Les Bustes ou Arlequin sculpteur

Les Bustes ou Arlequin sculpteur, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, de Villiers et Armand Gouffé, créé sur le Théâtre des Variétés le 17 ventôse an 3 [7 mars 1795].

La pièce fait partie de la grande vague de pièces anti-jacobines qui déferlent sur les théâtres parisiens de février à avril 1795.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 3 :

Les Bustes, ou Arlequin sculpteur, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre des Variétés, au Palais de l'Égalité, le 17 ventôse, troisième année républicaine. Par les Citoyens Viller et Armand-Gouffé, Auteurs de Cange qui se joue au même théâtre.

« On ne voudra plus d'un portrait,» 
» Dont le féroce caractère
» A chaque instant rappelleroit
» La mort d'un époux ou d'un père.

Les personnages sont, sans surprise, Arlequin et Gilles, tous deux sculpteurs, Cassandre, journaliste et sa fille, Colombine.

La scène est à Paris dans une place publique.

Le théâtre représente à droite, la boutique d'Arlequin, à l'enseigne de l'Immortalité : on y voit, dès qu'il l'ouvre, les bustes de Rousseau, Voltaire, Franklin et autres. A gauche, celle de Gilles l'enseigne de la Circonstance ; on y voit les bustes de Marat et Challier; quelques-uns ont des couronnes : au milieu est la maison de Cassandre, avec une fenêtre à jalousie.

Ce décor a une signification politique claire : il montre deux boutiques aux choix idéologiques opposés, Arlequin vendant des bustes de grands hommes intemporels (sa boutique est placée sous le signe de « l'Immortalité »), et Gilles étant spécialisé dans des bustes liés à l'actualité). Le commerce d'Arlequin n'est pas florissant, tandis que celui de Gilles est prospère. Mais les choses vont changer : on annonce la « dépanthéonisation » de Marat. Et tout le monde chante :

Allons, amis, purgeons la terre
De ce qui retrace à nos yeux
Ces monstres, que, dans leur colère,
Nous avoient envoyés les dieux !
Il faut, pour notre propre gloire,
Que nos tyrans soient par nos mains
Portés du temple de mémoire
Au Panthéon des Jacobins.

(Ils sortent tous en répétant les derniers vers ; Arlequin fait chorus). (Scène 9)

Le Panthéon des Jacobins, ce pourrait bien être un égout, comme celui de Montmartre. L'autoportrait de Cassandre de la scène 6 fait de lui un muscadin, hostile aux Jacobins dont sa canne pourrait bien casser la tête :

CASSANDRE, avec dignité.

Air: En quatre mots je vais vous conter ça.

Ah! garde-toi de ce soupçon abject ;
        Je prétends que mon seul aspect
                Inspire du respect.
        Tu vois que ma barbe est faite,
        Que j'ai fait une toilette ;
                J'ai ma canne à bec,
Habit brodé, boutons de pinchebec,
                Culotte noire avec
                Veste en velours d'Utrecht.
        Le constume [sic] est, je crois, correct
                Pour n'être pas suspect.

La pièce de Villiers et Armand-Gouffé, comme celle de Martainville et Chaussier, le Concert de la rue Feydeau, est représentative de la volonté de vengeance politique qu'on appellera rétrospectivement la « réaction thermidorienne » (voir la contribution de Sylvain Nicolle; « Déclamer, chanter, détruire : les ambiguïtés de la rhétorique antiterroriste dans le sthéâtres de Paris après Thermidor » dans Rhétorique et politisation de la fin des Lumières au printemps des peuples, études réunies par Sophie-Anne Leterrier et Olivier Tort (Artois Presses Université, 2021), p. 60-61).

André Tissier, Les spectacles à Paris pendant la Révolution, tome 2 (Paris, 2002), p. 145, signale que les annonces de la pièce, aux Variétés-Égalité comme au Théâtre du Palais-Cité Variétés, donnent comme titre soit les Bustes, soit Arlequin sculpteur ou le Sculpteur. Il lui attribue 18 représentations en 1795, quand la base César lui attribue 15 représentations, du 24 avril au 11 juillet 1795, réparties entre Palais des Variétés et Maison Égalité.

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