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Encore un Curé

Encore un Curé, fait historique et patriotique, en un acte et en vaudevilles, de Radet et Desfontaines, 30 brumaire an 2 [20 novembre 1793].

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Encore un curé

Genre

fait historique et patriotique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

30 brumaire an 2 [20 novembre 1793]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Radet, Desfontaines

Almanach des Muses 1794

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Brunet :

Encore un Curé, fait historique et patriotique, En un Acte et en Vaudevilles, Des Citoyens Radet et Desfontaines. Représenté à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 30 Brumaire, l'an deuxième de la République, une et indivisible.

L'Esprit des journaux, juillet et août 1795, p. 40 -46 :

[Un très long compte rendu tardif, qui, pour l’essentiel, résume une intrigue qui n’en est pas une, qui raconte la renonciation par un curé de son statut, et son adhésion entière à la société nouvelle : marié dès le début de la pièce, on le voit abandonner son état de prêtre (et la rémunération qui va avec, pour prendre les armes. Pas de jugement sur la pièce, dont on saura seulement qu’elle « est fort bien jouée » et qu’elle est de Radet et Desfontaines.]

THEATRE DU VAUDEVILLE, RUE DE CHARTRES

Encore un Curé, fait historique & patriotique en un acte & mêlé de vaudevilles, par le cit. Radet & Desfontaine.

N’ayant pas pu nous procurer l'extrait de cette piece dans la nouveauté, nous y revenons, dans l'espoir que la gaieté qui y regne fera plaisir.

La représentation de cette piece fut annoncée par le couplet suivant, que le cit. Delaporte chanta à la fin à'Arlequin afficheur, sur l'air du vaudeville de cette petite comédie.

Vous offrir encore un curé
Lorsque l'on proscrit la soutane,
Chez nous le patriote entré,
Tout bas murmure & nous condamne.
Ce n'est pas d'aujourd'hui vraiment,
Que sous la soutane on vous triche,
Je vous le dis confìdemment,
Tout n'est pas sur l'affiche.

Puisqu'Arlequin ne veut pas nous révéler tout le secret de la comédie, il faut bien que nous écoutions attentivement la piece pour en rendre compte à nos lecteurs. Un curé de village étoit déjà fort dégoûté de son état, avant d'épouser une sœur-grise aussi bienfaisante que jolie ; & depuis qu'il est avec elle, son état est pour lui encore plus insupportable. Julie s'est apperçue d'une certaine inquiétude que son mari ne sauroit dissimuler ; & lorsqu'elle a voulu lui faire quelques questions à ce sujet, elle n'a jamais pu obtenir une réponse satisfaisante. Sa servante, Gothon en est d'autant plus surprise, que depuis dix ans qu'elle sert le curé, elle ne lui a jamais connu de chagrin, & que toujours elle l'a vu mener la conduite la plus réguliere. Aussi, dit elle, sur l'air : Cet arbre apporté de Provence.

Ce brave homm' quoiq'tendre & sensible,
Maître d'son cœur & d'sa raison,
Resta fidele au devoir pénible
Qui le forçoit d'être garçon ;
Mais aussi dès qu'une loi moins dure
Ly a permis d'écouter l'amour,
Soudain à la voix d'la nature,
Il s'est mis à l'ordre du jour.

Julie fait observer à Gothon que cette loi bienfaisante étoit celle de la primitive église, & elle se félicite de ce qu'elle rendra au bonheur & à la société une infinité d'êtres inutiles & malheureux ; mais cette réflexion n'empêche pas Gothon de trouver cela fort singulier. Aussi chante-t-elle sur l'air : Paix donc, tais-toi ma mer' m'appelle.

Vous qui jadis étiez sœur-grise,
Vot'homme' qu'étoit homme d'église,
Avoit fait vœu de chasteté ;
Vous l'aviez fait de vot' côté.
Et v'là que vous finissez par être
       La moitié d'un prêtre !
Ca n'devoit pas finir par-là,
Puisque ça commençoit comm'ça.

Le curé survient, & Julie veut absolument savoir quelle est la cause de l'ennui qu'il éprouve. Il s'obstine encore à la lui cacher ; mais quand elle est sortie, il ne peut plus se dissimuler à lui-même que son état le fatigue, & que cela provient peut être de ce qu'on est las des prêtres, & sur-tout de ce qu'il croit qu'on a raison. Oui, dit-il, mes chers confreres, vous avez beau crier.

Cessez vos plaintes indiscretes :
Clergé, le peuple est détrompé ;
Trop long-tems vous l'avez dupé ;
Adieu paniers, vendanges sont faites.

Cependant un garde national, le fusil sur l'épaule, le sac sur le dos, entre dans le presbytere, & prie le curé de lui indiquer une bonne auberge ; mais le curé le retient chez lui & se félicite de pouvoir lui donner l'hospitalité. Ils boivent, ils fument ensemble une pipe, ils deviennent grands camarades. Julie paroìt, & le soldat la trouve infiniment jolie. Tu es bien heureux, dit-il au curé, d'avoir une si gentille gouvernante. Ce n'est pas une gouvernante, dit l'homme d'église, c'est ma femme. – Ta femme, répond le soldat étonné, tu es connoisseur ! – C'est vrai.

Air : de la Croisée.

Des habitans de ce hameau,
Ami sûr & guide fidele,
J'étois pasteur d'un grand troupeau ;
Mais, las! pasteur sans pastourelle ;
Le nouveau code m'a permis
De faire une tendre folie,
Et de mes aimables brebis,
      J'ai pris la plus jolie!

De pareilles confidences amenent une plus grande intimité ; le curé, après avoir assuré au soldat qu'il veut, à quel prix que ce soit, abandonner son état, ajoute sur l'air : du Vaudeville d'Arlequin afficheur.

Je suis bien loin en vérité
De penser commes mes confreres :
Ce n'est que sur l'utilité,
Q'on doit mesurer les salaires ;
Un prêtre est toujours trop payé,
Et la nation est trop bonne ;
L'argent le plus mal employé
Est celui qu'on nous donne.

Le soldat étoit de cet avis, mais n'osoit pas le dire ; le curé lui en épargne la peine ; & pour lui prouver ensuite qu'il est digne d'abandonner l'église, il quitte la soutane, prend un fusil & fait l'exercice aussi bien que le pourroit un ancien soldat. Gothon, qui l'a surpris dans cette occupation, est enchantée de son maître qui aime bien mieux cela, dit-elle, que de marmotter des oremus. Ah ! s'écrie le soldat, pourquoi tous les hommes d'église ne pensent-ils pas comme celui-ci ?

Air : du vaudeville de Rose & Colas.

Que de tous ces bons apôtres-là
On feroit une belle milice !
Pour le nôtre, au tems où nous voilà,
Chacun d'eux doit quitter son service ;
Si cependant ces chers chrétiens
Tenoient encore à leurs prieres,
Ils chanteroient sur nos frontieres
Le requiem des Autrichiens.

Julie & le vieux villageois Bertrand, suivis de tout le village, viennent présenter des bouquets au curé ; c'est la veille de sa fête. Le pasteur les reçoit, mais il ne veut plus porter le nom de Bernard, parce que ce saint fondoit des monasteres, en troquant les terres du paradis avec les terres de ce bas monde, & il désire d'être désormais appelé Aristide, parce que ce grand homme mérita le surnom de juste, par ses vertus & son respect pour les loix. S'adressant ensuite aux villageois, il leur dit, fur l'air : du vaudeville de l'Isle des femmes.

Aux saints que l'on vous fit prier,
De ce moment cessez de croire,
Et de l'ancien calendrier
Perdez à jamais la mémoire ;
A notre usage, mes enfans,
Nous en composerons un autre,
Des républicains du vieux tems,
Et des héros du nôtre.

Le garde national, suivant l'exemple du curé, dit qu'il veut quitter le nom de Claude pour prendre celui de Scévola, qu'il joindra désormais à celui de Bitri. Quoi! c'est vous qui êtes Claude Bitri, menuisier de Paris ? s'écrie alors Bertrand, les larmes aux yeux. – Oui. – Demeurant dans cette ville, rue de la Licorne, n°. 3 ? – Moi-même. – Ah! mon ami, que je vous embrasse. On veut savoir de Bertrand quelle est la cause de sa joie, & il tire de sa poche une lettre qu'il vient de recevoir de son fils,.& dans laquelle ce jeune homme lui apprend que Claude Bitri, chargé d'escorter de Bressuire à Saumur 24 prisonniers faits sur les brigands de la Vendée, les avoit soignés, les avoit traités comme les freres, malgré qu'ils l'eussent fait cruellement souffrir quelques jours auparavant, & qu'il leur avoit dit que pour toute vengeance, un républicain rendoit toujours le bien pour le mal.

Tout le village est enchanté ; chacun embrasse Bitri, & le curé qui n'est pas le dernier, déclare, qu'il abjure son métier ; que son évangile sera désormais la constitution ; sa divinité, la république ; & ses idoles, la liberté & l'égalité. Il ajoute qu'il renonce à son traitement de prêtre ; je le devois à l'erreur, s'écrie-t-il, je le sacrifie à la vérité. « Oui, mes amis, ce n'est pas assez d'abjurer un état dont un peuple régénéré ne doit plus souffrir l'existence, cet état a imprimé sur tout mon être une tache que je ne puis effacer que dans le sang de nos ennemis, & demain matin je partirai pour aller les combattre. Tant pis pour les prêtres qui n'imiteront pas mon exemple. »

Tous les villageois crient bravo ; la femme du curé approuve sa résolution. Il la charge d'aller offrir ses lettres de prêtrise à un légistateur, & il conseille à ses ci devant paroissiens d'aller eux-mêmes leur porter les vains ornemens de nos cérémonies gothiques. Alors Gothon propose de faire un feu de joie des saints de bois, Pierre & Laurent, & de porter à la monnoie Jacques & Jean, qui sont d'argent. Les paysannes atteignent d'une armoire ces petites statues, avec les ornemens d'église, & les emportent suivant le conseil du curé. La piece finit par un vaudeville, sur l'air : des bonnes Gens, dont nous allons citer le couplet que chante Bertrand.

      Que ce jour éternise
      Le regne de l'équité:
      Faisons de notre église
      Un temple à la vérité ;
Bannissons les vieux mysteres
      De cette vieille maison,
      Pour y célébrer en freres,
      La fête de la raison.

Cette piece est fort bien jouée par les cit. Duchaume, Fréderick, Chapelle, & les citoyennes Lescot & Barral. On en demanda l'auteur à grands cris. Le cit. Delaporte vint nommer les cit. Radet & Desfontaines, & chanta ensuite le couplet par lequel nous allons terminer cet article.

Deux auteurs ont fait au Retour,
Et vous protégez leur ouvrage ;
Tous les deux à l'ordre du jour,
Briguent encor votre suffrage;
Qu'à leur esprit, malgré leurs soins,
Ce soir on ne soit pas propice,
Mais à leur civisme du moins,
      Que l'on rende justice.

Dans la base César, 9 représentation au théâtre du Vaudeville en 1793 (première le 20 novembre 1793), 16 en 1794 (3 au théâtre du Vaudeville, 1 au Capitole de Tulouse, 12 au théâtre de la Montagne).

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