Zelia, ou le Mari à deux femmes

Zélia, ou le Mari à deux femmes, drame en 3 actes, paroles de Dubuisson, musique de Deshayes, créé le 29 octobre 1791, remis le 15 Prairial an 2 [3 juin 1794].

Cette date correspond à la reprise de la pièce le 3 juin 1794, au Théâtre des Amis de la Patrie, après une interruption de plus d’un an.

Théâtre de la rue de Louvois

Théâtre lyrique des Amis de la Patrie en 1794.

Titre :

Zélia ou le Mari à deux femmes

Genre

drame

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

29 octobre 1791

Théâtre :

Théâtre de la rue de Louvois

Auteur(s) des paroles :

Pierre-Ulric Dubuisson

Compositeur(s) :

Prosper-Didier Deshayes

Pièce à ne pas confondre avec Zélia ou la Grille enchantée, des mêmes auteurs.

Almanach des Muses 1795.

Mauvais drame que le talent d'une actrice nouvelle (la c. Schreuzer) a fait réussir. Le rôle de Zélia, est une espèce de folle par amour, dans le genre de Nina, aux traits de naturel près, que l'on a soigneusement évités. L'amant de Zélia est déjà marié. Embarras du mari entre ces deux femmes.

L'auteur s'est très-mal tiré de cette situation difficile.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez le Citoyen Deperne :

Zélia, drame en trois actes, mêlé de musique. Paroles de Dubuisson, musique de Deshaye.

Réimpression de l’ancien Moniteur, tome dixième (Paris, 1862), Gazette nationale, ou le Mo,iteur universel, n° 30, samedi 5 Novembre 1791, 2e année de la Liberté, p. 290-291 :

[Très long compte rendu d’une pièce à succès. Elle s’inspire d’une « pièce allemande » de Goethe Stella, Goethe connu par Werther. Il faut donc montrer ce qui différencie pièce allemande et pièce française, le dénouement de Goethe, l’acceptation des deux femmes de se partager leur mari commun, n’étant pas conforme aux idées françaises. L’essentiel de l’article est ensuite consacré à une minutieuse analyse de l’intrigue de la pièce française, acte par acte. Cette analyse se conclut par le constat de l’intérêt de la pièce, même si le troisième acte est jugé moins fort que les deux premiers. L’adaptation de Dubuisson est décidément supérieure à l’original, parce qu’il a su ne conserver que les expressions « vraies et justes » que Goethe met dans la bouche de Stella (Zélia dans la pièce française), sans reprendre « les déclamations et les mouvements forcés » Musique « touchante, expressive, passionnée », qui « fait valoir partout les beautés du drame ». Excellente interprétation de madame Ducaire dans le rôle de Zélia. Très belles décorations. Impossible d’échouer dans ces conditions idéales !]

THEATRE DE LA RUE DE LOUVOIS.

La pièce intitulée Zélia, drame en trois actes, mêlée de musique, représentée le 29 octobre dernier, pour la première fois, a complètement réussi. Cet ouvrage plein d'intérêt, de situations fortes et pathétiques, sera probablement très-suivi. Il est du petit nombre de ceux qui doivent faire une grande sensation.

Le fond en est tiré d'une pièce allemande, Stella, de M. Goethe, auteur du roman si connu des Passions du jeune Werther. Mais M. Dubuisson, auteur de Zélia, a su imiter en maître, et a beaucoup embelli son modèle.

Dans l'allemand, Fernando quitte, par inconstance, sa femme Cécile, dont il a une fille ; il enlève ensuite Stella, vit avec elle sans être marié, la quitte pour chercher Cécile, revient, après trois ans, chez lui, où le hasard réunit sa femme, sa maîtresse et sa fille. Après beaucoup de combats, la généreuse Cécile consent, comme une autre Sara, à partager son époux avec Stella. Vous êtes à moi, dit Fernando aux deux femmes : Nous sommes à toi, lui répondent-elles toutes deux. Ce dénouement très-commode pour l'auteur, n'accommoderait pas nos dames de Paris. Pour en posséder deux à la fois, il faut au moins se donner la peine de les tromper tant bien que mal. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici.

Au premier acte, la scène se passe dans une auberge, en Allemagne. La diligence y arrive ; différents voyageurs y descendent ; parmi eux sont une femme et sa fille ; cette dernière vient pour être femme de chambre de la dame du lieu, la baronne de Fontorbe. Cette baronne est Zélia, l'héroïne de la pièce. Lucile, c'est le nom delà jeune fille, console sa mère qui est bien triste de voir sa fille réduite à entrer en condition. Etait-ce à un état si malheureux qu'était destinée la fille du baron de Montclam ! On apprend que Cécile a été mariée avec ce baron, qu'elle l'a perdu par les malheurs de la guerre qui a désolé leur patrie, et qu'elle n'espère plus le revoir, quoiqu'elle ne soit pas certaine de sa mort. La venve Tatillon, maîtresse de l'auberge, vient causer avec les deux étrangères; et comme elle ne demande pas mieux que de jaser, elle leur raconte que la baronne chez qni elles vont demeurer, est bien à plaindre et bien triste ; que depuis trois ans son mari l'a quittée, qu'on ne sait ce qu'il est devenu ; qu'elle avait une fille qui est morte ; au reste elle vante son bon cœur et sa bienfaisance. La mère va se reposer. La baronne elle-même vient dans l'auberge, cause avec Lucile, dont elle est enchantée ; elle lui trouve un air de ressemblance avec quelqu'un.... Elle s'en retourne après l'avoir beaucoup caressée, et lui avoir fait promettre de venir bientôt avec sa mère. Dans la même auberge, survient un voyageur, officier ; c'est le baron de Fontorbe. Par une fenêtre il regarde son château ; c'est la que demeure Zélia, son épouse, qu'il aime, et qu'il va revoir après une absence de trois années. Julien, vieux concierge du château, envoyé par madame de Fontorbe, pour chercher Lucile et sa mère, retrouve son maître, est surpris et charmé de le revoir : le baron lui confie qu'il a été autrefois marié sous le nom de Montclam, que sa femme et une fille qu'il avait d'elle, lui ont été ravies dans les horreurs du siège d'une petite ville qu'il habitait alors ; que depuis il a passé en Amérique où il a épousé Zélia contre le gré de ses parents ; qu'ils sont venus se fixer en Allemagne dans le lieu où ils sont actuellement ; qu'il y était heureux avec elle ; mais qu'un jour ayant reçu une lettre qui lui apprenait que sa première femme vivait encore, il avait cru devoir courir sur ses traces ; qu'il avait quitté Zélia dans ce dessein : et qu'enfin il revient auprès d'elle après trois années de courses et de recherches infructueuses. L'acte finit par une scène entre le baron et Lucile qu'il accueille comme la future femme de chambre de sa femme ; il la traite avec bonté. La fille de l'auberge et le concierge, présents à leur entretien, imaginent que le baron pourrait bien en vouloir à cette jeune fille.

Au second acte, la scène se passe dans le château. Le vieux concierge précède les deux étrangères, et fait entendre a madame de Fontorbe que la visite de ces deux femmes pourra lui causer quelque chagrin. Elles entrent ; la baronne leur fait le meilleur accueil, et est fort contente de lcurs réponses ; elle leur fait sa confidence, leur parle de son époux absent, de la fille qu'elle a perdue, leur montre enfin le portrait de Fontorbe. Lucile reconnaît l'officier qu'elle a vu à l'auberge ; elle s'écrie qu'il y est sans doute encore  la baronne, ivre de joie, appelle tout son monde, veut envoyer et court elle-même au-devant de son époux. Cécile, restée seule avec sa fille, lui apprend que ce portrait est celui de son père, de l'époux qu'elle regrette; mais il est actuellement à une autre ; il vaut mieux partir que d'être témoin d'un si grand malheur. Fontorbe arrive, conduit par Zélia, entouré de ses domestiques; on se livre a la joie de le revoir ; il reste seul avec sa femme; tous deux expriment les transports de la tendresse la plus vive, quand le vieux concierge vient annoncer que les deux femmes veulent partir, mais qu'elles demandent auparavant un moment d'entretien particulier à M. le baron. Zélia va dans le jardin, en faisant promettre à son époux de venir bientôt l'y rejoindre. Cécile et sa fille entrent ; on peut juger de l'effet que produit la reconnaissance de Cécile et du baron. Le voilà entre deux femmes qu'il aime, forcé d'être infidèle à l'une ou à l'autre ! Cécile le quitte et emmène sa fille. Zélia rentre, toujours transportée de bonheur et de joie ; mais quel changement elle trouve ! Son époux est sombre et contraint ; elle veut savoir la cause de sa,tristesse. La veuve Tatillon, l'aubergiste, mal instruite par sa fille, vient dire que M. le baron aime la jeune femme de chambre. Zélia affligée, craintive, presse son mari de s'expliquer ; il lui révèle le fatal secret : Cécile est sa femme, et Lucile est sa fille. Zélia s'évanouit ; sa rivale même vole à son secours. L'acte se termine par un très-beau final, dans lequel l'expression de l'amour, du désespoir, du délire est portée à son comble.

Le troisième acte se passe dans le jardin, la nuit. On voit le tombeau que Zélia avait fait faire à sa fille, et celui qu'elle destinait pour elle-même. Elle arrive conduite par le concierge, se disposant à partir, et n'emportant avec elle que le portrait de Fontorbe. Celui-ci arrive ; elle se cache, pour le voir et l'entendre encore une fois. Le baron désespéré a pris l'affreuse résolution de se tuer sur la place des tombeaux. Il tire son pistolet ; mais Zélia s'élance, relève le coup qui ne l'atteint pas. Cécile et sa fille accourent au bruit ; débat de générosité entre les deux épouses ; enfin, Zélia le termine en disant : Entre nous deux, que cette enfant décide ; c'est celle qui a le bonheur d'être mère, qui doit l'emporter. Elle rend à Cécile son époux, et veut absolument les quitter : mais le village entier vient s'opposer au départ de sa bienfaitrice, la conjure à genoux de ne point les abandonner ; elle se détermine à rester et à trouver dans la bienfaisance quelque soulagement à ses douleurs.

Si nous avons bien analysé cet ouvrage, le lecteur s'apercevra de tout l'intérêt qu'il doit produire à la scène. Le troisième acte seulement n'est pas de la force des deux premiers, dans lesquels les événements sont épuisés. Le plan et la conduite de cette pièce sont bien supérieurs à ceux de l'original allemand. Le rôle de Stella est attendrissant, et M. Dubuisson a conservé littéralement plusieurs de ses expressions ; mais il a eu soin de n'employer que celles qui étaient vraies et justes, et de laisser les déclamations et les mouvements forcés.

La musique touchante, expressive, passionnée de M. Desbayes, fait valoir partout les beautés du drame, et concourt à produire le spectacle le plus attachant. L'actrice qui joue Zélia, madame Ducaire, y met l'expression la plus pathétique. Enfin, les décorations sont soignées et d'un très-bel effet ; il est impossible de ne pas réussir avec une pareille réunion de talents et de moyens de succès.

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 47 du samedi 19 novembre 1791, p. 99-102 :

[Après avoir rendu compte du succès de Nantilde et Dagobert, le critique parle de façon élogieuse de Zélia, une pièce où des acteurs de talent ont pu se révéler et qui a fait du nouveau Théâtre de la rue de Louvois un rival des autres scènes lyriques du temps, « au grand avantage de l'Art, & des jouissances du Public ». Il signale ensuite, sans précision, que la pièce reprend le sujet d’une pièce allemande, mais en l’améliorant. Il peut ensuite raconter l’intrigue romanesque qu’elle développe : ce mari entre deux épouses qu’il aime, et qui obtient finalement « des jours partagés entre l'amour & l'amitié ». Paroles et musique sont tous deux de qualité (pièce « écrite avec beaucoup de soin », musique « fort travaillée », qui « a également réuni tout les suffrages ». Et puis, l’interprétation est remarquable, tant par l’ensemble avec lequel la pièce est jouée que par la prestation d’une actrice sur laquelle le critique ne tarit pas d’éloges.]

SPECTACLES.

Celle qui l'a suivie, en excitant un puissant intérêt, & en mettant plusieurs Sujets à portée de déployer des talens qu'on ne leur connaissait pas, a achevé de mettre ce Théâtre sur un pied très-estimable, & de lui donner une consistance qui le rend digne de lutter contre tout autre du même genre, au grand avantage de l'Art, & des jouissances du Public. On devine déjà que c'est de Zélia que nous voulons parler. Nous allons dire un mot de l'intrigue.

Cette Piece est imitée du Théâtre Allemand. La Piece originale a été traduite en Français par l'Auteur même de l’Imitation ; mais cette Imitation est infiniment perfectionnée. Montclam, marié depuis peu d'années, est obligé de passer en Amérique. Pendant son absence, la ville que sa femme habite est ravagée par l'armée ennemie : il a lieu de croire qu'il a perdu sa femme & sa fille dans ce désastre. Il épouse, en Amérique, Zélia qu'il enleve à ses parens, & qu'il amene en Allemagne. Sur la nouvelle que sa premiere épouse vit encore, il quitte Zélia pour la chercher ; mais c'est en vain. Cette derniere, accablée de douleur par son absence, cherche une Dame de compagnie dans le sein de qui elle puisse s'épancher. On lui présente une Dame & sa fille, c'est justement la premiere femme & la fille de Montclam, qui a changé de nom. C'est ce même jour qu'il arrive. Nous ne suivrons pas l'Auteur dans les détails de scènes extrêmement touchantes que fait naître cette situation, nous nous contenterons de dire que Zélia se voyant forcée de céder la place à l'ancienne épouse, prend le parti de fuir. Avant de pouvoir effectuer ce dessein, elle sauve la vie à son époux, qui croit ne pouvoir sortir que par la mort de l'embarras que lui cause le choix entre deux femmes qu'il adore. Tout le Village, comblé des bontés de Zélia, s'oppose à sa fuite : sa rivale même, qui a eu le temps de lui accorder son estime, y joint ses instances. Elle cede enfin, & laisse entrevoir pour Montclam des jours partagés entre l'amour & l'amitié.

Cette Piece, dont les situations sont très-attachantes, est écrite avec beaucoup de soin ; elle est de M. Dubuisson, connu par des succès dans plus d'un genre, & sur plusieurs Théâtres. La musique a également réuni tous les suffrages. Elle est fort travaillée, & fait beaucoup d'honneur à M. Deshayes qui en est l'Auteur.

Ce qui contribuera sans doute à rendre durable le succès de ce Drame, c'e[st] l'ensemble singulier avec lequel il est joué, & le talent particulier que Mad. Ducaire y déploie. Cette Actrice a un grand caractere, une intelligence profonde, & une extrême sensibilité. Avec un peu plus de simplicité dans ses gestes, son maintien & sa diction, ce sera certainement une des grandes Actrices de ce genre. Cette simplicité peut aisément s'obtenir avec un peu d'étude sur elle-même ; mais ses moyens naturels ne rs'acquerraient pas. On ne saurait donc trop encourager un Sujet qui peut s'élever bientôt au premier rang, & qui donne déjà des preuves d'un talent extraordinaire.

L'Esprit des journaux, françois et étrangers, vingt-unième année, tome I (janvier 1792), p. 348-351 :

THÉATRE DE LA RUE DE LOUVOIS.

Le samedi 29 octobre, on a donné, pour la premiere fois, Zèlia, comédie-opéra en trois actes, paroles de M. Dubuisson, musique de M. Deshayes.

C'est toujours avec un plaisir bien vif, que nous nous empressons d'instruire le public d'un succès brillant & mérité : celui qu'a obtenu Zélia, ne laisse rien à désirer. La coupe & l'intérêt puissant du poëme, la beauté, disons mieux, la richesse d'effets dont brille par-tout la musique, tout a dû contribuer à exciter cet enthousiasme du public, qui l'a porté à demander à la fin les auteurs & tous les acteurs. Traçons rapidement l'esquisse de cet ouvrage.

C'est encore aux Allemands, toujours ingénieux & toujours féconds, & qui ont tant enrichi notre théatre, que nous en devons le sujet: Zélia n'est autre chose que Stella ou le Mari à deux Femmes, de Goethe, auteur des Souffrances du jeune Werther. Le comte de Montelam a épousé Cécile à l'âge de 9 ans : il en a eu, par la suite, une fille nommée Lucile : il a laissé, pendant qu'il est à l'armée, ces deux personnes chéries dans un village qui est devenu la proie des Brigands & des flammes : il les croit perdues pour lui. Errant, il rencontre Zélia à Philadelphie, l'épouse sous le nom du baron de Fontorbe, & l'emmene dans un de ses châteaux en Allemagne ; mais, instruit qu'une comtesse de Montelam traîne quelque part ses jours dans une misere affreuse, Fontorbe quitte un matin Zélia secrètement, pour courir après cette infortunée : ici commence l'opéra. II y a trois ans que Zélia, abandonnée de son époux, passe les jours & les nuits à gémir sur son absence : elle a perdu une fille chérie & l'a fait enterrer dans son jardin sous un monticule de gazon. La baronne arrose ce lieu lugubre de ses larmes, & ne se console qu'avec le portrait de son époux, qui décore son appartement. Cependant Cécile & sa fille, réduites à la plus extrême indigence, se présentent à Zélia pour être femmes de-chambre. Une Mde. Tatillon, aubergiste du village, les a mises au fait de la douleur de la-baronne, & Cécile ressent déja pour elle un vif intérêt. Sur ces entrefaites, Fontorbe revient sans avoir pu découvrir sa premiere épouse : il raconte ses malheurs à Julien, vieux concierge de son château, & l'engage à prévenir Zélia de son arrivée : il a rnême une conversation avec Lucile, qu'il ne peut reconnoître pour sa fille. Cependant Zélia reçoit Cécile & Lucile comme femmes-de-chambre : elle leur raconte ses infortunes & leur montre le portrait du baron. Qu'on juge de la surprise de Cécile, qui reconnoît son époux dans celui de Zélia ! Elle veut fuir avec sa fille ; mais, avant, elle demande à entretenir secrètement le baron, au moment où Zélia est dans l'ivresse de la joie que lui cause son retour.

Enfin, tout se découvre : ici l'intérêt est porté à son comble. Zélia tombe dans un cruel égarement. Sa rivale elle-même lui porte des secours : Zélia repousse tout le monde. Agitée du plus violent désespoir, elle cherche à fuir pendant la nuit ; mais elle va mouiller encore une fois de ses larmes le tombeau de sa fille : elle y surprend Fontorbe, qui veut s'y arracher la vie, & détourne le coup de pistolet qu'il se tire sur le front. Alors tout le village, qui chérissoit la baronne, vient s'opposer à son départ. Cécile elle-même l'engage à rester, & elle se rend aux vœux du village, de sa rivale & de Fontorbe, qui, ne sachant laquelle choisir de ses deux femmes, s'écrie : Qui oseroit décider entre elles deux ? Tel est le sujet de cet ouvrage, plein d'intérêt, de mouvement & de teintes gaies, au milieu de situations touchantes.

La musique peut être regardée comme un chef-d'œuvre dans son genre. La finale du second acte est sur-tout un morceau digne de nos meilleurs compositeurs italiens ou allemands. Elle est pourtant d'un François qui ne s'étoit point fait connoître par modestie, & à qui elle doit faire la plus haute réputation : c'est M. Deshayes, auteur du faux Serment & d'autres ouvrages, agréables sans doute, mais qui ne sont point à la hauteur de Zélia. Le poëme est, on ne peut pas mieux coupé. Si le dénouement n'en est pas très-satisfaisant, il l'est moins encore dans l'original allemand, & peut-être étoit-il un des plus difficiles à faire : mais son second acte appelle les larmes, & interroge vivement la sensibilité du spectateur, sans lui causer d'horreur ni d'effroi.

Nous devons ici, & d'après le sentiment du public, un juste tribut d'éloges à Mde. Ducaire, qui a montré le talent le plus estimable dans le rôle de Zélia. Les accens du désespoir, les égaremens de la folie, les transports de l'amour, de la jalousie, de l'amitié & de la tendresse maternelle, elle a tout exprimé avec beaucoup d'ame. Cette actrice, qui a de très-beaux moyens, & à qui il ne manque que des rôles, puisqu'elle paroît travailler beaucoup, a été demandée à grands cris après la piece. M. Ducaire joue d'une maniere très- satisfaisante le rôle de Fontorbe ; & ces deux acteurs sont fort bien secondés par M. Vatteville, & Mlles. Denarelle, Sévignis & Lacaille. L'orchestre a mis aussi beaucoup d'ensemble & d'intelligence dans l'exécution des plus beaux morceaux de cet opéra.

( Affiches, annonces & avis divers.)

Le Faux serment, ou la Matrone de Gonesse est une comédie en deux actes mêlée d'ariettes de Dancourt, musique de Deshayes, jouée sur le Théâtre des Baujolais le 31 décembre 1785.

D’après la base César, la pièce a pour titre complet Zelia ou le Mari à deux femmes. Œuvre de Pierre-Ulric Dubuisson pour le texte et de Prosper Didier Deshayes pour la musique, elle a été jouée 98 fois au Théâtre de la rue de Louvois / Théâtre des Amis de la Patrie, du 29 octobre 1791 au 1er janvier 1796 (19 fois en 1791, 21 fois en 1792, 8 fois en 1793, 28 fois en 1794, 21 fois en 1795, 1 fois en 1796). Elle a également été jouée 45fois au Théâtre du Lycée des Arts (24 fois en 1795, 20 fois en 1796).

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