Le Château et la chaumière, ou les Arts et la reconnaissance

Le Château et la chaumière, ou les Arts et la reconnaissance, comédie en trois actes, en prose mêlée de vaudevilles , de Barré, Radet et Desfontaines, 26 janvier 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Pièce à ne pas confondre avec le Château et la Chaumière, de Lafortelle et Henrion, qu'on situe parfois au même théâtre du Vaudeville (28 janvier 1807), mais qui ne peut pas dater d'après 1805.

Titre :

Le Château et la Chaumière, ou les Arts et la reconnaissance

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

26 janvier 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet et Desfontaines.

Almanach des Muses 1808.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Fages, 1814 :

Le Château et la chaumière, ou les arts et la reconnaissance, comédie en trois actes et en prose, mêlée de vaudevilles, Par MM. Barré, Radet et Desfontaines ; Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 22 janvier 1807, arrêtée par ordre supérieur le jour où l'on devait en donner la seconde représentation, sans que les auteurs aient jamais pu faire lever cette défense, ni en connaître les motifs ; reprise enfin le mercredi 18 mai 1814.

[Pièce née donc sous l’Empire, arrêtée après sa première, et que la première Restauration s’est fait un plaisir de ramener à la vie... Le rapport de police cité ci-dessous attribue l'interdiction à la possibilité de voir dans la pièce « des allusions contre les acquéreurs des biens nationaux ».]

François-Alphonse Aulard Paris sous le premier empire: recueil de documents pour l'histoire de l'esprit public à Paris, Paris, 1912, vol. 3. Du 1er janvier 1807 au 31 décembre 1808 p. 33 :

à la date du 27 janvier 1807 :

Spectacles. — Extrait d'un rapport de la préfecture de police : « On a donné, au Vaudeville, une nouvelle pièce en trois actes, intitulée : Le Château et la Chaumière. Le sujet et la composition ont paru pouvoir donner lieu à des allusions contre les acquéreurs des biens nationaux. Le château de M. d'Arminville, aimé de ses vassaux, est vendu ; son intendant s'en rend adjudicataire, enlève tout ce qui peut l'être et revend le bâtiment en ruine. Il est racheté par des orphelins, élevés dans le château des bienfaits du seigneur, et qui ont gagné à Rome, par leurs talents, des sommes suffisantes pour ce rachat. Ils réintègrent, par reconnaissance, la dame d'Arminville dans cette propriété. On a remarqué divers passages contre ceux qui ont profilé des malheurs publics pour s'enrichir dans la Révolution. Plusieurs spectateurs les ont appliqués aux acquéreurs nationaux. On a vivement applaudi et fait répéter un couplet, dont le sens est que les anciens riches, dépouillés, supportent courageusement le poids de leur indigence, et que les nouveaux riches n'ont pas l'esprit de porter le poids de leur opulence. S. E. le sénateur- ministre a défendu la représentation de cette pièce. — L'auteur vient de faire plusieurs pièces dans un excellent esprit ; il mérite de l'indulgence.

Courrier des spectacles, n° 3638 du 27 janvier 1807, p. 2 :

[Premier article, qui se limite faute de place à donner une idée du sujet de la pièce, mais non sans avoir souligné la signification morale d’un ouvrage qui montre que la société est apaisée après les troubles passés.]

Théâtre du Vaudeville.

Le Château et la Chaumière.

Il a été un tems où la guerre étoit entre la chaumière et le château ; aujourd’hui les intérêts sont réconciliés. Les châteaux, ne sont plus brûlés, et les chaumières sont paisibles à côté des châteaux. Il faut savoir gré aux esprits justes et concilians d’entretenir parmi nous les sentimens de justice. Sous ce rapport, la nouvelle pièce mérite des éloges ; elle offre un tableau moral d’un effet touchant ; c’est un hommage à la reconnoissance.

Mad. d’Arminville perd son château dans le cours de la révolution, et se voit réduite à loger dans une chaumière ; son intendant profite de l’occasion, achète les propriétés, les dévaste et les revend. Trois jeunes gens qui doivent leur éducation à Mad. d’Arminville, les rachetent, les rétablissent et viennent les lui offrir.

Tel est le sujet-de cette pièce, qui, malgré quelques défauts, offre souvent beaucoup d'intérêt. Elle est de MM. Barré, Radet et Desfontaines. Nous en parlerons avec plus d’étendue.

Courrier des spectacles, n° 3639 du 28 janvier 1807, p. 2-3 :

[Retour sur la pièce, et d’abord sur sa portée morale : il s’agit de montrer que château et chaumière ne s’opposent nullement, et de stigmatiser ceux qui ont profité des troubles révolutionnaires pour accaparer les biens de leurs maîtres. Après avoir donné une idée du sujet la veille, le critique en détaille l’intrigue (qui finit, comme de juste, par un mariage) et porte un jugement équilibré sur la pièce. Son principal reproche, c’est l’existence de longueurs (c’est un reproche classique) : dans l’acte 2, « les accessoires étouffent le principal », et la dernière scène de l’acte 3 « est d’une inutilité parfaite » : pour améliorer la pièce, il suffit d’« y porter les ciseaux ». La représentation a été un peu houleuse, du fait de sifflets intempestifs dus à « trois ou quatre étourdis » (l’explication est sans doute un peu courte : il faut tenir compte des « partisans » de l’intendant indélicat qui ne souhaitent pas qu’on revienne sur la question des biens nationaux). L’interprétation féminine est mise en avant, avec un éloge particulier de madame Hervey, capable de jouer remarquablement le rôle d’une vieille femme.]

Théâtre du Vaudeville.

Le Château et la Chaumière.

On pourrait faire sur ce sujet un fort joli apologue dont la moralité ressembleroit à celle de la fable des Membres et de l’Estomach, et prouveroit que les châteaux sont utiles aux chaumières autant que les chaumières sont utiles aux châteaux. Ceux qui couroient autrefois nos provinces en criant guerre aux châteaux, paix aux chaumières, étoient des insensés que la fièvre chaude emportoit, et qui s’égorgeoient eux-mêmes, en croyant n’égorger que les autres. L’homme de bien, comme le disent avec esprit les auteurs de la nouvelle pièce. va au château et respecte la chaumière.

Le sujet de leur poème est un trait de reconnaissance fort touchant. L'idée en est utile et morale, et les détails qui s’y. joignent produisent des situations très-intéressantes. Ce sont, comme nous l’avons dit hier, trois jeunes gens pleins de générosité, qui achètent le château de leur bienfaitrice, le font rétablir , et le lui remettent. Cette bienfaitrice se nomme Mad. d'Arminville. Au milieu des orages de la révolution, ses biens ont été saisis et vendus.

S’il falloit citer tous les traite d’ingratitude ; toutes les odieuses trahisons qui ont déshonoré cette époque de notre histoire, on composeroit un tableau aussi vaste que déplorable. Combien de valets ont dénoncé leurs maîtres, ou se sont emparés de leurs dépouilles ! Mad. d’Arminville avoit un intendant nomme Baudeloup. Il acquiert le château de sa maîtresse, en vend les plombs, les fers et tout ce qui peut présenter quelque valeur, le revend ensuite à vil prix ; et par de semblables spéculations, se crée une fortune de 30,000 liv. de rente. Cependant Mad. d'Arminville rentre en France. Elle trouve toutes ses propriétés dévastées, et se voit réduite à se loger dans une chaumière, avec Julie, jeune suivante qui lui étoit restée fidèle. Baudeloup voit sa maîtresse dans le malheur, et jouit paisiblement de ses déprédations ; mais la petite Julie lui inspire des sentimens plus tendres ; il la demande en mariage à Madame d'Arminville. Julie est la première à se refuser à cette alliance. Elle préfère à M. Beaudeloup le jeune Gervais, fils d'un honnête cultivateur, Cependant les trois jeunes amis arrivent ; c’étoit à Mad. d’Armainville qu’ils devoient le bienfait de leur éducation. Ils en avoient si bien profité, qu’ils se voyoient tous les trois maîtres d’une fortune honnête ; ils achètent le château, se déguisent pour ne pas être reconnus, font tout réparer, et profitent de la fête,du village pour venir remettre Mad. d’Arminville en possession du château qu’ils ont acheté. Tout le village prend part à cette belle action, et Mad. d’Arminville, au milieu de la fête, unit Julie à Gervais.

Ce sujet pouvoit être traité plus brièvement qu’on ne l’a fait. Le premier acte est plein d’intérêt ; les couplets-sont bien faits, et l'auditoire en a redemandé plusieurs. Le second acte est un peu languissant ; les accessoires étouffent le principal, il faudra y porter les ciseaux. Le troisième ranime l’attention, et le dénouement est très-heureux ; mais il sera nécessaire de retrancher la dernière scène, qui est d’une inutilité parfaite. La représentation a obtenu du succès malgré trois ou quatre étourdis qui se se sont obstinés à siffler sans rime ni raison. On a cru y remarquer quelques partisans des Baudeloup, qui n’aiment point qu’on révèle les turpitudes de leurs anciens amis. Mad. Hervey a joué avec un grand talent le rôle de Mad. d’Arminville ; elle a pris avec une rare habileté le ton, les formes et le langage d’une femme âgée. La justesse de son débit, son air de bonté ont fait un grand plaisir à ses auditeurs. Mad. Belmont, Mad. Hervey et Mlle. Desmares sont les trois premières colonnes du vaudeville.

Journal des arts, des sciences et de littérature, (9e année) n° 454 (28 Janvier 1807), p. 189 :

[Le critique fait un bel éloge de la pièce, sans évoquer l’interdiction dont elle a été frappée après la première représentation. « Une morale pure, de la sensibilité, un tableau qui fait aimer la vertu, enfin le cachet de la bonne école ». Le résumé de l’intrigue met bien en lumière les risques politiques du sujet, la vente des biens nationaux, et leur retour à leur propriétaire initial. La pièce, « indépendamment de l'intérêt du fonds, porte un intérêt de détails pris dans l'ame des auteurs » (le trio Barré, Radet et Desfontaines que tout le monde a reconnu). Juste une restriction : « quelques longueurs [...] faciles à faire disparaître ».]

Théâtre du Vaudeville. — Une morale pure, de la sensibilité, un tableau qui fait aimer la vertu, enfin le cachet de la bonne école, voilà ce qui a assuré le succès de la comédie du Vaudeville, en trois actes, intitulée le Château et la Chaumière, et qui rendra ce succès durable. M.me D'Armainville, comme tant d'autres victimes de la révolution, après avoir perdu ses biens, a été contrainte de passer de son superbe château dans une misérable chaumière. Son honnête intendant a tout acheté, tout dévasté, et pour couronner sa petite spéculation. il revend tout. Trois jeunes artistes, redevables de leur éducation à M.me d'Armainville, et qui ont réussi, rachètent ces propriétés, y réparent les dévastations de l'intendant, et au milieu d'un fête villageoise, viennent solennellement offrir à leur bienfaitrice l'acte qui la réintègre dans son château. Tel est le sujet de cette pièce qui, indépendamment de l'intérêt du fonds, porte un intérêt de détails pris dans l'ame des auteurs. Parfois l'action languit un peu : mais quelques longueurs sont faciles à faire disparaître. Le mérite de cet ouvrage en revèle presque les auteurs, et le lecteur nomme avec nous, MM. Barré, Radet et Desfontaines.

Dans les journaux de la fin janvier, il n’est plus fait mention de la pièce et de son destin.

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1807, tome III (mars 1807), p. 285-286 :

[Le compte rendu s’ouvre par l’explication du sujet (la générosité de trois jeunes artistes, qui rendent à son propriétaire le château dont la Révolution l’a spolié. Ici non plus, pas d’allusion au destin de la pièce. Si la pièce est marquée par ce « trait de délicatesse et de sensibilité, dont on citerait heureusement plus d'un modèle, forme un dénouement pathétique », il faudrait que les auteurs rendent l’action plus liée, qu’ils la ramènent à un acte, supprimant « une foule de parasites qui anéantissent l'intérêt » (au fond il n’y a que deux scènes « très-touchantes et très-heureuses » (l’exposition et le dénouement). Autre reproche, l'utilisation de « grands morceaux d'opéra-comique » sans utilité pour le « nœud de la pièce »

Le Château et la Chaumière.

Trois jeunes artistes, un peintre, un sculpteur et un architecte, rentrant en France et apprenant que la veuve de leur bienfaiteur a perdu son château, qu'elle n'habite plus qu'une chaumière, imaginent d'employer la fortune qu'ils ont acquise par leurs talens à racheter les biens vendus, à remettre le château dans le même état, où l'avait laissé cette veuve respectable, et choisissent me jour de la fête du village pour lui rendre l'acte qui la remet en possession. C'est ainsi qu'ils s'acquittent envers la mémoire de celui auquel leur reconnaissance avoue devoir leur aisance.

Ce trait de délicatesse et de sensibilité, dont on citerait heureusement plus d'un modèle, forme un dénouement pathétique Mais il semble que les auteurs auraient dû nouer un peu davantage leur action, ou se contenter d'un acte. Entre la scène du dénouement et celle de l'exposition, qui toutes deux sont très-touchantes et très-heureuses, il se trouve une foule de parasites qui anéantissent l'intérêt. MM. Barré, Radet et Desfontaines, nos trois colonnes du vaudeville, le sentiront sûrement aussi bien que moi et chercheront à remédier au vide de l'action : il faudrait aussi, je crois, que le vaudeville renonçât à la prétention des grands morceaux d'opéra-comique quand ils ne sont pas utiles au nœud de la pièce.              L. C.

Magasin encyclopédique, année 1814, tome III, (mai 1814), p. 166-167 :

[Compte rendu à l’occasion de la reprise de 1814. Il insiste sur les péripéties que la pièce a connues : son interdiction, et le pourquoi de celle-ci, la modification de la pièce qui « n'a plus aucun trait aux événemens politiques » (on n'est pas obligé de croire le journaliste sur parole). Et juste une phrase sur l’interprétation remarquable de madame Hervey.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

On vient de reprendre à ce théâtre le Château et la Chaumière, ou les Arts et la Reconnaissance, vaudeville en trois actes de MM. Barré, Radet et Desfontaines. Cette pièce n'avoit été représentée qu'une seule fois, il y a cinq ou six ans. Elle avoit été défendue, à cause d'un rôle d'acquéreur de biens nationaux, que l'on avoit rendu odieux. Les auteurs ont fait à la pièce des changemens ; elle n'a plus aucun trait aux événemens politiques. Madame Hervey y joue, avec beaucoup de talent, un rôle de vieille Dame, dans lequel elle met beaucoup de grâce et de bonhomie. .

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