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Cécile et Julien, ou le Siège de Lille

Cécile et Julien, ou le Siege de Lille, comédie en trois actes, en prose, mêlée de chant, de Dejoigny, musique de Trial fils, 21 novembre 1792.

Théâtre italien.

Titre :

Cécile et Julien, ou le Siege de Lille

Genre

comédie mêlée de chant

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

chant

Date de création :

21 novembre 1792

Théâtre :

Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

Dejoigny [Joigny]

Compositeur(s) :

Trial fils

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Maradan, an II de la République :

Le Siège de Lille, ou Cécile et Julie, comédie en trois actes et en prose; Mêlée de chants. Paroles du Citoyen Joigny ; Musique du Citoyen Trial fils. Représentée, pour la première fois, le 21 Novembre 1792, sur le Théâtre de l’Opéra-Comique-National de la rue Favart, ci-devant Italien.

Mercure Français, n° 49 du samedi 8 décembre 1792, p. 55 et 57-59 :

[Deuxième pièce sur le siège de Lille. Comme la première, c’est un succès lié au patriotisme de la pièce comme du public. Cette deuxième pièce a plus d’ambition que la précédente. Comme elle, elle comporte l’indispensable intrigue amoureuse sans laquelle il n’y a de pièce (« le seul ressort dramatique » possible !). Et on retrouve bien dans le résumé de l’intrigue les ingrédients du vaudeville le plus éculé, un vieillard qui veut épouser une jeune fille qui aime un jeune homme qui l’aime, les personnages se répartissant sans surprise entre patriotes et « aristocrates ». La fin de la pièce nous apprend que les Autrichiens lèvent le siège, mais le critique ne dit pas si les jeunes gens se marient (mais on n’a guère de doute !). Jugement : des défauts (en particulier un « ton honnête & philosophique » de la part d’un émigré), des mérites (elle est drôle, et elle tient le discours républicain attendu). Les auteurs sont cités. La musique est d’un jeune compositeur prometteur. Les acteurs jouent « fort bien », en particulier Sollier et Elleviou, plein de talent. La fin de l’article invite les théâtre des départements à monter ces pièces, au message politiquement si actuel. Le théâtre est présenté comme un moyen de diffuser les valeurs républicaines, alors que « les Despotes de tous les Siecles » luttaient contre « l’esprit Républicain » des « Gens de Lettres » (on peut discuter cette lecture des rapports entre pouvoir et écrivains à travers l’histoire !).]

Le Siége de Lille fera une époque mémorable dans nos Annales. La résistance inouie de ses habitans, opposée à la faiblesse de ceux de Verdun & de Longwi ; l'époque remarquable où elle a eu lieu ; l'utilité dont elle a été à la France pour l'établissement de la République ; le mélange d’horreurs, d'infortunes, d'atrocités & de patriotisme dont ce Siége a été l’occasion, fourniront des pages bien intéressantes à notre Histoire. En attendant qu'elle s'en saisisse, la Scène Française a dû consacrer un si beau sujet. Deux Auteurs à la fois, sur deux Théâtres différens, viennent de le tenter, & tous deux avec beaucoup de succès : il était immanquable. Un tableau pareil ne pouvait exciter que l'enthousiasme, & en écartant des Spectateurs tout esprit de critique, ne laisser dans leur ame que des sentimens de bienveillance, d'admiration & d'attendrissement. Jetons un coup d'œi| sur ces deux Ouvrages, dont l'un s'exécute par le Théâtre de la rue Feydeau, l'autre sur le Théâtre Italien.

[Ici s’insère la critique du Siège de Lille, de Dantilly et Kreutzer.]

La Piece du Théâtre Italien est beaucoup plus étendue. Elle a trois actes, & renferme par conséquent beaucoup plus de détails. Comme on ne s'est pas encore affranchi de l'habitude de regarder l'amour comme le seul ressort dramatique, & le mariage comme le but où doit tendre tout événement théâtral, on a cousu aussi une intrigue d'amour à cette Piece comme à la premiere. Le vieux Bartolin, ancien Procureur, fripon par habitude contractée dans son métier, &, Aristocrate par habitude d'être fripon, est devenu amoureux de Cécile, fille d'un Municipal de Lille. Mais il a un neveu nommé Julien, jeune volontaire, excellent Patriote, qui n'a pas de peine à être préféré. Cécile se moque du vieillard, & est secondée par son jeune frere, qui, Chansonnier par goût, le tourne en ridicule en lui appliquant fort gaîment les refrains de ses chansons. Bartolin porte ses plaintes au pere de Cécile, & lui demande sa fille en mariage ; mais il n'en est pas mieux reçu. Son âge, & sur-tout son aristocratie, lui sont reprochés par le bon pere, excellent Citoyen & integre Magistrat. Sur ces entrefaites, le tocsin & le bruit du tambour an noncent que l'ennemi s'approche & que la ville est menacée. Chacun s'y rend par différens motifs.

· Le second acte est à Lille. Bartolin rencontre deux Soldats arrivant de Paris, qui ne trouvant point d'auberge, s'adressent à lui pour se rafraîchir. A la maniere dont il les reçoit, ils devinent leur homme, qui demande d'abord pour eux à son Valet une seule demi- bouteille de vin commun. Pour s'en amuser & le punir de ses mauvais sentimens, ils en affectent de semblables ; ils se plaignent du Régime actuel, & le vieil avare est si enchanté de les trouver dans ces dispositions, qu'il leur prodigue ce que sa cave contient de meilleur. Ils lui font accroire que sa maison est du nombre de celles que l'ennemi doit respecter ; mais quand son vin est bu, ils lui déclarent qu'il est leur dupe. Cette Scène, dont l'intention est très-comique, pouvait finir d’une maniere plus piquante. Le reste de l'acte est consacré aux détails du Siége ; la sommation, le serment des habitans de se défendre, l'arrivée des renforts, l'attaque de l'ennemi, les bombes lancées, les maisons brûlées, &c.

Au troisieme acte, on voit le Camp Autrichien. Deux Emigrés ouvrent la Scène ; l'un, qui se fait encore appeler M. le Duc, est un jeune écervelé, lâche & vil outre mesure. L'Auteur mérite sans doute un reproche d'avoir chargé ce caractere à ce point. Les gens de Cour étaient assez odieux par leurs vices réels, sans leur en prêter de nouveaux, dont en général ils n'étaient pas accusés ; ce défaut de ressemblance a cela de dangereux, qu'il sert l'aveuglement des hommes disposés à justifier ceux de cette espece. L'autre Emigré est un Gentilhomme de campagne, au désespoir du parti qu'il a pris & qui ne cherche que l'occasion de rentrer dans sa Patrie contre laquelle il ne veut point combattre. Bartolin, qui s'est sauvé de la ville, paraît : on l'envoie durement travailler aux retranchemens. Il résiste ; il a mille écus en or, il les offre au jeune Duc, qui, redevenu très-poli, les accepte, & l'envoie avec une politesse charmante...... travailler aux retranchemens. L'autre Emigré lui reproche avec raison cette infame escroquerie. Vient ensuite le Duc de Saxe-Teschen, que l'Auteur a peint beaucoup trop en beau dans les reproches qu'il adresse au Duc, ce qui rend moins naturel [sic] la barbarie avec laquelle il condamne aux travaux du Camp les malheureux paysans Lillois. Son caractere a encore une nuance différente dans sa scène avec Julien, qui a été pris défendant un poste avec bravoure. Le ton honnête & philosophique qu'il met dans ses questions s'accorde mal avec le reste, & avec les propositions par lesquelles il finit Tout cet acte, où l'Auteur montre beaucoup d'esprit, prouve en même temps le peu d'habitude qu'il a de travailler pour le Théâtre. Les Lillois font une sortie : Julien est délivré, ainsi que les paysans conduits par l'Emigré, qui perd la vie à leur tête. Les Autrichiens sont repoussés, & levent le Siége.

Cette Piece, qui, malgré ses défauts, a beaucoup de mérite, fait autant d'effet qu'on en pouvait espérer, & nous en avons dit la raison. Elle est de Joigny, ancien Commissaire de Police ; la musique est de Trial fils, Plusieurs morceaux ont fait plaisir, & les applaudissemens du Public doivent servir d'encouragement à ce jeune Compositeur.

La Piece est fort bien jouée On y distingue sur-tout la maniere très-piquante dont Sollier rend le rôle de l'Aristocrate, & la tournure pleine de finesse, d’élégance & de vérité qu'Elleviou donne à celui du jeune Duc. Cet Acteur n'a pas encore eu d'occasion où il ait pu développer aussi bien ce qu'on peut attendre de son talent.

Nous recommandons ces deux Ouvrages aux Théâtres des Départemens. Le spectacle du Patriotisme est ce qu'il y a de plus propre à élever les ames à la hauteur Républicaine, & à y entretenir cet amour brûlant de la Patrie, la source & l'aliment de toutes les vertus. C'est en cela sur-tout que le Théâtre peut & doit être utile. On peut s'en rapporter aux efforts des Gens de Lettres, à qui les Despotes de tous les Siecles ont toujours reproché l'esprit Républicain.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 2 (février 1793), p. 294-296 :

[Le critique rend compte d’une pièce patriotique, dont il souligne les qualités : elle n’est pas simplement « une pantomime dialoguée » comme la pièce du théâtre Feydeau sur le même siège de Lille. Malgré l’inévitable reproche de « quelques longueurs que l’auteur peut faire aisément disparoître », ce sont des qualités qui sont mises en avant : conduite de la pièce, « avec beaucoup de sagesse et d’intérêt », « beaucoup de spectacle, beaucoup d’évolutiosn militaires », ce qui la rapproche de la pièce de la rue Feydeau (« qui est d'un autre genre, & qui offre un tout autre intérêt de curiosité »). L’interprétation est remarquable par son ensemble, et le critique cite, sans faire de distinctions, 12 interprètes (la distribution est très abondante !).

THÉATRE ITALIEN.

Cécile & Julien, ou le Siege de Lille, comédie en trois actes, en prose, mêlée de chant ; par M. Dejoigny, musique de M. Trial fils.

Nous avons dit que le Siege de Lille du théâtre de la rue Feydeau, ne pouvoit être regardé que comme une pantomime dialoguée, faite pour amener du spectacle (1). Le Siege de Lille, donné (sur ce théatre) avec succès, est un ouvrage plus considérable. L'auteur y a adapté une légere intrigue, dont le premier acte sur-tout est indépendant du siege, mais qui amene des scenes très-intéressantes. Le premier acte se passe dans la maison de campagne de Bronot, officier municipal de Lille, à quelques lieues de cette ville. Cécile, fille de Bronot, aime Julien, officier dans la garde nationale, & neveu de Bartholin, vieux procureur aristocrate, & qui a, malgré son âge, ses ridicules & ses infirmités, des prétentions à la main de Cécile. Bartholin vient déclarer sa flamme : mais Charlot, jeune canonnier, frere de Cécile, se moque de lui ; Bronot le refuse pour son gendre, & il est décidé que Cécile & Julien seront unis. Cependant un tocsin éloigné & la générale se font entendre ; on apprend que les Autrichiens attaquent la ville ; Bronot & Julien y sont appellés par leurs fonctions : tout le monde quitte la campagne & vole à la défense de Lille. Au second acte, Bartholin est dupé par deux dragons, qui feignent d'être aristocrates comme lui. Bronot & Julien s'arrachent des bras de Cécile, qui rentre dans sa maison ; les troupes défilent ; un officier Autrichien vient sommer la ville de se rendre ; tous les habitans jurent de vivre libres ou de mourir ; le siege commence ; le feu prend à plusieurs maisons, qui s'écroulent, entr'autres celle de Bronot, d'où l'on sauve Cécile avec bien de la peine. On croiroit la piece finie là : mais le troisieme acte nous transporte dans le camp autrichien, & les scenes qu'il offre sont très-bien écrites, & faites avec beaucoup d'esprit & de raison. Bartholin a émigré : mais on lui fait donner une somme de mille écus, & on l'envoie travailler aux fortifications, ce qui diminue singuliérement son aristocratie. Un officier François, qui défendoit un petit bois, a été fait prisonnier : on l'amene, c'est Julien, qui répond à toutes les questions du général avec la noble fierté d'un homme libre, d'un républicain : plusieurs émigrés lui rient au nez : mais le général les renvoie, en leur adressant ces paroles pleines d'un grand sens : Vous savez mieux les insulter que les vaincre ! On annonce que les habitans de Lille font une sortie : les Autrichiens volent à leur rencontre, & Julien est gardé à vue ; mais bientôt il se fait un feu de file ; l'action s'engage ; les Autrichiens mordent la poussiere ; Julien est dégagé : il arrache même un drapeau aux ennemis, & les braves Lillois, après l'avoir uni à Cécile, chantent une victoire qui fera à jamais époque dans les fastes de notre liberté.

Cet ouvrage, que nous n'avons fait qu'esquisser, est conduit avec beaucoup de sagesse & d'intérêt, quoiqu'il soit souvent obstrué par quelques longueurs que l'auteur peut faire aisément disparoître. Il y a beaucoup de spectacle, beaucoup d'évolutions militaires : en un mot, il est fait pour attirer la foule, sans la distraire pour cela du Siege de Lille de la rue Feydeau qui est d'un autre genre, & qui offre un tout autre intérêt de curiosité. On a demandé les auteurs, & l'on a vu paroître Dejoigny pour le poëme, & pour la musique, Trial fils, très-jeune compositeur, qui mérite de jour en jour de nouveaux encouragemens,

Cette piece est jouée avec tout 1'ensemble qu'on peut attendre des talens qui composent ce spectacle : il suffit, pour en donner l'idée, de nommer Solier, Philippe, Michu, Narbonne, Ménier, Granger, Chenard, Trial pere, Elleviou, Favart, &c. & Mesd. Carline & saint-Aubin.

(1) Journal de Janvier, page 380.

César : l'auteur du « poème » est appelé Joigny. La pièce a eu 17 représentations en 1792 à compter du 21 novembre, 41 en 1793, 13 en 1794. Une tentative de reprise, le 10 janvier 1796, n’a pas eu de suite, et une représentation toulousaine a eu lieu le 10 avril 1796.

 

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