Le Vaisseau amiral, ou Forbin et Delville

Le Vaisseau amiral, ou Forbin et Delville, opéra-comique en un acte, de Jacques-Antoine Révéroni de Saint-Cyr, musique de Berton, 12 germinal an 13 [2 avril 1805].

Théâtre de l’Opéra Comique.

Titre

Vaisseau amiral (le), ou Forbin et Delville

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

12 germinal an 13 (2 avril 1805)

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Jacques-Antoine Révéroni de Saint-Cyr

Compositeur(s) :

M. H. Berton

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Heinrichs et chez Vente, an XIII – 1805 :

Le Vaisseau amiral, ou Forbin et Delville, opéra en un acte ; Paroles de M. R. S. C. Musique de M. H. Berton. Représenté pour la première fois le 12 germinal an XIII, sur le Théâtre de l’Opéra comique.

M. R. S. C., c’est le baron Jacques-Antoine Révéroni de Saint-Cyr.

Courrier des spectacles, n° 2970 du 13 germinal an 13 [3 avril 1805], p. 2 :

[Le critique du Courrier des spectacles est visiblement subjugué par le spectacle original que la pièce offre. Il insiste beaucoup sur le décor choisi, un vaisseau de guerre dont on voit tous les aspects, de la vie quotidienne à l’abordage d’un autre vaisseau. Il a vu ce qu’il croit une nouveauté, qui ne pourrait être surpassée par une pièce dans un ballon aérostatique, à condition que les aérostiers à la mode, les Garnerin, proposent dans leur vie une situation digne de l’Opéra-Comique. Car la pièce présente une intrigue sentimentale dont le critique accepte l’invraisemblance sans sourciller : une jeune mariée que son mari a dû quitter le lendemain des noces et qui décide de le rejoindre dans son port d’attache où elle se fait passer pour un homme. Une part importante de l’action consiste dans la tentative de l’oncle du marié, qui n’accepte évidemment pas le mariage de son neveu (c’est le rôle habituel des oncles de théâtre), de vérifier que ce jeune officier est un homme ou une femme. Une fois établi qu’il est une femme, un combat éclate, et le jeune couple sort le vaisseau de l’oncle d’une situation désespérée : il est bien obligé de ratifier le mariage de son neveu. Le jugement porté in fine revient sur l’extraordinaire décor où la pièce se déroule. Rien sur l’intrigue. La musique de Berton est jugée « pleine d’esprit, de variété et de mouve ment », et c’est l’ouverture qui est mise en avant, ainsi qu’un air, « d’une facture pleine de sentiment et de grâce ». Quant à l’auteur des paroles, il a souhaité un anonymat que la brochure lève sans ambiguïté.]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Le Vaisseau amiral, ou Forbin et Derville

L’intrigue aux fenêtres est une idée mesquine ; une conception puérile en comparaison du Vaisseau amiral. Prendre la pleine mer pour lieu de la scène, transformer le théâtre en vaisseau de ligne, avoir pour acteurs des matelots et des mousses, pour musique le bruit du canon, livrer un combat naval dans les coulisses, voilà un projet vraiment neuf, une pensée originale et profonde.

Il y a quelques années qu’on fit exécuter à Versailles un ballet dans les nuages ; cette nouveauté eut le succès le plus brillant ; le Vaisseau amiral n’a pas été moins heureux. Il faut avoir assisté à cette représentation pour se former une idée de l’affluence des spectateurs. Depuis long-tems on attendoit qu’il plût au patron du vaisseau de mettre à la voile ; on avoit peine à imaginer comment une intrigue de théâtre se formeroit dans les eaux de l’Océan ou de la Méditerranée ? mais il ne faut désespérer de rien : y a-t-il quelque chose d’impossible au courage comme au génie français ?

Le capitaine a pris son parti, les vents ont soufflé favorablement, et le vaisseau est arrivé à bon port. Il faut le féliciter de son heureuse navigation ; cependant ce trait de hardiesse, cet effort de l’imagination n’est-il pas désespérant pour les auteurs qui suivront M. S. C. ? car maintenant que la terre et l’onde sont occupées, que leur restera-t-il , si ce n’est l’air et les aérostats ? mais la vie de M. et de Mad. Garnerin fournira-t-elle jamais un trait assez frappant pour être mis en opéra-comique ?

En attendant, il faut savoir se contenter de nos forces de terre et de mer, et nous occuper de notre Vaisseau.

La scène représente la Méditerranée. La flotte française mouille dans les eaux de Candie. Le vaisseau amiral est en vue ; il a à bord le Chevalier de Forbin, qui fait ses premières armes ; une division de l’escadre est commandée par le comte d’Hocquicourt, oncle de Forbin. Ce jeune marin, qui s’étoit marié avant de s’embarquer, n’avoit vu sa femme qu’une seule fois ; il l’aimoit tendrement ; mais forcé de partir le lendemain de ses noces, il l’avoit laissée dans un couvent, Pendant long-tems ils s’écrivirent assiduement ; mais la jeune épouse se lassa enfin du veuvage. Incapable de supporter plus long-tems les tourmens de l’absence, elle prend des habits d’homme, se fait recevoir parmi les aspirans de la marine, et sous le nom de Derville, parvient à être admise par Forbin lui-même en qualité de secrétaire. L’ordonnance de la marine étoit si sévère qu’elle n’osa se faire reconnoître dans la crainte de compromettre son mari ; le voir l’entendre, lui parler suffisoient à sa tendresse et à ses plaisirs ; mais bientôt une circonstance imprévue vint troubler ce bonheur. L’Amiral voulant expédier un bâtiment pour les ports de France, en donne le commandement à Forbin, qui doit partir seul. Son amante effrayée laisse appercevoir son désespoir ; l’Amiral conçoit des soupçons et charge le capitaine de les éclaircir ; on soumet Derville à plusieurs épreuves ; Si c est une femme, dit le Capitaine, elle ne saura pas boire comme un marin, et il lui propose de vuider une large coupe. Derville accepte le défi avec intrépidité, et surprend le Capitaine. C'est un homme, s’écrie-t-il. Néanmoins pour ne pas se décider sans preuve, il veut fumer avec Derville une pipe sur un baril de poudre ; Derville accepte la proposition. Mais en ce moment survient Forbin, et effrayée du danger auquel elle va exposer son époux, elle jette sa pipe et se précipite dans les bras de Forbin. Alors tout est révélé, les époux jouissent du bonheur d’être réunis, et il ne leur reste plus qu’un obstacle à vaincre, c’est l’obstination du comte d’Hocquicourt qui s’oppose à leur mariage ; mais 1’amour veille sur leurs destinées.

La flotte ennemie attaque les vaisseaux français ; le bâtiment du comte d’Hocquicourt est dans le plus grand péril ; Forbin et Dervillle volent à son secours. Le combat s’engage ; on arrive à l’abordage ; la scène retentit de coups de cannons et de fusillades ; la salle se remplit de fumée ; d’Hocquicourt est sauvé ; et pour récompense de ce service, il ratifie le mariage de son neveu.

Si l’on se figure tout l’appareil d’une flotte, un vaisseau de guerre avec ses voiles, ses mâts et ses cordages, des mousses et des matelots en activité, on imaginera facilement que la nouveauté du spectacle a dû charmer tous les yeux ; aussi a-t-i1 obtenu le succès le plus brillant. La musique est de M. Berton, elle est pleine d’esprit, de variété et de mouve ment. L’ouverture est d’un genre neuf et d’un effet piquant. L'air de Mad. Haubert est d’une facture pleine de sentiment et de grâce ; elle a fait le plus grand plaisir. L’auteur des paroles vivement demandé, a voulu garder l'anonyme.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 10e année, 1805, tome II, p. 423 :

[Le critique n’apprécie pas vraiment que la principale originalité de la pièce réside dans le choix du décor et la représentation de la vie à bord (bruit et feu). Par ailleurs, il trouve que l’intrigue est invraisemblable. La musique a droit à une évaluation positive. Seul le musicien est nommé.]

THÉATRE FAVART.

Le Vaisseau, ou Forbin et Delville.

Les originalités remplacent aujourd'hui le génie. Ne pouvant plus inventer des scènes neuves, les auteurs inventent des décorations nouvelles. Voilà d'où vient le succès du Vaisseau. Le théâtre en représente l'intérieur ; on y voit toute la manœuvre des matelots ; la pièce finit par un abordage, où le bruit, le feu et la fumée étourdissent et aveuglent les spectateurs : comment un pareil ouvrage n'auroit-il pas réussi. L'intrigue est des plus invraisemblables. Une jeune femme mariée à-douze ans, et séparée de son époux, le rejoint sur un vaisseau où elle se fait recevoir comme aspirant de marine. Les diverses épreuves par lesquelles on cherche à découvrir son sexe, forment les scènes de la pièce, qui finit par une reconnoissance et un pardon. La musique de M. Berton a été vivement applaudie. L'auteur des paroles a gardé l'anonyme.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, prairial an XIII [mai 1805], p. 283-284 :

[La première information donnée par le compte rendu, c’est le décor, qui est en effet original : l’intérieur d’un bateau et la vie qui s’y mène. L’intrigue est résumée sans réticences (elle ne brille pas par la vraisemblance, et le résumé ne permet de savoir su Forbin sait que Derville est sa femme déguisée...). Un commentaire du critique dans ce résumé : la victoire française, « comme de raison » ! Jugement modéré : la pièce aurait été intéressante si elle n’était restée à l’état d’esquisse. La musique est jugée un peu plus positivement : un peu monotone, deux morceaux remarquables, Berton a déjà fait mieux.]

Le Vaisseau amiral, opéra en un acte.

Le théâtre représente l'intérieur d'un vaisseau. Des matelots et des mousses y exécutent quelques manœuvres. Forbin, jeune lieutenant, y chante assez gaîment son amour et ses regrets pour une épouse qu'il a quittée le jour même de ses noces, dont un oncle barbare veut le séparer tout-à fait, et qui se trouve près de lui sous le costume d'un jeune aspirant de marine et sous le nom de Delville. Forbin est chargé par l'amiral de porter en France des nouvelles ; son épouse ne peut cacher sa douleur, le secret de son sexe est presque découvert ; un vieux capitaine se charge de l'éprouver. Il propose au prétendu Delville de fumer une pipe sur un baril de poudre. La jeune femme accepte, mais Forbin s'approche, elle se trahit. Survient un grand bruit, la flotte est attaquée par Barberousse ; les Français, comme de raison, sont vainqueurs ; Forbin et Delville font des prodiges, et tout se termine à la satisfaction générale. Les situations pouvaient être intéressantes, si elles eussent été mieux ménagées ; mais la pièce n'est vraiment qu'esquissée. La musique a paru monotone, et à l'exception de l'ariette chantée par Forbin, et d'un autre morceau qui a été rendu avec beaucoup d'expression, il n'y a dans le reste que peu de mélodie. Les accompagnemens sont riches et bien travaillés ; mais on peut dire que M. Berton a souvent fait beaucoup mieux.

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