Amélie de Montfort, drame lyrique en trois actes ; paroles de M. Gothereau, musique de M. Jadin, 13 février 1792.
Théâtre de la rue Feydeau.
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Titre :
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Amélie de Monfort
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Genre
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drame lyrique
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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prose, avec des coulets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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13 février 1792
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Théâtre :
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Théâtre de la rue Feydeau
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Auteur(s) des paroles :
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M. Gothereau
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Compositeur(s) :
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M. Jadin
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L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 4 (avril 1792), p. 360-363 :
[La question posée au début du compte rendu est celle de l’intérêt, la pièce étant accusée de « prétention à l’intérêt ». Sur quoi se fonde l’intérêt que le public prend à une pièce ? Cet intérêt peut avoir deux sources habituelles, « un amour traversé ou la nature fortement émue ». Et il faut pour que ces deux sources réussissent, il faut que la pièce mette en scène des personnages forts, ayant « ou un grand nom, ou une réputation éclatante de vertus & de belles actions ». Sinon, le public ne peut s’y intéresser. Et la pièce tombe dans la catégorie des pièces banales. Ce qui est le cas d’Amélie de Montfort. Sujet « froid et peu intéressant », la pièce, « écrite purement », gagnerait considérablement si l’auteur supprimait beaucoup de longueurs. Musique et interprétation sont jugées de façon favorable.]
II y a de la prétention à l’intérêt dans Amélie de Montsort, drame lyrique en trois actes, dont les paroles sont de M. Gothereau & la musique de M. Jadin.
Pour qu'un sujet soit vraiment dramatique & digne d'être transporté sur la scene, il faut qu'il présente des incidens nouveaux & sur-tout un puissant intérêt. Un amour traversé, ou la nature fortement émue, voilà les deux sources ordinaires d'intérêt que l'on s'empresse de mettre au théatre ; mais pour qu'elles y réussissent, il faut que les personnages aient des motifs puissans pour agir ; il faut qu'ils soient connus, ou se fassent connoître par de hauts faits ou des actions généreuses ; il faut, en un mot, qu'ils apportent, en paroissant, ou un grand nom, ou une réputation éclatante de vertus & de belles actions. Sans ces ressorts, point d'intérêt : le public ne peut plaindre des gens qu'il ne connoît pas, ou qui n'ont rien fait pour mériter son estime & son attention, & la piece rentre dans le nombre de celles qui offrent des effets connus, des situations communes & un intérêt léger. Tel étoit le sujet d'Amélie de Monfort, sujet tiré d'un des contes de la Díxmerie, & qui ne fournissoit rien de neuf, mais en même-tems rien qui pût lui assurer une chûte, ou lui mériter un très-grand succès :on en va juger.
Le connétable Amaury, seigneur de Montfort, petite ville à dix lieues de Paris, a servi de pere aux deux fils du comte de Sabran, son ami, qui les lui a confiés en mourant. L'aîné, Victor, est né avec un caractere bouillant & jaloux ; le plus jeune, Roger, est plus aimable & plus doux : aussi a-t-il touché le cœur d'Amélie, fille du connétable. Victor, furieux, brûle aussi pour Amélie, & veut la disputer à son frere, les armes à la main. En vain Roger veut éviter un crime à lui-même ou à son frere, il est obligé de défendre ses jours : Amaury les surprend l'épée à la main : le connétable les rappelle au devoir, à la vertu, & leur déclare que sa fille sera le prix de celui des deux qui aura su donner plus de preuves de valeur dans un tournois qui se prépare. Amaury est appellé à la cour auprès de S. Louis, qui rassemble tous ses croisés : Victor & Roger doivent se rendre aussi au tournois qui se donne dans une ville voisine : il faut que tous traversent, pendant la nuit, la forêt de Pontchartrain, que l'on sait être infectée de brigands : d'ailleurs, Amaury a pour voisin un châtelain jaloux de sa gloire, & dont il a tout à craindre : le connétable se fait escorter, emmene sa fille, & tout le monde quitte la ville de Montfort, au grand regret des habitans, qui témoignent leur douleur, particuliérement à Roger qu'ils chérissent. Cette préférence des habitans aigrit encore Victor, qui, par le conseil de son écuyer, se décide à s'embusquer dans la forêt & à enlever Amélie. En effet, un orage affreux surprend le connétable & sa fille, dans la forêt, au milieu de la nuit, & c'est pendant cet orage que Victor enleve la princesse ; mais il est bientôt attaqué par Roger, & fait prisonnier. Amaury croit avoir en sa puissance le cruel châtelain, son voisin ; mais quelle est la surprise de tout le monde, lorsqu'en baissant sa visiere, le prisonnier fait reconnoître Victor !... Il avoue sa faute; Roger intercede pour lui ; le connétable lui dorme sa fille, & pardonne à son coupable frere.
On voit que ce sujet étoit froid & peu intéressant. Cependant l'auteur en a tiré parti ; & s'il veut supprimer beaucoup de longueurs, sa piece, qui d'ailleurs est écrite purement, gagnera considérablement.
La musique est, selon nous, le meilleur ouvrage de M. Louis Jadin : l'harmonie & la mélodie s'y marient heureusement, & plusieurs morceaux d'ensemble sont d'un grand effet dramatique.
Les rôles. ont été joués par Mesd. Justalle, Dumont, & MM. Georges & Cháteaufort. M. Martin a chanté avec un goût fini le rôle d'un écuyer, & M. Gavaux a fait briller aussi du goût & une bonne méthode de chant dans celui de Roger.
D’après la base César, l'auteur du texte s'appellerait Cottereau. La pièce n'aurait eu que trois représentations, les 13, 15, 17 février 1792.
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