Créer un site internet

Zéphire et Flore

Zéphire et Flore, ballet anacréontique en deux actes, de Charles-Louis Didelot, musique de Venna, 12 décembre 1815.

Académie Royale de Musique.

Le nom du compositeur est tantôt Venna, tantôt Venua.

Titre :

Zéphire et Flore

Genre

ballet anacréontique

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

livret en prose

Musique :

oui

Date de création :

12 décembre 1815

Théâtre :

Académie Royale de Musique

Auteur(s) du livret :

Charles-Louis Didelot

Compositeur(s) :

M. Venna (avec airs de M. Hus Desforges et de M. Lefèvre

Chorégraphe(s) :

Charles-Louis Didelot

Ballet annoncé comme nouveau dans le Journal des débats politiques et littéraires du 12 décembre 1815. Dans la base Chronopéra, il est nommé sous le titre de Flore et Zéphire, les 12, 15, 22, 26 et 29 décembre 1815. Au total, il a été représenté 74 fois à l’Opéra, jusqu’au 11 juillet 1831.

Il a été publié en 1815 à Paris, chez Roullet, Libraire de l’Académie Royale de Musique :

Zéphire et Flore, ballet anacréontique en deux actes, De la composition de M. Didelot, ci-devant premier danseur de l’Académie Royale de Musique, et maître de ballet de S. M. l’Empereur de Russie ; Musique de M. Venna, deux airs ajoutés de M. Hus Desforges et un de M. Lefèvre ; décorations de M. Cisery, machines par M. Boutron, les habits par M. Marches. Représenté sur le théâtre de l’Académie de Musique, le mardi 12 du mois de décembre 1815.

Il est précédé d’une préface qui en explique la genèse :

Après une longue absence, passée dans les premiers théâtres de l’Europe, j’ai vivement desiré à mon retour en France monter un Ballet à l’Opéra, non dans l’intention de déplacer personne, comme très faussement cela a été dit, mais comme un hommage que je devois au Public qui daigna encourager mes premiers essais. Puisse le tribut de ma gratitude mériter son indulgente bienveillance.

Je me vois forcé, malgré moi, de parler de l’époque à laquelle fut composé mon ballet, ayant appris qu’il avoit été donné presque en son entier dans plusieurs endroits, sous un autre nom que le mien. L’esquisse en fut imprimée l’an 1795 à Lyon ; l’ouvrage fut donné en 1796 à Londres, avec des additions ; représenté devant leurs Majestés Impériales à la cour de Russie en 1804, et considérablement augmenté à cette époque. Je le remis à Londres en 1812 (où étoit alors la personne qui s’en servit depuis). J’aurois avec plaisir évité de faire ces observations  mais au moment d’un début, je ne puis faire autrement.

J’ai choisi le genre grec, à cause du style à-la-fois noble, élégant, et le plus heureux pour les belles poses de la danse. C’étoit s’imposer une tâche pénible, surtout après les ouvrages réitérés dont les succès ont depuis des années couronné les talents de M. Gardel. Cet artiste supérieur a amplement moissonné après nos maîtres les Noverre et les Dauberval ; je ne pourrai donc que glaner après lui ; mais le Public est trop juste pour comparer un ouvrage de peu d’importance avec un grand ballet. Il verra ses premiers artistes, peut-être voudra-t-il bien alors passer sur la répétition du genre en faveur de la perfection où ils savent le porter.

Journal des débats politiques et littéraires, 14 décembre 1815, p. 1-2 :

[Avant de parler du ballet, le critique se lance dans une dissertations sur la source des idées religieuses des Grecs anciens, qui sont censés pratiquer une sorte d’animisme, les dieux représentant les forces de la nature. La mythologie est ensuite présentée comme la source à laquelle tous les arts puisent « depuis trois mille ans ». On arrive ainsi au ballet de M. Didelot, qui a puisé dans la mythologie le sujet du ballet qu’il présente aux Français à son retour de Russie. Impossible de faire une véritable analyse d’un tel ouvrage, la pantomime ne se prêtant pas à cet exercice. Inutile de copier le programme ! Par contre le critique fait partager son enthousiasme devant le spectacle aérien de Zéphire emporté au ciel, puis revenant chercher Flore et l’emportant avec lui dans les airs : cette machine a été salué par des applaudissements nourris et prolongés. Les interprètes ont droit à des éloges nourris, aussi bien les vedettes que « la petite famille Hullin », aussi talentueuse que précoce. Tous les interprètes : « il n'en est aucun qui dépare l'ensemble », ce qui est remarquable dans un spectacle comme un ballet (et cette remarque nous ramène une fois de plus à la hiérarchie entre les spectacles). L’auteur a partagé les applaudissements destinés aux interprètes.]

ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE,

Première représentation de Zéphire et Flore, ballet anacréontique en deux actes, par M. Didelot.

De toutes les fictions dues à l’imagination vive et sensible des premiers poëtes de la Grèce, il n'en est point de plus naturelle ni de plus gracieuse que l’union, avec la divinité des fleurs, du vent qui porte la fraîcheur et la vie. Au retour du printemps qui, dans ce climat heureux, ne se fait jamais attendre, les Grecs se tournoient avec admiration et reconnoissance vers le couchant, d'où le souffle régulier du zéphire leur apportoit ces émanations vivifiantes, ces principes de fécondité qui ranimoient la verdure et émailloient leurs plaisirs des plus riches couleurs. Ce zéphire bienfaisant ne pouvoit être qu’un dieu : ces fleurs, fruits de son hymen avec une divinité non moins bienfaisante que lui ; la mobilité de la température à cette époque de l'année, prêtoit à ce die:u un caractère d'inconstance. Les fleurs se flétrissoient-elles au retour inattendu de l’hiver ? c’étoit la suite de l’infidélité d’un époux volage ; emblèmes ingénieux, allégories charmantes, qui rendoient eu quelque sorte sensibles les operations les plus secrètes de la nature, donnoient un corps, une âme, un esprit, un visage à des êtres purement intellectuels ; animoient de simples abstractions, et remplaçoient, par une théogonie riante, aimable et populaire, l’étude d’une métaphysique toujours incertaine, même pour les savans, et entièrement inaccessible à la multitude.

Voltaire a donc raison de s’écrier dans son Apologie de la Fable :

Toujours on chérira les erreurs de la Grèce ;
             Toujours Ovide charmera.

Et dans quelle autre source que dans la Mythologie tous les arts puisent-ils depuis trois mille ans ? N’est-ce pas elle-même aujourd’hui, qui anime la palette de nos Apelles, dirige le ciseau de nos Phidias, décore les frontons de nos palais, préside à nos fêtes, à nos jeux, à nos compositions poétiques ? Depuis que la chorégraphie est devenue plus qu'un simple accessoire dans nos représentations théâtra1es, n'est-ce pas elle encore qui a fourni à ces drames muets leurs .prestiges les plus séducteurs ? Et, en se rappelant les chefs-d'œuvre dans ce genre si favorisé de nos jours, n'a-t-on pas nommé sur-le-champ Psyché et le Jugement de Pâris ?
C'est donc déjà une preuve de goût de la part de M. Didelot de debuter dans cette carrière, où, comme excutant, il a obtenu autrefois de si brillans succès, d'y débuter, dis-je, comme auteur en suivant les traces de ceux de ses confrères dont le public a consacré les efforts par des suffrages constans. M. Didelot leur rend un juste hommage dans la préface de son programme, et sa modestie s'y montre à chaque ligne à travers quelques plaintes contre une personne qu'il a la délicatesse de ne pas nommer, quoique cette personne, moins délicate que M. Didelot, ait voulu depuis s'approprier son ballet, joué sous le nom de son véritable auteur à Pétersbourg, dès 1804, et ensuite à Londres en 1812.

M. Didelot, maître des ballets de S M. l'Empereur de Russie, n'a pas voulu frustrer sa patrie du fruit de ses veilles : il a présenté son ballet à l'Académie royale ; et, après bien des obstacles et bien des sacrifices, il a obtenu ce que l'on appelle la faveur d'être joué. Je ne dispute pas sur les mots ; mais, d'après le mérite du ballet, et sa réussite complète, s'il y a faveur, elle est autant pour l'administration que pour l’auteur.

Ces sortes d'ouvrages ne sont pas susceptibles d'une analyse rigoureuse : c'est une série de tableaux, de scènes pittoresques, de poses élégantes, de mouvemens vifs, légers, voluptueux. On doit sans doute, à la représentation y saisir un ensemble et y suivre le développement d'une action ; mais il est presque impossible de retracer avec clarté, soit les divers incidens, soit l’effet géneral d'une pantomime ; on copieroit même inutilement le programme : il ne rësulteroit de cette lecture qu'une idée très confuse et très imparfaite de la vérité. Il est plus facile de faire pressentir le plaisir de l'exécution ; il suffit de rappeler simplement les noms des principaux artistes qui figurent dans le ballet. C'est Albert qui joue Zéphyre; et nul autre danseur n'est plus digne que lui de représenter ce dieu que les poëtes peignent doué de tous les attributs de la jeunesse et de la beauté, glissant à travers les plaines du ciel avec une grâce et une légèreté aériennes. Hé bien ! ce tableau que l'on ne conçoit possible que par l'imagination, s'est réalisé hier aux yeux étonnés des spectateurs. On a vu souvent à l'Opéra ce que l’on appelle des vols admirables. Dans Psyché, par exempte, un autre Zéphyre emporte Psyché dans le palais de l'Amour, et se perd avec elle dans les airs. La machine est bien entendue, et produit beaucoup d’illusion ; mais on voit, ou du moins l'on suppose la machine. Mais le Zéphire de M. Didelot est bien autrement merveilleux : seul, isolé, sans entourage qui puisse tromper tromper les regards, il s’élève au milieu du théâtre par ses propres forces ; il repousse d'un pied dédaigneux la terre qu’ii abandonne, plane plusieurs minutes dans le vide, caresse de l’extrémité de ses ailes la cime verdoyante des arbres, et se perd enfin majestueusement dans la voûte azurée.

A un spectacle aussi nouveau, et dont tous les témoins sont encore loin d'avoir le secret, le public n'a pas été maître de ses transports : les applaudissemens se sont prolongés très long-temps dans l'entre acte, et ils ont redoublé avec fureur lorsque Zéphyre redescendant par le même chemin qu'il avoit suivi dans son ascension est remonté une seconde fois, non plus seul, mais emportant Flore dans ses bras. Ce prodige, plus fort que les premiers, a mis le comble à l'enthousiasme, et ce sentiment s'est manifesté par les plus bruyantes acclamations.

Mlle Gosselin l'aînée est nécessairement Flore quand Albert est Zéphyre. Mlle Gosselin cadette est tour à tour Vénus et bergère, et toujours également bien sous: son double costume. Mlle Delisle a les formes vigoureuses d'une bacchante, et elle en exprime adimirablement le délire. On a remarqué une nichée d'Amours et une portée de Faunes, composée de la petite famille Hullin, qui montre dans ces rôles un talent très extraordinaire, et surtout très précoce. Je ne puis pas nommer tous les sujets ; mais tous mériteroient d’être nommés il n'en est aucun qui ne soit bien placé ; il n'en est aucun qui dépare l'ensemble, et qui produise ces disparates choquantes que l’on reproche avec tant de raison à des représentations bien autrement importantes que celle d'un ballet

On a demandé l'auteur, et il a paru entre Albert et Mlle Gosselin, au milieu des applaudissemens et des bravos dont chacun de ces artistes aura pu prendre très légitimement une portion à peu près égale.                                 C.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 20e année, 1815, tome VI, p. 409-411 :

[Après le résumé de l’intrigue de ce ballet mythologique, le critique en fait le plus bel éloge. Il part d’une scène très frappante, le vol d’un personnage à travers toute la scène, « avec une femme dans ses bras » : la merveille, c’est qu’« il est impossible de distinguer les moyens employés ». La fin de l’article est consacré à mettre en valeur plusieurs danseurs, avec une place particulière pour « le petit Hullin, un enfant prodige comme on les aime au théâtre à cette époque. Très belle décoration au deuxième acte, bel éloge de Didelot, « digne élève du fameux Dauberval ».]

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

Flore et Zéphire, ballet en deux actes, représenté le 12 Décembre 1815.

Zéphire, toujours inconstant, toujours volage, court de belle en belle, quoiqu'il ait juré fidélité à Flore. La Déesse ne veut plus l'aimer ; mais l'Amour se charge de raccommoder les deux amans : il prend les ailes de Zéphire, les donne à Flore, qui en fait aussitôt usage pour s'élever dans les cieux ; et l’Amour, qui voit Zéphire inconsolable de la perte de ses ailes, consent à lui prêter les siennes. Les deux amans, réunis et réconciliés, sont unis par l’Amour. C'est sur ce fond léger que M. Didelot a tracé des tableaux pleins de grâce et de volupté. La déclaration de Zéphire à Flora est une des plus jolies scènes de chorégraphie qu'il soit possible de voir : le pas de Flore avec ses Nymphes est de l'effet le plus piquant. Quand Zéphire, trahi par les Nymphes qu'il a voulu séduire, apprend que Flore va le surprendre au milieu d'elles, il s'élève dans les airs. C'est la première fois que l'Opéra a présenté une ascension aussi extraordinaire. Zéphire n'est point entouré de nuages, de vapeurs ; il monte, et revient voltiger autour de Flore qui se défend vainement et se laisse enlever par son amant qui disparoît avec elle dans les nues.

Ce tableau vraiment magique a singulièrement étonné les spectateurs. C'est M. Didelot lui-même, auteur du ballet, qui, à la place d'Albert, s'envole ainsi. Il est impossible de distinguer les moyens employés par M. Didelot qui s'élève jusqu'au cintre du théâtre, et le traverse dans toute son étendue avec une femme dans ses bras.

Mademoiselle Gosselin aînée (maintenant Madame Martin), a merveilleusement dansé le rôle de Flore. Albert s'est fait souvent applaudir, dans celui de Zéphire, par sa pantomime et sa danse.

Le ballet de M. Didelot ne sauroit manquer d'attirer longtemps la foule. On a remarqué, au second acte, l'épisode d'un petit Satyre qui s'enivre ; il est exécuté avec beaucoup d'intelligence par le petit Hullin, et il a fait beaucoup rire, ce qui est rare à l'Opéra.

La décoration du second acte est d'un effet charmant ; elle fait honneur au pinceau de M. Ciceri.

On a reconnu, dans ce ballet, que M. Didelot étoit un digne élève du fameux Dauberval.

Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1817, p. 13-14 :

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

FLORE ET ZÉPHIRE, ballet anacréontique, en 2 actes, par M. Didelot, musique de M***. (12 Décembre.)

C’est dans la mythologie, cette mine impérissable de riantes fictions et d'ingénieuses allégories, que M. Didelot a pris l'idée de son ballet. La marche en est très-simple, et l'action, peu susceptible d'analyse, se borne aux différentes infidélités que Zéphire fait à Flore, dans les bras de laquelle il est trop heureux de trouver un généreux pardon. Le volage corrigé devient l'époux de la jeune dupe : on célèbre leur noces par une fête charmante, que Vénus embellit de sa présence ; le dieu joufflu de la vendange y conduit son brillant cortège ; tout cède au double délire de l'amour et du vin ; Zéphire enlève Flore aux cieux, et va demander pour elle l'immortalité à Jupiter, tandis que Vénus, entourée de toute sa suite, va (suivant l'expression du programme) visiter Thétis chez le vieux Océan.

Il y a long-tems qu'on n'a offert à l'Académie royale de Musique une suite de tableaux plus gracieux et plus séduisans. Tout le mérite de ce joli ballet consiste dans les détails ; ils sont d'une fraîcheur et d'une élégance admirables. Dans le nombre des prodiges opérés par nos habiles machinistes, nous n'avions pas encore vu un danseur s'envoler dans les airs au milieu d'un théâtre, et Zéphire s'enlève du pied d'un arbre, sans que l'œil le plus clairvoyant aperçoive aucun des fils avec lesquels s'opère cette miraculeuse ascension. Un petit amour voltige aussi sur la scène ; en un mot,

« Là, pour nous enchanter, tout est mis en usage. »

Les décors produisent une illusion parfaite, et sont dignes du talent de M. Ciceri, qui , jeune encore, jouit déjà d'une vieille réputation.

Ce charmant ballet a obtenu le succès le plus brillant. La musique en est légère et grâcieuse.

Le 8 octobre 1814, le Journal des débats politiques et littéraires signale p. 1, une représentation du « ballet de Zéphire et Flore » en présence d’une brochette de souverains réunis à Vienne pour un Congrès...). Cette représentation a eu lieu le 27 septembre.

Le Miroir des spectacles, des lettres, des mœurs et des arts du 7 mai 1823 annonce une représentation de « Flore et Zéphire, ballet anacréontique en 2 actes de M. Didelot ». Dans son numéro du 9 mai, il en rend rapidement compte : « La grande salle de l'Opéra offrait, à la dernière représentation, l'image d'un vrai désert ; quelques claqueurs disséminés dans la salle, n'en ont pas moins applaudi tous les sujets que favorise certaine projection [faut-il lire « protection » ?] occulte. M. Hennekingt a été médiocre dans le rôle de Polixene, d'Aristipe, où Mlle Grassari nous a paru charmante. Paul, Mlles Fanni Bias et Noblet se sont fait applaudir et remarquer dans le ballet de Zéphire et Flore. Ce théâtre a grand besoin de nouveautés, et peut-être d'une direction nouvelle : le foyer même est abandonné. »

The Dramatic Magazine du premier juillet 1830, dans son Theatrical Journal, signale une série de représentations du ballet de Didelot au King's Theatre au cours du mois de juin (3, 5, 8 12, 15) (p. 177-178).

Du même Didelot, la France littéraire ou dictionnaire bibliographique des savants, historiens et gens de lettres, de Joseph-Marie Quérard, tome second (Paris, 1828) cite, p. 563, un Flore et Zéphire, ballet divertissement en un acte, publié à Londres en 1796, un Zéphire inconstant, puni et fixé, ou les Noces de Flore, ballet anacréontique en 2 actes, publié à Londres en 1812. Ce qui recoupe assez bien les informations fournies par la préface de la brochure.

Ajouter un commentaire

Anti-spam