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Les Amazones, ou la Fondation de Thèbes

Les Amazones, ou la Fondation de Thèbes, opéra en trois actes, paroles de Jouy, musique de Méhul, ballets de Milon, 17 décembre 1811.

Académie Impériale de Musique.

Titre :

Amazones (les), ou la Fondation de Thèbes

Genre

opéra

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en vers

Musique :

oui

Date de création :

17 décembre 1811

Théâtre :

Académie Impériale de Musique

Auteur(s) des paroles :

Jouy

Compositeur(s) :

Méhul

Chorégraphe(s) :

Milon

Sur la page de titre de la brochure, à Paris chez Roullet, 1811 :

Les Amazones, ou la Fondation de Thèbes, opéra en trois actes, représenté pour la première fois sur le Théâtre de l'Académie impériale de Musique, le 17 décembre 1811.

Ma quelle donne (le Muse) aiutino il moi verso
Ch' aiutar Anfion a chiudar Tebe ;
Si che dal fatto il dir non sia diverso.

Dante, infer., canto XXXII, terzo 4 °

Dans sa traduction en vers publiée en 1854, Louis Ratisbonne propose de rendre ainsi ce tercet :

Mais vous qui secondiez, ô Muses souveraines,
Amphion construisant les murailles thébaines,
Faites qu'au moins mes vers approchent du tableau !

Sur la deuxième page, la liste des auteurs :

Poëme de M. de Jouy.

Musique de M. Méhul.

Ballets de M. Milon.

Les décorations sur les dessins de M. Isabey.

Suit un avant-propos, des pages III à VIII :

[Un avant-propos tout à fait érudit, mais qui hésite beaucoup entre mythologie et histoire, sans oser trancher. Si l'auteur va jusqu'à mettre en doute dans les premières lignes l'existence de cette « nation guerrière uniquement composée de femmes », il n'en reproduit pas moins avec sérieux les parties légendaires.]

AVANT-PROPOS.

Les temps fabuleux où se passe l'action de ce drame, la nature même de cet ouvrage, me dispense d'entrer dans l'examen des discussions critiques auxquelles l'histoire des Amazones a de tout tems donné lieu. Est-il certain qu'il ait jamais existé une nation guerrière uniquement composée de femmes ? que ces phalanges d'héroïnes descendues des-monts Céroniens aient soumis la Crimée, la Circassie, l'Ibérie, et la Colchide ? qu'elles aient ravagé l'Ionie, pénétré dans l'Attique, et livré bataille à Thésée jusque dans les murs d'Athènes ? Strabon, Arrien et quelques modernes attaquent par le raisonnement des faits que Quinte-Curce, Plutarque et Diodore établissent sur des preuves. Gronovius, dans son Trésor de l'antiquité grecque, et l'abbé Guyon, dans son Histoire des Amazones, ne conçoivent pas qu'on puisse élever un doute raisonnable sur l'existence d'un peuple, prouvée non seulement par les témoignages les plus authentiques, mais par des traces matérielles, tels que le nom des lieux, les monumens de toute espèce, et les. médaillés, dont quelques unes sont venues jusqu'à nous. Quoiqu'il en soit de la vérité de l'histoire des Amazones, je crois devoir en rappeler ici quelques traits principaux, d'après, lesquels on pourra du moins juger de la fidélité des tableaux, des mœurs et des caractères que j'ai essayé de reproduire sur la scène lyrique.

La monarchie des Amazones subsista près de trois cents ans ; elle dut son origine à une colonie de Scythes sortis de leur pays pour se soustraire au joug des Assyriens, vers l'an 1700 avant l'ère vulgaire. Les peuples du Pont-Euxin, parmi lesquels les Scythes s'étaient établis à main armée, se liguèrent contre eux, les .surprirent, et les massacrèrent tous, à l'exception des, femmes, qu'ils croyaient pouvoir traiter en esclaves : mais celles-ci, élevées dans leur pays aux mêmes exercices que les hommes, dont elles partageaient lés travaux, et qu'elles accompagnaient quelquefois à la guerre, résolurent de venger la mort de leurs enfans, qu'elles ressentirent beaucoup plus vivement que celle de leurs époux. En conséquence, unies entre elles par serment, et profitant du sommeil des vainqueurs, dont elles égorgèrent les chefs, elles prirent la fuite et se réfugièrent aux environs du mont Caucase. Non contentes d'apprendre à leurs ennemis qu'ils entreprendraient en vain de les en chasser, elles ne tardèrent pas à porter la guerre sur leur territoire, et s'assurèrent la possession des pays qu'elles envahirent. Leurs premiers succès les enhardirent à méditer de plus vastes conquêtes ; mais avant de reculer les bornes de leur empire, elles voulurent en asseoir les bases sur des lois immuables, dont les plus importantes furent :

De vouer aux hommes une haine éternelle ; de renoncer pour jamais au mariage ; de se procurer des survivantes, en élevant dans leurs mœurs les enfans du sexe féminin qu'elles pourraient enlever dans leurs courses ; d'exterminer tous les prisonniers mâles ; de vivre du produit de leur arc ; enfin d'obéir aveuglément à la reine que le choix ou la naissance aurait placée sur le trône.

Je sais que la plupart des historiens prétendent que les Amazones, en renonçant au mariage, ne renonçaient pas au droit-de se donner des héritières de leur propre sang ;-mais, outre qu'il est peu vraisemblable que les hommes de leur voisinage se prêtassent à des liaisons passagères qui n'avaient d'autre objet que de perpétuer la race de leurs cruelles ennemies, il l'est encore moins que les Amazones, dont le nom était l'emblème de la chasteté, qui rendaient à Diane un culte si pur et si sévère, que l'on élevait dans la haine des hommes ; il est encore moins vraisemblable, dis-je, qu'elles abjurassent, à certains jours, toute pudeur et toute prudence, dans l'espoir, souvent trompé, de donner des filles à l'Etat. Quoi qu'il en fût, il est du moins certain qu'elles s'associèrent, dans le cours de leurs premières expéditions, une foule de femmes qui, par caractère, par mécontentemens de leurs parens, de leurs époux, ou par tout autre motif, se rangèrent sous leurs enseignes.

Après avoir étendu leurs conquêtes jusque sur les côtes de la mer Egée, où elles fondèrent plusieurs villes, les Amazones séparèrent leur vaste empire en trois royaumes, qui eurent chacun leur reine : l'une d'elles régnait dans la Sarmatie ; l'autre aux environs

d'Ephese  ; et la troisième, en qui résidait véritablement l'autorité souveraine, avait sa cour à Thémiscire sur les bords du Thermodon.

L'Hercule thébain porta, le premier, atteinte à la gloire et à la puissance des Amazones, qu'il défit dans une expédition comptée au nombre de ses douze travaux. Résolues de tirer vengeance de l'affront qu'elles avaient reçu dans la personne de leur reine Hypolite, que Thésée, dans la guerre d'Hercule, avait emmenée prisonnière à Athènes, les Amazones, commandées par Orithyie, se débordèrent comme un torrent dans l'Attique, qu'elles ravagèrent, après avoir traversé la Thessalie : Thésée, à la tête d'une armée formidable, se présenta, leur livra bataille dans les murs d'Athènes, et remporta sur elles une victoire sanglante mais décisive. Honteuses et désespérées de leur défaite, les Amazones échappées à la bataille d'Athènes se retirèrent dans la Thrace, et y formèrent un établissement, d'où elles sortirent, à différentes époques, pour servir en qualité d'auxiliaires dans les armées des peuples ennemis des Grecs. Une expédition qu'elles entreprirent dans l'isle d'Achillée, vingt ans après la prise de Troie, paraît avoir amené la ruine entière de leur empire.

L'histoire ne fait pas une mention particulière de la prise de Thèbes par les Amazones (événement que j'ai fait entrer dans mon drame, et dont il amène le drénouement) ; mais puisque ces femmes guerrières pénétrèrent dans l'Attique par la Thessalie, et qu'elles ravagèrent la Béotie, on peut croire qu'elles n'épargnèrent pas la ville d'Amphion, qui se trouvait sur leur chemin. Leur séjour dans l'isle d'Eubée est plus certain encore, puisque du tems de Plutarque on voyait encore plusieurs de leurs tombeaux à Chalcis.

Les Amazones fondèrent la ville d'Ephèse.y et bâtirent à Diane un temple « dont la dédicace, dit l'abbé Guyon, se fit au milieu des chants de joie et des divertissemens dès Amazones, qui dansaient au son de la flûte (à sept tuyaux), et de certaine harmonie en cadence qui se faisait par le choc des lances et des boucliers.... Le bruit de cette espèce de bacchanale (poursuit le même historien) se fit entendre,jusqu'à Sardes ( à cinquante lieues environ) ». On voit que l'harmonie bruyante n'est pas une invention moderne.

Stace, dans le deuxième chant de son Achilleïde, et Turnebe, dans le vingt-sixième livre de ses Commentaires, parlent d'une danse particulière aux Amazones, que l'on nommait le pecten ; d'après la description assez peu claire qu'ils en donnent, on voit néanmoins que cette danse était une espèce de pyrrique d'un genre très gracieux, puisqu'elle était en usage parmi les jeunes filles dans toutes les fêtes de-la Grèce.

Les bas-reliefs et les médailles qui représentent des Amazones, offrent de grandes variétés dans la forme de leurs habillemens ; tous cependant ont cela de commun qu'ils laissent le côté gauche à découvert, et sont retenus par une large ceinture. Il paraît qu'elles portaient à la guerre une espèce de corselet, dont la cotte-d'armes ne descendait pas au-dessous du genou. Leur coiffure était, pour la plupart d'entre elles, le casque garni de panaches : quelques unes portaient le bonnet phrygien, et d'autres leurs cheveux relevés au sommet de la tête. Leurs armes étaient la flèche, le javelot, la hache à deux tranchans, et un bouclier d'une forme particulière que l'on nommait pelta ; pour instruments de guerre, elles se servaient du cornet, de la trompette, et du sistre égyptien.

Il y a eu plusieurs reines des Amazones du nom d'Antiope. Isidore, dans son livre des Origines, est le seul mythologue qui ait pu m'autoriser à compter dans: ce nombre Antiope mère d'Amphion et de Zéthus. On pourrait trouver cette autorité insuffisante pour établir un fait historique ; mais quand il ne s'agit que de choisir entre des fables, il doit être permis, sur-tout à un auteur d'opéra, de prendre sans examen celle qui se lie le plus heureusement à son sujet.

Journal de Paris, n° 79 du 18 décembre 1811, p. 2-4 :

[Le compte rendu de cet opéra qui est manifestement un événement considérable s’ouvre par une longue « dissertation » sur les amazones telles qu’on peut les connaître à travers les témoignages antiques. De ce déluge d’érudition, on ne peut retenir que la vision de l’antiquité par les gens du temps. La deuxième moitié de l’article aborde la critique de l’opéra nouveau, en situant l’intrigue du côté de l’invention, puisque c’est le verbe « supposer » qui introduit le résumé de l’intrigue qui associe Amphion et Zethus son frère à la fondation de Thèbes (jusque là, on retrouve les données de la mythologie), mais les met aussi en présence des Amazones conduites par Antiope devenue leur reine (ce nom est bien celui de la mère d’Amphion et Zethus, mais on ne l’associe ordinairement pas aux Amazones, l’Antiope amazone otage d’Héraclès ou de Thésée étant un autre personnage). On place près d’Amphion l’indispensable amante, Eriphile. Acte par acte, le critique déroule le fil d’une histoire violente. Les combats se succèdent à l’avantage des Amazones, la vie des deux Grecs étant sans cesse menacée, jusqu’à ce qu’Amphion, au moment d’être exécuté, entonne un chant qui charme les assistants, et surtout dont les paroles révèlent à Antiope qu’elle est la mort d’Amphion et Zethus. Cette révélation l’attendrit, mais pousse les Amazones à se révolter contre leur reine. C’est à Jupiter que revient la mission de rétablir la paix, mais un petit problème technique l’empêche d’apparaître, incident de machinerie que le critique rapporte avec une certaine ironie. La pièce s’achève donc de façon heureuse, « par des fêtes aussi brillantes que voluptueuses ». Le jugement porté sur la pièce souligne d’abord l’abondance des « beautés de ce brillant ouvrage », mais aussi les défauts : lenteur de l’action, intérêt trop faible, alternance de crainte et d’espérance trop peu marquée, trop grande faiblesse aussi des deux héros, qui « se laissent vaincre trop facilement ». Mais il suffirait de « quelques vers de plus » pour « remédier à ce défaut ». Et le style du poème est jugé élégant. La musique est jugée de façon positive : harmonieuse, avec de très beaux chœurs. Mais un des rôles ne correspond pas aux moyens de l’interprète. De même, le duo entre les deux héros grecs paraît « trop passionné » : leur langage est plus celui d’amants que de frères. Néanmoins, la représentation a été un succès. Les ballets sont pleins de bon goût. Les auteurs ont été demandés. Et la représentation a été donnée en présence de l’empereur et de l’impératrice.]

ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

Première représentation des Amazones , opéra en trois actes.

Il ne s’agit pas ici de discuter si les Amazones ont jamais existé ; si elles ont formé une puissante république sur les bords du Thermodon comme le veut Homère, ou vers les Palus-Méotides, comme l’enseigne Hérodote ; si jamais elles ont eu quelque chose de commun avec les Gorgones qui, suivant Eschvle, n'avaient pour elles toutes qu'un œil et qu’une dent qu’elles se prêtaient tour-à-tour. Qu’importe qu’Arrien et Strabon aient nié leur existence, que Freret les ait attaquées dans une savante dissertation ? n’ont-elles pour elles le témoignage de Plutarque, de Quinte-Curce, de Diodore de Sicile et du grand Hippocrate ? Que j’aime cette reine Thalestris, qui vint trouver Alexandre pour le prier de lui faire goûter les plaisirs de la maternité, persuadée que d’un semblable hymen il ne pourrait naître qu’un enfant extraordinaire ! Le docteur de Cos m’assure positivement que les amazones se faisaient brûler la mamelle droite avec un instrument de cuivre rougi au feu, et que cette opération rendait le bras droit beaucoup plus souple et plus vigoureux. Si Crispin médecin me contait une pareille histoire, je serais tente de rire ; mais quand le grand Hippocrate parle, il faut admirer et se taire.

Hérodote est le premier historien de l’antiquité qui ait donné quelques détails sur la célèbre république des amazones. Il prétend qu’Hercule et Thésée jaloux de signaler leur courage, non-seulement, contre les hommes, mais encore contre les femmes allèrent attaquer les amazones dans l’Asie mineure ; qu’ils les taillèrent en pièces, en firent un grand nombre prisonnières, et les embarquèrent sur trois vaisseaux dans le dessein de les transporter dans la Grèce. Mais ces farouches héroïnes parvinrent à se défaire de leurs gardes, s'emparèrent des vaisseaux, et arrivèrent au Pont-Euxin. Là, elles trouvèrent très à propos de magnifiques haras, se saisirent des chevaux, et firent une guerre si active aux habitans du pays, que la terreur de leur nom se répandit partout. Les scyithes, étonnés de tant de courage, au lieu de leur déclarer la guerre, aimeront mieux leur faire la cour, et comme ils étaient jeunes, vigoureux et bien faits, elles ne dédaignèrent point d’en faire leurs époux ; de cette alliance sortit la nation des Sauromates, où les femmes conservèrent toute les inclinations de leurs ancêtres, et ne se montrent pas moins intrépides que leurs maris.

On sait très-bien qu’il est fort facile d’attaquer l’autorité d’Hérodote, et de prouver que jamais une république de femmes guerrières n a pu exister On peut s’écarter quelque temps des lois de la nature, mais on finit toujours par y revenir. Les deux sexes sont enchaînés par un attrait trop irrésistible pour se fuir long-temps. On peut supposer une nation où aucune femme n’aimerait son mari, mais elle aimerait toujours un homme, de même qu’un homme aimera toujours une femme. Un esclave même, élevé au rang d’époux, deviendrait bientôt le maître, et le sexe le plus fort ne tarderait pas à reconquérir ses droits.

Mais l’histoire des amazones est une de ces brillantes fictions de l’antiquité, qui plaît à l’imagination et qui ert merveilleusement la poésie.

L’auteur du nouvel opéra s’en est emparé avec succès. Il suppose qu’Amphion, fugitif et proscrit, est occupé de jeter les fondemens de la ville de Thèbes. La lyre à la main, il excite le courage des ouvriers et dirige les travaux. Zethus son frèr . guerrier renommé par ses, exploits, apprend que la nouvelle, ville est menacée par la relue des amazones, la redoutable Antiope ; il se dérobe aux embrassemens de la jeune Eriphile et vole au secours de son frère.

L’armée des amazones occupe l’île d’Eubée. Leurs vaisseaux couvrent les bords de la mer, et la belle Eriphile est entre leurs mains. Amphion propose à son frère de conjurer l’orage qui les menace, en se présentant au camp d’Antiope, l’olivier à la main. Ils partent et arrivent dans l’île d’Eubée ; ces événemens occupent le premier acte.

Au second acte. on voit Antiope à la tête de ses amazones ; elle excite leur ardeur guerrière ; Eriphile est au milieu d’elles ; on l’oblige de jurer aux pieds de l’autel de Diane une haine éternelle aux hommes? En ce moment on annonce à la reine l’arrivée d’Amphion et de Zethus ; elle rejette avec hauteur leurs propositions ; Zethus reconnaît Eriphile ; Antiope, suivie des amazones, va consulter la déesse sur le sort de ces captifs ; dans cet intervalle Zethus et Eriphile renouvellent tous leurs serments d’amour et jurent de périr ensemble s’il le faut.

Antiope revient du temple ; elle prononce l’arrêt de mort des deux envoyés thébains ; mais Amphion sera attaché a la pointe d un rocher et contemplera de ce point la ruine et l'incendie de Thèbes ; Zethus sera immolé à Diane, et périra de la main d’Eriphile son amante. Les amazones se disposent à partir.

Au troisième acte, le théâtre représente une partie de la ville de Thèbes, sur les bords de l’Euripe. On aperçoit le péristile du temple de Castor et Pollux ; les vaisseaux des amazones couvrent le détroit.

Le combat est engagé ; les thébains vaincus fuient en désordre ; Zelhus cherche à les rallier, et veut s’illustrer au moins par une mort glorieuse. Tout-à coup on annonce le retour d’Amphion. Il est parvenu à rompre ses chaînes ; les nymphes et les faunes, ravis de ses chants, sont accourus à lui et l’ont délivré.

Mais la fortune et le courage des amazones triomphent ; Amphion tombe de nouveau entre leurs mains ; déjà elles s’apprêtent à l’immoler, lorsque Zethus, pour lui sauver la vie, remet ses armes à Antiope et se rend prisonnier. L’implacable guerrière ordonne le trépas des deux illustres frères et d’Eriphile. Amphion entonne le chant de mort ; ses accens portent dans l’ame d’Antiope un trouble inconnu ; ses farouches satellites se sentent attendrir un instant ; les dernières paroles de Zethus apprennent à Antiope qu’Amphion et lui sont nés de parens inconnus, qu’ils ont été élevés par des bergers thébains, sur le mont Citheron ; ces mots sont un trait de lumière pour elle ; elle fait suspendre le supplice et reconnaît ses enfans. Cette scène touchante et pathétique est d’un très-bel effet. Les amazones indignées de la faiblesse de leur reine sont prêtes à se révolter ; en ce moment Jupiter devait descendre de son trône, faire entendre aux amazones des paroles de paix, les réconcilier avec les hommes et les relever de leurs vœux. Mais soit que le souverain de 1’univers fût indisposé, soit qu'une distraction imprévue lui eût fait oublier le soin de notre petit globe, le nuage, le trône et l’aigle sont arrivés seuls, et les amazones attendries ont d’elles mêmes prévenu les vœux du maître de l’Olympe

Des chants de paix, de bonheur et d’hyménée ont succédé aux cris tumultueux de la guerre. Un temple magnifique s’est ouvert, et les illustres guerrières se sont unies aux thébains par les liens les plus doux. Cet heureux dénouement a été célébré par des fêtes aussi brillantes que voluptueuses.

Il faudrait trop de temps pour détailler ici les beautés de ce brillant ouvrage et en marquer les défauts. L’auteur aura sans doute reconnu que l’action ne marche pas toujours avec assez de rapidité ; que l’intérêt n est pas assez vif ; que les balancemens de crainte et d’espérance ne sont pas marqués assez fortement pour produire un effet pathétique ; que les deux héros n’opposent pas aux amazones une résistance digne de leur grand cœur, et se laissent vaincre trop facilement.

Quelques vers de plus subiraient peut-être pour remédier à ce défaut, d’ailleurs le poëme est écrit avec élégance qu’on pouvait attendre de l’auteur de la Vestale.

La musique est riche en harmonie ; les cœurs [sic] sont d’une grande beauté ; le rôle de Mme Branchu est écrit d’une manière supérieure ; celui de Derivis paraît moins assorti à ses moyens.

On a trouvé le duo entre Zethus et Amphion trop passionné. Le langage de deux frères qui s’aiment n'est pas le même que celui de deux amans

Malgré ces observations, la représentation a eu beaucoup de succès ; Mme Branchu et Nourrit se sont surpassés. Les fêtes et les ballets sont composés avec beaucoup de goût. On a sur-tout remarqué un pas très-ingénieux entre l’adresse et la force. Après la représentation on a demandé les auteurs. Le poëme est de M. de Jouy, la musique de M. Méhul, les ballets de M. Millon, les décorations de M. Isabey.

LL. MM., qui ont daigné honorer le spectacle de leur présence, ont été reçues au milieu des acclamations.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome VI, p. 400-402 :

[Le compte rendu s’ouvre comme d’habitude par un résumé de l’intrigue (qui donne l’impression d’une action s’enchaînant assez mal). Puis, juste après le récit du dénouement, une cascade de reproches : on en compte quatre (action trop lente, intérêt insuffisant, absence de pathétique, parce que « les balancemens de crainte et d'espérance ne sont pas marqués assez fortement », des héros trop faibles face aux Amazones). Cela n’empêche pas de déclarer que « le poème est écrit avec élégance, que « la musique est riche en harmonie ; les cœurs [sic] sont d'une grande beauté ». Conclusion : grand succès de la représentation, grâce aussi à des interprètes remarquables (deux sont cités). Il ne reste plus qu’à nommer sans commentaire parolier, compositeur, chorégraphe et décorateur.]

ACADEMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

Les Amazones, ou la Fondation de Thèbes, opéra en trois actes, joué le 17 décembre.

Amphion, fugitif et proscrit, est occupé à jeter les fondemens de>4a ville de Thèbes. La lyre à la main , il excite le courage des ouvriers, et dirige les travaux. Zethus, son frère, guerrier renommé par ses exploits, apprend que la nouvelle ville est menacée par la reine des Amazones, la redoutable Antiope ; il se dérobe aux embrassemens de la jeune Eriphile, et vole au secours de son frère.

L'armée des Amazones occupe l'île d'Eubée. Leurs vaisseaux couvrent les bords de la mer, et la belle Eriphile est entre leurs mains. Amphion propose à son frère de conjurer l'orage qui les menace, eu se présentant au camp d'Antiope, l'olivier à la main. Ils partent, et arrivent dans l'île d'Eubée.

Au second acte, Antiope, à la tête de ses Amazones, excite leur ardeur guerrière; Eriphile est au milieu d'elles ; on l'oblige de jurer, au pied de l'autel de Diane, une haine éternelle aux hommes. En ce moment, on annonce à la reine l'arrivée d'Amphion et de Zethus ; elle rejette leurs propositions ; Zethus reconnoît Eriphile. Antiope va consulter la déesse sur le sort des captifs ; dans cet intervalle, Zethus et Eriphile renouvellent leurs sermens d'amour, et jurent de périr ensemble s'il le faut.

Antiope revient du temple; elle prononce l'arrêt de mort des deux envoyés thébains : mais Amphion sera attaché à la pointe d'un rocher, et contemplera de ce point la ruine et l'incendie de Thèbes ; Zethus sera immolé à Diane, et périra de la main d'Eriphile son amante. Les Amazones se disposent à partir.

Au troisième acte, le théâtre représente une partie de la ville de Thèbes, sur les bords de l'Euripe. On aperçoit le péristyle du temple de Castor et Pollux ; les vaisseaux des Amazones couvrent le détroit.

Le combat est engagé ; les Thébains, vaincus, fuient en désordre ; Zethus cherche à les rallier, et veut s'illustrer au moins par une mort glorieuse. Tout-à-coup on annonce le retour d'Amphion. Il est parvenu à rompre ses chaînes ; les Nymphes et les Faunes, ravis de ses chants, l'ont délivré.

Mais la fortune et le courage des Amazones triomphent; Amphion tombe de nouveau entre leurs mains ; déjà elles s'apprêtent à l'immoler, lorsque Zethus, pour lui sauver la vie, remet ses armes à Antiope, et se rend prisonnier. L'implacable guerrière ordonne le trépas des deux frères et d'Eriphile. Amphion entonne le chant de mort ; ses accens portent dans l'àme d'Antiope un trouble inconnu ; ses farouches satellites se sentent attendris ; les dernières paroles de Zethus apprennent à Antiope qu'Amphion et lui sont nés de parens inconnus, qu'ils ont été élevés par des bergers thébains, sur le mont Cythéron : ces mots sont un trait de lumière pour elle ; elle fait suspendre le supplice, et reconnoit ses enfaus. Les Amazones, indignées de la foiblesse de leur reine, sont prêtes à se révolter ; en ce moment, Jupiter descend de son trône, fait entendre anx Amazones des paroles de paix, les reconcilie avec les hommes, et les relève de leurs vœux.

Des chants de paix, de bonheur et d'hyménée succèdent aux crix tumultueux de la guerre. Un
temple magnifique s'ouvre, et les guerrières sont unies aux Thébains. Cet heureux dénouement est célébré par des fêtes brillantes. L'action ne marche pas toujours avec assez de rapidité ; l'intérêt n'est pas assez vif ; les balancemens de crainte et d'espérance ne sont pas marqués assez fortement pour produire un effet pathétique ; les deux héros n'opposent pas aux Amazones une résistance digne de leur grand cœur, et se laissent vaincre trop facilement.

Le poème est écrit avec élégance. La musique est riche en harmonie; les cœurs sont d'une grande beauté. La représentation a eu beaucoup de succès ; Madame Branchu et M. Nourrit se sont surpassés.

Le poème est de M. de Joui ; la musique de M. Mehul ; les ballets de M. Milon ; les décorations de M. Isabey.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1812, p. 269-278 :

[Un long premier paragraphe est consacré à la question des rapports de l’opéra avec la mythologie, et non l'histoire : contrairement à ce que le titre peut suggérer, le sujet de la pièce est la prise de la ville de Thèbes par les Amazones dont la reine ignore qu’elle a été fondée par les deux fils qu’elle a abandonnés. Et l’important est de plaire et intéresser avec ces données mythologiques, quelle que soit l’autorité antique sur laquelle on s’appuie. La suite du compte rendu suit la division en trois actes, pour en raconter l’intrigue, puis pour analyser cette action sur le plan de l’intérêt des personnages. L’acte I est jugé trop statique : après avoir montré la construction de la ville aux accents d’Amphion le poète musicien (l’Opéra n’a pas pu montrer la ville se construisant seule ç la voix du poètes), ce sont des débats qui en sont le cœur. L’acte I est masculin, l’acte II est féminin, et montre les Amazones pratiquant avec ardeur le culte de Diane, et rejetant avec enthousiasme la tentative des Thébains d efaire la paix. Mais la rencontre a permis à Zéthus, le frère d’Amphion, de retrouver parmi les sauvages guerrières son amante. Cet acte, qui « a plus de mouvement et de variété » n’accorde toutefois pas assez de place à l’amour d’Eryphile, qui divise l’intérêt et l’action au lieu de les augmenter. L’acte III est celui de la reconnaissance : Antiope découvre, au moment de les faire mourir, que les deux jeunes Thébains sont ses fils, et le dénouement dépend alors de l'intervention divine de Jupiter, leur père, mais un incident technique a empêché que le dieu apparaisse et parle. Situation qui prêtait à rire, mais que l’actrice chantant le rôle d’Antiope a sauvée en faisant comme si rien ne s’était passé. Le temple de l’hymen apparaît, et tout finit bien pour les jeunes gens comme pour les Amazones, devenues sensibles. Impossible de juger cet acte III, victime du hasard. Le critique craint surtout que l’ouvrage ne souffre du vide du premier acte et le manque d’intérêt des rôles des jeunes gens, qui confrontent les Amazones à des adversaires « trop peu dignes d’elles ». Le meilleur rôle est celui d’Antiope, la meilleure scène celle de la reconnaissance. Et on ne peut reprocher aux paroles que « quelques taches légères ». La musique de Méhul est jugée digne de ce grand compositeur, qui a surmonté les difficultés du sujet, et en particulier a réussi le rôle d’Antiope. Seul regret un manque de contraste entre les rôles masculins. Encore faudrait-il revenir sur une telle composition, difficile à juger à une première audition. Ballets et décorations sont appréciées. Le ballet est neuf par les « exercices guerriers des Amazones. Ils sont de Milon. Isabey, chargé des décors a su les créer en accord avec le sujet et les nécessités de la scène.]

ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

Les Amazones, ou la Fondation de Thèbes.

L'auteur du poëme de l'opéra nouveau, les Amazones, ou la Fondation de Thèbes, a consacré une assez longue préface, non pas à discuter ce qu'il y a d'historique et ce qu'il y a de fabuleux dans l'existence des antiques Amazones, mais à retracer ce que les mythologues lui en ont appris, et ce qu'il a cru devoir ajouter à leurs récits pour rendre son action intéressante, et sa fable dramatique. Son sujet est non moins la fondation de Thèbes, que la prise de cette ville nouvelle par les Amazones, et il avoue que l'histoire ne fait pas mention de cet événement ; mais puisque ces femmes guerrières pénétrèrent dans l'Attique par la Thessalie ; puisqu'elles ravagèrent la Béotie, elles doivent, dit-il, avoir passé par Thèbes ; elles doivent s'être emparées de la ville qu'Amphion bâtissait aux sons de sa lyre, et voilà l'auteur justifié quant au choix du lieu. A l'égard des personnages, s'il choisit parmi les reines des Amazones, cette Antiope que Jupiter rendit mère d'Amphion et de Zéthus, le mythologue Isidore, dans son livre des Origines (titre ici tout-à-fait irrécusable), lui en donne complettement le droit. Que M. de Jouy se rassure donc : il a su concilier les traditions mythologiques avec son plan, les accorder avec ses idées : c'est tout ce qu'on pouvait exiger de lui. La fable est le livre sacré des lyriques profanes : Homère, Virgile, Ovide, voilà les autorités du poëte qui confie ses vers aux accords de la lyre ; le vaste champ de mythologie est son domaine ; s'il a réussi à plaire, à intéresser, il importe peu qu'il ait pour lui l'autorité de Plutarque, d'Arrien ou de Strabon.

La fable fait mouvoir les pierres aux accens d'Amphion, la poésie les fait se ranger d'elles-mêmes sur les remparts de Thèbes ; l'Opéra , malgré ses brillans prestiges, ne pouvait offrir de tels tableaux. Ici Amphion chante, et les Thébains en l'écoutant élèvent les édifices de leur ville naissante : ainsi se trouve expliquée et développée à nos yeux une des plus brillantes allégories imaginées pour peindre les premiers degrés de la civilisation, secondés par les premiers progrès des arts; mais l'heure est arrivée de suspendre les travaux:

C'est peu de bâtir des remparts,
Thébains , il faudra les défendre,

dit le chantre imitateur d'Apollon : Zéthus, son frère, Zéthus, dont le nom est mythologique, mais à qui l'oreille en désirerait un plus musical, vient présider aux exercices guerriers de ses jeunes concitoyens.

Il faut en effet se préparer à la guerre :

    Les Amazones sur ces bords
    Dirigent leurs fougueux efforts ;
Déjà de leurs vaisseaux cette mer est couverte.

Aller leur demander la paix est s'exposer à une mort certaine : Zéthus brigue cette honorable mission : Amphion veut la partager. Pallas reçoit les sermens des deux frères, et ils partent pour l'île d'Eubée, où la reine des Amazones a assis son camp, Telle est la rapide analyse d'un premier acte qui n'offre que quelques tableaux, peu de mouvement et d'intérêt, et dans lequel le dévouement des deux frères à la patrie, et l'amour qu'ils expriment l'un pour l'autre laissent désirer une couleur plus forte, un caractère plus héroïque, et de plus énergiques accens.

On n'a vu que des hommes dans cet acte ; dans la presque totalité du second, on ne verra que des femmes, mais ces femmes sont les Amazones ; ce sont les héroïnes du sujet ; près d'elles les Thébains ne sont qu'une faible peuplable destinée à subir le joug. Antiope est à leur tête, Antiope qui leur donne l'exemple de l'adresse dans les jeux guerriers, et du courage dans les combats, Antiope, qui, prosternée devant l'autel de Diane, jure avec ses Amazones de demeurer fidèles au culte de la chaste déesse ; cette reine, en effet, a toujours refusé l'hommage des mortels ; mais celui d'un dieu est au-dessus des sermens ordinaires, et Jupiter autrefois a su désarmer ce superbe courage : comme Léda, Antiope a donné le jour à deux fils, que le farouche Lycus, son père, a exposés sur le mont Cythéron ; elle croit que la mort les lui a ravis ; et ce sont eux qui vont paraître devant elle sans en être connus ; ce sont eux qui, au nom des Thébains, viennent lui demander la paix : des cris de guerre et de mort leur répondent. La reine va consulter l'oracle. Il serait long d'expliquer comment, en son absence, Zéthus retrouve parmi les Amazones Eryphile, son amante ; cette vestale grecque n'a prêté qu'à regret serment aux autels de Diane ; elle médite de fuir avec son amant et son frère ; le retour d'Antiope les arrête ; la mort doit être leur partage. Eryphile et Zéthus seront sacrifiés à Diane dans Thèbes anéantie ; Amphion attendra la mort sur un rocher d'où il contemplera la ruine de sa ville, vers laquelle Antiope dirige ses vaisseaux.

Demeuré seul, Amphion adresse ses prières aux Dieux : à ces accens inconnus et délicieux, les satyres, les faunes, les déesses qui président aux forêts, celles qui règnent au fond des ondes, sortent de leurs retraites et écoutent ce chantre divin ; il les implore, il les attendrit : ses fers sont brisés, et les Néréides le conduisent au rivage thébain ; il court sauver son frère ou périr avec lui. Ce second acte a plus de mouvenent et de variété que le premier ; mais l'amour d'Eryphile est ici trop secondaire ; il divise l’intérêt et ne l'augmente pas ; il partage l'action et la rallentit au lieu de l'échauffer et de la nourrir.

Au moment où Amphion entre dans Thébes, les destins de la ville sont fixés ; les Thébains n'ont opposé qu'une vaine résistance ; Amphion ne se mêle parmi les combattans que pour partager le sort de Zéthus ; leur arrêt est prononcé : Eryphile elle-même est condamnée à frapper son amant.... Mais au moment où, dans leurs touchans adieux, les deux frères parlent de leur naissance, du berceau qui leur fut commun, des parens qu'ils n'ont pu connaître, le trouble s'empare de l'ame d'Antiope ; elle hésite, elle doute, elle espère ; peu de mots suffisent à l'amour maternel ; elle reconnaît ses fils, et bientôt elle-même va avoir à les défendre contre ses amazones furieuses qui ne connaissent que leurs sermens et les droits de la victoire..... C'est ici que la présence d'un dieu était nécessaire, et que le dénouement était digne de son intervention ; aussi l'éclair brille, la foudre gronde, un vaste nuage descend ; voilà l'aigle de Jupiter, voilà son trône d'or soutenu sur l'aile des vents, tout annonce sa majesté suprême : Thébains, Amazones, tout se prosterne ; mais, on se le rappelle, les dieux étaient eux-mêmes soumis à une loi puissante. Le destin avait ordonné sans doute que dans le moment où sa présence serait si nécessaire, Jupiter serait absent ; sa gloire seule a paru ; son trône était vacant ; peut-être au moment où les vœux d'Amphion et d'Antiope appellaient son secours, cygne amoureux, taureau superbe, ou pluie féconde, le dieu trompait-il les sens d'une faible mortelle ; quoi qu'il en soit, le moment était critique, il n'y avait pas un instant à perdre ; déjà le rire succédait au pathétique, Antiope (Mme. Branchu) n'hésite pas, et sans attendre les paroles de Jupiter, qui sont les arrêts des destinées, elle se hâte de chanter l'hymne de la reconnaissance. Le dénouement n'en a pas paru plus obscur. On prévoyait assez ce que Jupiter devait dire à cette autre Alcméne ; cette fois il ne venait pas promettre Hercule à l'univers, mais attester l'origine divine d'Amphion et de son frère, et annoncer la gloire future d'une nation de héros.

A la voix du Dieu absent, le temple de l'hymen a subitement déployé sa magnificence aux yeux des architectes thébains, tout émerveillés de la rapidité d'une telle construction, et un chœur général a célébré l'union ordonnée par Jupiter entre les vaincus oubliant leur défaite, et les Amazones oubliant leurs sermens.

Il ne faut pas juger ce troisième acte sur cette représentation, un hasard malencontreux lui a nui ; mais ce n'est qu'un hasard. Je redouterais d'avantage pour le succès général de l'ouvrage, le vuide du premier acte, la combinaison qui partageant le cœur de Zéthus entre Eryphile et son frère rend ce rôle peu intéressant, et rend celui d'Amphion passif et secondaire ; enfin, l'idée première qui place les Thébains et leurs chefs dans une situation trop peu avantageuse; les fières Amazones semblent avoir ici des ennemis trop peu dignes d'elle  : cependant les scènes principales sont traitées avec talent ; le rôle d'Antiope est bien dessiné, la scène de la reconnaissance est destinée à produire beaucoup d'effet ; le style, où quelques taches légères se font appercevoir, est en général remarquable par son. élégance et son harmonie.

Le compositeur est M. Méhul. Lorsque le nom de ce maître a été prononcé, il a été couvert d'applaudissemens ; l'auteur de tant d'ouvrages marqués au coin d'un talent original, où la science ne fait qu'ajouter à l'expression, méritait bien cet hommage : ce sujet lui présentait d'assez grandes difficultés ; la première était de faire chanter Amphion ; les autres seraient trop longues à déduire ; mais un rôle dramatique s'offrant à M. Méhul, il s'en est emparé avec une sorte de prédilection, et l'a traité en maître ; c'est celui d'Antiope : du reste, on eût désiré un contraste mieux établi entre les deux rôles d'hommes, des motifs plus francs, mieux accusés, mieux soutenus; une expression plus vive, plus de couleur, d'originalité, plus de variété dans les mouvemens ; mais ce n'est ici qu'une impression première née peut-être d'une exécution imparfaite, et mal saisie, au sein d'une assemblée nombreuse et brillante, singulièrement distraite par le plaisir de s'offrir en spectacle à elle-même ;. de telles représentations ne sont jamais favorables à cette sorte d'étude et de réflexion que demande une composition d'un ordre.élevé.

Les ballets sont courts, mais ingénieux et bien dessinés. Les exercices guerriers des Amazones ont offert un spectacle neuf et piquant ; mais on ne peut passer sous silence un pas exécuté supérieurement, offrant l'image de l'adresse aux prises avec la force. Voilà de ces tableaux qui disent quelque chose à l'esprit. C'est ainsi que la danse se rapprochant de la pantomime, devient animée et expressive comme elle. L'auteur de ces ballets est M. Milon. M. Isabey a dessiné les décorations avec cette entente du sujet et cette intelligence des effets de la scène, qui lui ont déjà fait en ce genre une seconde réputation presqu'égale à la première.                  S....

 

Carrière à l'Opéra :

4 représentations en 1811 (17/12 – 27/12).

5 représentations en 1812 (10/01 – 21/03).

Soit neuf représentations au cours d'une carrière de quelques mois, de décembre 1811 à mars 1812.

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