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Le Vieux de la montagne, ou les Arabes du Liban
Le Vieux de la montagne, ou les Arabes du Liban, mélodrame en trois actes, en prose et à grand spectacle, de Cuvelier ; Musique d'Alexandre [Piccini], Ballets de Renon ; 26 Décembre 1814.
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1814 :
Le Vieux de la montagne, ou les Arabes du Liban, mélodrame en trois actes, en prose et à grand spectacle, par M. Cuvelier ; Musique de M. Alexandre, Ballets de M. Renon ; Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 26 Décembre 1814.
Le texte de la pièce est précédé d’une préface :
PRÉFACE.
Il existe sous le titre du Vieux de la Montagne, un roman plein d’imagination et de tableaux gracieux dans lequel on trouverait aisément le sujet de plusieurs mélodrames. J’aurais pu y puiser le mien ; j’ai préféré l’inventer, en rattachant ma fable à l’histoire de l’Asie, dans la crainte de me trouver en concurrence avec quelques auteurs plus habiles que moi.
Le Scheick des Arabes du Liban, que les Croisés d’Europe avaient surnommé le Vieux de la Montagne, était tout puissant dans la Syrie à l’époque des Croisades.
Joinville nous apprend que St. Louis avait fait un traité avec ce prince.
Ces Arabes sont appelés par les uns Ismaïliens de Syrie, et par les autres Achichins ou Hassassens, d’où est venu le mot-assassin pour désigner un meurtrier.(1)
Les jeunes fanatiques que le vieux de la Montagne élevait dans son paradis, avaient le titre de fédavi, ce qui signifie dévoués ; ils étaient toujours prêts à sacrifier leurs jours au premier signal de leur maître, bien convaincus qu’une immortalité de plaisirs serait le prix de ce sacrifice.
Le château du vieux de la Montagne se nommait Massiate. Ali était le chef de cette secte barbare ; cependant elle invoquait aussi Mohamed ouMahomet.
Marc Paul appelle le vieux de la Montagne Alcadim (2) ; j'ai préféré lui créer pour la scène un nom plus sonore.
On lit dans les Mines de l’Orient (3), que ce fut Allau, roi des Tartares, qui renversa la puissance des Hassassens, et détruisit de fond en comble-le château de Massiate après un siège de trois ans. Ce fait est rapporté à l’an 1262. J'ai donc fait un anachronisme de plusieurs années : mais une critique raisonnée aurait tant de choses à dire d'un ouvrage comme le mien, qu’elle ne s'attachera pas sans doute à cette bagatelle : Aquila non capit muscas. [L’aigle n'attrape pas les mouches]
(1) Voyez pour l'ethnologie du nom des assassins, le Moniteur N°. 210, an 1809 , ( Mémoire de M. .Silvestre de Sacy.)
(2) Voyages, etc., par H. Bergeron, la Haye, 1735, tome 1er.
(3) Bibliothèque britannique, janvier 1814, nos 433 et 434.
Journal des débats politiques et littéraires du mercredi 28 décembre 1814, p. 1-4 :
[Pour la réouverture du théâtre de la Porte Saint-Martin, un des petits théâtres du Boulevard, le Journal des débats ne craint pas de propose un article qui couvre presque complètement le feuilleton. L’article comporte trois parties bien distinctes : un bilan de la rénovation du Théâtre de la Porte Saint-Martin, le compte rendu du prologue qui ouvre la représentation d’ouverture, le Boulevard Saint-Martin, ou Nous y voilà, puis le compte rendu de la grande pièce, un mélodrame, le Vieux de la Montagne. Pour ce qui est de la salle rénovée, le critique a besoin de faire un long détour en évoquant l’importance des spectacles pour les Parisiens et l’incendie de la salle de l’Opéra en 1781. Il vient enfin au sujet du jour, cette salle qu’on inaugure, présentée d’abord de façon positive, avant d’émettre des réserves sur la décoration jugée peu novatrice. Ce qu’il doit pourtant reconnaître, c’est l’extraordinaire engouement que suscite cette inauguration : lui-même n’a pu obtenir qu’une bien mauvaise place. Le prologue d’inauguration est comme tous les prologues d’inauguration, une sorte de publicité pour le théâtre nouveau : les différents acteurs y font leur numéro, puis on voit les danseurs représentant de manière allégorique les différents genres dramatiques qu’on verra à la Porte Saint-Martin. Le public a beaucoup apprécié (on a beaucoup applaudi la présence du « plus auguste nom » dans un couplet poissard), et la troupe a droit à un « n’est pas mauvaise » plutôt positif. Là où le critique change de ton, c’est à propos du mélodrame, qui n’a pas eu le même succès, malgré un titre et des personnages bien choisis, et des incidents et des mœurs conformes à ce qu’on attend dans un mélodrame. La longue analyse de l’intrigue qui suit est faite avec une ironie discrète, dont chacun peut relever les signes manifestes. Comme dans tout bon mélodrame, des enfants qui se croient frère et sœur, et qui vont retrouver leurs parents (heureusement, car on n’est pas passé bien loin d’un double inceste, de la jeune fille avec son père, du jeune homme avec sa mère : certains spectateurs ont trouvé ces situations fort peu convenables), de terribles secrets de famille, un château mystérieux où on se réfugie, un tyran qu’on n’oublie pas de tuer à la fin, des combats qui permettent d’arriver enfin au dénouement, parce que le critique ne craint pas de dire que la pièce est bien trop longue : le troisième acte ne finit jamais. Ce défaut ainsi que des « situations ridicules » ont fini par indisposer le public,et on a à peine entendu la fin de la pièce, tout comme le nom de l’auteur. Sinon, ce mélodrame n’est pas pire que les autres, il est bien mis en scène (décors et costumes), « les acteurs ne sont pas mauvais, et les danseurs sont assez bons », « l’orchestre est passable ». Finalement, après ces remarques peu enthousiastes, il faut reconnaître que le spectacle n’est pas indigne d’un petit théâtre du Boulevard.]
THÉATRE DE LA PORTE SAINT-MARTIN.
Pour l'ouverture de la salle, le Boulevard Saint-Martin,
et le Vieux de la Montagne.
Les Parisiens, habitués à tant d'aise et de repos sous le doux gouvernement de nos trois derniers Rois, mettoient au nombre des plus dangereuses calamités qui les pussent atteindre, l’interruption des spectacles. Mais l’exempte de Londres où les théâtres sont fermés une moitié de l'année, et celui de tant d'autres grandes villes du monde, qui n'ont point du tout de théâtre, la nécessité des spectacles, dans une grande ville, étoit article de foi pour les commissaires au Châtelet chargés de la police de Paris. L’incendie qui consuma, dans la nuit du 8 juin 1781, la salle de l’Opéra établi au Palais-Royal, fut donc ce qu'on appeloit alors un grand événement même pour les gens aux plaisirs desquels cela touchoit le moins. Qu’alloit devenir l’honneur des familles, et la gloire du guet à pied, quand les habitués de l'Opéra ne sauroient plus où aller perdre sept ou huit heures par semaine ? Le corps de ville en émoi s'assembla pour susciter un sauveur à la patrie en danger et l’architecte Lenoir promit de rebâtir en soixante jours le temple de la Melpomène lyrique. Il tint parole, à peu près, et ne mit pas plus de deux mois et demi à construire ce théâtre de la Porte Saint-Martin, abandonné depuis, et qu’on rouvre aujourd'hui sous de moins brillans auspices.
Cette salle bâtie en pans de bois, sans portique, sans vestibule, engagée dans la masse et soumise à l’alignement des bâtimens du Boulevard étoit à l'intérieur spacieuse, et abondante en dégagemens commodes, disposée sur un plan circulaire, chose alors nouvelle, décorée avec un éclat également inusité, et très bien pourvue de toutes les machines nécessaires à l’accomplissement des prodiges de l’Opéra. Ce fut pendant quelque temps le plus beau théâtre de Paris. Celui qui s’élevoit dès lors au faubourg Saint-Germain, sur les dessins de MM. de Wailly et Peyre, n’étoit pas encore achevé. Aujourd’hui, par le progrès rapide des choses, le théâtre de la porte Saint–Martin n’est pas même le premier des théâtres du Boulevard, la nouvelle salle de Nicolet, dans ses dimensions beaucoup moins vastes, l’emporte cependant par l’élégance de la décoration et la commodité des distributions.
Depuis fort long-temps, on n'avoit vu à la porte d'aucun spectacle, une cohue comparable à celle qui obstruoit hier les abords du théâtre de la Porte Saint-Martin. L'ouverture des bureaux étoit annoncée pour cinq heures ; le public de cinq heures étoit donc accouru : tous les faubourgs, je pense, s'y trouvèrent. Le Boulevard étoit couvert, et les queues aux bureaux s'étendoient à perte de vue ; il falloit, pour soutenir l’effort de cette multitude infanterie et cavalerie. Beaucoup trop de billets avoient été donnés ou vendus dès le matin. Une seule porte de quatre ou cinq pieds d'ouverture n’étoit pas de mesure avec les deux colonnes affluentes des bureaux, et la masse des porteurs de billets délivrés d'avance, qui pressoient sur le centre. Vers six heures, quelques femmes, à côtes moins résistantes que les autres, vinrent se jeter dans cette foule, et mêler leurs cris d’angoisse et de frayeur aux hurlemens des habitués des théâtres du Boulevard. Cependant la salle se remplissoit : le parterre et les amphithéâtres sont immenses ; et quand les loges louées furent garnies, l’assemblée parut encore plus brillante.
Pour la décoration intérieure, les nouveaux entrepreneurs n’ont rien ajouté à ce qu'avoient fait leurs derniers devanciers. Cette décoration, fort simple et actuellement peu fraîche, est d’assez mauvais goût. Ainsi le premier rang de loges est décoré d’une simple draperie. Au second rang ce sont des fleurs. Les figures d’hommes et d'animaux ne paroissent qu'au troisième et le décorateur a réservé les sphynx et les trépieds de bronze antiques pour les étages supérieurs : on voit que jamais désordre ne fut mieux ordonne. Le second rang de loges s'avance dans quelques parties en saillies sur le premier, et il en est de même du quatrième à l’égard du troisième. Mais on voit parfaitement bien de tous les points de la salle, et le parterre est disposé très commodément. Enfin, c'est à très peu de chose prés l'ancienne salle de l’Opéra ; j'en fais la remarque pour ceux dont le goût est devenu plus difficile par l’habitude de voir des choses meilleures, et qui voudroient se persuader qu'on a beaucoup gâté l’ouvrage de Lenoir, si vanté de son temps.
La scène du Prologue d'inauguration, le Boulevard Saint-Martin, ou Nous y voilà ! se passe sur le carré Saint-Martin : les marchands et les marchandes se réjouissent de l’ouverture du nouveau théâtre. Là aussi se rencontrent, tout à point, les acteurs et les gagistes dont M. le directeur a besoin pour former sa troupe. Duchaume, Gros-Pierre, rappelle ses joyeux succès au théâtre du Vaudeville ; Bourdais, Lafleur, ses exploits au théâtre de l’Odéon ; et Pierson, Nigaudin, fait le nécessaire. Qu'est-ce, dit-il, qu'un mélodrame sans niais ? Un dindon sans farce. Outre le mérite du calembour, auquel tout autre cède, la comparaison a paru plaisante. Ainsi passe en revue tonte la troupe. Puis par quelque machine, on amène les ballets et les représentans allégoriques du mélodrame, de la pantomime et du vaudeville. Un couplet avoit déjà informé le public que la danse, le vaudeville, le mélodrame et la pantomime sont le domaine départi au nouveau théâtre, par son privilège.
Ce prologue et ces couplets ont été fort goûtés des spectateurs : aussi sont-ils des bons faiseurs, MM. Désaugiers et Brazier. La facilité, la popularité, pour ainsi dire, avec laquelle le plus auguste nom s'est venu placer dans le refrain d'un vaudeville poissard, a charmé les spectateurs, et excité de vives acclamations. On a paru aussi fort content de la nouvelle troupe, qui en effet n'est pas mauvaise. Jusque là, tout alloit au mieux.
Si le mélodrame n'est pas arrivé à fin aussi heureusement, ce n'est pas faute assurément que le titre et les personnages ne fussent bien choisis, et les incidens et les mœurs on ne peut mieux appropriés au genre.
Il est bien vraisemblable que le Vieux de la Montagne, prince de ces Ehissessins, qui ont dérivé, dit-on, des beaux noms d'Arsace et d'Arsacides, leur nom rude et barbare dont nous avons fait, par un destin déplorable, le mot infâme d'assassin, n'étoit qu'un chef de bandits cantonné près du chemin de Damas pour détrousser les passans, suivant l'usage immémorial de cet antique Orient, berceau de toute sagesse. Quelques historiens, cependant, veulent que ce fût un grand et puissant monarque, dont la politique consistoit à inspirer à ses voisins une terreur salutaire en les faisant assassiner, de loin à loin, au moment où ils s'y attendoient le moins. Quoi qu'il en soit, on ne peut disconvenir qu'un tel personnage ne soit éminemment propre aux catastrophes du mélodrame.
Quant à l'action, voici à peu près ce que nous en avons pu voir et entendre, dans une loge d'avant-scène fort élevée :
La scène se passe aux environs du mont Liban, dans le temps que le Vieux de la Montagne étoit en guerre avec les Druses, et que les descendans des Godefroy et des Lusignan possédoient encore quelques châteaux dans la Palestine. Je ne veux pas aller plus loin sans remarquer que le mieux seroit, peut-être, de ne pas mêler des noms historiques si respectables à des aventures romanesques pour le moins fort équivoques. Je poursuis :
La princesse Lusignan de Thénaïre, fille vertueuse et mère après avoir été un peu plus que fiancée au comte Godefroy de Damas a donné le jour au brave Altamor, dont il a bien fallu faire d'abord un enfant-trouvé. Altamor est tombé entre les mains d'un vieux Druse, grand trouveur d’enfans, qui en avoit, quelques années auparavant, déjà recueilli deux, garçon et fille, nés du Vieux de la Montagne. Le garçon est mort, et la fille est devenue grande sous le nom d'Atanaïs. Atanaïs et Altamor se croient donc frère et sœur, et tous deux enfans du vieux Druse : l'erreur est sans conséquence ; mais, par malheur, l’une a fait la conquête de son père, le prince des Assassins, et l'autre est devenu amoureux de sa mère, la belle Thénaïre. Le vieux Druse informe celle-ci de tous ces mystères ; mais l’un et l'autre conviennent de ne les révéler aux parties intéressées qu'au moment où le cas deviendroit urgent.
Tel est l’état des choses, lorsqu’une incursion du Vieux de la Montagne oblige tous ces chrétiens à aller chercher un refuge dans le château du comte de Damas. La jalousie du comte, le combat avec Altamor, l’explication, la réconciliation avec Atanaïs, la reconnaissance du fruit de leurs amours, le mariage définitif, remplissent ce second acte. Puis, un nouveau coup de main, préparé par beaucoup de ruses, et accompagné de grands combats, fait passer tout le monde du château du comte de Damas dans le palais du Vieux de la Montagne, qui n'a rien de plus pressé que de faire conduire au harem la jeune Atanaïs. Cependant on apporte la nouvelle que le comte de Damas a été tue dans le combat. Son épouse désolée se résout, pour bien venger sa mort, à garder le secret de la naissance d'Atanaïs jusqu'au moment où le vieux forban, amouraché de plus en plus, sera sur le point d'épouser sa propre fille. Mais une partie de ce secret échappe, je ne sais par où. Le prince des Assassins apprend qu'un des deux enfans enlevés avec le vieux Druse lui appartient. Ici, combat de discrétion et de générosité entre deux jeunes gens : transes secrètes, ironie amère et sanglante de la part de Thénaïre ; parodie des belles scènes de l’Héraclius de Corneille. Mais on menace les jours d'Altamor : la tendresse maternelle se trahit par un cri et des transports involontaires. Le Vieux de ta Montagne reconnoît sa fille. Il ne s'agit plus que du dénouement. Un parti de Druses et de Croisés vient donc mettre !e feu au palais ; le tyran périt et l'innocence est sauvée non sans avoir couru de grands risques, comme on vient de voir. Tous ces perils d'incestes avoient, dès le commencement un peu scandalisé les spectateurs. Les situations ridicules, et surtout l'excessive longueur du troisième acte, achevant d'indisposer les esprits, les dernières scènes et le nom de l’auteur, M. Cuvelier, furent à peine entendus, au milieu des sifflets et des huées. Pour être juste, cependant, il faut convenir que ce mélodrame n'est pas plus absurde que beaucoup d'autres, et que la nouvelle administration a du moins fait voir qu'il ne lui manquoit rien pour réussir dans ce genre. Les acteurs ne sont pas mauvais, et les danseurs sont assez bons. Rien n'est épargné pour les décorations et les costumes, qui m'ont même paru mieux faits et de meilleur goût qu'aux autres petits spectacles. L'orchestre est passable. Le théâtre présente plus de moyens qu'aucun autre pour exécuter des pièces à grand spectacle. C.
Le Nain jaune, n° 340 du 30 décembre 1814, p. lxxxv-lxxxvj :
[Le Nain jaune, qui veut être mordant, attaque vigoureusement la résurrection du Théâtre de la Porte Saint-Martin, qui est pour lui un gouffre financier. La première représentation a été somptueuse : au moins deux cents personnes sur la scène, « rien n’y manque ». Le mélodrame a été précédé d’un prologue, Nous y voilà, jugé de façon presque positive. Le mélodrame est lui annoncé avec une certaine inquiétude : pourvu que ce soit une pantomime, puisqu’on redoute fort une pièce de Cuvelier, dont les capacités d’écrivain sont mises en doute. Il a bien fallu supporter la prose de l’auteur, coupée seulement par « des ballets, des combats et des orages », l’attirail habituel des mélodrames. Le public a créé à son tour un orage au troisième acte, que les amis de l’auteur (une salle de théâtre a toujours de la place pour les amis de l’auteur) tentent de faire passer pour une cabale. Pourtant, selon le critique, il suffirait de « couper deux petites heures dans sa pièce » pour qu’elle s’achève à une heure décente.]
Le voilà donc ouvert de nouveau ce théâtre de la Porte Saint-Martin, qui, depuis quinze ans, dévore la fortune de tous les entrepreneurs qui ont voulu en approcher. M. Saint-Romain s'est présenté sur la brèche avec une bravoure qui fait honneur à son caractère. Il a dit comme Lafontaine :
Et si de réussir je n'emporte le prix,
J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris.
D'abord , il n'a rien épargné pour piquer la curiosité. Deux nouveautés prônées d'avance par tous les journaux lui ont valu une recette comme nous lui en souhaitons beaucoup. Puisse-t-il avoir toujours autant de monde dans la salle qu'il en a mis sur le théâtre. Deux cents personnes au moins composent sa troupe. Acteurs, chanteurs, danseurs, figurans et comparses, rien n'y manque. Le prologue d'inauguration intitulé : Nous y voilà, est un cadre à couplets fort bien rempli par MM. Desaugiers et Brazier ; s'ils n'ont pas fait preuve d'invention, ils ont au moins fait preuve d'esprit. Les scènes assez communes pour le fond, sont brillantes de détails. Le principal mérite de l'ouvrage est de faire paraître chaque acteur de la troupe dans un rôle de son emploi. Après cette pièce on nous a donné un long mélodrame de M. Cuvelier. Le nom de l'auteur qui circulait dans la salle avant la représentation nous faisait vivement désirer une pantomime. Il a obtenu beaucoup de succès dans ce genre, un plaisant a dit de lui :
Il n'écrit que pour ceux qui ne savent pas lire.
Enfin, bon gré, mal gré, nous avons été obligés d'écouter trois actes de la prose de M. Cuvelier, n'ayant pour toute diversion que des ballets, des combats et des orages. Le plus violent a été celui qui s'est élevé dans le parterre pendant le troisième acte. Le Vieux de la Montagne, le farouche Kirterkam a failli lui-même en être victime. Les amis de l'auteur assuraient en sortant qu'il y avait eu une cabale ; nous sommes trop polis pour ne pas laisser cette consolation à M. Cuvelier. Nous l'engageons seulement à couper deux petites heures dans sa pièce pour que l'on puisse sortir du spectacle avant le lendemain.
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