Le Volage, ou le Mariage difficile, comédie en trois actes et en prose, de Caignez, 24 septembre 1807.
Théâtre de l'Impératrice.
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Titre :
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Volage (le), ou le Mariage difficile
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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24 septembre 1807
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Louis-Charles Caigniez
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Almanach des Muses 1808.
Valmont doit hériter de cent mille livres de rente, à condition qu'il se mariera à une époque déterminée. la légèreté de son caractere, et l'inconstance de ses goûts l'ont toujours empéché de faire un choix. Il n'a plus que six jours à réfléchir. Il est menacé de voir passer ce bel héritage dans les mains de son cousin M. Désormeaux. Forcé de se décider, il arrive dans son pays natal, et réunit dans un repas splendide toutes les demoiselles du voisinage ; mais aucune d'elles ne lui convient. Il s'adresse alors à Julie, prétendue de M. Désormeaux ; il ne tarde pas à en être aimé, lorsqu'une dame mystérieuse paraît dans le château, sa présence change tout. Valmont reconnaît en elle madame Dalban, jeune lyonnaise qu'il aime, mais qu'il ne peut épouser car elle est mariée. Son amour se réveille cependant, ses attentions pour Julie diminuent, et celle-ci ne tarde pas à rompre avec lui. Il ne reste plus à marier qu'une vieille parente de Valmont, à laquelle il se voit bien forcé d'offrir sa fortune et sa main. On accepte : mais au moment de conclure, Valmont propose à M. Désormeaux de partager avec lui la succession, à condition qu'il sera dispensé d'éposuer ; M. Désormeaux est prêt à y consentir lorsque la vieille cousine qui a tout entendu paraît indignée, et refuse d'éposuer Valmont. Son embarras redouble, et refuse d'épouser Valmont. Son embarras redouble, il se voit prêt à tout perdre ; mais madame Dolban lui avoue qu'elle est libre, que celui qu'elle a pris pour son mari n'était que son beau-frere, et qu'elle n'a prolongé son erreur qu'afin d'éprouver ses sentimens. Valmont est au comble de la joie. Il épouse celle qu'il aime, et conserve en même temps sa fortune.
Sujet piquant ; beaucoup de naturel dans le dialogue, et souvent du comique ; dénouement heureux, et adroitement ménagé. Du succès.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1807 :
Le Volage, ou le Mariage difficile, comédie en trois actes et en prose, Par M. Caigniez ; Représentée pour la première fois sur le Théâtre de S. M. l’Impératrice, le 24 septembre 1807.
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1807, tome XI (novembre 1807), p. 272-278 :
[Le critique prend comme point de départ la personnalité de l’auteur, spécialisé dans le mélodrame. Il souligne à ce propos la facilité qu’a un auteur de ce genre de pièces de trouver un moyen simple de résoudre toutes les difficultés : il peut à volonté choisir le destin, ou la fortune de ses personnages. On sent que le critique s’amuse à cette énumération de moyens « romanesques ». Le testament est le moyen le plus courant dans les mélodrames. C’est le cas dans cette pièce : Valmont a hérité à douze ans d’une belle fortune à condition, à trente ans d’être marié ou de donner sa fortune à un cousin. Mais il a plutôt pensé à s’amuser quà chercher épouse. Et il est amoureux d’une femme mariée et vertueuse. Une parente lui a cependant trouvé une épouse convenable, et l’attend chez elle. On est à six jours de l’échéance. La pièce tourne autour de ce mariage que Valmont ne souhaite pas, mais bien sûr tout finit par s’arranger : la femme mariée était veuve, en fait, et est disposée à épouser Valmont ! Le jugement porté est plutôt positif : fond léger, détails agréables, dialogue spirituel, facile, marche vive et amusante, qu’on peut améliorer au prix de quelques coupures. Et la pièce est bien jouée !]
Le Volage ou le Mariage difficile.
M. Caigniez, auteur de la pièce nouvelle, a été, dit-on, jusqu'à ce jour, un auteur distingué dans le mélodrame. On connaît le pouvoir d'une première habitude :
En songeant qu'il faut qu'on l'oublie
On s'en souvient.
C'est bien pis vraiment qu'un premier amour. Les souvenirs de M. Caigniez ont donné au sujet de sa pièce quelque chose un peu romanesque ; mais il en a tiré parti pour faire une pièce amusante ; il ne faut pas trop le chicaner sur les moyens ; un auteur est souvent bien embarrassé pour amener ses personnages où il veut le faire, et alors sa position est réellement dangereuse, placé entre la tentation et le besoin ; il peut disposer à son gré de toutes les richesses de la nature. Cent mille livres de rentes à donner ne sont rien pour lui ; il peut faire arriver des Indes une succession que l'on n'attendait pas, ressusciter un mari, un père, un amant que l'on croyait mort, ou tuer d'un coup d'épée, d'un boulet de canon ou simplement d'une attaque d'apoplexie, un autre qu'on croyait vivant. Il peut, ni plus, ni moins qu'un journaliste, mettre garnison dans une ville, faire arriver ou partir un régiment, lever une armée, exciter une révolte,
Mettre un roi hors du trône et donner ses états ;
il peut tout cela, et vous voulez qu'il se refuse un petit événement romanesque ou invraisemblable dont il a besoin ; cela est impossible.
De tous les moyens dont on peut se servir pour amener une situation un peu romanesque, celle d'un testament est la meilleure, et a bien été aussi la plus employée. Qu'un homme ait fait, il y a douze ou quinze ans, des dispositions un peu extraordinaires,
Quel mal cela fait-il ? Ceux qui sont morts sont morts.
On n'ira pas leur demander raison de leurs fantaisies ; ils n'auront pas besoin de les justifier par de mauvaises raisons, ou un caractère bizarre. Leur volonté est à l'abri du changement ; la succession est ouverte, il ne s'agit plus que d'hériter, et quand on en est là, on n'y regarde pas de si près. Héritons donc. Aussi bien la clause qu'a mise l'oncle de Valmont à cet héritage de cent mille livres de rente qu'il lui a laissées il y a douze ans, n'est pas une des plus déraisonnables qu'on puisse insérer dans un testament de comédie. Valmont, à dix-huit ans, annonçait un penchant pour le plaisir et l'inconstance, qui s'est si bien confirmé, que, depuis douze ans qu'il a hérité de cent mille livres de rente, à condition qu'il serait marié à trente ans, sans quoi l'héritage, devait retourner alors à son cousin Desormeaux, Valmont s'est occupé à toute autre chose qu'à gagner ses cent mille livres de rente. Il a bien eu cependant quelques velléités de mariage ; mais, pour comble de malheur, il s'est avisé, depuis deux ans, de devenir amoureux d'une Mme. d'Olban, femme, dit-on, d'un officier général, personne très-vertueuse qui n'a jamais voulu accepter l'amour de Valmont, ce qui fait qu'il ne le lui a pas retiré, à qui il fait mille infidélités, ce qui fait qu'il lui est fidéle, du moins
Quand son tour revient,
car
Il songe à sa belle,
Quand il s'en souvient.
Et Mme. d'Olban a soin de le faire souvenir d'elle dans les occasions importantes. Sitôt que Valmont, qui aime autant à changer de place qu'à changer de maîtresse, a trouvé, en passant dans quelque ville, une fille à marier assez à son gré pour le faire ressouvenir du testament de son oncle, Mme. d'Olban, qui aime aussi beaucoup les voyages, arrive par hasard dans la ville où Valmont va se marier ; alors tout l'amour de celui-ci renaît, ses résolutions s'évanouissent, et quand le mariage est bien rompu, Mme. d'Olban repart en l'assurant de sa parfaite amitié, sans que le pauvre Valmont ait jamais pu obtenir ni son amour, ni son indifférence.
Cependant un mariage à Lyon est prêt à se conclure. Mlle. Arsenne, parente âgée de Valmont, qui tient sa maison et l'attend dans la terre auprès de Paris qu'il a hérité de son oncle, espère le voir arriver bientôt avec sa femme ; mais Mme. d'Olban a paru comme à l'ordinaire, et Valmont arrive de Lyon, seul, garçon, et n'ayant plus que six jours jusqu'à l'expiration du terme fatal des trente ans.
Dans les nouveaux dégoûts que lui ont inspiré pour le mariage la vue de Mme. d'Olban, et aussi quelques jolies figures qu'il a rencontrées dans les auberges en courant la poste, Valmont s'est décidé au parti très-philosophique de renoncer au mariage et à la fortune, et de s'en tenir au bien modique qu'il a reçu de son père : mais il est en procès pour ce bien ; il apprend en arrivant que son procès est perdu, et se voit réduit aux cent mille livres de rente qui peut-être vont dans six jours se réduire à rien. Le cousin Desormeaux, espèce d'imbécille, est déjà venu prendre des mesures dans le château avec son futur beau-père, M. de Vertefeuille,, beaucoup plus imbécille que lui, et Mlle. Julie de Vertefeuille sa prétendue, beaucoup plus avisée qu'il ne la lui faudrait. Piqué de ce procédé, Valmont pense qu'il serait assez plaisant de s'en venger, en épousant la prétendue de son cousin ; et Julie, à qui Valmont paraît fort aimable et sur-tout fort pressant, parce que, comme il le dit lui - même, il est un peu pressé, trouverait volontiers la plaisanterie bonne. Ils ne faut donc plus que le consentement du père ; mais M. de Vertefeuille n'a jamais refusé à rien son consentement, ni son approbation. Quand sa fille et Desormeaux se disputent entr'eux par anticipation des douceurs du mariage, si Desormeaux dit à Julie qu'elle est insupportable, M. de Vertefeuille dit, sans doute ; si celui-ci lui répond qu'il est ridicule, certainement, dit M. de Vertefeuille. Il a donc bientôt dit certainement et sans doute à Valmont et à ses trente mille livres de rente. Mais Mme. d'Olban arrive, et aimable pour Valmont ; sans lui parler d'amour, elle rallume tout le sien, inspire de la jalousie à Julie, qui rompt le mariage, et Valmont, qui ne sait plus où donner de la tête entre son amour et sa ruine prochaine, prend un parti désespéré, c'est d'épouser Mlle. Arsenne. A ce trait-là, Desorméaux, s'appercevant qu'il est capable de tout, veut bien consentir à annuller la clause du testament, moyennant vingt-cinq mille livres de rente que lui abandonnera Valmont. Mais Mme. d'Olban, qui n'est point, comme on l'avait cru, la femme de M. d'Olban, mais la veuve du président d'Olban, son frère, offre sa main à Valmont, qu'elle aime depuis long-temps. Instruite de la clause du testament, elle a craint d'être épousée par intérèt ; mais maintenant que Valmont, libre de racheter son indépendance par un sacrifice qui lui coûtera peu, est maître, en l'épousant, de lui prouver son amour ; elle se propose et est acceptée avec d'autant plus de transports, qu'elle a l'air d'une femme raisonnable qui a pardonné assez d'infidélités pour laisser espérer qu'elle en pardonnera encore quelques unes.
Cette pièce , dont le fond est léger, est rempli de détails agréables ; le dialogue en est gai, spirituel, facile, la marche vive et amusante. Il faudrait peut-être retrancher quelques longueurs dans le rôle d'un paysan raisonneur à la manière de ceux de Marivaux ; quelques expressions un peu vives de celui de Julie, et une petite galanterie d'assez mauvais goût dans celui de M.de Vertefeuille. Ce rôle de M. de Vertefeuille est assez plaisant dans sa nullité, mais celui de Desormeaux est chargé, et Rosambeau qui le joue, le charge encore. Ce qui prouve en faveur des autres rôles contre celui-ci, c'est qu'il est le moins amusant de tous. Pour qu'un niais n'amuse pas autant ou même plus que les autres personnages, il faut qu'il soit en bonne compagnie, mais alors il y est déplacé.
Clozel a fait grand plaisir dans le joli rôle de Valmont. La piéce est en général bien jouée ; elle a été très-applaudie, on a demandé l'auteur. P.
Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1807, tome V (septembre 1807), p. 203-204 :
[La comédie, genre difficile, où innover est ardu. Ici, tentative de faire du volage le sujet d’une « pièce de caractère ». L’intrigue est résumée en mettant en avant la succession des conquêtes féminines du personnage. Détails agréables, mais un peu lente et à lécriture imprécise : on voit que l’auteur est hébitué à un autre genre (et un genre moins noble que la comédie de caractère).]
Théâtre de l'Impératrice.
Le Volage ou le Mariage difficile.
La comédie devient de jour en jour plus difficile à traiter, c'est un champ, où tant d'autres ont moissonné qu'il nous reste à peine à glaner. Un sujet qui a l'apparence d'être neuf est une mine précieuse pour un auteur : rarement il trouve à en exploiter qui ne l'aient pas été par ses devanciers.
On a mis en scène bien des volages, mais on n'en avoit pas fait le sujet de ce qu'on appelle une pièce de caractère. C'est ce qu'à entrepris M. Caignez. Son volage, Valmont, a jusqu'à l'âge de trente ans voltigé de belle en belle sans songer à se marier. Le testament d'un vieil oncle, lui assure une succession de cent mille livres de rente s'il se marie à cet âge, mais le déshérite s'il le passe d'un jour sans avoir fait un choix et s'être fixé. Du caractère de Valmont et de cette clause singulière naissent les difficultés qui font le comique de la pièce. Il ne voudroit pas perdre les cent mille francs, mais chaque femme qui paroît lui semble plus belle que toutes celles qu'il a vues. Ses irrésolutions le mettent en danger de perdre la succession ; il va, pour la conserver,se sacrifier et épouser une Duègne de cinquante ans, lorsqu'une femme qu'il aimoit, et qu'il croyoit mariée, lui apprend qu'elle n'est que la belle sœur de celui dont il la croyoit l'épouse.
Les détails de cette comédie sont agréables. Elle n'est peut-être pas menée assez vivement, écrite avec assez de précision ; on voit que c'est l'essai d'un homme familier avec un autre genre ; mais cet essai est celui d'un homme d'esprit et doit l'engager à continuer.
Clozel à très-bien joué le rôle principal.
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