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Amélie, ou l'Héritage mystérieux

Amélie, ou l'Héritage mystérieux, drame en quatre actes et en prose, par M. Merville ; 26janvier [1815].

Théâtre de l'Odéon.

Almanach des Muses 1816.

Triste imitation d'un triste drame de Kotzebue ; invraisemblances et niaiseries sans nombre. Qu'est-ce donc que cet héritage mystérieux après lequel il faut soupirer pendant quatre mortels actes ? Un dé, des ciseaux, du fil, légués à l'innocente Amélie. Scènes longues, ennuyeuses ; chute méritée.

 

La Quotidienne, n° 28 du 28 janvier 1815, page 3 :

Première représentation d'Amélie, ou l'Héritage mystérieux, comédie en 4 actes [...].

Amélie, dont le mari, M. de Durlac, a passé l'âge de 40 ans, s'abandonne étourdiment au tourbillon du grand monde, et compromet sa réputation en acceptant publiquement les soins d'un mauvais sujet, nommé Lindorf. Celui-ci engage Amélie à réclamer de son époux une cassette cachetée que sa mère lui a confiée en mourant, avec injonction de ne briser le cachet qu'au bout d'un certain nombre d'années Son mari lui remet cet héritage mystérieux. Quel est l'étonnement de la femme de n'y trouver qu'une lettre et des aiguilles à tricoter. La lettre lui apprend qu'elle est née dans l'indigence ; les aiguilles sont celles dont sa pauvre mère se servait pour exister, avant que M. de Durlac fût devenu le bienfaiteur de sa famille. Amélie, entraînée par Lindorf, va au bal ; elle y joue sous le masque, perd plus d'argent qu'elle n'en a, demande du temps, et se fait traiter d'aventurière.Un inconnu en domino la dégage en payant pour elle, refuse de dire son nom, et provoque en duel le bauquier. Elle rentre désespérée ; un homme noir se présente ;il remet à Amélie un testament du baron qui la constitue son unique héritière.

« Un testament, ô ciel ! serait-il en danger de mort ? serait-ce lui qui la veille au jeu ?. – Et oui, c'est lui ; il a payé vos dettes, et va se battre pour venger votre honneur. »

Heureusement le baron n'est pas tué ; il n'a reçu qu'une légère blessure, et reparaît le bras en écharpe. Amélie, transportée de rcconnaissance, se jette dans ses bras ; Lindorf est congédié comme un suborneur, et tout s'arrange à merveille.

Telle est l'analyse du Mari d'autrefois, comédie jouée au mois de décembre 1806, au théâtre des Variétés Etrangères. Cette pièce n'était déjà qu'une imitation du Stick nadeln (les Aiguilles à tricoter), de l'infatigable Kotzebue ; mais au moins, de cinq actes on n'en avait fait que trois, et c'était vraiment jouer à qui perd gagne. M. Merville, au contraire, n'a presque rien ôté à l'ouvrage de sa longueur, et les changements qu'il a faits ne sont pas heureux.

Dans la pièce allemande Amélie est mariée ; dans la sienne elle est demoiselle, et l'inconvenance est bien plus grande. Il a aussi métamorphosé la présidente en conseillère, et le mari n'a plus le bras en écharpe. L'auteur a beaucoup compté, pour faire rire, sur le rôle d'un valet balourd ; mais il est plus sot que plaisant, et les personnes qui riaient avaient l'air de s'en repentir aussitôt.

Journal des débats politiques et littéraires, 29 janvier 1815, p. 4 :

[Deux pièces le même soir, du même auteur, qui en plus y joue. Ce que le critique en dit est assez sévère : « un gros drame bien épais, bien allemand, bien romantique ». Et le résumé de l’intrigue est censé confirmé ce diagnostic : une histoire sentimentale présentée de façon un peu moqueuse, pleine de trop bons sentiments et de trop beaux hasards.]

THEATRE DE L'ODEON.

Premières représentations d'Amélie, ou l’Héritage Mystérieux, drame en quatre actes et en prose ; et des Rivaux, ou le Prix au mérite, comédie en un acte et en prose ; par M. Merville.

Un gros drame bien épais, bien allemand, bien romantique, et une petite comédie bien mince, faisoient les frais de cette soirée, dont M. Merville, en qualité d'auteur, devoit avoir la gloire et dont, en qualité de comédien, il étoit appelé à recueillir les avantages. Les intérêts de l'acteur et de l’écrivain ont été servis à peu près dans la même proportion, et son trésor n'a pas dû être plus enflé que sa vanité, du résultat de cette représentation.

Une mère a laissé en mourant pour unique héritage à sa fille une cassette dont la clef et le secret ont été confiés à un grave philosophe qui chérit sa pupille e[ lui destine un jour sa fortune et sa main. Par délicatesse, il lui laisse ignorer que, réduite à la dernière indigence, elle est redevable de son éducation à ses soins généreux. Amélie, parvenue à l’âge où elle croit pouvoir disposer de son cœur, se laisse séduire par l'espoir d'un rôle brillant qu'elle se flatte de jouer dans le monde ; et s'éloignant d'un tuteur dont l'austerité est peu analogue à ses goûts, elle se laisse aller aux conseils d'un jeune étourdi nommé Rosenthal, et cherche à s'affranchir de l’autorité de Burdack, qui commence a lui être insupportable. Elle veut, malgré les sages avis de celui-ci, se rendre à un bal brillant où doit la conduire Rosenthal ; mais il lui manque des diamans et comme elle s’imagine que la cassette mystérieuse en est remplie, elle exige de Burdack qu’il la lui remette à l’instant même avec la clef. Burdack résiste, et cède sous la condition qu'Amélie en fera l’ouverture sans témoins. Amelie l'ouvre, et à sa grande surprise, elle n'y trouve que des instrumens de travail, des aiguilles, des ciseaux, et une lettre de sa mère qui lui apprend la triste situation où elle a laissé sa fille en mourant. Amélie repentante, abjure ses erreurs ; et la reconnoissance, de concert avec la nécessité, unit son sort à celui de Burdack.

[Le critique revient à la fin de ce qu’il dit des Rivaux sur le drame d’Amélie, « drame d’outre-Rhin », et propose un contrôle strict de l’importation « des productions germaniques ».]

Le petit acte de M. Merville sans être pompeux, vaut cependant mieux que le drame d’outre-Rhin : il seroit à desirer qu’il y eut, dans la république des lettres, des douaniers vigilans, chargés, non pas d'assujetir à aucun droit les productions germaniques, mais d'en empêcher sévèrement l’importation.                               C

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