Les Deux Panthéons, ou l’Inauguration du Théâtre du Vaudeville

Les Deux Panthéons, ou l’Inauguration du Théâtre du Vaudeville, fragments en 3 actes en vers mêlés de vaudevilles, de Barré et Piis, 12 janvier 1792.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Deux Panthéons (les), ou l’Inauguration du Théâtre du Vaudeville

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

12 janvier 1792

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré et Piis

Almanach des Muses 1793

Pièce représentée à l'ouverture du Théâtre du Vaudeville. Scènes à tiroir.

De l'imagination, des longueurs, de jolis couplets.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, à la Salle du Théâtre du Vaudeville, janvier 1792 :

Les deux Panthéons, ou l’inauguration du Théâtre du Vaudeville, Fragments en trois Actes, en vers mêlés de vaudeville ;, Par M. de Piis. Représentée pour la première fois, à l’ouverture du Théâtre du Vaudeville, rue de Chartres, au local ci-devant appelé Panthéon.

Le Français né malin, créa le Vaudeville,
Agréable, indiscret; qui conduit par le chant,
Vole de bouche en bouche et s’accroit en marchant.
La liberté française en ses vers se déploie ;
Cet enfant de plaisir veut naître dans la joie.

Boileau, Art poétique.

Mercure Français, n° 5 du samedi 4 février 1792, p. 34-36 :

[1792, c’est l’année de création du Théâtre du Vaudeville, appelé à abriter une activité très grande en matière de création dramatique. La salle nouvelle est « fort jolie », plus grcieuse que luxueuse, et c’est très bien ainsi. Mais elle est un peu petite. L’inauguration a été marquée par une pièce spéciale, chargée de présenter « tous les nouveaux Sujets dans l’emploi auquel chacun d’eux est destiné ». C’est de Piis qui a écrit une pièce que le critique trouve bien trop longue : elle a occupé toute une soirée, alors que le vaudeville doit être « une production joyeuse […] aussi rapide que légere ». L’idée de présenter la troupe est bonne, et le premier acte remplit bien cette fonction. Mais les deux autres actes ont ennuyé : le deuxième est allégorique et n’a « aucun but », le troisième est censé montrer les adversaires du Vaudeville tentant d’entrer dans son théâtre. Mais si certains adversaires, comme le drame, sont bien des adversaires du Vaudeville, la Musique, indispensable au Vaudeville, ne peut être son ennemi (le critique tient à développer cette idée, une invraisemblance à ses yeux). La réduction de la pièce à son seul premier acte, associé à « plusieurs jolis Ouvrages » du Théâtre Italien, a bien réussi à la deuxième représentation. Les acteurs présentés par le Théâtre du vaudeville ont eu des succès divers : parmi ces très nombreux Sujets, certains ont été vaincus par la timidité, tandis que d’autres ont montré un talent pour le chant et l’interprétation des couplets. Et le critique a apprécié la présence de « plusieurs jeunes filles d’une fort belle figure », qualité utile « pour un Spectacle consacré à la gaîté ». L’article s’achève sur une information à laquelle Piis tient apparemment beaucoup : il veut qu’on sache qu’il n’est pour rien dans la création et l’administration du nouveau théâtre où il se contente de faire jouer ses pièces.

A noter : l'article ne donne pas le titre de la pièce !]

Le Théâtre du Vaudeville vient de s'ouvrir, dans une Salle fort jolie, bâtie au Panthéon, par le célebre architecte M. Lenoir. Tout le monde convient des agrémens que cette Salle offre aux Spectateurs. Elégante & simple, elle a plus de grace que de magnificence, & elle est en cela plus analogue au genre de Spectacle que l’on y doit représenter. On convient encore que le Théâtre est trop petit ; mais le local seul s’est opposé à ce qu’il fût plus vaste.

M. de Piis s’est chargé de la Piece qui a servi à l’inauguration ; il s’est sans doute laissé trop aller à la prodigieuse abondance de ses idées, à la facilité extraordinaire avec laquelle il produit des Couplets charmans. Cette Piece, qui tenait à elle seule toute la durée d’un long Spectacle, a paru beaucoup trop étendue. Ce n’est pas qu’elle ne soit semée d’une grande quantité de traits fins & pleins d’esprit ; mais cette continuité même d’esprit est fatigante : qui pourrait lire de suite un Recueil de Madrigaux ou d’Epigramme ? Le Vaudeville est fait pour plaire toujours à la Nation Française ; mais cette production joyeuse doit être aussi rapide qu’elle est légere. Une Piece sur-tout, destinée seulement à célébrer l’inauguration de ce Théâtre, ne pouvant comporter aucune espece d’intérêt dramatique, ne devait qu’effleurer la matiere. On ne devait rien approfondir sans tout gâter.

Le but de l’Auteur était de faire connaître tous les nouveaux Sujets dans l’emploi auquel chacun d'eux est destiné. Cette idée était bonne ; elle est remplie dans le seul premier Acte, auquel il fallait s’en tenir en le raccourcissant. Le second est rempli des allégories perpétuelles, sur le réveil des Dieux & des Déesses opéré par les personnages du Vaudeville. Cet Acte, qui n’a aucun but, a fait peu de plaisir, malgré le sel qui en assaisonne presque tous les Couplets.

Le troisieme Acte est plus déplacé encore. Le Drame, l’Ariette de Bravoure, & un Musico à voix flûtée qui l’accompagne, veulent empêcher le petit Vaudeville & sa Troupe d’entrer dans leur nouveau domaine. Le Drame peut être en effet l’ennemi du Vaudeville, comme il l’est de beaucoup d’autres choses ; mais pour la Musique, l’allégorie n’est pas juste. La Musique est la mere du Vaudeville, il n’existe que par elle, ils ne sauraient être ennemis. Qu’est-ce en effet que des Vaudevilles, sur-tout ceux qu’on emploie aujourd’hui, si ce n’est un choix des plus jolis Airs qui soient restés dans la mémoire ? Il y a un peu d’ingratitude à M. de Piis (Auteur de la Piece) quand il se sert avec succès de morceaux de Chant de tout genre & de tous pays, de Trios, de Chœurs en parties, de Symphonies, de Marches, &c. de se déclarer l’ennemi de la Musique, & de chercher à la tourner en ridicule.

Au surplus, le premier acte de cette inauguration, celui qui avait le mieux réussi,a plu encore davantage quand il a paru seul les jours suivans. Il a été suivi de plusieurs jolis Ouvrages qui avaient déjà obtenu, sur le Théâtre Italien, des succès mérités, & qui ont réuni les mêmes suffrages sur le nouveau Théâtre qui leur est consacré.

Il nous est impossible de faire connaître les Sujets dont le nombre est immense ; la timidité inséparable des débuts étouffait les moyens de la plupart : on en a néanmoins distingué plusieurs qui ont des voix justes & une maniere de chanter des Couplets fort agréable. On peut dire en général que ces Acteurs, presque tous très-jeunes, promettent les talens nécessaires au genre qu’ils ont choisi : on y voit plusieurs jeunes filles d’une fort belle figure, & cette qualité n’est pas indifférente pour un Spectacle consacré à la gaîté.

Monsieur de Piis, qui a cru devoir à Monsieur Barré le tribut de ses talens comme Auteur, n’est pour rien dans l’Administration de ce Théâtre, ainsi qu’on s’est plu à le répandre. Voici ce qu’il a fait imprimer à la fin de son Epître dédicatoire, & ce qu’il désire de voir publier, « que toute espece d’entreprise, d’administration, de direction & de régie de Spectacle, m’est & me sera toujours absolument étranger, & que je n’ai jamais dû ni prétendre coopérer à l’établissement du Théâtre du Vaudeville, autrement que par mes Ouvrages ».

Mercure Français, n° 7 du 18 février 1792, p. 79 :

[Confirmation : il fallait bien raccourcir la pièce !]

Nous avons parlé de l’ouverture du Théâtre du Vaudeville & de la Piece faite pour l’Inauguration. Cette pièce, aujourd’hui extrêmement raccourcie, fait beaucoup plus de plaisir, & les charmans Couplets dont elle est semée, plus rapprochés, n’en font que plus d’effet.

[L’article se poursuit par la reprise de Nicaise, revu et enrichi de couplets peu originaux : le critique ne se prive pas de contester une telle méthode.]

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 2 (février 1792), p. 330-331 :

[Pièce de circonstance, qui ne survit pas à la circonstance : dès la deuxième représentation, il a fallu la modifier. Le critique insiste sur le caractère national du genre où veut se spécialiser le nouveau théâtre, fait l’éloge du début de la pièce « applaudie avec transport ». La suite est moins réussie, semble-t-il, et dès le deuxième jour de représentation, on y insère une ancienne création des auteurs, déjà éprouvée.

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Le théatre du vaudeville s'est annoncé sous des auspices heureux ; tous les autres genres de spectacles ont eu des exemples & des modelés chez les peuples de l'antiquité ; le vaudeville dut sa naissance à la gaieté françoise, & il peut s'appeller, à plus juste titre que bien d'autres théatres, spectacle national : on doit désirer, surtout, de voir la gaieté renaître & adoucir les esprits, qu'une grande révolution a mis depuis deux ans dans une fermentation qui pourroit devenir dangereuse. Tout le monde sait par cœur les jolis couplets que MM. de Piis & Barre ont fait entendre, il y a quelques années, sur le théatre de la comédie italienne ; leur nom fut un augure heureux pour l'entreprise que nous annonçons. M. Barré en est le directeur , & M. de Piis s'étoit chargé de la piece d'inauguration.

On a retrouvé dans cet ouvrage toute la grace & tout l'esprit auquel l'auteur nous avoit accoutumés depuis long-tems, & la premiere partie de l'inauguration fut applaudie avec transport. Ou y vit paroître tour-à-tour tous les sujets de ce nouveau théatre, sous le costume de l'emploi qui leur est destiné.

Nous ne pouvons encore faire connoître & distinguer tant d'acteurs différens ; cependant le public a remarqué un fils de M. Rozieres, qui annonce d'heureuses dispositions pour les rôles d'Arlequin ; Mlle. Clêricourt a joué avec finesse & chanté avec goût ; & Mlle. Lantier a été fort applaudie dans le personnage de l'Amour.

Le second acte fut moins heureux, quoiqu'il y eût le même esprit dans les couplets : les décorations n'arriverent ni à tems ni à propos, & les fautes du machiniste retomberent un peu sur l'ouvrage.

D'ailleurs, peut-être une piece d'inauguration ne doit-elle pas occuper tout un spectacle, & le vaudeville, plus que toute autre chose, a besoin de variété. Les entrepreneurs l'ont senti comme nous ; le lendemain on donna seulement la premiere partie de l'inauguration, suivie d'un divertissement très-agréable, qui a pour titre le Printems; le succès fui complet, & doit en faire espérer beaucoup d'autres.

L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-unième année, tome V (mai 1792), p. 201-204 :

Les Deux Panthéons, ou l'inauguration du théatre du vaudeville, fragment en 3 actes, en vers, mêlés de vaudevilles; par M. de Piis, représentés, pour la première fois, à l'ouverture du théâtre du vaudeville, rue de Chartres ; avec cette épigraphe ;

Le Français né malin, créa le Vaudeville,
Agréable, indiscret, qui conduit par le chant,
Vole de bouvhe en bouche et s'accroit en marchant.
La liberté française en ses vers se déploie ;
Cet enfant de plaisir veut naître dans la joie.

Boileau, Art poét.

prix 30 s. Se trouve à la salle du vaudeville, & à l'imprimerie de la rue des Nonandieres, n°. 31. Janvier, 1792.

C'étoit une entreprise bien difficile que celle de faire paraître successivement tous les sujets qui composent un spectacle, & de leur donner, pour ainsi dire, à chacun un rôle, suivant son genre & ses moyens. Quel cadre pouvoit contenir près de 60 acteurs ! Quel sujet pouvoit leur donner à chacun un personnage ! II n'y avoit qu'une piece épisodique, susceptible de pompe, de spectacle & de scènes, vulgairement nommée à tiroirs, qui pût s'accorder avec un plan aussi vaste : eh puis le désir de faire un peu connoître chaque sujet : les demandes que font sans doute ces sujets, d'avoir chacun au moins deux ou trois couplets à chanter !.... On ne peut pas se figurer la peine qu'un pareil ouvrage doit donner à son auteur. M. de Piis, dont tout le monde connoît l'esprit & la manière de tourner le vaudeville, s'étoit chargé de cette tâche difficile, & sans doute sa piece auroit eu plus de succès, s'il y eût eu, à la première représentation, plus d'ensemble, plus de rapidité & plus de justesse. Ainsi que nous l'avons déja dit, l'esprit y est répandu avec profusion, & l'imagination la plus poétique y brille par-tout. Le réveil des dieux de l'Olympe, au second acte, par les personnages de la troupe du vaudeville, est plein de grâces &. de délicatesse. Colombine a craint que Pierrot ne s'éclipsât avec la lune. Eole, réveillé par Nicole, enfloit, en soufflant, son mouchoir rouge & blanc : Babet a seule, à la ronde, réveillé tous les désirs. Un Gascon a voulu, dans son puits, réveiller la Vérité, mais, à son aspect, la Vérité s'est sauvée. Dorval gronde Agathe de ce qu'elle a réveillé la Sagesse, &c. &c. l'idée d'étendre le voile de la nuit sur les yeux des enfans qui veulent être témoins des mystères de l'amour, est très-poétique. Les pères & mères laissent l'Amour unir les jeunes gens; mais ils saisissent le Tems qui passe, & cherchent à le fixer au milieu d'eux. Enfin, cette piece, trop longue à la première représentation, ne l'est pas assez à la lecture, & nous croyons qu'on peut la citer comme un modele dans le genre du couplet; Terminons cet extrait par la citation de la description d'une salle à faire pour le drame, & qui se trouve dans le troisième acte de cette piece.

Le Geolier, au drame.

Elle est là, votre salle, & j'en vois le théâtre.

Le Drame.

Des murs de marbre noir....

Le Geolier

Des colonnes d'albâtre....

Le Drame.

Des baignoires de bronze, en forme de tombeaux.

Le Geolier.

Point de lampes en Quinquet, mais de pâles flambeaux,
Dont la fumée épaisse, en tourbillons bien sombres,
Fasse prendre au public les acteurs pour des ombres.

Le Drame.

Un manteau d'arlequin. ...

Le Geolier, l'interrompant.

Auroit le plus grand tort.

Le Drame.

Des retroussis tout blancs.....

Le Geolier.

Des spectres pour support.

Le Drame.

Des pleurs d'argent par-tout.... Pour légende à demeure,
Ces mots : Mourir n'est rien; c'est notre derniere heure.

Le Geolier.

Pour glacer les esprits en tenant les pieds froids,
Sur un parquet en plomb des sellettes en bois :
Chaque coulisse en arc, comme aux cloîtres, moulée :
Un rideau d'avant-scène, où, prés d'un mausolée,
Yeng, au clair de lune, en méditation,
Invite l'univers à la consomption.
Point de lustre en crystaux ; du ceintre de la salle
Doit descendre une lampe antique, sépulcrale,
Dont le reflet bleuâtre, avec art ménagé,
Prête au spectateur blême un visage allongé.

Le Drame, gaiement.

En décorations, sois sur-tout bien fertile ;
Point de place publique, à moins d'hôtel-de-ville ;
Point de chambre rustique, encore moins de hameaux ;
Point de coteaux rians, de prés, ni de ruisseaux :
Des landes, des marais, de jolis cimetières,
Des étangs & des lacs, des rocs & des glacieres.

Le Geolier, avec la même joie.

D'ailleurs, force cachots, mais jamaís de maisons ;
Des prisons, des prisons, & toujours des prisons.

Le Drame.

Tu devines le reste. On n'y jouera que crimes,
Que supplices, que vols, qu'assassinats sublimes ;
Depuis la mort d'Abel, assommé par Caïn,
Jusqu'au néant forcé de tout le genre humain ;
Et des bravo trop doux abandonnant l'usage,
On grincera des dents, on hurlera de rage....

(Affiches, annonces & avis divers )

Je ne vois pas ce qu'est ce « Yeng au clair de lune »...

D’après la base César, l'Inauguration s'appelle, de son nom complet, les Deux Panthéons^petits aveugles, ou l'inauguration du Théâtre du Vaudeville. Elle est l'œuvre de Pierre-Yvon Barré et Pierre-Antoine-Augustin de Piis. Elle a été jouée 15 fois du 12 janvier 1792 au 2 mars 1792. Quant au Printemps, c'est sans doute le divertissement de Barré et Piis, musique de Prot, joué dès 1781 au Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, puis en novembre 1791 au Théâtre des Enfants Comiques, et repris à partir du 13 janvier 1792 au Théâtre du Vaudeville jusqu'au 17 octobre 1792 (14 représentations).

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