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Le Conciliateur ou l'Homme aimable

Le Conciliateur ou l'Homme aimable, comédie en cinq actes, et en vers, de Demoustier, 29 septembre, 1791.

Théâtre de l’Égalité, ci-devant théâtre de la Nation, Faubourg Germain.

Titre :

Conciliateur (le), ou l’Homme aimable

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

29 septembre 1791

Théâtre :

Théâtre de la Nation

Auteur(s) des paroles :

Demoustier

Almanach des Muses 1795.

Comédie qui a réussi.

Dorval aime Lucile, fille de Mondor, avec lequel son père plaide depuis quinze ans. On est d'ailleurs prévenu contre lui personnellement dans cette maison ; il s'y introduit sous le nom de Melcourt, et s'y montre si insinuant, si flatteur, qu'il gagne le père, la mère, les deux tantes, la soubrette et jusqu'à ses rivaux. Il obtient la main de Lucile, et accomode le procès.

De jolies scènes, d'autres un peu oiseuses ; beaucoup d'esprit et de facilité ; quelques caractères communs ; dialogue souvent trop coupé.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Maradan, an II :

Le Conciliateur, ou l'homme aimable, comédie en cinq actes et en vers, Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la Nation, le 29 septembre 1791. Par Charles-Albert Demoustier.

On trouve sur Internet une autre édition, de l'an II chez Maradan, une autre encore de l'an XI (1802), chez Barba. D'autres éditions sont signalées sans être accessibles.

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 40 du samedi 1er octobre 1791, p. 41 :

[Le Mercure de France a beaucoup retardé le compte rendu de l’actualité des théâtres, et il ne peut que signaler quelques-unes de ces représentations dont il aurait dû parler. Deux œuvres jouées au Théâtre de la Nation sont ici signalées, la Virginie de la Harpe, jouée quatre fois au Théâtre de la Nation en août et septembre 1791, et le Conciliateur de Demoustier, dont il promet de parler dans le numéro suivant.]

Nous sommes obligés de différer encore à parler du Théâtre de la Nation; nous dirons seulement que l'on continue avec succès les représentations de Virginie, Tragédie, dont le sujet est trop connu pour que nous en donnions l'analyse, & qui a particuliérement réussi par le mérite du style & la foule de beaux vers dont elle est semée. Au prochain N°. nous donnerons quelques détails sur le Conciliateur, Comédie qui a obtenu le plus grand succès.

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 41 du samedi 8 octobre 1791, p. 70-76 :

[Le compte rendu de la pièce commence paradoxalement par l’expression d’un certain scepticisme : le caractère du personnage principal, moralement douteux, ne paraît guère propre à faire une comédie. Et tous les personnages qui l’entourent sont fort peu originaux En eux «vous n'aurez encore rien de neuf, & qui paraisse devoir piquer la curiosité ». Le succès de la pièce s’explique par le fait qu’on ne doute jamais de la sincérité du héros, et que les autres, si peu originaux, sont très bien utilisés par l’auteur, au point qu’on oublie combien ils sont ressassés. Après un rapide résumé de l’intrigue, et sans nous en révéler les détails, le critique peut dire en quoi la pièce est de qualité. C’est son style et sa versification, pleins d’éclat et d’esprit, qui font son « mérite principal". L’auteur y montre un talent qui lui ouvre les portes d’une grande carrière, à condition de sortir un peu des sentiers battus. Les interprètes sont eux aussi félicités pour leur « ensemble parfait ». Le critique met en avant une débutante, capable de « réparer les pertes douloureuses [que le Théâtre de la Nation] a faites, & celles dont il est menacé ».]

Le Conciliateur ou l'Homme aimable, Comédie en 5 Actes, donnée le Lundi 19 de ce mois, au Théâtre de la Nation, est en effet un homme fort aimable, car il cherche à plaire à tout le monde. Peut-être la grande habitude qu'il a de prodiguer la louange, la souplesse avec laquelle il se plie à tous les avis, l'art avec lequel il saisit le faible de tous les esprits pour en tirer avantage ; peut-être, dis-je, un pareil caractere n'est il pas exempt du reproche de dissimulation, & même de fausseté. Tel est pourtant le principal Personnage de cette Piece.

On y voit encore deux rivaux assez peu favorisés par l'Amour, dont l'un plait au pere, & l' autre à la mere, dont l'un est un fat, & l'autre un langoureux Philinthe. On ne voit pas là de quoi tirer des résultats d’un comique bien original : encore moins dans deux tantes de 50 ans, ayant toutes les prétentions de la jeunesse, dont l'une est une prude à sentimens, & l'autre joue la vivacité, & même l'étourderie. Rien assurément n'est plus commun au Théâtre, n'est plus ressassé que ces deux caracteres.

Ceux du pere & de la mere de la jeune personne ; d'un homme faible, qui fait semblant d'être le maître ; d'une femme impérieuse, qui commande toujours en paraissant obéir, n'offrent pas plus d'originalité. Ajoutez-y une jeune personne amoureuse & naïve, une Soubrette intrigante & spirituelle, vous n'aurez encore rien de neuf, & qui paraisse devoir piquer la curiosité.

Cependant, comment se fait-il que la Piece où figurent ces divers personnages ait eu un grand succès, & que ce succès soit mérité : c'est que le principal personnage, celui du Conciliateur, montre des vertus qui mettent sa franchise à l'abri de tout soupçon, c'est que sa délicatesse prouvée détruit tout ce que ses flagorneries habituelles pourraient avoir d'odieux ; c'est qu'enfin c'est de très-bonne foi qu'il intéresse.

C'est que tous les autres personnages sont si bien & si adroitement subordonnés à celui-là, qu'on ne s'embarrasse pas s'ils sont d'une invention nouvelle ; il suffit qu'ils concourent à l'effet général, par des moyens qui appartiennent tout entier aux talens de l'Auteur. Qu'importe en effet que des caracteres soient connus, si l'Auteur a su les mettre dans des positions nouvelles, & s'il se les est appropriées ? Donnons sommairement une idée de l'intrigue.

L'homme aimable, neveu de Dorval, & se nommant Dorval lui-même, mais ne paraissant que sous le nom de Melcour, se présente chez Mondor, pour une entreprise bien délicate ; il prétend raccommoder Mondor avec son oncle, qu'un procès a brouillés irréconciliablement. Ce Mondor est d'un entêtement extrême ; le nom seul de Dorval & tout ce qui lui appartient lui est en horreur : toute sa maison partage ce sentiment, & c'est ce sentiment que Melcour prétend vaincre. Il veut plus ; amoureux de la fille de Mondor, il veut obtenir sa main comme le gage d'une parfaite réconciliation.

Nous ne détaillerons point par quel moyen il triomphe de cette haine obstinée, comment il vient à bout de séduire & de se concilier le pere, la mere, les deux tantes, la Soubrette, & jusqu'à ses deux rivaux, dont il arrache l'estime en les empêchant de se couper la gorge. Il parvient ainsi à obtenir la main de Lucille ; mais c'est sous le nom de Melcour, & sa délicatesse ne lui permet pas de dissimuler celui de Dorval. Cet aveu renverse toutes ses espérances ; l'entêtement de Mondor, fondé sur son amour-propre, est le plus fort,

C'est aujourd'hui que se juge le procès. Dorval a offert, avant le jugement, de céder une partie de ses droits, & même tous. On le refuse ; le jugement arrive, & c'est Mondor qui a gagné. Dorval au désespoir n'a plus qu'à demander lui-même la grace qu'il avait offerte ; & comme il est plus doux d'accorder une grace que de la recevoir, Mondor triomphant devient capable d'une action généreuse, & il accorde à Dorval ce qu'il n'avait pas voulu recevoir de lui.

Le mérite principal de cet ouvrage est le style & la versification ; non pas qu'ils soient d'une correction extrême, mais il est impossible d'y désirer plus d'éclat & plus d’esprit. Toute la Piece fourmille de traits inattendus & faits pour exciter l'enthousiasme. Aussi est-ce le sentiment que cette Piece a excité. L'Auteur, M. Dumoustiez, a commencé sa réputation par des Lettres en prose & en vers sur la Mythologie, qui sont très-estimées. Il l'a soutenue, au Théâtre de la rue Feydeau, par plusieurs essais agréables; mais il n'avait nulle part encore développé autant de talent, Quand M. Dumoustiez voudra s'écarter un peu des routes trop pratiquées, & appliquer la magie de son style à des canevas plus originaux, nous croyons qu'il n'est point dans la carriere dramatique de rang auquel il ne puisse prétendre.

Cette Piece est jouée avec un ensemble parfait, qui ne pourrait être détruit que par la supériorité de M. Fleury, si parmi des Acteurs excellens la supériorité de l'un d'eux pouvait réellement nuire à I'ensemble. On distingue encore Mlle. Mezeray, jeune Débutante qui annonce un talent précieux ; il est bien à désirer que ce Théâtre, le seul encore qui, dans la Comédie, conserve une supériorité marquée, s'efforce, par de semblables acquisitions, de réparer les pertes douloureuses qu'il a faites, & celles dont il est menacé.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 12 (décembre 1791), p. 322-325 :

[Le compte rendu s’ouvre sur un long soupir de soulagement : enfin une vraie comédie, après « des pieces de circonstances ou des drames bien noirs » qui rendaient le théâtre effrayant. Après le résumé de l’intrigue, le critique fait le bilan équilibré des défauts de la pièce (son plan, le caractère caricatural des,deux vieilles tantes, des incidents mal préparés ou mal développés, un doute sur la nature du caractère du personnage principal, un style parfois

Le lundi 19 septembre, on a donné la premiere représentation du Conciliateur ou l'Homme aimable, comédie en cinq actes & en vers de M. Dumoustier.

Depuis long-tems on ne voyoit plus sur les théatres de la capitale, que des pieces de circonstances ou des drames bien noirs ; depuis long-tems on n'entendoit plus parler que de bastilles, de crimes, de trahisons, de tortures, de bourreaux, de cachots & méme de confesseurs. On n'alloit plus au spectacle sans craindre d'y éprouver de l'horreur, sans appréhender d'y voir les dames, soi-même ou ses voisins tomber en convulsions. Thalie, étonnée de voir occuper la scene par le drame, son plus cruel ennemi, avoit cédé la place au fanatisme, à la férocité, à l'esprit de parti, & le masque de la gaieté étoit tombé de ses yeux inondés de larmes... Un jeune auteur vient de rappeller cette aimable fugitive : un jeune auteur vient de lui rendre, sinon toute sa folie, du moins son ton, sa décence & son originalité, en nous donnant une comédie en cinq actes, en vers, absolument isolée des circonstances, & qui a obtenu un très-grand succès. Voici- le sujet du Conciliateur ou l'Homme aimable.

Mondor, riche particulier, est sans cesse en querelle avec sa femme, véritable esprit de contradiction. Leur fille Lucile est recherchée par deux jeunes gens, dont l'un est un fat accompli, & l'autre un amant fade, langoureux & tendre. Pour completter les ridicules de cette famille, Mondor a deux vieilles sœurs, coquettes, galantes, bavardes & inconséquentes. Un jeune homme se présente dans la maison, & trouve le moyen de s'y faire recevoir sous le nom de Melcourt. Il a vu Lucile dans un bal : il l'aime & en est aimé : jalousie des deux amans de Lucile ; manege de ses deux vieilles tantes pour enflammer le nouveau venu ; dépit de ces dernieres, en voyant que leur niece est préférée ; ruses d'une soubrette intriguante pour protéger Melcourt, &c. Cependant Mondor a un procès avec Dorval, un de ses voisins, avec qui elle étoit jadis unie par la plus étroite amitié. La dispute est venue pour un chemin qui sépare leurs deux maisons. Mondor déteste ce Dorval, & ne veut pas même entendre prononcer son nom : on va juger ce procès le jour même de l'arrivée de Melcourt : celui-ci cherche à réconcilier ces deux voisins ; & il lui faut beaucoup d'adresse pour ménager tous les caracteres de cette famille bizarre. Enfin, on apprend à Mondor qu'il a gagné son procès : Melcourt, qui est le neveu du voisin Dorval, s'est fait connoître ; mais il a eu tellement l'art de se faire aimer de Mondor, de la femme, de ses deux rivaux, des vieilles tantes, & même des domestiques, que tout le monde parle en sa saveur : Mondor lui donne sa fille, cede la moitié de ses prétentions sur l'issue du procès, & brûle de se réconcilier avec son vieil ami.

Tel est le cadre de cette piece, où il y a sans doute des défauts de plan. Les deux vieilles tantes y jettent quelquefois plus de ridicule que de bon comique : plusieurs incidens manquent de préparations & de développemens: l'homme aimable y est plus souvent un homme adroit qu'un véritable Conciliateur : il y a quelques traits précieux & maniérés dans le style, & plusieurs expressions que le public a improuvées, & que l'auteur retranchera sans doute ; mais en général cet ouvrage, écrit avec esprit, grace & facilité, est rempli de détails charmans. On y voit régner par-tout le ton & la décence de la bonne comédie, & il annonce, dans l'auteur, le talent le plus distingué & le plus digne d'être encouragé. Le public, qui a su apprécier ces heureuses dispositions, lui a prodigué les plus vifs applaudissemens. Voici des vers que nous avons retenus, & qui feront juger du style de l'auteur, si toutefois notre mémoire nous les retrace exactement. Melcourt dit à Mondor, qu'il cherche à se réconcilier avec Dorval :

. . . . . Pour anéantir ce malheureux procès,
Au-lieu de partager vos droits, confondez-les :
Que ce terrein, sujet de guerres intestines,
Devienne un bien commun. Des deux routes voisines
Ne faites qu'un chemin : ces sentiers réunis
Demain s'appelleront
le chemin des amis.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vous irez promener au-devant l'un de l'autre ;
Chacun avec plaisir en fera la moitié,
Bien sûr d'y rencontrer, au milieu, l'amitié.
Vous nommerez ce lieu
le rendez-vous des freres :
Là, dans vos derniers ans, bons amis, heureux peres,
Vous verserez souvent des pleurs de volupté ;
Et vos enfans, témoins de votre intimité,
De vous, presque en naissant, apprenant comme on aime,
Chériront votre exemple, & s'aimeront de même.

La piece est parfaitement jouée. M. Fleury, chargé du rôle du Conciliateur, le remplit également bien auprès du public, dont il ravit tous les suffrages. On doit aussi des éloges à Mlle. Mezeray, qui débute depuis peu de tems à ce théatre avec beaucoup de succès.

La base César témoigne de son succès jusqu'à la fin du siècle : 15 représentations en 1791, 8 en 1792, 8 en 1793 (toutes au Théâtre de la Nation) ; 5 en 1794, 7 en 1795, 8 en 1796, 7 en 1797, 7 en 1798, 1 en 1799 (dans divers théâtres).

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