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A tout péché miséricorde

A tout péché miséricorde, parodie de Misanthropie et Repentir, de  Chazel et de Mautort. 22 Germinal an 7 [11 avril 1799].

Théâtre du Vaudeville

Almanach des Muses 1800

Ouvrage moins agréable que celui qui a pour titre Comment faire, et qui n'a pas obtenu le même succès.

Courrier des spectacles, n° 780 du 23 germinal an 7 [12 avril 1799], p. 3-4 :

[Sur une pièce que tout le monde a vu ou lu, le fameux Misanthropie et repentir, une parodie pas trop réussie, parce qu'elle est trop soumise au drame, ce qui ne permet guère de faire naître du comique. « Peu de gaîté », « quelques longueurs et quelques trivialités : d’assez jolis couplets, des traits piquans, et une critique souvent juste, mais sans amertume ». Auteurs non nommés, deux couplets redemandés, mais le second n'a pas fait l'unanimité.]

Théâtre du Vaudeville.

Il est très-peu de personnes qui n’aient vu, où au moins lu Misanthropie et Repentir : tout Paris s'est vivement empressé d'assister à ce drame intéressant, les uns l'ont prôné avec infiniment d’enthousiasme, les autres l'ont critiqué avec beaucoup d’amertume et de fiel : d’autres enfin, en reconnoissant les grandes beautés de quelques scenes, n’en ont pas moins sçu distinguer avec finesse et avec goût les défauts essentiels de cet ouvrage.

La parodie donnée hier avec un demi-succès au théâtre du Vaudeville, sous le titre de : A tout péché miséricorde, prouve que ses auteurs ont apperçu avec assez de sagacité les principaux défauts du nouveau drame ; mais ayant servilement calqué leur plan sur celui de Misantropie, ils n’ont pu faire naître dans leur parodie des situations assez comiques, ni assez plaisantes. Cela tient sans doute au genre du drame intéressant qui prête fort peu à parodier d’une manière saillante. Le fond du plan est absolument le même que celui de Misantropie. Les auteurs ont seulement supprimé les rôles tout-à-fait inutiles du baron de Valberg, de Bidermann et de Peters ; ils ont conservé la scene du vieillard, et l’ont parodiée par celle d’un mendiant suivi de son chien fidèle. Arlequin est le Meineau de la parodie, et le major est remplacé par un chirurgien-major ; Rosalie, au lieu de se repentir comme Eulalie, a le ton fort leste et très-décidé. Les auteurs ont sur-tout critiqué le léger papillon, le foible pont Chinois, les allées et les venues des deux époux,qui pendant trois ans ne se sont pas rencontrés une seule fois dans le parc, l’amour du major et sa demande précipitée, la promptitude indiscrete de la Comtesse à recevoir Eulalie chez elle sans l’avoir aucunement questionnée, et quantité d’autres détails qu’il seroit trop long de rapporter.

Cette parodie, nous le répétons quant au plan, a peu de gaité : elle est froide, souvent monotone : on y remarque quelques longueurs et quelques trivialités : d’assez jolis couplets, des traits piquans, et une critique souvent juste, mais sans amertume, lui ont mérité des applaudissemens.

Les auteurs n’ont pas été nommés.

Voici deux couplets que le public a redemandés :

Couplet d’annonce.

Air d'Arlequin afficheur.

Nous offrons à nos spectateurs
Une légère parodie,
D’un fameux drame où les acteurs
Entraînent la foule attendrie,
Nous ne possédons pas comme eux
L’art de pleurer pour vous séduire.
Aussi nous serons très-heureux
Si nos larmes font rire.

Le couplet suivant, sur le poëme de la Guerre des Dieux, du citoyen Parny, a excité quelques rumeurs. Des personnes se sont vainement obstinées à ce qu’il ne fut pas répété.

Air: Aimé de la belle Minon.

La jeunesse ne devrait pas
Connoitre la lutte immorale,
Où tous ces dieux par leurs combats
Donnent l’exemple du scandale.
Le désordre qui règne aux cieux
Est toujours nuisible à la terre :
En un mot la guerre des dieux,
Aux mœurs , au goût, livre la guerre.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 4e année (an vii, 1799), tome VI, p. 409-411 :

Les auteurs du Vaudeville n'avoient pas été heureux dans leur dernière parodie. On peut reprocher à celle qui a été donnée à ce théâtre le 22 germinal par les CC. Chazet et de Mautort, le même défaut qu'à celle d'Ophis ; c'est d'avoir imité plutôt que parodié le sujet.

Voici le couplet d'annonce , qui a été applaudi.

Air d'Arlequin afficheur.

Nous offrons à nos spectateurs
Une légère parodie
D'un fameux drame où les acteurs
Entraînent la foule attendrie.
Nous ne possédons pas, comme eux,
L'art de pleurer pour vous séduire ;
Mais nous nous croirons trop heureux
        Si nos larmes font rire.

Arlequin a été abandonné de Rosalie sa femme, qui, sous le nom de madame Belair, vit inconnue dans un château où elle a été reçue après avoir quitté son séducteur, et où elle pleure sa faute. C'est dans ce même château que vit Arlequin, sans que le mari et la .femme se soient rencontrés. Arlequin, trompé par sa femme, ne veut plus voir les hommes et les fuit par-tout. On nomme cela de la misanthropie, dit il en faisant allusion au drame et à l'excellente comédie de Molière ; Je suis cependant bien loin du Misanthrope. Les maîtres du château, qui en étoient absens depuis trois ans, y reviennent ; ce qui chagrine madame Belair, qui aime la solitude. Le major devient amoureux d'elle ; Arlequin sauve la vie au comte, qui tombe de dessus le pont chinois ; enfin, le drame est exactement suivi jusqu'à la fin, et les défauts en sont relevés l'un après l'autre à leur place. Arlequin dit, en voyant paroître la comtesse, dont on avoit critiqué la plume qui se trouvoit sur sa coiffure : Passons- lui cette coiffure, car elle a su nous faire aimer sa plume. On n'a pas pu s'empêcher de rire à la scène, où Arlequin et madame Belair s'étonnent de ne s'être jamais rencontrés, et où. ils sortent et reparoissent l'un après l'autre deux ou trois fois. A la dernière scène, Arlequin est prêt à se séparer de sa femme sans cependant vouloir faire divorce, lorsque leurs enfans, que le major et la comtesse leur présentent, les attendrissent tous deux. Arlequin reçoit Rosalie dans ses bras, en lui disant : Rosalie, embrasse ton mari. Alors une petite toile tombe devant eux : elle représente un temple, et on lit dessus : Secondes noces. Qu'est-ce que c'est que cela ? demande le major. C'est le dénouement, répond la comtesse.

On peut reprocher à cette parodie, beaucoup de longueurs et peu d'originalité. Il étoit difficile, d'ailleurs, de faire du drame nouveau une critique meilleure et plus fine que celle qui en avoit été faite dans les Effets de Misanthropie et Repentir , ou Comment faire ? comédie donnée au même théâtre avec le plus grand succès. Nous citerons un couplet qui a été redemandé au milieu dès applaudissemens universels. Arlequin dit que ce sont les mauvaises lectures qui ont gâté sa femme ; qu'elle lisoit sans cesse des romans ou de la Mythologie ; alors le major lui dit :

Air du Vaudeville des deux Veuves.

La jeunesse ne devroit pas
Connoître la lutte immorale,
Où tous ces dieux, par leurs combats,
Donnent l'exemple du scandale.

Le désordre qui règne aux cieux
Est toujours nuisible à la terre ;
En un mot,
la guerre des dieux,
Aux mœurs, au goût livre la guerre.

 

Paris, pendant l’année 1799, volume 22, Londres, 1799, p. 61-62 :

A tout péché miséricorde, (nouvelle parodie de Misantropie & Repentir,) par Demautort & Chazet, n’a point eu de succès. On a fait répéter à la première représentation un couplet dirigé contre le Poëme de la Guerre des Dieux de Parny*. On a supprimé ce couplet à la seconde représentation, par ordre de la police.

* M. de Parny vient de publier une seconde édition de cet infâme poëme, dans laquelle il a supprimé les gravelures les plus choquantes. Cela ne rend ni l’auteur ni l’ouvrage moins méprisables.

[Evariste de Parny (1753-1814) est l’auteur d’une œuvre populaire au début du XIXe siècle, en particulier de Poésies érotiques, dont ce poème en 10 chants très critiqué par son contenu anti-religieux (on soupçonne Parny d’être franc-maçon).]

 

[César : la pièce, donnée comme étant d'auteur inconnu, a connu trois représentations (les 11, 13 et 30 avril 1799) et n'a pas survécu au mois d'avril 1799.]

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