conversation est difficile à lier avec eux, car on leur a défendu de répondre, mais on ne leur a pas défendu de boire, ni de prendre du plaisir gratis. Des bouteilles sont apportées ; de jeunes Savoyardes viennent danser devant eux; Georgette les amuse de sa vielle et de ses chansons. Pendant ce temps-là, Charles est grimpé d'un arbre sur les murs du donjon, des murs sur la cheminée ; c'est être comme chez lui. Il est entré, ressorti, a emporté l'écharpe du duc et celle de Catinat qui doivent lui servir de lettre de créance ; et comme les marches se font vite au Vaudeville, parce que le camp n'est pas loin, en moins de temps que je n'en mets à le dire, Charles est allé, revenu, et au moment où le commandant vient pour livrer les prisonniers aux soldats du prince, le canon, les cris France et Savoie se font entendre ; les troupes du duc et celles de Catinat paraissent, et de leur côté paraissent à la porte du donjon le duc et Catinat, vêtus d'habits superbes qu'ils avaient eu soin probablement de mettre sous leur froc d'hermite, précaution toujours excellente pour des gens qui ne veulent pas courir le risque d'être reconnus. Le traité est conclu, le fort rendu, et des chansons finissent comme elles l'ont commencé, le plus joli vaudeville qui ait paru depuis long-temps à ce théâtre. Des tableaux piquans et animés , la gaité la plus franche et la plus vive, soutenue presque d'un bout à l'autre, tous les rôles bien joués, et Mme. Hervey charmante dans celui de Charles, en voilà plus qu'il n'en faut pour le succès d'un vaudeville : mais les auteurs ont encore su donner à celui-ci une action intéressante qu'il ne faut pas trop chicanner sur les invraisemblances, car pourquoi un vaudeville aurait-il besoin d'être vraisemblable ? Il n'est obligé que d'être amusant. Lorsque Catinat vient chanter des airs de vaudeville, ce n'est certainement pas pour nous présenter une chose réelle et capable de produire de l'illusion, mais c'est pour nous amuser, et il a raison dès qu'il nous amuse. Quand un prince souverain et un général d'armée, maréchal de France, viennent au risque d'être vingt fois pris, s'égarer tous deux dans les montagnes pour avoir une conférence qui exposerait bien moins leur secret, si elle avait lieu entre des gens sûrs, mais moins marquans, leur but est seulement de nouer une action intéressante. Mais pourquoi faut-il que les deux principaux personnages de cette action soient un prince souverain et un maréchal de France ? Un officier de Catinat, et un ministre du duc, se trouvant dans le même danger, auraient produit, je crois, le même intérêt. C'est bien à la vérité Catinat qui semble avoir fourni l'une des idées de la pièce, lorsque, voulant traiter avec le duc de Mantoue de la reddition de Casal, il demanda à Saint-Mars, gouverneur de Pignerol, de le faire arrêter comme aventurier, afin que son arrivée dans la forteresse n'excitât aucun soupçon, et y resta vingt-quatre jours à traiter avec les agens du duc. C'est de même, en se faisant mettre en prison avec le duc d« Savoie, qu'ici Catinat parvient à conférer avec lui. Mais quand il traitait ainsi avec les agens du duc, il n'était qu'officier-général et non pas général d'armée ; il s'exposait peu et ne compromettait pas le salut d'une armée entière avec le sien. Je sais que des auteurs de vaudevilles ne sont pas obligés d'entrer dans toutes ces considérations politiques, que si leur vaudeville avait absolument besoin du maréchal de Catinat et du -duc de Savoie, ils ont bien fait de les employer à cette bonne œuvre, car un joli vaudeville est une action méritoire ; mais s'ils pouvaient se passer de cette inconvenance, pourquoi ne se la pas épargner ? P.
Archives littéraires de l’Europe, tome dix-septième (1808), Gazette littéraire, Mars 1808, p. lxxiij :
[Le jugement porté sur la pièce est positif : « beaucoup de mouvement et d'intérêt dans cet ouvrage ; le tableau des mœurs savoyardes y mêle beaucoup de gaieté ». Le sujet est proche du mélodrame (mot funeste !), mais personne ne l’a ressenti, « sous la gaieté des tableaux, le naturel du dialogue et l'agrément des couplets ».]
La Vallée de Barcelonnette, ou les Deux Hermites, vaudeville en un acte de MM. Dieulafoi et Gersin.
Un trait de Catinat a fourni l'idée de ce vaudeville. Ce grand homme n'étant que simple officier-général et voulant traiter avec le duc de Mantoue de la reddition de Casal, se fit arrêter comme un aventurier par le gouverneur de Pignerol, afin d'y voir les agens du duc sans donner d'ombrage. L'action imaginée par MM. Dieulafoi et Gersin d'après celle-là, a une toute autre importance. Catinat commande en chef l'armée française et il la quitte, déguisé en hermite, pour venir dans la vallée de Barcelonnette traiter avec le duc de Savoie, déguisé comme lui, du retour de ce prince au parti de la France. Les obstacles qu'ils rencontrent naissent de l'occupation de la vallée par un poste autrichien dont le commandant sait que Catinat doit s'y trouver déguisé en hermite. Les ressources qui les aident à surmonter ces obstacles viennent d'un jeune savoyard nommé Charles, à qui Catinat a sauvé la vie à Paris, et qui le reconnoît malgré son déguisement. On voit qu'il doit y avoir beaucoup de mouvement et d'intérêt dans cet ouvrage ; le tableau des mœurs savoyardes y mêle beaucoup de gaieté ; le succès a été tel qu'on devoit l'attendre de deux auteurs aussi exercés. Tout le inonde est convenu qu'on n'avoit rien vu depuis long-temps d'aussi agréable à ce théâtre. On sentira le mérite de l'ouvrage et des auteurs par une seule observation. Le sujet sembloit friser le mélodrame, et personne ne s'en est apperçu. C'est un coup de maître que d'avoir étouffé cette idée funeste sous la gaieté des tableaux, le naturel du dialogue et l'agrément des couplets.
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