La Villanella rapita

La Villanella rapita, opera buffa en deux actes, livret de Giovanni Bertati, musique de Bianchi, 15 juin 1789.

Théâtre de Monsieur.

Le livret de Bertati a été traduit par Pierre-Ulrich Dubuisson.

L'original a été créé à l'automne de 1783 à Venise, et a été repris au Théâtre Esterhazy ià Süttör le 29 août 1784, puis à Londres le 27 février 1790. Sa création à Paris était attendue avec impatience.

Il s'agit d'un véritable pasticcio, dans lequel ont été insérés des airs de Ferrari, Caruso, Guglielmi, Mandini, Martini (Vicente Martin y Soler), Mozart, Naumann, Paisiello, Sarti, Viganoni, auxquels s'ajoute un autre Bianchi, Antonio Bianchi, chanteur.

Titre :

Villanella rapita (la)

Genre

opera buffa

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

15 juin 1789

Théâtre :

Théâtre de Monsieur

Auteur(s) des paroles :

Giovanni Bertati

Compositeur(s) :

M. Bianchi (mais aussi Ferrari, Guglielmi, Mandini, Martini, Mozart, Paisiello, Viganoni)

Mercure de France, n° 26 du 27 juin 1789, p. 184-187 :

[Ce compte rendu apparaît après des considérations très positives sur le tout récent Théâtre de Monsieur, dont le critique du Mercure est un fervent supporter. opéra lui-même, deux points de vue : la musique, les interprètes (qui débutent au moins dans ce théâtre : tous ne sont pas des novices. Le passage consacré à la musique nous fait pénétrer dans les dédales de la musique d’opéra du temps. Le critique affirme qu’elle a eu du succès, parce qu’elle s’appuie sur un livret meilleur que ceux qu’on trouve habituellement dans ce genre d’œuvre, en particulier parce qu’il lie les scènes entre elles, mérite rare en Italie. Puis il reconnaît qu’une part du succès tient à ce qu’on a remplacé la majeure partie de la partition par des airs empruntés à divers compositeurs, dont il nous donne la liste (dont un certain « Mozzart ». Raison de ce remplacement ? Il s’agit de permettre aux « débutants » de chanter les airs qui leur conviennent. Après ce passage très curieux pour nous, le critique porte des jugements précis (et globalement positifs) sur les chanteurs qui ont débuté dans ce nouvel opéra. Ces chanteurs sont dans le goût italien, avec une tendance à l’ornement dans le chant : longtemps rejeté par le public français, il semble lui devenir agréable. Un des chanteurs est accusé d’avoir un jeu exagéré : il vaudrait mieux rester dans des limites plus raisonnables.]

La Villanella Rapita, ou la Villageoise enlevée, représentée le 15 de ce mois, a fait un très grand plaisir, tant pour le choix de la musique, que pour le mérite des nouveaux Débutans. Cette Pièce a été écrite par il Signor Francesco Bianchi ; elle a eu du succès en Italie, parce que le chant en est agréable & gai, les morceaux d'ensemble d'un bon effet, & sur-tout que le Poëme en est plus intéressant que ne le sont ordinairement les sujets italiens, quoiqu’on n'y trouve pas encore cette liaison de scènes à laquelle les François attachent tant de mérite, & dont les Italiens ont de bonnes raisons de ne pas s'embarrasser. Nous doutons cependant que la musique un peu commune de la partition originale, si elle eût été conservée, eût plu beaucoup à des oreilles accoutumées aux idées originales & brillantes des Paisiello & des Cimarosa. Mais comme il étoit naturel de laisser à des Débutans le choix des morceaux dans lesquels ils devoient se faire entendre, & que ce choix a été bien concerté, il en est résulté un Ouvrage plein de force & de chaleur, & digne du succès qu'il a obtenu.

Les morceaux conservés du Compositeur sont l'introduction & le premier final, & c'est ce qu'il y a de mieux dans l'Ouvrage. Les morceaux d'ensemble substitués sont un terzetto charmant del Signor Mozzart [sic], un duo del Signor Martini, Compositeur Espagnol, & deux quartetti del Signor Guglielmi, l'un tiré d'un Opéra sérieux, & l'autre qui sert de second final, tiré d'un Opéra-Bouffon, tous deux du plus grand effet. Presque tous les airs sont substitués. Ceux qu'on a le plus distingués, sont un air de Paisiello , chanté par M. Viganoni, Mi Perdo si mi perdo, & un autre de M. Mandini Plusieurs autres ont paru infiniment agréables, tels que l'air que chante M. Bianchi au premier Acte, & qui est de sa composition ; (ce M. Bianchi n'est pas le même que le Compositeur de l'Opéra) , un rondeau gracieux & populaire, chanté par la Signora Mandini ; un air & une cavatine de M. Viganoni, & un petit air chanté au second Acte par Mlle. Nébel, & qui, ainsi que l'ouverture, est de la composition del Signor Ferrari, Maitre au Clavecin.

Parlons maintenant des Débutans. M. Viganoni, qui avoit déjà chanté en France la dernière fois qu'on a tenté d'y établir un Opéra Bouffon, et qui dès-lors donnoit de grandes espérances, vient de s'y remontrer avec le plus grand éclat. Il est le premier Ténore parmi tous ceux que nous avons entendus à Paris, dont le chant ait fait un plaisir sans mélange, & ait obtenu l'approbation générale. Ce n'est pas cependant qu'on n'y retrouve toutes les broderies, tous les agrémens que l'on avoit reprochés aux autres ; mais, soit qu'on commence à se persuader, en France, que le chant est fait pour être orné, comme la Poésie doit être distinguée de la prose par des expressions plus fleuries, soit qu'il place ces ornemens plus à propos, & qu'il sache les employer sans nuire à l'expression dramatique, il a eu l'art de faire adopter avec transport une manière qui avoit été rejetée jusqu'à lui. Il a dans son jeu beaucoup de chaleur & d'intérêt, & une aisance de maintien qu'il doit peut-être à son séjour parmi nous.

M. Mandini a une voix de basse très belle, très facile, très-étendue, & susceptible de chanter même le Ténore, auquel sa méthode excellente paroît convenir également. Son jeu est plein d'esprit, de finesse, d'intentions comiques, & pourtant toujours naturel. Avec une taille, une figure & un maintien fort nobles, il sait mettre dans son rôle de paysan la gaucherie niaise qui convient à ce caractère. Au second Acte, il paroît sous le nom & l'habit d'un Seigneur ridicule. Peut-être ce ridicule est-il un peu trop exagéré, mais c'est moins sa faute que celle de l'Auteur du Poëme, qui a porté trop loin la bouffonnerie de cette scène, ou plutôt c'est la faute d'un Peuple toujours passionné pour ces espèces de caricatures, & que M. Mandini est accoutumé à servir selon son goût. Il a suffi à cet excellent Acteur de connoître le nôtre ; son talent souple a su s'y plier dès la seconde représentation. Il a vu de lui-même que ce qui est vrai, naturel & décent, avoit seul le droit de nous plaire, & il en a profité. Aussi a-t-il fait le plus grand plaisir d'un bout à l'autre de son rôle, lorsqu'au lieu de chercher seulement à faire rire dans cette scène, il y a mis l'espèce de confusion & de timidité naturelles à un Paysan qui se trouve devant un Seigneur.

La Signora Mandini, dont un enrouement subit avoit empêché de juger les moyens à la 1re. représentation, a complètement réussi aux suivantes. Sa voix n'est ni très-forte, ni si l'on veut, très-belle ; mais sa manière de chanter, simple & proportionnée à ses facultés, est de très-bon goût & remplie d'expression, & puis elle joue avec tant de grace, de mignardise, de gaité, de finesse , qu'on oublie bientôt, ce qui peut lui manquer du côté de la voix. Il est impossible de rendre avec plus de charme la scène du raccommodement, vers la fin du premier Acte, le monologue du réveil lorsqu'elle se voit parée de beaux habits, & de chanter plus voluptueusement le duo qui précède de [sic] dernier final. A la seconde représentation de cet Opéra, tout l'auditoire paroissoit dans l'ivresse.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome VIII (août 1789), p. 339-340 :

La Villanella rapita, opéra-buſſa en deux actes, musique del signor Bianchi, a un très-grand succès. Le sujet de cet ouvrage est un seigneur amoureux d'une jeune villageoise bien innocente, qui attribue à son bon cœur les bienfaits dont il la comble chaque jour. Il la fait enlever au moment où elle va se marier. La paysanne, transportée dans la maison du comte, s'endort par le moyen d'un somnifère qu'il a fait préparer lui-même ; & il profite de ce moment pour la faire vêtir avec magnificence, espérant la séduire par la vanité ; mais l'heureux naturel de la jeune personne trompe ses projets. Quand le pere & l'amant viennent la redemander, ses réponses naïves attestent son innocence ; & le seigneur, qui se répent de ses excès, consent à l'union des deux amans. La musique a paru très-bien choisie. On y distingue au moins sept à huit morceaux du plus grand mérite.

Dans son Voyage en France pendant les années 1787-88-89 et 90, d’Arthur Young (traduction de F. S.), tome premier (Paris, 1793, an second), p. 355-356, l’auteur évoque la représentation de la Villanella rapita à laquelle il a assisté :

J'ai tellement les oreilles étourdies de politique depuis quelques jours, que je suis allé ce soir [24 juin] à l'opéra pour me délasser. Rien ne pouvoit être plus propre à cet effet que la pièce que l'on joua, la Villanella Rapita, par Bianchi, pièce charmante. Pourroit-on croire que ce peuple, qui, il y a si peu de tems, n'estimoit rien de l'opéra que la danse, et ne se plaisoit qu'à entendre braiIler, — écoute actuellement avec sensibilité la mélodie italienne, applaudit avec goût et transport, et cela, sans le secours séducteur d'une seule danse ! La musique de cette pièce est charmante, d'un jeu élégant et agréable, avec un duo entre la signora Mandini et Vigagnoni, de la plus grande beauté : la première captive par son chant, — sa voix est peu de chose, mais sa grace, son expression, son ame, tout excite des sensations délicieuses.

Le Dictionnaire lyrique de Félix Clément et Pierre Larousse, p. 700, signale que la Villanella rapita de Bianchi, dont il attribue le livret à Ferrari (?), a été reprise en 1804 et en 1807.

D’après la base César, la pièce, en trois actes, est l'œuvre de Bertati pour le livret et de Bianchi pour la musique. Elle a été jouée au Théâtre Feydeau à partir du 15 juin 1789 (26 fois en 1789, 6 fois en 1790, 13 fois en 1791).

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