Les Voyages de Scarmentade

Les Voyages de Scarmentade, comédie en cinq actes et en vers, de Népomucène-Louis Lemercier, 20 septembre 1808.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Voyages de Scarmentade (les)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création :

20 septembre 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Népomucène-Louis Lemercier

Almanach des Muses 1809.

Tout le monde connaît le roman de Voltaire, intitulé les Voyages de Scarmentado : M. Lemercier a essayé d'en faire une comédie, dont le premier acte se passe en Angleterre, le second en Espagne, le troisieme en Italie, le quatrieme à Alger, et le cinquieme en France.

Essai malheureux d'un auteur que des succès brillants peuvent consoler de la froideur avec laquelle on a reçu son imbroglio.

Journal de l'Empire, du vendredi 23 septembre 1808, p. 1-2 :

[Un bel exemple de feuilleton à la Geoffroy, le redoutable critique du Journal de l'Empire. Le jugement porté est d'une grand sévérité, puisqu'une comédie imitant un conte de Voltaire (un ennemi de Geoffroy, d'ordinaire, devient un retour à la barbarie. Bien sûr, la pièce de Lemercier ne respecte pas les lois immuables (selon Geoffroy) du théâtre, elle fait voyager le spectateur dans le monde entier, et on sent bien aussi que l'indécence du propos dérange le très chaste critique (cette dame qu'on retrouve à chaque étape en butte aux désirs de ses maris potentiels). Mais le lecteur moderne (à défaut du spectateur, bien en peine de voir la pièce) peut s'étonner de l'étroitesse des opinions du critique sur le théâtre. La pièce a bien sûr été sifflée, mais ces sifflets ne sont pas si simples à interpréter (action d'une cabale, ou expression d'un jugement négatif ?). Le lendemain, la représentation a été nettement plus paisible, mais si la pièce a pu être mieux jouée, avec plus d'ensemble (on sait que les acteurs ne jouent pas toujours avec beaucoup d'ensemble), cela ne la rend pas meilleure (et la perfidie finale mérite qu'on la relève : pas de pire cabale contre l'auteur que celle de l'ouvrage même...).]

THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

Les Voyages de Scarmantade.

Jamais auteur ne fit voir autant de pays au public ; jamais le public n'envoya promener un auteur avec moins d'égards et de façons. Il n'est pas possible de s'imaginer qu'un homme à qui l'on veut absolument donner de l'esprit; parce qu'il y a peu de sens dans ses ouvrages, ait été assez dépourvu de l'un et l'autre pour exposer, sur la scène, une production dont la chute étoit certaine. Peut-être, se dévouant lui-même pour le bien de l'art, a-t-il voulu nous donner, à ses risques et périls, un exemple frappant de la nécessité, de la raison et des règles, même pour amuser et pour plaire ? Je ne vois rien d'ailleurs d'ingénieux dans une tentative qui nous ramène à la barbarie ; quand un auteur nous fait faire le tour du monde dans sa pièce, il est à présumer que la tête lui tourne un peu.

Voltaire fait l'Histoire des Voyages de Scarmantado ; mais comment a-t-on pu s'aviser de faire une comédie de cette histoire ? L'ouvrage de Voltaire n'est qu'un cadre pour quelques satires contre le genre humain : ces facéties peuvent être philosophiques, mais elles n'ont rien de dramatique pour quiconque a la plus légère connoissance du théâtre. Le voyageur Scarmantado voit partout d'horribles folies, de cruelles injustice; dont il est sur le point d'être la victime ; le Scarmantade de la comédie est près d'être pendu en Angleterre, brûlé en Espagne, assassiné en Italie, empalé en Turquie, et finit par se marier en Provence ; mais le comble du malheur, c'est que ces extravagances, ses aventures, ses dangers n'amusent point : ce sont des folies ennuyeuses ; bien loin qu'on puisse les accuser d'être des débauches d'esprit, l'esprit est ce qu'on y trouve le plus. La pièce est précédée d'un prologue où l'on demande grace pour la Folie ; on s'autorise même de l'exemple de quelques farces où Molière s'est permis des folies. Ce prologue étoit absolument inutile ; l'esprit et la gaieté demandent grace pour la folie mieux que tous les prologues du monde. Amusez, faites rire, et soyez aussi fou que vous voudrez ; mais quand on fait bâiller, il faut être sage et raisonnable : il est bon d'observer aussi qu'il faut choisir le lieu convenable aux folies. Il est doux, dit Horace, d'être fou en son lieu et place : Dulce est desipere in loco. Il y a des endroits où il est permis de s'affranchir de la raison et des règles ; mais ce n'est pas sur un grand théâtre tel que l'Odéon, sur un second théâtre français qu'on doit prendre de pareilles licences. L'Odéon n'a pas assez senti sa dignité, et ne s'est pas assez respecté lui-même, quand il a risqué un si bizarre ouvrage. S'il a voulu faire l'essai d'un nouveau genre, l'essai n'est pas heureux  ou plutôt c'est une heureuse disgrace, si elle peut persuader aux administrateurs de l'Odéon qu'il n'y a point pour eux de salut hors la bonne comédie.

Voltaire fait voyager seul son Scarmantado ; mais Scarmantade a pour compagne de ses courses vagabondes une Agnès, qui tantôt est la maîtresse d'un inquisiteur, tantôt l'objet des vœux d'un prince italien, tantôt la favorite d'un bacha : quelle Agnès ! Ce n'est qu'après ses voyages que le Scarmantado de voltaire devient ce que sont beaucoup de maris : on peut croire que Scarmantade l'est long-temps avant son mariage. Il y a beaucoup de spectacle dans la pièce, beaucoup de marches pompeuses. Ce spectacle et ces marches, au lieu de l'admiration, n'ont excité que la risée ; le ballet sur-tout, après avoir épuisé les huées et fatigué les sifflets, a si fort excédé le parterre, que les spectateurs ont fini par se lever en masse sur leurs bancs, et se sont mis à danser eux-mêmes pour se désennuyer : événement presque unique dans les fastes du théâtre.

J'apprends que le lendemain Scarmantade a été un peu mieux accueilli, et beaucoup moins sifflé : c'est une consolation ; mais il y a encore loin de là au succès. Il est possible que le lendemain on ait mieux entendu les acteurs, et qu'ils aient mis un peu d'ensemble dans la représentation : l'ouvrage n'en est pas devenu beaucoup meilleur que la veille. Peut-être voudra-t-on rejeter le malheur du premier jour sur une cabale ; mais il ne peut pas y avoir de plus furieuse cabale contre l'auteur que celle de son ouvrage.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome X, octobre 1808, p. 272-279 :

[Le compte rendu tient d’abord à souligner que la pièce à examiner est une sorte de prodige : une comédie en cinq actes, en vers et un prologue, se déroulant dans cinq pays. Précision : ce n’est pas le Scarmantade de Voltaire, qui visite bien plus de pays et assiste à tant d’événements historiques avant de faire une fin par le mariage. Ici, le personnage se contente de visiter quatre pays avant de revenir en France épouser celle qu’il a retrouvée dans chaque pays et dont il a sauvé à chaque fois la vertu menacée. Le critique prête à l’auteur une intention presque didactique, « donner dans un cadre resserré, une idée rapide des mœurs, des habitudes, des coutumes et du caractère des peuples nos voisins », et faire une comédie philosophique, mais elle manque d’un principe pour diriger l’action du personnage, dont les voyages n’obéissent à aucun but déterminé. le résultat, c’est le caractère répétitif de chaque séjour : cinq récits, cinq sauvetages d'Agnès, cinq reconnaissances. De plus, le genre même de la comédie philosophique, au « style critique, épigrammatique, satirique même » ne convient guère à la scène : il lui faudrait « un parterre de philosophes et d'hommes d'état », ce qui n’est pas le cas du parterre de l’Odéon. L’analyse de la pièce acte par acte souligne la rupture entre le début (le prologue et les deux premiers actes, bien accueillis par le public, et la suite plus contesté. L’auteur a pourtant été demandé, mais peut-être pas pour le féliciter, et en homme expérimenté il a préféré rester anonyme et se faire passer pour un jeune débutant de 18 ans, alors qu’il a commencé sa carrière en 1792. Sans donner de nom, le critique rappelle son goût pour les audaces dramatiques, dans la violation des principes d’Aristote, « de nos règles dramatiques, et de celles du goût qui règne au Théâtre-français » (alors que son grand succès passé – Agamemnon – respectait justement ces mêmes règles et les unités). Chute ou succès, peu importe. La pièce confirme l’utilité des règles et des contraintes qu’elles imposent, contraintes fécondes quand la liberté vis-à-vis de ces règles est si dangereuse. La pièce est « une erreur sans conséquence d'un homme de beaucoup d'esprit », qui aurait dû la laisser « au fond de son portefeuille ».]

THÉATRE DE L' IMPÉRATRICE.

Les Voyages de Scarmantade, comédie en 5 actes et en vers.

Une foule immense et curieuse s'était portée à la représentation d'un ouvrage dont le titre était en effet assez piquant : les Voyages de Scarmantade, en vers, non pas en cinq actes seulement, mais en cinq pays, comédie plus qu'aucune autre, si la comédie doit peindre les mœurs, puisqu'ici les mœurs de cinq pays nous sont représentées ; imbroglio par égard pour les spectateurs sévères et difficiles ; à grand spectacle pour ceux que cette promesse fait accourir ; avec prologue ; pour l'intelligence du sujet.

On croyait généralement que ce Scarmantade était celui que l'auteur de Zadig et de l'Optimisme fait naître en 1600 à Candie ; envoie à Rome pour y être excommunié et emprisonné ; en France pour voir la fin tragique du maréchal d'Ancre ; en Angleterre, au moment où le roi, la famille royale et tout le parlement sont prêts à sauter en l'air ; en Hollande, le jour où tombe la tête de Barnevelt ; â Séville, où l'attend un autodafé ; en Turquie, où il a la chance d'être empalé ou circoncis ; en Perse, en Chine, dans le Mogol, où il voit d'étranges exemples des justices humaines ; en Afrique, où des nègres exercent sur lui de cruelles. représailles ; en France enfin, où il épouse une femme, est trompé par elle, et trouve son état le plus doux de la vie.

Le. récit succinct des voyages de ce Scarmantado, était bien fait pour donner envie de voir ces mêmes voyages en action ; c'est donc lui que l'on espérait voir ; malheureusement ce n'était pas lui qui a paru, mais un jeune Parisien, nommé Lisidor, qui ne pouvant obtenir la main de sa maîtresse, s'expatrie, court le monde sous le nom de Scarmantade. Il visite, en quatre actes, l'Angleterre. l'Espagne, l'Italie, la Turquie ; au cinquième, il revient en France, y retrouve et épouse son Agnès, sa maîtresse chérie, qu'il a rencontrée dans tous les pays qu'il a parcourus, et dont sa présence a toujours, à point nommé, garanti la vertu, sauvé l'honneur et la fidélité, contre les entreprises des lords, des inquisiteurs, des sigisbés, des bachas et des corsaires.

L'intention de l'auteur a été de donner dans un cadre resserré, une idée rapide des mœurs, des habitudes, des coutumes et du caractère des peuples nos voisins ; son ouvrage est un Essai dramatique sur l'esprit et les mœurs des nations. il a fait ou voulu faire une comédie philosophique ; malheureusement cette comédie n'offre pas une idée première générale, un principe, dont l'action soit le développement, et les voyages du héros, la réfutation,ou la conséquence : par exemple, si Scarmantade, mécontent de la France, cherchait en voyageant un plus beau pays, des mœurs plus douces, des lois plus protectrices, des habitans plus policés, des femmes plus aimables, c'est à-dire un mieux imaginaire, et s'il se trouvait par-tout démenti par la vérité, et détrompé par l'expérience, on suivrait avec intérêt les développemens de ses idées et le progrès de son instruction : mais il n'en est pas ainsi. Scarmantade voyage d'abord sans un but déterminé ; ses aventures ont de l'uniformité, ses périls sont toujours les mêmes, aux formes près ; ses moyens de salut exigent, d'acte en acte, cinq récits, et l'honneur d'Agnès ne peut être sauvé qu'à l'aide de cinq reconnaissances successives : on a trouvé que c'était beaucoup trop.

La comédie philosophique a contre elle un obstacle presqu'invincible, fût-elle traitée avec tout l'esprit qui brille dans les Lettres persannes et dans Candide ; ces traits critiques, ces tableaux libres, ces rapprochemens historiques, ces expressions hardies et originales qui font le charme du lecteur, lui commandent le rire, et sous une enveloppe badine l'appellent à la réflexion ; ce style critique, épigrammatique, satirique même n'est pas du domaine de la scène, où il est toujours employé en pure perte pour un grand nombre de spectateurs, qui, s'ils osaient, demanderaient une interprétation à chaque mot. Les Lettres persannes dialoguées et mises en scène, demanderaient un parterre de philosophes et d'hommes d'état.

Le parterre de l'Odéon n'était, je crois composé ni d'hommes d'état, ni de philosophes, mais d'une vive et nombreuse jeunesse à laquelle on avait promis un spectacle très-amusant, et une belle occasion de rire à gorge déployée : ses dispositions à cet égard paraissaient ne rien laisser à désirer.

Le prologue où l'on fait un peu la guerre à la poétique d'Aristote, aux règles théâtrales, aux censeurs sévères, n'a point trouvé de contradicteurs : on ne risque jamais rien de laisser les gens s'engager et promettre.

Le premier acte a fait plaisir : un tableau vrai du caractère anglais et de quelques usages de ce pays ; un lord consumé du spléen [sic], qui parie la moitié de sa fortune qu'il finira par se tuer ; Scarmantade, victime de la législation la plus belle de ce monde, innocent, condamné à être pendu, et vendant dix fois son cadavre pour avoir le moyen de payer son libérateur; tout cela a fait rire, c'était l'essentiel.

Au second acte, un spadassin espagnol qui veut faire tirer l'épée même au grand inquisiteur ; quelques pratiques familières au Saint Office ; Scarmantade retrouvant Agnès pour endosser un sanbenito ; une intrigue assez romanesque ayant bien la couleur locale, ont encore trouvé le spectateur disposé à tenter un troisième voyage.

Celui-ci a été malheureux ; c'était en Italie : rien de plus froid et de plus insignifiant que la petite intrigue de cet acte; car

Chaque acte de la pièce est une scène entière.

Ce voyage a commencé à dégoûter un peu de ceux qui restaient à faire : il fallait cependant suivre Scarmantade en Turquie : là nous l'avons revu favori d'un pacha, qui reçoit du sultan, qui l'a achetée à des corsaires, cette Agnès toujours pure, chaste, fidelle, toujours digne de son nom. Un spectacle assez pompeux s'est ici déployé ; le public ne l'a pas toujours trouvé de bon goût : la fête donnée par le pacha à sa nouvelle maîtresse lui a paru longue, et les danseurs assez mal choisis : le parterre interrompait le ballet d'une manière bruyante ; voyant que les danseurs ne voulaient pas finir, il n'a pas voulu les laisser faire tous seuls, et se mettant tout entier à chanter et à danser, il a mis Scarmantade dans un péril assez pressant : pendant ce mouvement grotesque, le pacha s'est avisé de surprendre l'intelligence d'Agnès et Scarmantade ; la justice d'un pacha est expéditive : celui-ci a crié : le pal ; le pal ! Le parterre riait beaucoup en le demandant aussi, et nous en aurions eu probablement le spectacle, si le cinquième acte n'eût promptement ramené Scarmantade en France.

Là il retrouve, sous les habits d'une vive et élégante Provençale, son Agnès toujours immaculée, mais prête à se marier à un capitaine de vaisseau ; cependant comme enfin il est las des voyages ; qu'il veut faire une fin et planter, comme dit Candide, les choux de son jardin, il récapitule ses aventures ; et sa dernière, celle qu'on lui avoue être la plus périlleuse, et à laquelle il se dévoue avec le plus de courage, est de se marier.

On a beaucoup demandé l'auteur qu'on avait violemment sifflé : c'est une contradiction, une politesse qui tient de l'ironie, et dans toute la force du terme un persifflage qui devient très à la mode : le parterre veut, à l'exemple des anciens, couronner sa victime ; il veut plus ; il prétend qu'elle se nomme avant que de tomber. Quelques auteurs, dans ce moment difficile, ont la bonté de prendre la chose au sérieux, et la naïve complaisance de laisser décliner leur nom ; mais celui de Scarmantade paraît trop bien connaître le public pour donner dans un tel piége ; un acteur est venu dire que la pièce était d'un jeune homme de 18 ans qui désirait garder l'anonyme ; ici le parterre s'est trouvé fort désappointé ; mais les chronologistes sont venus à son secours ; on a calculé que le jeune homme de 18 ans devait avoir aujourd'hui quelque peu davantage, puisqu'en 1792 sa pièce reçue et apprise à la Comédie-française, allait être donnée, si les troubles civils n'étaient venus effrayer et exiler Scarmantade et son Agnès.

Le nom de l'auteur a dès-lors circulé, graces à ces officieux personnages qui ne cultivent leur mémoire que pour le plaisir d'être indiscrets, et l'on a reconnu un homme de beaucoup de talent et d'esprit qui a bien tort de se moquer d'Aristote, de nos règles dramatiques, et de celles du goût qui règne au Théâtre-français, car il obtint un jour un succès éclatant, unanime, qui fixa sur lui tous les yeux, l'éleva de suite à une assez haute renommée, et ce jour-là, l'ingrat qu'il est, il avait respecté les règles dramatiques et les unités d'Aristote.

On dit la pièce tombée ; on dit qu'elle a réussi : il n'importe guères, le fait est qu'elle sera redonnée et peut-être un assez grand nombre de fois ; mais cela ne tirera point à conséquence ; les imitateurs ne se trouveront pas assez encouragés, ils seront rares ; et dans des écarts de ce genre ce sont les imitateurs qui sont dangereux Or, il demeure mieux prouvé que jamais que notre raison dramatique est la raison elle-même ; que nos règles théâtrales ne sont autre chose qu'une contrainte salutaire qui force les auteurs à avoir du bon sens, ou du moins à en emprunter le langage ; que se débarrasser de toute difficulté, c'est s'en donner à soi même une très grande, et que c'est un terrible engagement à prendre que de venir dire au public : « MM., je vais m'affranchir de toute règle, je vais prendre toute espèce de liberté : nous verrons dans le cours d'une représentation les quatre parties du monde, et notre héros vieillira de quelques années ; mon style se sentira de la liberté de mon plan ; j'aurai quelquefois de la correction, de la fermeté, mais je ne me refuserai pas quelques bizarreries, et même certaines trivialités : permettez moi tout cela, et je vous amuserai. »

C'était la promesse du prologue : quant à la pièce, c'est une erreur sans conséquence d'un homme de beaucoup d'esprit, c'est l'ouvrage d'une imagination vive et précoce ; et ceux qui connaissent le caractère de l'auteur, ne douteront pas qu'il n'ait laissé faire cette recherche au fond de son portefeuille avec beaucoup de complaisance, et sans nulle prétention.               S....

L’Opinion du parterre, cinquième année (janvier 1808), p. 246-247 :

[Critique virulente d’un essai dramatique présenté comme une « mauvaise farce » indigne d’un auteur comme Lemercier. Et la première représentation a été, comme à chaque pièce nouvelle de cet auteur, l’occasion d’un « tumulte épouvantable ».]

20 Septembre.

Première représentation des Voyages de Scarmentade, comédie à grand spectacle, en cinq actes, en vers, précédée d'un prologue, où parurent Chazelles et madame Dacosta.

On savait bien que M. Lemercier n'aimait pas les routes battues, qu'il méprisait les règles suivies avec tant de succès par nos bons auteurs, enfin qu'il n'y avait point d'idées bizarres, de conceptions extravagantes, qu'il ne fût capable d'adopter. Mais on ne s'attendait pas cependant qu'un homme d'un talent aussi remarquable, eut perdu son temps de gaieté de cœur à composer une aussi mauvaise farce que celle dont il s'agit ici. L'extrait en serait inutile : sauf le style, qui cependant offre les plus grands défauts, Scarmantade est digne de Hardy, cet intrépide entrepreneur de poëmes dramatiques, qui, dit-on, ne mettait que huit jours à composer quelque pièce que ce fût, et en livra huit cents aux comédiens dont il était le gagiste.

La première représentation de Scarmentade offrit la répétition du tumulte épouvantable auquel on est accoutumé à Paris, chaque fois qu'une pièce nouvelle de M. Lemercier paraît sur l'horizon. La chûte fut complète, et complètement méritée.

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