Christophe Colomb, ou la Découverte du Nouveau Monde

Christophe Colomb, ou la Découverte du Nouveau Monde, mélodrame historique en trois actes, en prose, à grand spectacle, de Guilbert de Pixerécourt, musique de Darondeau, 5 septembre 1815.

Théâtre de la Gaîté.

Titre :

Christophe Colomb, ou la Découverte du Nouveau Monde

Genre

mélodrame historique à grand spectacle

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ?

en prose

Musique :

oui

Date de création :

5 septembre 1815

Théâtre :

Théâtre de la Gaîté

Auteur(s) des paroles :

Guilbert de Pixerécourt

Compositeur(s) :

Darondeau

Sur la page de titre de la brochure, à paris, chez Barba, 1815 :

Christophe Colomb, ou la Découverte du nouveau monde, mélodrame historique en trois actes, en prose et à grand spectacle, de R. C. Guilbert de Pixerécourt ; Représenté pour la première fois à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, le 5 septembre 1815. Musique de M. Darondeau.

Journal des débats politiques et littéraires, 7 septembre 1815, p. 1-2 :

[Partant de l’idée qu’une pièce ne réussit que si elle offre du nouveau, dans un monde où tout a déjà été fait, le critique pense que le nouveau mélodrame était voué à l’échec, puisque la principale innovation qu’il présente, sa mise en scène, pourtant remarquable, avait déjà été employée : cette mer déchaînée, ce vaisseau sont impressionnants, mais ce n’est pas cet indispensable nouveau. L’autre argument contre la pièce, c’est la position de l’auteur face aux règles du théâtre. Instruit par les ennuis de Lemercier, dont le critique rappelle longuement les problèmes liés à la mise en théâtre de l’histoire de Christophe Colomb, l’auteur de la pièce nouvelle a voulu faire une pièce respectant les unités de temps et d’action (mais pas de lieu). Le critique aurait préféré qu’il montre le navigateur en Espagne, puis sur son vaisseau, et enfin dans l’île qu’il a découverte. Sa pièce, au contraire, se présente comme une succession de conspirations qui échouent. Mais la difficulté que Christophe Colomb a eue à surmonter, c’est l’hostilité du public, provoquée particulièrement par l’idée de faire parler les sauvages en langue caraïbe. Tout n’est pas perdu toutefois : quelques coupures permettraient à l’administration du théâtre de rentrer dans ses frais, importants, liés à une mise en scène coûteuse. Notons que ce compte rendu ne parle pas de la musique, ni de l’interprétation.]

THEATRE DE LA GAIETÉ.

Première représentation de Christophe Colomb, ou la Découverte du Nouveau-Monde, mélodrame historique en trois actes, et à grand spectacle.

Il faut avouer que si les représentations dramatiques n'ont rien gagné dans ces derniers temps sous le rapport de l’art, elles ont fait d’immenses progrès pour ce qui concerne l’illusion théâtrale. La science des moufles, des poulies, des contrepoids, des trapes et des soupapes s’est singulièrement agrandie, et nous sommes arrivés de ce côté à un point de perfection que nos neveux auront de la peine à surpasser, malgré la tendance des siècles vers une perfectibilité indéfinie. Malheureusement les yeux s'accoutument facilement à tous les prestiges, à tous les prodiges du machiniste ; et en fait de décoration comme en littérature, il nous faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde.

Il étoit dans la destinée de Christophe Colomb de se voir enlever le fruit de ses travaux et de ne jouir qu'imparfaitement de sa gloire. Il découvre un nouveau monde, et c'est un aventurier florentin qui lui donne son nom. Cette destinée fatale semble agir encore quatre cents ans après sa mort, et s'attacher à ceux qui entreprennent de le célébrer. L'auteur de la pièce nouvelle en avoit conçu l’idée il y a environ douze ans (c'est lui-même qui nous l’apprenait dans un avis distribué avant la représentation) ; il la destinoit à la Porte-Saint-Martin ; déjà même plusieurs conférences avoient eu lieu sur les moyens d'exécution ; malheureusement la clôture de ce théâtre le força de renoncer à cet ouvrage ; enfin il se décida à finir pour celui de la Gaieté. Aucun sujet n'étoit plus propre à développer toutes les-merveilles de la mécanique. Pendant cet intervalle un autre navigateur s'avance sur la scène, et voilà que l’auteur de Jean-Bart enlève à celui de Christophe Cotomb le fruit de sa découverte et le prix de ses travaux. Ah ! quel succès étoit réservé au mélodrame de la Gaieté sans celui de la Porte Saint-Martin ! quel effet eût produit cette vaste mer qui s’enfle, qui mugit, qui écume et qui engloutiroit le parterre, si la main puissante du machiniste ne lui eût tracé pour limites la rampe des quinquets et ne lui eût dit : Huc usque venies, et non procedes amplius. Quel étonnement eût excité ce vaisseau qui, avec ses mâts, ses voiles, ses cordages, s’empare fièrement du théâtre, et se balance majestueusement au gré des ondes Quel spectacle que celui de cette tempête qui l'agite, et de ces manœuvres de tout un peuple de matelots : Malheureusement cette mer, ce vaisseau, cette tempête, ces manœuvres, tout cela a déjà été vu à la Porte Saint-Martin, et, comme je viens de le dire, il nous faut du nouveau, .n'en fût-il plus au monde. Au théâtre, on n'applaudit pas deux fois la même conception ni la même décoration : Non bis in idem.

On se rappelle encore le scandale qu'occasionna il y a environ six ans, la pièce de M Lemercier. Ce scandale fut de plus d'une espèce : les bancs, les quinquets, les bras et les jambes des spectateurs furent brisés mais je ne parle que du scandale littéraire ; il fut tel que trois ans après, lors de sa réception à l'Institut, M. Lemercier fut admonesté en pleine séance par le président de l'Académie. Ce président, qui était M. Merlin, ne pouvoit pas être, dans cette affaire, suspect de mauvaise foi ; il étoit partie tout-à-fait désintéressée, et ne plaidoit que pour les principes. En effet, le nom de M. Lemercier étant une autorité, il étoit à craindre que son exemple ne fût funeste, et n'engageât à suivre la route qu'il avoit imprudemment tracée. Toutefois, si le président de l’Académie interdisoit de telles licences à un poëte tel que M. Lemercier, il laisssoit toute la latitude possible aux auteurs secondaires, aux faiseurs de mélodrames. Je rapporte ici ses propres expressions : « Que la classe laborieuse du peuple tolère ces licences dans ces écrivains qui ont consacré leurs plumes éphémères aux théâtres créés pour cela, et qu'elle seule doit fréquenter, à la bonne heure, etc. etc. »

L’auteur de la pièce nouvelle n'a tenu compte de cette permission ; il n’a pas cru qu’il lui fût licite de licite de faire un mélodrame shakespearien. Je n'ose point blâmer son profond respect pour Aristote et pour Horace ; j'avoue cependant que je n'aurois pas été fâché qu'il se donnât plus de latitude et que, comme M. Schlégel, il se moquât un peu des unités de cadran et de salon : c’est le parti qu’il avoit pris d’abord, ainsi qu’il nous l’apprend lui-même ; il avoit sauté à pieds joints sur les constitutions poétiques, et avoit fait une pièce irrégulière ; mais, instruit par la chute de M. Lemercier, il parvint, non sans beaucoup de peine, à rétablir les unités de temps et d'action. Je le répète, je suis fâché qu'il ait pris cette peine, et que sa conscience aristotélicienne lui ait imposé l'obligation de refaire son ouvrage ; j'aurois assez aimé voir tour à tout Colomb en Espagne, à la cour d’Isabelle, sur son vaisseau, et dans l’île de Guanahani.

Au lieu de ce spectacle qui eût été varié, l’auteur ne nous a présenté que trois conspirations en trois actes. La première se fait dans la chambre de l’amiral, et est manquée ; la seconde sur le pont même du vaisseau, et est manquée ; la troisième enfin dans l’île de Guanahani, et est manquée de même.

Christophe Colomb eût triomphé de tous les obstacles, si tous les conspirateurs eussent été à son bord ; malheureusement il y en avoit un bon nombre dans le parterre, et ceux-ci ont élemé une tempête dans laquelle le vaisseau du malheureux navigateur a failli être submergé. L'auteur qui s'est montré si religieux observateur de la loi des unités, a cru pouvoir se permettre une innovation qui a failli lui être funeste ; il a fait parler à ses sauvages la langue caraïbe : il prétend justifier cette hardiesse dans son prospectus. Je n'aurois rien à dire s'il avoit été absous par le succès ; mais on peut lui demander pourquoi il a craint de faire parler notre langue à des sauvages, lorsqu’il la met dans la bouche des Espagnols : ce qu’il y a de certain, c'est que ce singulier patois et la mauvaise exécution de la conspiration au second acte, ont été cause des sifflets qui de temps en. temps se sont fait entendre.

Rien n'a été néglige pour la mise en scène de ce mélodrame : les décorations, les costumes, tout est prodigué ; et il n’y a pas de doute qu'en y faisant quelques coupures, il n'indemnise l’administration des grandes dépenses qu’elle a faites.                            C.

Selon le décompte que Pixerécourt a donné des représentations de ses pièces, ce Christophe Colomb ou la Découverte du Nouveau monde a connu un succès à la fois grand et éphémère : 48 représentations à Paris, 69 en province.

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