La Vieillesse de Fontenelle, comédie-anecdote en un acte, en prose et en vaudevilles, par MM. Dumolard et Capelle, 19 septembre 1814.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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La Vieillesse de Fontenelle
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Genre
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comédie-anecdote en vaudevilles
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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19 septembre 1814
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Dumolard et Capelle
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Martiner, chez P. Villiers et au Théâtre du Vaudeville, 1814 :
La Vieillesse de Fontenelle, comédie-anecdote en un acte, en prose et en vaudevilles ; par MM. Dumolard et Capelle. Représentée pour la première fois sur le Théâtre du Vaudeville, le 19 septembre 1814.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1814, p. 266-272 :
[Comme la pièce entre dans la grande galerie des œuvres consacrées à des grands hommes, le critique commence par analyser cette mode, partie des écrivains mis en scène, puis élargie à toutes les formes de célébrité. La pièce met en avant Fontenelle dans son grand âge (il est mort dans sa centième année) ainsi que des auteurs moins connus (mais dont le critique paraît penser que ses lecteurs les connaissent). Comme il ne semble pas trop savoir quoi dire, il nous offre même un texte sur le père d’un autre personnage, sans rapport avec la pièce (mais il aime beaucoup ce texte). La liste des personnages se clôt avec deux femmes, dont l’indispensable jeune fille à marier. Le critique semble ensuite résumer l’intrigue, mais en des termes plutôt confus. Il parle d’une action « d’une faiblesse, d’une ténuité qui semble défier l’analyse ». La pièce aurait bien eu besoin de détails pour se soutenir, elle en a de spirituels et de bon goût, mais ils supposent une érudition que la majorité des spectateurs n’a pas. La pièce ressemble en effet un peu à un recueil d’anecdotes (les Anas si à la mode), et elle a en outre le tort de présenter de Fontenelle une image pleine « de bienfaisance et de sensibilité » assez éloignée de ce qu’il était (« un bon estomac et un mauvais cœur »). Pour réussir pleinement, elle aurait eu besoin d’« un pyblic très-lettré », ce qui n’est pas le cas de celui du Vaudeville. Son succès a été modéré, parce qu’il y avait tout de même dans la salle « quelques amateurs de traits fins et de couplets délicats ». Par contre, les acteurs, très froids, n’ont pas contribué à ce succès. Un couplet applaudi. Nom des auteurs, demandés et nommés.
Les vers de Rhulières cités dans l’article appartiennent à un « discours en vers » intitulé les Disputes. Quant à Rhulière (avec ou sans s final), il s’agit de Claude Rhulière (ou Claude Carloman) (1735-1791), que le Catalogue général de la BNF qualifie d'« officier, diplomate, poète et historien ».]
Théatre du Vaudeville.
La Vieillesse de Fontenelle.
Quand on commence une bibliothèque, une galerie de tableaux, un recueil de gravures, on se propose toujours de borner le nombre des objets qui doivent les composer ; mais on l'a déjà passé depuis long-temps, qu'on s'apperçoit encore que la collection est complète. Le terrain s'étend à mesure qu'on avance.
Il en est à-peu-prés de même des galeries des portraits exposés à nos yeux par quelques-uns de nos théâtres, et particulièrement par celui du Vaudeville. Il n'a voulu d'abord qu'ébaucher les traits de quelques poëtes lurons, aussi gais chansonniers que bons convives ; les peintres étaient sous ce double rapport les rivaux de leurs modèles ; c'était une réunion de portraits de famille. Mais bientôt on y a vu figurer des savans, des ministres, des généraux, des rois même, tous assez étonnés de se rencontrer dans ce muséum grivois.
Les hommes plus ou moins célèbres, dont les noms parent la nouvelle pièce, semblent appartenir de plus près à l'école du joyeux savoir. On voit sur le premier plan Fontenelle, ce philosophe aimable, ce savant bel esprit qui, à son entrée dans le monde littéraire, s'appercevant déjà que toutes les palmes des différens genres étaient enlevées, osa aspirer à celle de l'universalité, et l'obtint. Il posséda une science plus rare et plus précieuse que toutes les autres, celle du bonheur, et il prolongea le sien au-delà des limites où l'homme ne trouve plus ordinairement qu'une caducité déplorable et une humiliante imbécilité.
Les auteurs nous montrent l'âge où près d'une jeune et jolie fille, il s'écriait : « Ah! si je n'avais que quatre-vingts ans.»
Sur un plan un peu plus reculé se présente Moncrif qui, d'historien des chats, devint historiographe, où, comme on le disait plaisamment, hisloriogrife de France ; ce Moncrif qui aimait tant la plaisanterie qu'il lançait et si peu celle par laquelle on lui ripostait, ce Moncrif qui répondit par des coups de cannes à quelques épigrammes de Roi, ce poëte satyrico-lyro-cynique.
« Patte de velours, Minet, patte de velours, s'écriait pendant l'opération l'incorrigible épigrammatiste. »
A côté de lui paraît Haguenier, chansonnier, convive du Caveau, qui, secrétaire des commandemens de Philippe d'Orléans, régent de France, sut conserver à la cour la plus poétique indépendance. Le jeune Daube, petit neveu de Fontenelle, occupe auprès de son père un coin du tableau. C'est le fils de ce célèbre disputeur si plaisamment peint par Rhulières :
Auriez-vous par hasard connu feu M. Daube
Qu'une ardeur de dispute éveillait avant l'aube ?
Contiez-vous un exploit de votre régiment,
Il savait mieux que vous où, contre qui, comment.
Vous seul en auriez eu toute la renommée,
N'importe, il vous citait ses lettres de l'armée ;
Et Richelieu présent, il aurait raconté
Ou Gênes défendue, ou Mahon emporté.
D'ailleurs homme de sens, d'esprit et de mérite ;
Mais son meilleur ami redoutait sa visite.
L'un, bientôt rebuté d'une vaine clameur,
Gardait en l'écoutant un silence d'humeur.
J'en ai vu, dans le feu d'une dispute aigrie,
Près de l'injurier, le quitter de furie ;
Et rejettant la porte à son double battant,
Ouvrir à leur colère un champ libre en sortant.
Ses neveux, qu'à sa suite attachait l'espérance,
Avaient vu dérouter toute leur complaisance.
Un voisin asmatique, en l'embrassant un soir,
Lui dit : Mon médecin me défend de vous voir.
Et parmi cent vertus, cette unique faiblesse,
Dans un triste abandon réduisit sa vieillesse.
Au sortir du sermon la fièvre le saisit,
Las d'avoir écouté sans avoir contredit.
Et tout près d'expirer, gardant son caractère,
Il faisait disputer le prêtre et le notaire.
Que la bonté divine, arbitre de son sort,
Lui donne le repos que nous rendit sa mort,
Si du moins il s'est tu devant ce grand arbitre»
Je n'ai pu résister au plaisir de citer cet excellent morceau, beaucoup moins connu qu'il ne mérite de l'être. « Voilà, dit Voltaire en parlant de ces vers, voilà comme on les faisait dans le bon temps. »
Les autres personnages de la pièce sont deux femmes ; la première est Agathe, fille d'Haguenier, aimée du jeune Daube qu'elle paye de retour, la seconde est madame de Frogeville, ancienne amie de Fontenelle. C'est le cas d'appeller l'amitié les invalides de l’amour.
Le régent, qui avait assez d'esprit pour ne pas voler celui des autres, a succombé cependant à la tentation de s'attribuer une jolie chanson d'Haguenier son secrétaire; mais celui-ci imitant (si l'on peut comparer les petites choses aux grandes) la fierté de Corneille qui refusa à la puissance et à la générosité du cardinal de Richelieu le droit de se dire l'auteur du Cid, n'a pas laissé de faire courir la chanson sous son nom, et son maître l'a disgracié. Haguenier veut par délicatesse rompre le mariage prêt à se conclure en sa fille et le petit-neveu de Corneille : mais Fontenelle qui protège les deux amans, emploie auprès du régent des sollicitations aussi secrètes qu'efficaces. Ce duc rend à Haguenier sa place, et les jeunes gens se marient. Voilà toute la pièce, dont l'action est d'une faiblesse, d'une ténuité qui semble défier l'analyse.
Ces détails seuls pouvaient soutenir l'ouvrage, et les détails sont tous spirituels et de bon goût ; mais malheureusement ils ne peuvent plaire que par le souvenir ; pour se souvenir, il faut avoir su combien de juges dans la salle devaient consciencieusement se récuser.
Je suis loin cependant de vouloir donner raison aux auteurs aux dépens du public. La Vieillesse de Fontenelle est moins une pièce de théâtre qu'une espèce d’Ana ingénieusement encadré. Plusieurs mots charmans de Fontenelle ont perdu leur effet sur des spectateurs sans traditions ; je citerai celui-ci.... « Il y a trois choses que j'ai toujours aimées, mais auxquelles je n'ai jamais rien compris : la musique, la peinture et les femmes. »
Comme on voulait
Suivant l'usage antique et solemnel,
nous présenter Fontenelle comme un modèle de bienfaisance et de sensibilité, on s'est bien gardé de rappeler les deux conditions qu'il prescrivait pour être heureux : un bon estomac et un mauvais cœur.
Cette pièce aurait pu obtenir un grand succès devant un public très-lettré ; mais les auteurs ont conçu une trop bonne idée de la littérature du parterre de la rue de Chartres. Ce parterre s'est ennuyé et ce n'est: pas sa faute. On doit même lui savoir gré de la pudique réserve avec laquelle il a manifesté son ennui.
La pièce a réussi, à très-peu de chose près, grace à quelques amateurs de traits fins et de couplets délicats ; elle a réussi malgré les acteurs. Il est difficile de voir un ouvrage déjà froid, joué plus froidement.
Le rôle de Fontenelle était confié au comédien qui porte ordinairement l'habit d'arlequin ; était-ce une allégorie critique du talent bigarré de Fontenelle ?
Parmi les couplets applaudis, on a remarqué celui-ci ; il a dû peut-être les honneurs du bis à une application ; il est question de Philippe :
Un prince auguste, autant qu'il est aimable
Dont les plaisirs habitent le palais,
Aimé des grands, pour les petits affable,
Du bon Henri nous retrace les traits.
S'il imita l'amant de Gabrielle,
C'est qu'il voulut nous le mieux rappeller.
Quand on imite un- si brillant modèle,
Craint-on jamais de trop lui ressembler?
Les auteurs ont été demandés et nommés; ce sont MM. Capelle et Dumolard.
A. MARTAINVILLE.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome V, p. 210-211 :
[Le critique n’apprécie vraiment pas cette petite pièce, et la traite avec une ironie mordante. Elle n’a rien pour elle, et il multiplie les allusions aux insuffisances d’un ouvrage que ses confrères ont déjà condamné. Pièce qu’on ne peut analyser, esprit emprunté aux personnages mis en scène, choix douteux de ces personnages (Haguenier, auteur de chansons grivoises, voire pires), manque d’originalité, inexactitudes de tous ordres (ce n’est pas parce qu’on fait rire, ou qu’on essaie, qu’on jouer avec l’histoire). Comment une telle pièce a-t-elle pu voir ses auteurs nommés ?]
La Vieillesse de Fontenelle, vaudeville en un acte, joué le 19 Septembre.
Un Journal, en rendant compte de cette pièce, a dit que son intrigue étoit d'une ténuité qui échappoit à l'analyse. Il y a de l'esprit dans l'ouvrage : mais c'est celui de Fontenelle, de Moncrif et de M. Haguenier, secrétaire du Régent, chansonnier assez peu connu, parce qu'il ne pouvoit guère avouer des chansons telles que :
Un Cordelier d'une riche encolure;
et
Pourquoi nous marier ?
Quand les femmes des autres, etc.
et autres drôleries de ce genre.
Ne pouvant donner l'analyse de la pièce, nous nous garderons bien d'en citer les traits, qui sont connus de tout le monde, et qui ont été imprimés et réimprimés dans tous les Dictionnaires historiques et les Ana !
Nous nous garderons de relever les anachronismes et les erreurs de dates et de faits; le Journal des Débats s'est chargé de ce soin : d'ailleurs, il ne faut pas chagriner un homme qui n'a que peu de jours à vivre; et la Vieillesse de Fontenelle ne peut le mener loin.
Malgré une légère opposition, on a nommé comme auteurs, MM. Dumolard et Capelle.
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