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Le Diable à quatre, ou la Femme acariâtre

Le Diable à quatre, ou la Femme acariâtre, opéra-comique de Sedaine avec des modificaitons du livret d’Auguste Creuzé de Lesser et une nouvelle musique, par M. Solié, 30 novembre 1809.

Théâtre de l’Opéra Comique.

Titre :

Diable à quatre (le), ou la Femme acariâtre

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

30 novembre 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Sedaine et Creuzé de Lesser

Compositeur(s) :

Solié

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome VI, p. 393 :

[La pièce de Sedaine, le Diable à quatre, ou la double métamorphose, a été jouée pour la première fois au Théâtre de la Foire Saint-Laurent, le 19 août 1756. La partie musicale est parodiée de divers compositeurs, et des ariettes ont été écrites par Pierre Baurans. En 1790, cette première version, jouée jusqu’en 1776, est remplacée par une version dont la musique est de Bernardo Porta, qui est jouée jusqu’en 1793. Ce qui est présenté comme une simple reprise avec une musique nouvelle de Solié est en fait une transformation : la pièce acquiert un nouveau titre (de le Diable à quatre, ou la double métamorphose, elle devient le Diable à quatre ou la Femme acariâtre), le livret est modifié par Auguste Creuzé de Lesser  : on lit sur le livret imprimé : « En s’y permettant dans tous les actes, et surtout dans le troisième, des changements, quelquefois nécessaires, on a conservé avec scrupule tout ce qui, dans cette pièce a paru susceptible de quelque effet » (Renseignements pris dans Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972 de Nicole Wild et David Charlton, p. 221). Ces changements font de la pièce un véritable opéra-comique qui obtient du succès, notamment grâce à ses interprètes.]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.

Le Diable à quatre, opéra comique en trois actes.

Cette pièce de Sédaine est trop connue pour que nous en donnions ici l'analyse. Elle n'avoit pas été jouée depuis longtemps, et en effet, c'étoit plutôt un vaudeville qu'un opéra comique. M. Solié a fait une musique nouvelle, fort agréable sur les paroles anciennes, et on pourra jouir maintenant d'une des pièces les plus gaies du répertoire de l'Opéra Comique. Mademoiselle Henaud joue et chante très-bien le rôle de la femme acariâtre ; Chenard est très-comique dans le rôle du savetier, ainsi que Madame Gavaudan dans celui de sa femme.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1810, p. 284-288 :

[La pièce de Sedaine a une longue histoire, dont le compte rendu évoque quelques éléments, en insistant sur la source qu’il avait utilisée. Pour montrer que la pièce est à sa place à l’Opéra-Comique (que la magie et l’existence d’un but moral y sont à leur place), le critique analyse avec précision la pièce, dont l’intrigue est plutôt compliquée. Il conclut sur la place limitée de la magie, et aussi de la moralité. Il a fait une pièce comique, qui a beaucoup amusé le public. Et la nouvelle musique remplace l’ancienne sans laisser de regrets. Plusieurs morceaux sont signalés, en lien avec des interprètes jugés très positivement. Un couplet cité, mais c’est pour en montrer la maldresse.]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Reprise du Diable à quatre, ou la Femme acariàtre, comédie-féerie en trois actes, de Sédaine, musique de M. Solié.

C'est après un long oubli que cette pièce est remise au théâtre. Elle avait paru pour la première fois en I756. Sédaine l'imita, dit-on, d'une farce anglaise, traduite en français par un M. Patu. Mais l'idée qui lui sert de base remonte beaucoup plus haut. Il s'agit de corriger une femme colère et méchante ; et c'est ca que Shakespeare avait déjà fait dans sa comédie du Taming of the shrcw, d'où nous est venue l'Honorine du Vaudeville et les trois ou quatre Femmes colères qui parurent sur différens théâtres quelques années après Il y a cependant une grande différence entre la plan de Shakespeare et de ses imitateurs et celui de Sédaine. Les premiers ont pensé qu'ils pouvaient corriger leur méchante femme par des moyens purement naturels. Sédaine a cru ne pouvoir en venir à bout sans le secours de la magie. Ceux de nos lecteurs qui ne connaissent point sa pièce (et ils sont sans doute en grand nombre) penseront peut-être que la magie et un but moral sont d'assez mauvais moyens à l'Opéra-Comique. Nous allons tâcher de les détromper.

La scène est au village. La dame du lieu, financière opulente, fait par son caractère le malheur de son mari, de ses gens et de ses vassaux. On voit paraître successivement son cuisinier, son cocher, sa femme-de-chambre, qu'elle a plus ou moins maltraités. Cependant à peine s'est-elle éloignée qu'ils se permettent, à la prière de maître Jacques, honnête savetier du lieu, de faire approcher les jeunes gens qui célèbrent la fête du village. On danse au son de la vielle d'un pauvre aveugle ; mais bientôt Mme. Floridor revient ; on fuit à son approche ; l'aveugle reste seul ; elle brise sa vielle, et il faut que Floridor l'aide à s'éloigner après avoir payé le dommage. C'est alors que paraît un magicien qui, rodant depuis quelques jours dans les environs, s'est informé du caractère de la dame. Pour l'éprouver lui-même, il se présente comme un pauvre vieillard et demande l'hospitalité. L'orgueilleuse financière le refuse ; mais Floridor lui accorde un asyle chez son fermier. Or, il faut savoir que notre sorcier n'est pas un sorcier comme un autre : loin d'employer son pouvoir à faire du mal, il ne s'en sert qu'à récompenser les bonnes gens, à infliger aux mécbans des punitions qui les corrigent. De quels moyens usera-t-il pour rendre en ce moment à M. et Mme. Floridor, selon leurs œuvres ? Punir et corriger la femme sera sans doute récompenser suffisamment le mari ; il fera d'une pierre deux coups ; nais comment s'y prendre ? Pendant qu'il y rêve, arrive sur la scène la femme du savetier, petite brunes très-naïve et très-gentille, qui aime beaucoup son pauvre Jacques, et s'amuse seulement à raper et à prendre du tabac en dépit de lui. Le magicien l'aborde et la trouve aussi douce, aussi serviable que la financière est arrogante et dure. Aussi-tôt son projet est formé : il prédit à Margot qu'elle va faire fortune et la congédie ; puis il évoque les esprits soumis à ses ordres, et leur commande de donner à la financière les traits et les habits de Margot, à Margot ceux de la financière, de porter Margot au château, et madame Floridor chez le savetier.

C'est chez celui-ci que nous nous trouvons au second acte. Mme. Floridor est au lit, mais Jacques est profondément endormi sur le carreau de sa boutique où les esprits l'ont prudemment déposé. Nos lecteurs se doutent déjà des scènes qui vont suivre. Mme. Floridor se réveille, cherche le cordon de sa sonnette, appelle ses femmes, demande son petit chien, personne ne bouge ; elle sort du lit, couverte des habits de Margot. Jacques la prend pour sa ménagère et veut la traiter comme telle ; elle lui donne son soufflet ; il l'en châtie à la savetière ; elle cherche en vain à sortir ; la nécessité l'oblige à se soumettre et à servir maître Jacques, en jurant bien dans son cœur de se venger. Pour comble, Marton, sa soubrette, vient chercher des souliers à la boutique. Elle prend sa maîtresse pour Margot ; il en résulte une querelle, que Jacques termine en obligeant sa prétendue femme à faire des excuses à Marton. Enfin la malheureuse financière profite d'un moment favorable ; Jacques lui a demandé sa perruque ; en la lui posant sur la tête, elle le renverse, le bat, court à la porte et s'échappe. Aux cris du savetier furieux, tous les voisins accourent. Il étouffe en se voyant obligé de confesser que sa femme l'a battu, et sort pour aller la chercher au chàteau où il apprend qu'elle s'est réfugiée.

La véritable Margot y était arrivée long-temps avant lui, comme nous l'avons vu, sous les traits et les habits de la financière. Son réveil ouvre le troisième acte ; sa surprise et sa joie fournissent des traits fort comiques. Son embarras lorsque ses gens viennent lui demander ses ordres ; les détails de son déjeuner, de sa toilette, ne le sont pas moins. Son air de bonne amitié, de familiarité enchantent tout le monde ; et Floridor, qui paraît à son tour, n'est pas moins surpris que charmé de ce changement total dans le caractère de sa femme. Mais bientôt arrive la fausse Margot poursuivie par maître Jacques. La véritable intercède auprès de lui ; pendant leur dialogue, la pauvre financière se regarde au miroir, et reconnaît sa métamorphose. Ce dernier coup l'abat ; il faut qu'elle se résigne, qu'elle remercie celle qui a pris sa place, de l'intérêt qu'elle veut bien lui témoigner. La bonté avec laquelle elle est accueillie, et qu'elle compare à la conduite qu'elle aurait tenue elle-même en pareil cas avec la véritable Margot, achève sa conversion. Le but du bon magicien étant rempli, il se hâte de reparaître et de remettre les choses dans leur état naturel. Mme. Floridor reprend ses traits ; Margot redevient savetière; mais Floridor et sa femme lui assurent, ainsi qu'à maître Jacques, une honnête existence pour le reste de leurs jours.

On voit que, dans tout cela, il n'y a point trop de magie ; elle se borne à deux conjurations. L'auteur n'a pas non plus abusé de la moralité de son sujet ; il en a tiré au contraire des effets comiques ; il descend même jusqu'à la farce au second acte ; mais le jeu des acteurs l'adoucit sans être moins naturel. On peut donc croire que cet ouvrage, qui a beaucoup amusé les spectateurs, se soutiendra honorablement au théâtre ; on peut même lui prédire un bonheur singulier. La nouvelle musique, substituée à l'ancienne, ne la fera point regretter. Il est vrai que l'ancienne était généralement oubliée, à l'exception du petit air que Margot chante en rapant du tabac. C'était là le pas difficile ; M. Solié l'a franchi très-heureusement ; son nouvel air, non moins original que l'ancien et très-bien adapté aux paroles, est beaucoup plus agréable. En général, toute cette musique fait honneur à son talent; elle est bien composée, vive, agréable, légère. On a remarqué deux airs fort gais, chantés par Chenard dans le rôle de Jacques, son duo avec Mlle Regnault dans celui de Mme. Floridor, l'air de vielle au premier acte, le chœur qui termine le second. Un morceau de désespoir de la financière, se rapproche beaucoup trop des chants éclatans de l'Opéra ; mais son ariette de bravoure est très-brillante, et Mlle. Regnault l'a chantée avec autant de justesse que de goût. Son talent comme cantatrice se perfectionne tous les jours, et donne un nouveau prix à sa voix pure et flexible. Mme Gavaudan, qui jouait Margot, a enlevé tous les suffrages par sa gentillesse, par son jeu vif et spirituel. Chenard a joué maître Jacques comme tous les rôles à tablier, avec une rondeur, une gaîté, un naturel qui ne tombent jamais dans la caricature. Les autres rôles sont peu importans; mais Lesage, Gavaudan et Solié lui-même ont su les faire valoir. ,

La pièce finit par une ronde de trois couplets On a redemandé le dernier, qui est un éloge de Sédaine. On ne peut que louer l'auteur et le public de leurs bonnes intentions, mais le couplet était peu louable. Nous le plaçons ici pour que nos lecteurs puissent en juger.

D'où vient donc que sur la scène,
Sans trop élégans atours
Le bon, l'excellent Sédaine,
Au public plaira toujours ?
C'est que, sans pompe fleurie,
Plein de comique et de sens
Il avait la bonhommie,
La gaîté du bon vieux temps.

Des atours plus élégans et un ton plus comique auraient pu, même sans pompe fleurie, donner plus de mérite à ce couplet.                    G.

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