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La Dupe de soi-même

La Dupe de soi-même, comédie en 3 actes, en vers, par le C. Roger, 22 Germinal an 7 (11 avril1799).

Théâtre Français, rue de Louvois

Titre :

Dupe de soi-même (la)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

22 germinal an VII (11 avril 1799)

Théâtre :

Théâtre Français, rue de Louvois

Auteur(s) des paroles :

Roger

Almanach des Muses 1800

Senmour, jeune poète français, veut épouser Camilla, fille de Panosi, riche négociant de Messine. Mais s'il est aimé de la fille, il n'a pas le consentement du père ; Panosi, au contraire, songe à se venger d'un certain Ricardeau, qui jadis l'a empêché de faire un mariage avantageux, et se propose en conséquence d'engager celui-ci à donner Mamina sa fille au jeune poère. Les tentatives de Panosi auprès de Ricardeau n'ayant aucun succès, Panosi engage Senmour à enlever sa maîtresse, et lui en facilite les moyens en lui offrant une somme d'argent qu'il refuse, mais dont son valet se charge. Senmour ne demanderait pas mieux que de décider Camilla à le suivre, mais il n'y réussit point. La valet du poète imagine alors de faire accroire à Panosi que la fille de Ricardeau a hui de chez son père, et que n'ayant point d'asyle, c'est chez lui, Panosi, qu'elle s'est réfuigiée, puisque c'est lui, Panosi, qui a conseillé son évasion. Panosi, fort embarrassé, essaie une nouvelle tentative sur l'esprit de Ricardeau, il le gagne à force de prières, et en lui protestant qu'à sa place il serait très-indulgent. Ricardeau cède, on appelle les amans, Senmour paraît avec Camilla. Panosi est fort étonné, mais il est pris dans le piége qu'il tendait à un autre, il ne lui est pas permis d'être sévère, et Senmour reçoit la main de sa maîtresse.

Sujet dont l'auteur a l'obligation au célèbre Goldoni. De jolies scènes, un style agréable et comique ; succès mérité.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Huet, an VII :

La Dupe de soi-même, comédie en trois actes et en vers ; Représentée, pour la première fois, par les Comediens Français, le 22 germinal an 7. Par F. Roger.

Qui conseille le mal, doit le craindre pour lui.

Acte III, scène dernière.

La liste des personnages permet de leur donner le nom que l’auteur leur a choisi, plutôt que de constater les errements des divers comptes rendus :

Personnages.                                              Acteurs.

BONÉZI, riche négociant,               C.ns            GRANDMÉNIL.

RICARDO, commis à la douane,                  PICARD.

SELMOURS, jeune poète français,               DUPONT.

DUBOIS, valet de Selmours,                         DEVIGNY.

FABRICE, valet de Bonézi,                           VALVILLE.

CAMILLA, fille de Bonézi,             C.nes       BÉFROY.

JUSTINE, française, suivante de Camilla,     MOLIÈRE.

La scène est à Messine, dans la maison de Bonézi.

Courrier des spectacles, n° 780 du 23 germinal an 7 [12 avril 1799], p. 3 :

[Un curieux compte rendu, auquel manque d’ailleurs le jugement du critique, promis pour le lendemain. Il commence par l'annonce du succès. Puis l’article rappelle l’existence d’une pièce de 1695 portant le même titre. Mais elle n’a pas de rapport avec la pièce nouvelle, plus proche des Dehors trompeurs (les Dehors trompeurs, ou l’Homme du jour, une comédie de de Boissy, de 1740). Rappel très habituel dans les articles de critique, mais ici il prend une forme un peu caricaturale. Ensuite, liste des personnages, avec l’indication des acteurs. On arrive enfin au cœur de l’article, un long résumé de l’intrigue, fait de manière plutôt confuse, la situation ne semblant pas très claire pour le lecteur, mais peut-être aussi pour le critique (on se perd un peu entre les jeunes filles, Mancina ou Camilla, et finalement, comme on s’y attendait, le critique nous é=révèle que c’est Camilla qui épouse le jeune premier, et qu’il n’y a plus de place pour le sentiment eprsonnel du critique : à demain !]

Théâtre Français, salle de Louvois.

La Dupe de soi-même, comédie en trois actes et en vers, donnée pour la première fois, a eu un plein succès. Elle est du citoyen Roger, auteur de l’Epreuve délicate, comédie jouée l’année derniere au théâtre Feydeau. Le public a demandé l'auteur, il n'a point paru.

L’histoire du théâtre fait mention d’une comédie en 5 actes et en prose de Dierzé, représentée en 1695, sous le titre de la Dupe de soi-même ou les Dames vengées. La pièce nouvelle ne lui ressemble aucunement. On pourroit plutôt trouver quelque ressemblance entre le principal personnage de cette derniere et celui du marquis dans les Dehors Trompeurs. Nous ne croyons pas que ce soit un reproche à faire au cit. Roger qui a tiré un bon parti du sujet.

La scene se passe à Messine ; les personnages sont :

Senmour,   les Cit. Dupont.

Panosi. Grandménil.

R icardeau, Picard.

Dubois, Devigny.

Un autre valet, Valville.

Camilla,  les Cnes. Beffroy.

Justine Molière.

Senmour, jeune poëte français, aime sans espoir Camilla, fille de Panosi, riche négociant de messine. Il est dispsoé à s’éloigner lorsqu’il est retenu par Dubois son valet qui vient d’avoir avec Justine, suivante de Camille, un entretien qui lui faiy connoître les bonnes intentions de celle-ci pour son maître. Elle arrive elle-même très à propos pour le retenir. Mais par quels moyen réussir à leur but ? Heureusement Panosi les offre lui-même. Il a cru voir que Senmour aime Mancina, fille de Ricardeau et pour se venger de celui-ci, qui lui a autrefois soufflé un mariage très-avantageux, il veut lui donner le poète pour gendre. Plusieurs quiproquo entre Camilla et son pere, celui-ci et Senmour, avancent les affaires des amants. Panosi va trouver Ricardeau , mais après avoir fait d’inutiles efforts pour le faire consentir à ce mariage, il conseille au jeune français d’enlever sa maîtresse, sur son refus d’accepter l’argent nécessaire, il le remet à son valet.

La vertueuse Camilla ne veut pas consentir à suivre son amant : celui-ci est sur le point de tout découvrir ; heureusement le prévoyant Dubois s’en charge. Il fait accroire à Panosi que la fille de Ricardeau a quitté la maison de son pere ; mais que sa tante refusant de la recevoir, elle n’a pas cru devoir chercher d’autre asyle que la maison de celui qui a dicté sa démarche. Panosi, un peu déconcerté, entreprend de faire un nouvel effort sur Ricardeau. Il lui proteste qu’à sa place il pardonneroit ; il le gagne enfin, fait appeller les amants. Sa confusion lui interdit la sévérité. Les amans sont unis. Le défaut de place nous force de remettre à demain notre sentiment personnel sur cet ouvrage.                                     Le Pan.

Courrier des spectacles, n° 781 du 24 germinal an 7 [13 avril 1799], p. 3 :

[Le critique tient ses promesses : le sentiment personnel permis est bien dans le journal du jour, et il commence par des propos peu enthousiastes : tout le début est consacré à souligner que l’intrigue est embrouillée (la lecture du résumé fait la veille le laissait penser), que le dialogue est trop bavard, au point qu’il a failli y avoir des sifflets. De même, le critique condamne l’existence d’un personnage qui est cité, mais ne paraît pas (Mancina). Malgré un exemple illustre, un tel procédé est contestable. Par ailleurs, le critique se montre réticent sur la moralité de la pièce. Certes il félicite l’auteur de ne pas avoir fait franchir les limites de la décence à ses personnages, mais on sent bien qu’il n’approuve pas qu’on montre un père poussant un jeune homme à enlever la fille d’un autre homme afin de l’épouser malgré ses parents. Le style pose aussi problème au critique : les quiproquo sont plaisants, mais trop longs, et il a entendu de svers heureux qu’il n’a pourtant pas pu retenir pour une raison peu claire. Ce qui est le plus positif dans l’article, c’est le jugement porté sur les interprètes, qui sont tous l’objet d’un jugement favorable.

Théâtre Français , salle de Louvois.

Nous avons annoncé le succès qu’obtint avant-hier à ce théâtre la première représentation de la Dupe de Soi-même. On ne peut qu’engager l’auteur de cet ouvrage à suivre une carrière dans laquelle il a fait un grand pas depuis sa première piece. Nous croyons devoir lui conseiller de mettre plus de simplicité dans ses plans, et moins d’imbroille [sic] dans les scenes, et sur-tout d’éviter dans le dialogue, ces longueurs qui ont le double inconvénient de fatiguer le spectateur et de rallentir l’action. C’est sur-tout dans le troisième acte de sa nouvelle comédie que ces défauts sont plus sensibles. Le rôle de Dubois y devient ennuyeux par l’imbroille qu’il présente, et Panosi est fatiguant par ses longs discours à Ricardo. Peu s’en est fallu que la fin de ce troisième acte ne nuisit [sic] à la piece, malgré les bonnes dispositions où se trouvoit le public. Nous observerons encore à l’auteur qu’on doit éviter de parler d’un personnage qu'on n’est pas dans l’intention de faire paroitre. Mancina, fille de Ricardo étant annoncée, on s’attend toujours à la voir. Il faut des raisons bien fortes pour dispenser de faire paroître un personnage annoncé. Destouches, dans sa comédie du Glorieux, a grand soin de dire que la mauvaise santé de la mère de Valere, la force de rester dans son appartement, et encore cette excuse n’a pas été jugée valable par tous les critiques.

On doit savoir gré au citoyen Roger de ses efforts continuels pour retenir Camilla et Sennemour dans les bornes de la décence. On eut [sic] été choqué de voir cette jeune fille abandonner la maison de son pere, et l’on a vu avec plaisir Sennemour refuser l’argent que lui offre Panosi. Il est très-adroit de l’avoir fait prendre par le valet. Cette piece est infiniment plus morale que l'Epreuve délicate. On pourroit encore reprocher à l’auteur d'avoir donné le rôle de Panosi à un pere de famille. Quelque loin que le désir de la vengeance puisse aller, même chez un Italien, on ne peut qu’être choqué de voir un pere conseiller à un jeune homme d’enlever une jeune fille, pour l’épouser malgré ses parens.

Cette comédie offre des quiproquo très-plaisans ; mais peut être un peu longs. Elle renferme des vers très-heureux. Nous regrettons que l’endroit où nous étions placés ne nous ait pas permis d’en retenir. Le style est en général facile.

Cette comédie est fort agréablement jouée. Le rôle le plus important est celui de Panosi : il suffit de dire que le cit. Grandménil en est chargé, pour que l’on s’imagine avec quelle vérité il est rendu. Le citoyen Picard met beaucoup de vérité dans celui de Ricardo; le jeu décent du citoyen Dupont répond parfaitement au personnage qu’il représente ; le travail assidu de la citoyenne Beffroy lui fait faire des progrès sensibles ; le citoyen Devigny rend avec gaîté le rôle de Dubois, et la citoyenne Molière joue celui de Justine avec beau coup de finesse.                                 Le Pan.

Réimpression de l'ancien Moniteur, volume 24 (du 12 nivôse au 12 messidor an 7 de la Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 209, 29 germinal an 7, p. 850 :

[Après avoir rendu brièvement hommage aux comédiens de l’Odéon, éprouvés par un incendie, l’article résume l’intrigue de la pièce avant de tenter de démêler l’écheveau embrouillé des sources de la pièce. Mais ce qui compte, c’est le parti que Roger a su en tirer. On peut néanmoins lui reprocher que son intrigue repose sur un quiproquo assez invraisemblable et qu’elle « languit souvent » : le critique fournit une liste de conseils pour améliorer sa pièce : supprimer le rôle d’un valet niais, raccourcir la scène de l’imbroglio, donner plus de développement aux rôles des deux amants. Sinon, la versification est facile (il faut être pointilleux pour la critiquer », et la pièce est jouée avec ensemble et gaîté.]

Théâtre des Arts.

Les artistes de l'Odéon, malgré l'événement funeste qui les a frappés, se livrent à des efforts, à un travail soutenu qu'on attendrait à peine de la réunion la plus complette et la mieux organisée : ils annoncent une tragédie nouvelle, et viennent de donner avec beaucoup de succès une comédie en trois actes intitulée : la Dupe de soi-même.

La scene se passe à Messine. Senmour, jeune français, poëte, voyageur, a été accueilli chez Bonézi, riche négociant. Il aime, il est aimé de Camilla, fille de son hôte ; mais sans recommandation, sans crédit, sans moyens, il ne peut se résoudre à déclarer son amour. Il veut s'éloigner. L'adresse de deux valets confidens, et sur-tout le désir exprimé par Camilla le déterminent à rester. Mais Bonézi a su les préparatifs du départ, il faut motiver la demeure. Les valets font croire au sicilien que Senmour est retenu par son amour pour Mancilla, fille de Ricardo : ce dernier est voisin de Bonézi, et toujours brouillé avec lui, toutes les fois qu il ne s'agit pas d'affaires d'intérêt. Bonézi a à se venger de 1ui pour plus d'un tour dont il garde la mémoire : l'occasion se présente, il la saisit. Il conseille à Senmour de poursuivre l'aventure, et dans une scene assez comique, où Senmour croit n'entendre parler que de Camilla, Bonézi, dupe de soi-même, le presse d'obéir à son penchant. Le quiproquo ne cesse que lorsque Bonézi promet au francais sa médiation auprès du pere de la jeune sicilienne, duquel il fait un tableau si flatteur que Senmour ne peut se méprendre plus long-tems : il croit tout perdu. Bonézi cependant poursuit son projet, et va parler à Ricardo de Senmour et de ses feux prétendus pour Mancilla. Mais pour son gendre, Ricardo ne veut ni d'un poëte ni d'un français ; Bonézi insiste, nouveau refus. L'obstiné vieillard n'hésite pas sur le choix des moyens à prendre pour forcer la main à Ricardo : mariage secret, enlevement même s'il le faut, tels sont ceux qu'il indique à Senmour, et dont il facilite l'exécution par le prêt de quelques billets de banque.

Ces conseils donnés, il ne s'agit plus que de les appliquer mieux que Bonézi ne le pense ; mais Camilla y résiste, Senmour lui-même refuse par délicatesse de les suivre : les valets seuls demeurent de l'avis de Bonézi, et se chargent de mettre fin à l'aventure. Ils annoncent à Bonézi que, suivant ses conseils, Senmour a enlevé Mancilla ; le sicilien en porte sur le champ la nouvelle à son voisin ; celui-ci se met en fureur, jure de faire punir les coupables..... Camilla et Senmour paraissent, mais c'est aux pieds de Bonézi qu'ils se jettent ; Ricardo rit aux éclats de la méprise. Senmour interrompt les transports indiscrets, renonce à l'avantage de sa situation, et ne veut rien attendre de l'engagement indirect pris sur Bonézi, mais tout obtenir de sa bonté, de son amour pour sa fille. Bonézi accorde tout, en reconnaissant que l'auteur d'un mauvais conseil doit le premier en subir l'effet.

L'auteur de cet ouvrage est le citoyen Roger. Il avait déjà donné au théâtre Feydeau avec succès, l'Epreuve délicate, petite comédie fort agréable. Dans une lettre qu il vient de rendre publique, il déclare avoir puisé son nouveau sujet dans le théâtre de Goldoni. Il sait, dit-il, que l'ouvrage italien a déjà fourni au théâtre une comédie, mais il n'a pu se la procurer. La comédie dont il parle est le Conseil imprudent, mis au théâtre alors nommé de Monsieur, en mai 1789, par le comédien Paillardelie. Ce comédien fit publiquement hommage à Goldoni de cette production, qui fut très-bien jouée et obtint beaucoup de succès. Il n'est peut-être pas inutile de rapprocher de l'analyse que nous venons de donner de la Dupe de soi-meme, celle fort succinte du Conseil imprudent, que renferme un des journaux du tems le plus estimés.

« La scene se passe à Londres. Un jeune officier a reçu un asyle chez un négociant : il devient amoureux de sa fille, et par délicatesse veut s'éloigner. La fille du négociant persuade à son pere, que c'est de sa cousine que l'officier est amoureux. Le négociant, qui a toujours eu à se plaindre de son frere, se charge de faire la demande du mariage, et est fort mal reçu. Il desire s'en venger. Il conseille à l'officier d'épouser secrettement, lui en facilite les moyens, lui prête même de l'argent. Il apprend enfin que c'est contre lui-même qu'il a donné le conseil. Il est furieux d abord, mais il est pere, et il pardonne. »

En n'admettant ici que l'idée de l'imitation du comique italien, on doit des éloges au citoyen Roger pour le parti qu il en a su tirer, et l'art avec lequel il a rétabli ce sujet sur notre scene. Sa comédie est trés-agréable ; elle sera du petit nombre de celles qu'on se plaît à jouer en société. Il est impossible de nier cependant que, pendant les trois actes, l'intrigue roulant sur un quiproquo assez invraisemblable, sur une méprise faiblement motivée, sur un projet et un desir de vengeance, qui ne coïncident pas parfaitement ensemble, et n'étant etayée dans sa marche d'aucun incident qui lui donne une force nouvelle, l'action languit souvent, et le dialogue se compose de traits inutiles, de répétitions fatigantes. Le Conseil imprudent était en deux actes : nous desirerions voir ainsi réduire la Dupe de soi-méme. On remarquerait plus rapprochées l'une de l'autre les deux scenes principales dont l'ouvrage se compose, scenes filées avec art, mais peut-être trop prolongées : on ferait disparaitre un valet niais dont le role absolument inutile jette sur la piece une gaité dont le ton lui est étranger : on retrancherait de beaucoup la scene d imbroglio, où Bonezi embarrasse et surprend le valet de Senmour ; scene qui marche avec rapidité, mais non sans quelque confusion, sans quelque obscurité : on pourrait, au moyen de ces suppressions donner aux roles des jeunes amans, déjà présentés sous le jour le plus favorable, un peu plus de développemens.

La versification de cet ouvrage est en général facile ; elle l'est même à tel point, qu'un œil peu indulgent pourrait y trouver quelques négligences, mais elle est semée de traits heureux, de vers comiques, et ce rare mérite peut compenser bien des défauts.

La pièce est jouée avec un grand ensemble, beaucoup de gaîté, et toute la vivacité qui lui est nécessaire. Grandménil et Picard ont établi d'une maniere très-comique les rôles de Bonézi et de Ricardo.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, tome IX, prairial an 7 [mai 1799], p. 183-185 :

[Avant de parler de la pièce nouvelle, le critique tient à rendre hommage au courage dont font preuve « les comédiens français de l'Odéon, errans de théâtre en théâtre » et montrant une belle constance dans la pratique de leur art. Suit « l’extrait de la pièce », qui montre une intrigue tout à fait conventionnelle. Cette intrigue provient de Goldoni, lui même imitateur de Molière, et on peut citer d’autres pièces dont la situation est identique, et qui ont « puisé à la même source ». Mais l’imitation est ici remarquable «  par des détails piquans de style, par la facilité d'un dialogue très-naturel & souvent élégant ; enfin, par quelques apperçus assez fins ». L’acteur principal est loué, et on ne reproche à la pièce que quelques longueurs, que le public s’est employé à signaler. Une fois allégée, la pièce restera au répertoire.]

THÉATRE FRANÇAlS, SALLE DE L'ODÉON.

La Dupe de soi-même, comédie en trois actes en vers.

Les comédiens français de l'Odéon, errans de théâtre en théâtre, & d'incertitudes en incertitudes, ne laissent point refroidir leur zèle & leur courage ; ils redoublent d'efforts pour conserver la faveur du public qu'ils s'étoient si justement acquise, & nous devons leur en savoir d'autant plus de gré, que, sans eux, nous nous verrions réduits à chercher les débris de l'art dramatique dans cette foule de petits théâtres & de petits talens qui, en ce moment même, inondent la grande cité. On doit leur en savoir d'autant plus de gré, que leurs compétiteurs ou concurrens, en attendant une réunion assez difficile, toujours promise & n'arrivant jamais, au lieu de se prêter provisoirement à jouer entre eux, aiment beaucoup mieux se disperser dans les départemens, & dire tranquillement au gouvernement : « Arrangez nos affaires, préparez-nous un asile commode, des honoraires considérables, sûrs, des coopérateurs qui ne nous déplaisent point, & alors nous vous ferons jouir de nos talens supérieurs. »

C'est sans doute, de la part des comédien de l’Odéon , un effort méritoire de donner des nouveautés dans leur position ; & c'est, de la part d'un auteur qui leur en confie, un sacrifice qui ne l'est pas moins. Le succès a couronné l’un & l'autre. Voici l'extrait de la pièce :

Panosi, père de Camilla, qui ne veut point donner sa fille à Seymour, son amant , à cause d'une grande disproportion de fortune, mais qui ne demande pas mieux que de jouer un tour à son voisin Ricardo, engage le jeune homme à se faire aimer de Mancina, fille de son ennemi, lui en indique tous les moyens, & lui procure toutes les facilités pour réussir, s'il veut l'enlever. Cette conduite tourne contre lui-même : Seymour profite de ses conseils, mais c'est pour forcer Panosi à consentir à son mariage avec Camilla : pris dans son propre piége en présence de Ricardo, il est obligé de donner son aveu à l'union des deux amans.

L'auteur a tiré son sujet d'une pièce de Goldoni, qui lui-même l'avoit puisé dans l'Ecole des Maris de Molière, & il est aisé de voir qu'en effet le nœud ainsi que le dénouement sont calqués sur le même modèle ; c'est aussi la situation des Dehors trompeurs de Boissy & du Consentement forcé de Guyot de Merville, qui tous deux avoient puisé à la même source ; mais le C. Roger a couvert son imitation par des détails piquans de style, par la facilité d'un dialogue très-naturel & souvent élégant ; enfin, par quelques apperçus assez fins, & qu'il a glanés fort heureusement dans le champ que ses prédécesseurs avoient moissonné.

Le C Grandménil a joué le rôle de Panosi avec cette verve originale & comique qui lui assure le premier rang dans son emploi : quelques retranchemens indiqués par la langueur que le public a éprouvée dans le second acte, suffisent pour mettre cet ouvrage au répertoire, & pour assurer au C. Roger un succès soutenu.

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