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Émilie, ou les Femmes

Émilie, ou les Femmes, vaudeville en un acte, de Jean-Baptiste Dubois, 10 frimaire an 11(1er décembre 1802).

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Émilie, ou les Femmes

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

10 frimaire an 11 (1er décembre 1802)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Jean-Baptiste Dubois

Almanach des Muses 1804

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez J. F. Girard, an XI – 1802 :

Emilie ou les femmes, Comédie en un acte mêlée de vaudevilles. Par J. B. Dubois. Représentée pour la première fois sur le théâtre du Vaudeville le 10 Frimaire an XI.

Courrier des spectacles, n° 2097 du 12 frimaire an 11 [3 décembre 1802], p. 2-3 :

[Le titre n’est pas neuf, et l’auteur de la nouvelle pièce n’a pas à jouer les modestes face à la production médiocre de son prédécesseur. Sa pièce a plu au public par ses couplets, et il a réussi un vaudeville bien dans la tradition du genre. L’intrigue résumée ensuite n’est pas très originale  une veuve jeune et jolie, courtisée par un père et son fils, le père tentant de sonder les intentions de la jeune femme en se déguisant en valet. Il finit bien sûr par être démasqué, et la veuve et le fils concluent une union plus conforme à ce qu’on attendait. Les acteurs ont bien joué leur rôle, et l’article s’achève par un dernier couplet à l’adresse des messieurs, invités à protéger les femmes, et à revenir voir la pièce (invitation peu originale, elle aussi).]

Théâtre du Vaudeville.

Première représentation d’Emilie ou les femmes.

Dumoustier a déjà mis en scène les Femmes, et cette comédie, quoique remplie de jolies détails et de choses fines et spirituelles, n’est certainement pas son meilleur ouvrage, aussi l’auteur de la nouvelle pièce me paroît-il bien modeste lorsqu’il dit dans son couplet d’annonce que

C’est vainement qu'il suit ses traces,
Car son ouvrage est imparfait,
Lorsque pour guide on prend les Grâces,
On s’égare avec son sujet.

Si le cit. Dubois s’est égaré avec le sien, ces momens d’absence n’ont point excité la jalousie des spectateurs, les dames elles- mêmes lui en ont sçu bon gré, sur-tout lorsqu’on l’a vu sortir avec succès de l’espèce de labyrinthe qu’il s’étoit créé à lui-même. Pour démêler le fil de l’intrigue, l’espace a paru un peu resserré ; mais c’est encore ce qui augmente le mérite de la difficulté vaincue. D’ailleurs il faut convenir qu’on n’a point cherché à le décourager ; au contraire, on lui a prodigué de nombreux applaudissemens qu’il payoit argent comptant en bonne monnoie courante du vaudeville, en couplets fort agréables ; une chose n’a pas peu contribué à cette réussite ; c’est la rapidité avec laquelle il a marché à son but.

Semper ad eventum festina.

Point de détails oiseux, point de couplets de porte-feuille et mal amenés ; bref , c’est un joli bouquet dont le public a reçu l’offrande avec intérêt et bienveillance, et qui méritoit cet accueil.

Emilie, veuve jeune et jolie, doit, pour se conformer aux ordres de feu son pere, donner sa main à M. de Verseuil, père d’Eugene. Mais Verseuil est à Lyon, Eugene est à Paris, et les absens ont tort. D’ailleurs le père est sur le retour et le fils dans son printems ; le fils est donc le plus aimable et le plus aimé.

Verseuil est en route pour se rendre à Paris ; il tombe malade. Eugène fait part de cet accident à Emilie, qui l’apprend avec froideur. Il lui écrit une lettre sévere sur son indifférence. Verseuil, qui pour étudier la veuve a pris les devants et est arrivé à Paris sous les habits d’un Valet, entend son fils qui accuse Emilie d’insensibilité. Il se fait reconnoitre, et blâme le caractère de la veuve. Eugène, qui craint que son père ne s’oppose à son union avec une femme dure et insensible, cherche à le détromper. Il recommande à Emilie de feindre au moins de la sensibilité devant le valet de son père y sans lui avouer que c’est son pere lui-même. La coquette se prête à ses intentions au point de faire croire à Verseuil qu’il est aimé ; ce qui désole Eugene, qui lui en fait des reproches. Comment faire ? Elle cherche à complaire à son amant. Aussi au retour du faux valet sa tristesse est disparue, et elle part pour Bagatelle avec sept ou huit de ses amies. Verseuil veut faire une dernière épreuve. Son fils cherche à l’en détourner.

Elle n’aime, dit-il, que les jeunes-gens. A quoi Verseuil répond :

.    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .
Mon ami , puis-je dans ce jour,
En conscience exiger d’elle
Les feux dévorans de l'amour ;
Je n’en ai plus qu'une étincelle.

Eugene.

D’après des aveux aussi francs
Recevez les miens, je vous prie.
Vous avez , graces à vos ans,
Bien peu d’amour pour Emilie ;
Mais moi puis-je éteindre le feu
Qui me brûle en secret pour elle :
Il vous en coûteroit si peu
Pour n’étouffer qu’une étincelle.

Cependant Verseuil tient à son projet. Les femmes reviennent. La Soubrette a découvert le déguisement de Verseuil et le dessein qu’il a d’annoncer sa mort, pour voir jusqu’à quel point on le regrettera. Il paroît, il parle de la maladie de son maître, de sa mort. Evanouissement général et concerté. La soubrette elle-même est sans connoissance. Verseuil est embarrassé ; son fils accourt ; et pour le consoler de la mort de son père, pour répondre aux intentions qu’on suppose au pauvre défunt, Emilie propose sa main à Eugene, malgré les mais et les si du vieux valet, qui se voit reconnu enfin pour Verseuil lui-même.

Les citoyens Julien et Vertpré ont joué avec intelligence les deux rôles de Eugene et Verseuil.

Mlle Belmont a déployé un grand talent dans le rôle d’Emilie. Voici le couplet qu’elle chante au public , et qu’on a vivement redemandé.

On dit, messieurs, qu’un rendez-vous
Ne vous cause pas d’épouvante ;
Chaque soir ici venez tous,
Et vous comblerez notre attente ;
Vous ferez taire les méchans
Qui vous lancent des épigrammes ;
Vous êtes Français et galans,
Vous devez protéger les femmes.

F. J. B. P. G***

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, VIIIe année (an XI – 1802), tome IV, p. 536-538 :

[Le compte rendu s’ouvre sur un reproche fait d’un ton léger, celui pour un jeune audace d’avoir voulu traiter ce sujet indéfinissable que sont les femmes. Mais ce n’est que dans un vaudeville, et il y montre surtout sa faible connaissance des femmes, puisqu’« il les fait médire d'elles-mêmes », le seul défaut qu’elles n’ont pas. L’intrigue repose sur la rivalité amoureuse d’un père et de son fils, qui aboutit à la confusion du père et au mariage du fils avec celle qu’il aime. La pièce s’achève sur un joli mot. Mais « les gens de goût ont reconnu dans cette pièce plusieurs scènes imitées du Cercle de la Coquette, même de l'Intendant » (plagiat), et ils ont cherché en vain un but moral à la pièce (c’est pourtant indispensable), les plaisanteries leur on paru éculées ou déplacées. Le critique leur fait rejeter l’idée que « de jolis couplets suffisent pour faire une piece même passable ».

Théâtre du Vaudeville.

Emilie, ou les Femmes.

Il étoit un peu hardi à M. Dubois, qui n'a fait encore que quelques pas dans la littérature et dans le théâtre, de vouloir peindre les femmes, que plusieurs philosophes ont avoué ne pouvoir définir. Cette objection tombe d'elle-même, lorsqu'on pense que c'est dans un vaudeville en un acte que M. Dubois a entrepris ce tableau, dans lequel, en effet, il a représenté des femmes bien indéfinissables.

Si un vaudeville n'étoit pas sans conséquence, je lui reprocherois de s'être mis en concurrence avec Dumoustier, dont la plume gracieuse avoit le droit de peindre un sexe contre lequel on a toujours quelque tort de faire des épigrammes.

L'auteur du vaudeville nouveau prouve qu'il connoît bien peu les femmes, lorsqu'il les fait médire d'elles-mêmes : assurément si ces dames sont dissimulées, fausses, jalouses, je doute qu'elles en conviennent entre elles : c'est pourtant ce qu'elles font dans le vaudeville nouveau. Au reste, l'intrigue est très commune, et les détails plus piquans que vraisemblables.

Un père et son fils sont rivaux. Le père, déguisé en valet, vient pour éprouver Emilie, qui, comme de raison, préfere le fils ; mais cette Emilie est une évaporée, une coquette, qui, pour plaire à son amant, joue tantôt la folle, tantôt la femme sensible, et qui, au fond, ne sait pas elle - même ce qu'elle est. Si c'est là ce qui empêche le père de l'épouser, il a bien raison ; mais le dénouement n'est pas fondé sur un motif aussi raisonnable. Le père se fait passer pour mort, et veut voir comment on prendra cette nouvelle. Un évanouissement de commande a lieu à l'instant, et toutes les femmes se jettent à la renverse dans des fauteuils préparés : puis, comme le père est mort, Emilie donne sur le champ sa main au fils, et le père y consent. Ensuite Emilie, très-bien représentée par M.me Belmont , s'avance et dit au parterre d'un petit air malin :

Vous êtes François et galans,
Vous devez protéger les femmes.

On applaudit et la toile tombe : mais les gens de goût ont reconnu dans cette pièce plusieurs scènes imitées du Cercle de la Coquette, même de l'Intendant ! Il n'ont pas vu le moindre but moral, ils n'ont pu sourire à des plaisanteries rebattues et à des épigrammes déplacées ; et ils ne conviennent pas que de jolies couplets suffisent pour faire une piece même passable, jouée le 29 frimaire.                 T. D.

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