Les Véritables marionnettes, ou le Mélodrame tombé, facétie sans dialogue, en un acte, en trois scènes, à grand spectacle, orné de couplets, danses, combats, pantomime, et à un seul acteur parlant, d'Édouard-Alexandre Bignon, 26 novembre 1806.
Théâtre de la Gaîté.
Courrier des spectacles, n° 3580 du 28 novembre 1806, p. 2 :
[Le début de l'article est consacré à des considérations quasi philosophiques sur l'humanité, et sur le rapport des comédiens avec les marionnettes. Il y a dans le deuxième paragraphe un petit côté « paradoxe du comédien » frappant, même si le critique se contente des apparences. La pièce est une thèse, et elle veut démontrer, selon le critique, que les acteurs ne sont que des marionnettes vivantes. Il résume l'intrigue pour en convaincre le lecteur : un auteur humilié par l'échec de sa pièce qui veut s'en venger en faisant jouer sa pièce par des marionnettes, et qui y parvient. S'ajoute à cette démonstration une intrigue amoureuse (ou simplement matrimoniale) : la fille de l'auteur est enlevée, et il est bien obligé de la céder à son ravisseur après avoir perdu un pari. Le critique adhère à cette vision des artistes (le critique n'est pas très clair : parle-t-il des auteurs ou des acteurs, ou des deux à la fois ?). Il les invité à être « un peu moins automates ». Mais il se reprend en affirmant que cette assimilation réductrice n'est vraie que d'« un petit nombre d'artistes ». Sinon, pièce gaie, quelques couplets « d'un sel piquant ». Et il finit par donner le nom du Prométhée de cette pièce, à la fois auteur et acteur.]
Théâtre de la Gaîté.
Les Véritables Marionnettes.
Tous les hommes sont plus ou moins marionnettes ; c’est un fuit démontré; mais les comédiens sont plus marionnettes que tous les autres hommes ; c’est un point à démontrer. L’auteur de la nouvelle pièce s’est chargé de la démonstration ; et comme il est comédien lui-même, sou autorité doit avoir plus de poids.
Il est certain qu’il y a beaucoup de méchanisme dans l’art du comédien. Un acteur sort de la coulisse ; il est pâle, échevelé, de profonds soupirs sortent de son sein, sa poitrine se soulève avec peine, tous ses traits annoncent le trouble et le désespoir. Vous croyez qu’il est fortement ému : point du tout ; tout cela n’est que du méchanisme ; il est pâle parce qu’il s’est blanchi le visage ; il a les cheveux en désordre parce que son perruquier les a hérissés sur sa tête ; sa poitrine se soulève parce qu’il aspire fortement l’air de ses poumons, et qu’il ressère sa trachée arterre ; du reste, il est tout aussi tranquille que vous, et peut être beaucoup plus ; laissez-le débiter sa tirade, et suivez le de l’œil dans la coulisse ; vous serez tout étonné de le voir badiner avec une actrice ou caresser son carlin. Un bon automate de Vaucanson, surmonté d’une tête parlante, comme celle du grand Albert, pourroit peut être en faire autant. Voilà ce qu'a voulu prouver l’auteur des Véritables Marionnettes.
Il suppose qu’un auteur de mélodrame nommé M. Beuglant, a été hué, sifflé, berné à je ne sais quel Théâtre. Beuglant, comme tous les auteurs, est convaincu du mérite de sa pièce, et n’accuse de sa mésaventure que la sottise des comédiens. Dans son désespoir, il se retire avec sa fille, chez M. Bois-Sec, méchanicien , à l’Estrapade. Celui-ci le console d’abord de son mieux ; mais comme la douleur aime la solitude, il le laisse seul gémir tout à son aise. Beuglant monte dans l’atelier de Bois-Sec ; il y trouve des automates, un livre que son ami a laissé sur sa table lui enseigne l’art de s’en servir ; il monte les ressorts, et fait jouer sa pièce aux automates, qui s’en tirent à merveille. Le poëte charmé de cette decouverte, jure de n’avoir désormais d’autres acteurs ; mais tandis qu’il s’occupe de ses personnages de bois, un personnage vivant s’occupe de sa fille, et l’enlève. Grand courroux de la part de Beuglant. Le ravisseur est le meilleur enfant du monde ; il propose un pari à Beugland, le gagne, et obtient la main de l’aimable Beuglante.
Combien de Beuglants de nos Théâtres seroient souvent avantageusement remplacés par des Marionettes ! Combien de fois n’est-on pas réduit à préférer Polichinelle à de mauvaises caricatures dramatiques ! Marionettes des grands et des petits Théâtres, profitez de la leçon, ou soyez un peu moins automates. Ceci n’est dit que pour un petit nombre d’artistes. D’autres sont aussi supérieurs aux Marionnettes que l’auteur d’un ouvrage est supérieur au copiste qui l’écrit. Les Vraies Marionnettes ont de la gaîté ; plusieurs couplets sont d’un sel piquant, et le jeu de l'acteur fait aussi beaucoup de bien à la pièce. Cet acteur se nomme Bignon, il est le seul personnage animé ; mais c'est un Prométhée, qui donne la vie à sont [sic] ce qui l’entoure ; car il est aussi auteur de cet ouvrage.
Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l'an 1807, p. 214-215 :
[Comme un résumé de l'article du Ourrier des spectacles ci-dessus. D'abord l'analyse du sujet, un auteur qui conteste l'échec de sa pièce et trouve moyen d'en appeler en la faisant jouer par des marionnettes. A quoi s'ajoute une histoire d'amour, l'enlèvement de la fille de l'auteur, qui finit par épouser son ravisseur. Jugement : « de la gaîté dans cette bluette et quelques couplets d'un sel piquant », fort bien jouée par l'auteur lui-même.]
Les véritables Marionnettes, ou le Mélodrame tombé, facétie en 1 acte, de M. Bignon. (26 Novembre.)
Beuglan, auteur de mélodrame, vient d'être sifflé ; convaincu, comme ses confrères, que les comédiens seuls ont tort, et que sa pièce a raison, il se retire avec sa fille, chez M. Bois-Sec, méchanicien, qui le console de son échec. Beuglan monte à l'attelier de Bois-Sec, y trouve des automates ; il se met dans l'idée de leur faire jouer sa pièce, et par son aide, ils s'en tirent à merveille. Pendant cette belle occupation, on lui enlève sa fille ; grand courroux de l'auteur, qui crie comme doit crier un Beuglan. Mais le ravisseur lui propose un pari, le gagne, et obtient la main de sa fille.
On trouve de la gaîté dans cette bluette et quelques couplets d'un sel piquant. Le jeu de l'acteur, qui est auteur de la pièce, fait valoir l'ouvrage.
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