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Les Deux perruques, ou l'Homme entre deux âges

Les Deux perruques, ou l'Homme entre deux âges, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, de [Francis] d'Allarde et Sewrin, 4 août 1814.

Théâtre des Variétés.

Titre :

Deux perruques (les), ou l'Homme entre deux âges

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

4 août 1814

Théâtre :

Théâtre des Variétés

Auteur(s) des paroles :

[Francis] d’Allarde et Sewrin

Journal de Paris, n° 217 du 5 août 1814, p. 1 :

[Rapide compte rendu de la première, présentée comme un succès disputé. Le vrai compte rendu est remis au lendemain.]

THÉATRE DE$ VARIÉTÉS.

Première représentation de l'Homme entre deux âges,

ou les deux Perruques, comédie-vaudeville en un acte.

L’Homme entre deux âges est resté entre deux chances. Si l’on eût fait à la pièce la même opération qu’au personnage de la fable, si chaque spectateur en eût ôté ce qui lui a déplu, les indifférens eussent ri de la nudité, et pourtant, en y regardant de près, on eût encore aperçu un succès.... Demain nous reparlerons de cette pièce.

Journal de Paris, n° 218 du 6 août 1814, p. 1-3 :

[Le début de l'article, fort long, commence par la comparaison de la pièce des Variétés avec celle présentée peu avant au théâtre de l'Odéon (le Mari trompé, battu et content), et qui a en commun la source d'inspiration, une fable de La Fontaine pour l'un, un conte du même pour l'autre. Le succès a été plus net à l'Odéon qu'aux Variétés, chacun ayant choisi de traiter le sujet d'une manière décente (à cette époque, La Fontaine est encore jugé comme un auteur peu convenableau moins en ce qui concerne ses contes). L’analyse du sujet développe une intrigue matrimoniale, les aventures d’un homme qui a décidé de se marier (à 50 ans, c’est le bon âge, au contraire de son oncle qui, à soixante ans, est bien trop vieux...), mais empêche son neveu d’en faire autant (trop jeune, bien sûr). Deux femmes veulent épouser le célibataire endurci, chacune exigeant de lui le contraire de l’autre. Il est un peu perdu entre ces deux femmes à qui il a promis le mariage. Mais c’était une supercherie : ces dames voulaient lui montrer « qu'il faut laisser se marier ensemble les gens dont l'âge est assorti ». Bien sûr, il n’épouse personne, mais permet à son neveu de se marier. Et la pièce cite la fable de la Fontaine. Elle est égayée par un vieux valet qui donne dans un couplet le bilan, peu reluisant, de ses trois mariages. Ce sont justement les couplets qui sauvent la pièce : pour une fois, ils sont travaillés, ne se contentant pas d’une pointe venant après six vers insipides. Une restriction de la part du critique : la pièce est bien proche du Ci-devant Jeune homme, de Pothier, caricature réussie de plusieurs originaux, quand la pièce nouvelle se limite à une idée morale peu originale. Elle a été applaudie, les auteurs ont été nommés. Mais il faut tout de même relever le peu d’implication des acteurs, sauf une : l’un n’est pas à l’aise dans son rôle, un autre ne sait pas son texte, une troisième a mal choisi son costume, et joue de façon exagérée : elle cesse d’être une coquette pour être ce que la classification théâtrale ne connaît pas encore.

L'article du Journal de Paris a été repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, tome 9, septembre 1814, p. 272-278.]

THÉATRE DE$ VARIÉTÉS.

Les deux Perruques, ou l’Homme entre deux âges.

Voilà le bonhomme plus à la mode que jamais. Dans l’espace de quelques jour, on lui a emprunté, pour les mettre en scène, un de ses contes et une de ses fables ; et ce qui pourra sembler une contradiction assez bizarre, c'est le théâtre des Variétés, auquel son genre badin et gaillard pouvait faire pardonner quelques licences un peu gaies, qui s’est décemment approprié la fable, tandis que le grave Odéon a fait son profit d'un conte tant soit peu graveleux ; il est vrai qu'il ne l'a mis devant nos yeux que ab omni obscœnitate curatissimè expurgatum.

La hardiesse de l'Odéon a été récompensée par un succès plus complet que la modeste réserve des Variétés. Serait-il donc vrai que Thalie ressemble aux autres femmes, et qu'avec elle il faille oser. Voici comment la fable a été ajustée pour le théâtre.

Monsieur de Boisflotté, homme de cinquante ans, croit qu'il est dans le seul âge propre au mariage. Il s'oppose à celui de son neveu qui n'a que 19 ans, et blâme celui que veut contracter son oncle qui en a plus de soixante. Selon lui, l'un doit encore attendre, et l'autre a trop attendu.

Quelle épouse choisira le nubile M. Boisflotté ? Il est dans l'embarras du choix. L'heureux célibataire est courtisé, ou du moins il le croit, par deux veuves d'un âge et d'un caractère bien différent. Madame de Surville est jeune et d'une étourderie qui va jusqu'à, la ,folie ; madame Dorvillé, douairière de 65 ans, est un modèle de sagesse et de raison. L'une, après un déjeuner égayé par les vins les plus exquis, l'entraîne dans les magasins les plus élégans et le livre aux Michalon, aux Léger, aux Aslhey pour le mettre en état de paraître avec elle à l'Opéra ; l'autre le gronde d'avoir accepté la veille un boston qui l'a mené très-loin, il n'est rentré qu'à ,près de dix heure : – Mon ami, luia dit sa craintive amante, avec une vie comme celle-ci vous vous tuerez. M. de Boisflotté est un de ces hommes avec lesquels le dernier qui parle a toujours raison. Tour-à-tour il se laisse entraîner dans le tourbillon des plaisirs par la séduisante Surville, et médite un orjet de réforme avec la raisonnable Dorvillé : il se persuade avec la première qu'il est encore dans l'âge heureux consacré à la volupté, et un instant après la seconde lui fait avouer qu'il a besoin de régime et de repos. Quelle est la surprise, quelle est la colère de la belle aux treize lustres, quand elle voit son prétendu affublé d'un costume où la mode est exagérée jusqu'à la caricature ; on devine que cette mascarade est l'effet de la condescendance aux desirs de la jeune folle ; elle lui arrache sa légère perruque blonde et la remplace par une large perruque à la financière ; madame de Surville paraît, soutient ses droits et enlève la perruque surannée. « C'est mon mari, répond la rivale, j'ai seule le droit de le coiffer. » L'une et l'autre ont raison ; le faible Boisflotté a souscrit à chacune d'elles une promesse de mariage et un dédit de trente mille francs. Les deux perruques sautent par la fenêtre, et ces dames ne paraissent pas disposées à s'arrêter en si beau chemin. Notre galant de cinquante ans est assez embarrassé de sa convenance, lorsqu'on lui apprend que tout ce qui s'est passé n'est qu'un badinage qui cache une leçon. On s'est moqué d elui. Les deux veuves se sont chargées de lui apprendre qu'il faut laisser se marier ensemble les gens dont l'âge est assorti.

L'hymen est un voyage heureux
Quand les époux qu'amour rassemble
Au même pas marchent ensemble, (
bis)
Et se soutiennent tous les deux.
Mais lorsque ralenti par l'âge
Le mari s'arrête en chemin,
Alors la femme la plus sage
A bon droit devenant volage,
Peut prendre le bras du voisin
Pour finir gaîment le voyage.

On n'a pas de peine à faire convenir de cette vérité un homme habitué à convenir de tout ce qu'on veut. Il reconnaît son erreur ; aucune des deux veuves n'est son épouse ; il devient l'oncle de la jeune et le neveu de la vieille, et reste garçon jusqu'à nouvel ordre.

Comme il croit devoir un remerciement aux deux dames, il appelle à son secours le souvenir que lui retrace la petite mystification qu'on a exercée sur lui. Il leur récite ces vers que Lafontaine met dans la bouche de l'homme entre deux âges :

Je vous rends en ce jour mille grâces, les belles,
        Qui m'avez si bien tondu,
        J'ai plus gagné que perdu,
        Car d'hymen point de nouvelles.
Celles que je prendrais voudrait qu'à sa façon
        Je vécusse, et non à la mienne.
        N'est tête chauve qui tienne,
Je me suis obligé, belles, de la leçon.

Un rôle sur lequel on avait compté pour égayer cette pièce est celui d'un vieux valet, philosophe-pratique ; il rit de la folie de son maître ; et comme il a été marié trois fois, il voudrait le faire profiter de sa triple expérience. C'est ainsi qu'il trace en traits rapides le portrait de ses trois femmes :

Air : Daignez m'épargner le reste.

Ma première était une Agnès
Qui, dans son heureuse ignorance,
Aux galans charmes de ses traits
Donnait plus que de l'espérance.
Ma seconde était sans raison
Jalouse et colère à l'extrême ;
Ma troisième était un démon
Qui brisait tout dans la maison :
Dieu m'épargne la quatrième.

Les couplets seuls ont sauvé la pièce ; ils sont spirituels, mais c'est aux dépens du dialogue que les auteurs ont dépouillé de tous les traits plaisans pour les aiguiser en couplets ; ils ont en outre le mérite d'être écrits avec assez de soin ; c'est un travail dont se dispensent aujourd'hui presque tous les coupletiers ; dès qu'ils croient avoir trouvé une pinte, ils se hâtent d'en armer un huitain, dont les six premiers vers sont toujours brochés avec une négligence nuisible à 'effet de l'ouvrage et ijurieuse pour le public comme pour le théâtre auquel on offre la pièce.

Quelques traits de ressemblance avec le Ci-devant Jeune homme ont fait tort à l'Homme entre deux âges. La première de ces deux pièces est une satire vive et piquante d'un ridicule très-commun ; et Pothier y retrace au naturel la caricature de plusieurs originaux qui choquent les yeux et excitent le rire. Le vaudeville nouveau n'est qu'une idée morale usée dès long-temps, et qui ne gagne rien à être délayée dans un acte assez long. On me croira sur parole quand j'affirmerai que la pièce de MM. Francis et Charles, quoiqu'elle leur ait valu des applaudissemens et l'honneur d'être nommés, ne fera pas oublier la fable de Lafontaine.

Contre l'usage de ce théâtre les acteurs ont joué froidement. Madame Baroyer seule a mis dans son rôle cette verve qui anime tous ceux qu'on lui confie. Pothier n'a pas paru plus à son aise dans son rôle que dans son costume de petit-maître. Tiercelin sera sans doute excellent, comme à son ordinaire, quand il jouera son rôle tout seul ; la partie considérable qu'il en a cédé au souffleur a nui à l'effet du reste.

Au lieu du négligé élégant d'une petite maîtresse qui court à un déjeuner, mademoiselle Cuisot a mis un costume de bal. Ce contre-sens dans le vêtement n'est pas le seul qu'elle ait commis ; elle a tellement exagéré l'expression qu'elle a donnée à son rôle, qu'il sortait de l'emploi des coquettes pour rentrer dans un autre qui n'est pas encore compris dans la classification théâtrale.

A. Martainville.          

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