La Belle Allemande, ou le Grenadier de Frédéric-Guillaume

La Belle Allemande, ou le Grenadier de Frédéric-Guillaume, vaudeville [fait historique] en un acte, de Dupin et Armand d’Artois, 2 juin 1812.héâtre du Vaudeville.

Titre :

Belle Allemande (la), ou le Grenadier de Frédéric-Guillaume

Genre

fait historique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

2 juin 1812

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dupin et d’Armand Artois

Almanach des Muses 1813.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1812 :

La Belle Allemande, ou le Grenadier de Frédéric-Guillaume, fait historique en un Acte et en Vaudevilles, Par MM. H. Dupin et A. Dartois. Représenté sur le Théâtre du Vaudeville, le 2 Juin 1812.

Mercure de France, tome cinquante-unième (1812), n° DLXVIII, Samedi 6 Juin 1812, p. 471-472 :

Spectacles. — La semaine qui vient de s'écouler a été heureuse pour les auteurs dramatiques. Nous avons deux succès à annoncer à nos lecteurs ; la Belle Allemande, ou le Grenadier de Frédéric Guillaume, représenté sur le théâtre du Vaudeville, et la Corbeille d'Oranges, donnée au théâtre des Variétés, ont été applaudies, et ce qui est moins commun, elles ont mérité leur succès. Ces deux ouvrages avaient déjà paru sur d'autres théâtres ; mais nouveaux Titons ils ont été habilement rajeunis. Pour suivre l'ordre des préséances, nous allons d'abord rendre compte de la Belle Allemande.

Frédéric Guillaume, père du Grand Frédéric, prenait plaisir à marier les militaires de sa garde avec de belles femmes. Il rencontre un jour une paysanne, grande, belle et bien faite, qui ne demande pas mieux que de se marier ; le roi, sans sa faire connaître, lui remet une lettre pour le major du régiment des grenadiers de sa garde. Cette lettre contient l'ordre de marier sur-le-champ le caporal Forzmann avec la personne qui remettra ce billet ; mais notre belle Allemande, un peu effrayée du ton brusque du roi, confie la lettre à sa vieille tante, qui n'est pas peu satisfaite d'attraper enfin un mari. Le major ne comprend rien à cette fantaisie du roi de marier un des plus beaux hommes de sa garde avec une vieille paysanne ; cependant, accoutumé à obéir aveuglément, il est prêt à tout conclure lorsque fort heureusement le roi paraît, le qui-pro-quo s'explique, et Forzmann épouse la belle Allemande, qui ne pouvait être plus dignement représentée que par Mlle Arsène.

La belle Allemande a dans la physionomie tant de ressemblance avec la laitière Prussienne, que l'on a vu, sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, qu'on pouvait facilement les prendre pour sœurs jumelles. Le ton général de l'ouvrage est un peu libre, mais le dialogue, les couplets, pétillent d'esprit ; les couplets, sur-tout, sont très-gais, un peu trop gais, peut-être ; mais c'est un défaut si rare, et dont on se corrige tant, que nous n'aurons pas le courage de gronder MM. Dartois et Dupin pour avoir fait rire leurs auditeurs.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome III, p. 447- 449 :

[Le critique, comme son public, est soucieux de vérité historique : l’anecdote qui sert de base au vaudeville de Dupin et d’Artois est soigneusement racontée en ouverture du compte rendu, avec toutefois ce qu’il faut d’humour pour souligner l’étrangeté de Frédéric-Guillaume (les Prussiens ne sont pas les amis de la France, et ils ne passent pas pour des gens raffinés). Sujet déjà traité (le compte rendu rappelle deux pièces antérieures), il exposait les auteurs au piège de la « crudité », que les auteurs ont justement su éviter. Leur pièce a connu le succès, même si on peut leur reprocher « une gaieté souvent un peu gaillarde ». «  Les deux rôles principaux étoient fort bien remplis ».]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

La Belle Allemande, ou le Grenadier de Frédéric-Guillaume, vaudeville en un acte.

Frédéric-Guillaume, second roi de Prusse, avoit la manie d'aimer les hommes d'une grande taille. Rien ne lui coûtoit pour se procurer un beau grenadier, abus d'autorité, violation de territoire, l'argent même, auquel il tenoit pourtant beaucoup ; il paya jusqu'à vingt mille francs l'engagement d'un homme d'une taille extraordinaire, et quand l'or ne pouvoit rien, il avoit recours à la violence.

La première compagnie des grenadiers de sa garde étoit toute composée de l'élite des colosses de l'Europe ; le soldat qui ne dépassoit pas six pieds en étoit réformé comme un nain....

Un jour il rencontre à la campagne une paysanne remarquable par sa taille, sa fraîcheur et sa force. Le monarque ne voit en elle qu'un beau moule à géans. Approche, lui crie-t-il, es-tu mariée? — Non, Sire. — II suffit, attends. II écrit un billet.... Tiens, je t'ordonne de porter sur le champ cette lettre au capitaine de la première compagnie des gardes. — Oui, Sire.— Adieu. Et le roi quitte la pauvre villageoise interdite et tremblante.

Soit qu'elle fût avertie par un pressentiment, ou .que ses occupations l'appelassent ailleurs, elle charge une vieille voisine toute ridée, toute édentée, de porter le message du roi...... La vieille s'acquitte de la commission. Que contenoit la lettre ? L'ordre de marier sur le champ, celle qui l'apportoit avec Fohrsmann, le plus beau grenadier de la garde royale.

Qui fut surpris ? ce fut l'officier. Qui fut .désespéré ? le grenadier.... Qu'éprouvoit la vieille ? je n'en sais rien. Mais il fallut obéir.... Le lendemain, à son retour, le roi n'eut rien de plus pressé que de se faire présenter le beau couple. Ou devine la surprise et les éclats de rire.

Cette anecdote a été mise plusieurs fois en scène ; mais les auteurs qui s'en sont emparés ont dissimulé la crudité du sujet. Le joli opéra comique de la Dot, l'amusante bluette intitulée Une Heure de prison, n'ont pas découragé MM. Henri DUPIN et D'ARTOIS. Le succès a couronné leur audace. On pourrait peut-être leur reprocher une gaieté souvent un peu gaillarde ; mais la pièce a obtenu un succès sans appel. Les deux rôles principaux étoient fort bien remplis par Hippolyte et Mademoiselle Arsène.

[La Dot est un opéra-comique (une comédie mêlée d’ariettes en trois actes) de Desfontaines, musique de Dalayrac, créée le 21 novembre 1785, reprise le 9 juillet 1803 et jouée jusqu’en 1828 (Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 229).

Une heure de prison est un vaudeville de Sewrin, Dumersan et Merle, créé le 24 juillet 1811, et qui utilise la même anecdote.]

L’article que l’Esprit des journaux français et étrangers consacre dans son numéro de juillet 1812, p. 296-297, à cette pièce ne diffère que par la fin :

« … On pourrait, peut-être, leur reprocher une gaîté souvent un peu gaillarde ; mais, pour mon compte, je préfère ce défaut à une froide décence.

La pièce a obtenu un succès sans appel. »

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