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Amélie de Montfort

Amélie de Montfort, drame lyrique en trois actes, de Gothereau, musique de Louis Jadin, 13 février 1792.

Théâtre de la rue Feydeau.

Titre :

Amélie de Monfort

Genre

drame lyrique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose, avec des coulets en vers

Musique :

oui

Date de création :

13 février 1792

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Gothereau

Compositeur(s) :

Jadin

Réimpression de l'ancien Moniteur (1789-1799), tome 11 (Paris, 1842), p. 399 :

[Gazette nationale ou le Moniteur universel, 27 février 1792.]

[Le critique marque son trouble face aux réactions du public lors de la création d'Amélie de Monfort. La pièce est froide, elle a été l'objet de jugements sévères, qui devraient faire conclure que ni le livret ni la musique n'ont réussi. Or, les auteurs ont été réclamés à grand cris, ce qui semble montrer que la pièce a réussi. Ceci posé, le critique résume l'intrigue, l'histoire de la jeune Amélie et des problèmes que cause la question de son mariage. Ce résumé est fait acte par acte, avec des interventions étonnantes du critique (l'acte deux, bien trop long, à l'acte trois un rideau figure « des nuages, des feux, des éclairs, on ne sait quoi »). Intrigue sans surprise : deux prétendants rivaux, deux frères, l'un aimé, l'autre non, la fin de la pièce montrant la victoire du prétendant aimé, son frère acceptant sa défaite et donc le mariage attendu. L'auteur de la pièce, qui n'est pas nommé, est considéré comme un débutant incompétent, « quelqu'un à qui la marche dramatique est inconnue ». Il n'a su faire naître l'intérêt, et le comique en est absent. Quant à la musique, pourtant d'un compositeur expérimenté, elle est très sévèrement jugée : « un fatras d'idées sans suite et sans liaison, d'harmonie obscure et recherchée »,le critique prêtant ce jugement à « ceux qui se piquent le plus de s'y connaître », signe de prudence de sa part. Une musique mal écrite; pleine de « réminiscences » (dont l'imitation de Lodoïska). Jugement aussi rigoureux que juste : le critique croit que Louis Jadin saura « se faire une manière à lui ».]

THÉATRE DE LA RUE FEYDAU

Nous avouons que nous n'entendons plus rien aux succès des pièces de théâtre, qui deviennent de jour en jour plus difficiles à déterminer. Par exemple, à voir la froideur avec laquelle Amélie de Monfort a été reçue, lundi 13 de ce mois, au théâtre de la rue Feydeau, pendant tout le cours de la pièce; à entendre les jugements particuliers qu'en ont portés les habitués de la scène, nous devrions dire que ni les paroles, ni la musique n'ont réussi. Cependant si l'acharnement, si l'espèce de violence avec laquelle on a demandé les auteurs à la fin, et surtout celui de la musique jusqu'à ce qu'il ait paru ; si ces cris redoublés qui figurent l'enthousiasme, ne prouvent pas le succès, qu'est-ce donc qu'ils prouvent ? Quoi qu'il en soit, voici le sujet de l'ouvrage :

Amélie est fille du sire de Montfort l'Amaury, grand connétable de France. Elle est aimée par le jeune Roger, qui vient d'être armé chevalier ; elle l'est aussi par le frère de Roger, jeune homme d'un caractère jaloux et féroce. Celui-ci déclare sa flamme, qui est mal reçue. Il soupçonne un rival, et ses soupçons portent même sur son frère, qui en effet lui avoue son amour. Il le force de se battre. Le connétable arrête le combat et en désapprouve la cause. Les deux chevaliers ne sont encore connus par aucun exploit. La main de la fille est le prix de celui qui se distinguera le plus dans la Palestine : voilà le premier acte. Le second acte est d'une longueur insoutenable, et ne contient cependant que les adieux de Roger qu'on a nommés plaisamment les adieux éternels, et un rendez-vous avec Amélie. Le frère de Roger, certain que son rival est préféré, se détermine à attendre dans un détour Montfort qui se rend avec sa fille à un tournois, dans le dessein de l'enlever. De son côté, Roger qui sait qu'un châtelain, voisin de Montfort, doit l'attaquer au même endroit, s'y cache pour les défendre. C'est en effet ce qui arrive au troisième acte, en y joignant un orage qui accompagne le combat et un rideau qui s'élève de terre pour figurer des nuages, des feux, des éclairs, on ne sait quoi. Chacun sait que Roger est vainqueur ; le chef des assaillants est pris ; il croit que c'est le châtelain ; point du tout, c'est son propre frère, à qui la honte et le remords font lever le masque, c'est-à-dire la visière dont son visage était couvert. Roger obtient Amélie de la reconnaissance du connétable.

Cet ouvrage paraît fait par quelqu'un à qui la marche dramatique est inconnue. Rien de piquant dans le dialogue, ni comique, ni intérêt ; car on ne peut pas regarder comme comiques les lazzis si communs d'un écuyer poltron. On a cependant distingué deux couplets assez agréables.

La musique a paru à ceux qui se piquent le plus de s'y connaître, un fatras d'idées sans suite et sans liaison, d'harmonie obscure et recherchée ; presque jamais de chant, ni d'obéissance aux paroles ; beaucoup de réminiscences, et surtout une sorte d'affectation d'imiter les procédés de l'auteur de Lodoïska. Ce jugement est peut-être rigoureux, mais il est juste, et l'auteur, M. Jadin, a montré assez de talent dans d'autres ouvrages pour qu'on doive lui donner sévèrement le conseil de ne pas se traîner sur les pas des autres, et de se faire une manière à lui, un peu différente de celle qu'il paraît préférer.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 4 (avril 1792), p. 360-363 :

[La question posée au début du compte rendu est celle de l’intérêt, la pièce étant accusée de « prétention à l’intérêt ». Sur quoi se fonde l’intérêt que le public prend à une pièce ? Cet intérêt peut avoir deux sources habituelles, « un amour traversé ou la nature fortement émue ». Et pour que ces deux sources réussissent, il faut que la pièce mette en scène des personnages forts, ayant « ou un grand nom, ou une réputation éclatante de vertus & de belles actions ». Sinon, le public ne peut s’y intéresser. Et la pièce tombe dans la catégorie des pièces banales. Ce qui est le cas d’Amélie de Montfort. Sujet « froid et peu intéressant », la pièce, « écrite purement », gagnerait considérablement si l’auteur supprimait beaucoup de longueurs. Musique et interprétation sont jugées de façon favorable.]

II y a de la prétention à l’intérêt dans Amélie de Montsort, drame lyrique en trois actes, dont les paroles sont de M. Gothereau & la musique de M. Jadin.

Pour qu'un sujet soit vraiment dramatique & digne d'être transporté sur la scene, il faut qu'il présente des incidens nouveaux & sur-tout un puissant intérêt. Un amour traversé, ou la nature fortement émue, voilà les deux sources ordinaires d'intérêt que l'on s'empresse de mettre au théatre ; mais pour qu'elles y réussissent, il faut que les personnages aient des motifs puissans pour agir ; il faut qu'ils soient connus, ou se fassent connoître par de hauts faits ou des actions généreuses ; il faut, en un mot, qu'ils apportent, en paroissant, ou un grand nom, ou une réputation éclatante de vertus & de belles actions. Sans ces ressorts, point d'intérêt : le public ne peut plaindre des gens qu'il ne connoît pas, ou qui n'ont rien fait pour mériter son estime & son attention, & la piece rentre dans le nombre de celles qui offrent des effets connus, des situations communes & un intérêt léger. Tel étoit le sujet d'Amélie de Monfort, sujet tiré d'un des contes de la Díxmerie, & qui ne fournissoit rien de neuf, mais en même-tems rien qui pût lui assurer une chûte, ou lui mériter un très-grand succès  :on en va juger.

Le connétable Amaury, seigneur de Montfort, petite ville à dix lieues de Paris, a servi de pere aux deux fils du comte de Sabran, son ami, qui les lui a confiés en mourant. L'aîné, Victor, est né avec un caractere bouillant & jaloux ; le plus jeune, Roger, est plus aimable & plus doux : aussi a-t-il touché le cœur d'Amélie, fille du connétable. Victor, furieux, brûle aussi pour Amélie, & veut la disputer à son frere, les armes à la main. En vain Roger veut éviter un crime à lui-même ou à son frere, il est obligé de défendre ses jours : Amaury les surprend l'épée à la main : le connétable les rappelle au devoir, à la vertu, & leur déclare que sa fille sera le prix de celui des deux qui aura su donner plus de preuves de valeur dans un tournois qui se prépare. Amaury est appellé à la cour auprès de S. Louis, qui rassemble tous ses croisés : Victor & Roger doivent se rendre aussi au tournois qui se donne dans une ville voisine : il faut que tous traversent, pendant la nuit, la forêt de Pontchartrain, que l'on sait être infectée de brigands : d'ailleurs, Amaury a pour voisin un châtelain jaloux de sa gloire, & dont il a tout à craindre : le connétable se fait escorter, emmene sa fille, & tout le monde quitte la ville de Montfort, au grand regret des habitans, qui témoignent leur douleur, particuliérement à Roger qu'ils chérissent. Cette préférence des habitans aigrit encore Victor, qui, par le conseil de son écuyer, se décide à s'embusquer dans la forêt & à enlever Amélie. En effet, un orage affreux surprend le connétable & sa fille, dans la forêt, au milieu de la nuit, & c'est pendant cet orage que Victor enleve la princesse ; mais il est bientôt attaqué par Roger, & fait prisonnier. Amaury croit avoir en sa puissance le cruel châtelain, son voisin ; mais quelle est la surprise de tout le monde, lorsqu'en baissant sa visiere, le prisonnier fait reconnoître Victor !... Il avoue sa faute; Roger intercede pour lui ; le connétable lui dorme sa fille, & pardonne à son coupable frere.

On voit que ce sujet étoit froid & peu intéressant. Cependant l'auteur en a tiré parti ; & s'il veut supprimer beaucoup de longueurs, sa piece, qui d'ailleurs est écrite purement, gagnera considérablement.

La musique est, selon nous, le meilleur ouvrage de M. Louis Jadin : l'harmonie & la mélodie s'y marient heureusement, & plusieurs morceaux d'ensemble sont d'un grand effet dramatique.

Les rôles. ont été joués par Mesd. Justalle, Dumont, & MM. Georges & Cháteaufort. M. Martin a chanté avec un goût fini le rôle d'un écuyer, & M. Gavaux a fait briller aussi du goût & une bonne méthode de chant dans celui de Roger.

D’après la base César, l'auteur du texte s'appellerait Cottereau. La pièce n'aurait eu que trois représentations, les 13, 15, 17 février 1792.

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