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Fitz-Henri, ou la Maison des fous

Fitz-Henri, ou la Maison des fous, drame en trois actes mêlé de chant, de danse et de pantomime, de M. René Périn, musique de M. Taix, ballets de M. Angomard, Théâtre des Jeunes Elèves, 20 Vendémiaire an 12 [13 octobre 1803], Théâtre de la Gaîté, 25 Fructidor an 12 [12 septembre 1804].

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Chez Barba, 1812 :

Fitz-Henri, ou la maison des fous, drame en trois actes, mêlé de chant, de danse et de pantomime ; Paroles de M. René PERIN ; Musique de M. TAIX. Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre des Jeunes Elèves de la rue de Thionville, le 20 Vendémiaire an 12, et remis au Théâtre de la Gaîté, le 25 Fructidor an 12.

Il existe une providence
Qui punit les enfans ingrats.

      Acte Ier, Scène VIII.

Courrier des spectacles, n° 2413 du 21 vendémiaire an 12 (14 octobre 1803), p. 2-3 :

[Le goût du jour est au genre larmoyant. Les grands théâtres le servent en rejouant « force drames anciens », le plus modeste Théâtre des Jeunes Élèves agit de même en proposant un drame nouveau qui tire force applaudissements et force larmes des spectateurs. Un drame auquel le critique ne trouve à reprocher quelques redites et longueurs (reproche rituel) et l’imitation du dénouement de Nina . Il nous résume ensuite une histoire effectivement émouvante, tout finissant au mieux : le père retrouve sa fille et lui pardonne, et son gendre obtient aussi le pardon pour avoir abandonné sa famille. La pièce, à défaut d’être bien jouée, est jouée avec ensemble, et le divertissement final est une « petite allégorie » bien dans le ton de la pièce. Les divers auteurs (paroles, musique et danse) ont l’honneur d’être cités.]

Théâtre des Jeunes Elèves, rue de Thionville.

Première représentation de Fitz-Henry, ou la Maison des Fous.

A l’exemple de nos grands théâtres qui reproduisent force drames anciens, tels que Misanthropie et repentir, le Déserteur, etc., celui des Jeunes Eleves vient d’en offrir un nouveau qui doit y attirer les amateurs du genre larmoyant. Il a obtenu un grand succès, si l’on doit en juger par les applaudissemens qu’il a reçus et par les pleurs qu’il a fait couler. Il y règne véritablement un intérêt puissant et soutenu ; les situations en sont attendrissantes, quelquefois déchirantes : et si l'auteur avoit évité les redites et quelques longueurs. ; s’il avoit pu éviter le reproche qu’on peut lui faire d’avoir un peu imité le dénouement de Nina, nous n’aurions que des éloges à donner à cette production nouvelle. Voici la manière dont il a traité son sujet :

Fitz-Henry abandonné depuis dix ans par Cécile sa fille qui a suivi Arthur sou séducteur, en a conçu un tel chagrin, que sa raison s’est aliénée, et qu’il a été renfermé dans une maison de foux. Cécile délaissée elle-même par Arthur, revient avec son fils aux lieux qui l’ont vue naître ; et en horreur à tous ceux qui l’ont connue, en horreur à elle-même, elle retrouve une amie de son enfance dont le père est administrateur de l’hospice des foux.

Elle obtient de ce seigneur une grâce, celle d’être admise dans la maison où est son père, et de pouvoir lui prodiguer ses soins. Elle espère encore en obtenir son pardon. Introduite dans l’hospice, elle y trouve son père qui ne la reconnoît pas, mais qui la croyant morte, conserve son souvenir et lui a élevé un tombeau. Dans un moment où il croit la voir encore lui offrir une rose, il bénit sa fille, et baisse vers elle son front sur lequel Cécile imprime un baiser ; ce moment le rend à lui-même ; il reconnaît sa fille et lui pardonne. Pour combler son bonheur Arthur repentant demande sa grâce et l’obtient.

Cette pièce est en général jouée avec ensemble ; elle se termine par un joli divertissement, petite allégorie où figurent l’Amour et l’Hymen qui président à l’union des époux.

L’auteur de cet ouvrage est M. Réné-Perrin ; celui de la musique, M. Tèxe ; et celui des ballets, M. Angomard.

Courrier des spectacles, n° 2756, du 26 fructidor an 12 (13 septembre 1804), p. 4 :

[Plutôt que de parler de la pièce, c’est une question de plagiat qu’il s‘agit de régler, puisque la nouvelle pièce de l’Ambigu-Comique ressemble beaucoup à celle de la Gaîté : qui a copié sur l’autre ? Mais c’est un faux débat : s’il y a plagiat, c’est de la part de l’auteur de l’Ambigu-Comique, puisque la pièce de René Perrin a déjà été joué cinquante fois avant la création de la pièce de l’Ambigu-Comique... Faux débat qui ressemble à un coup de publicité, peut-être ?]

Théâtre de la Gaîté.

Fitz-Henri, ou Encore une Fille coupable.

Avant de parler de cette pièce, il est juste d’annoncer que l’auteur nous a prévenus, il y a quelques jours, que l’on trouveroit dans son ouvrage plusieurs traits de ressemblance avec celui que l’on joue à l’Ambigu-Comique. S’il n’étoit question que des idées principales, ces ressemblances n’auroient rien d’étonnant, puisque les deux auteurs ont puisé dans le même roman; mais il y a des détails qui n’appartiennent point au roman, et ces détails néanmoins offriront plusieurs traits de ressemblance. D’où provient cette singulière identité ? Est-ce l’auteur de Fitz-Henri qui s’est approprié les idées de M. Varès qui l’a précédé à l’Ambigu-Comique ? En examinant superficiellement les choses, on seroit tenté de le croire ; en les approfondissant mieux, l’auteur de Fitz-Henri se trouve absous ; car les administrateurs de la Gaité déclarent que sa pièce avoit déjà eu cinquante représentations avant celle de l’Ambigu Comique ; et M. Varès avoit assisté à plusieurs de ces représentations, il est donc à présumer que M. Varès u’a pu se mettre en garde contre sa mémoire, et qu’elle l’a servi quand il comptoit ne faire usage que de son imagination. Quoi qu’il en soit, si M. Varès a dû être satisfait de l’accueil que le public a fait à la Fille coupable et repentante, M. René Perrin, auteur de Fitz-Henri, ne peut de son côte que s’applaudir du succès qu’a obtenu de nouveau son mélodrame. Il a été demandé après la représentation ; et a été amené sur le théâtre avec Mlle. Planté, et M. Camaille-St.-Aubin, qui avoient joué avec beaucoup de vérité les rôles de Cécile et de Filz-Hcnri. Demain nous reviendrons sur cette représentation.

Courrier des spectacles, n° 2757, du 27 fructidor an 12 (14 septembre 1804), p. 4 :

[Après l’article concernant l’affaire de plagiat, il s’agit de rendre compte de cette pièce faussement nouvelle, puisque le critique peut rappeler ses apparitions antérieures sur d’autres théâtre. Si pose la question du titre : pourquoi l’avoir allongé par un sous-titre ? L’explication par la concurrence de la pièce de l’Ambigu-Comique ne peut être écartée, mais la pièce n’en avait pas besoin, le thème de la fille-mère restant fréquent sur le Boulevard. Le critique, qui ne semble guère apprécier ces pièces émouvantes, en montre le caractère artificiel. L’intrigue est rapidement résumée, en insistant surtout sur la faible place laissée au personnage du malheureux père devenu fou. Il affirme qu’il faut de toute façon ne montrer qu’avec parcimonie ce genre de personnage, même s’il est bien joué, comme c’est le cas, à la Gaîté comme aux Jeunes Élèves. Même réduite, cette scène unique où il paraît a semblé longue, et il vaudrait mieux la retoucher. L’interprétation est jugée inférieure de celle du Théâtre des Jeunes Élèves, à un rôle près, bien joué au Théâtre de la Gaîté, mais sans atteindre encore la qualité de l’interprète du Théâtre des Jeunes Élèves.

Théâtre de la Gaîté.

Fitz-Henri. (Deuxième article).

Lorsqu'on donna ce drame pour la première fois au Théâtre Mareux, en l’an X, et ensuite en l’an XI à celui des Jeunes Elèves, il portoit simplement le titre de Fitz-Henri ; pourquoi donc aujourd’hui lit-on sur l’affiche : Encore une Fille coupable ? Est-ce pour frapper davantage les yeux de la multitude, et la séduire plus sûrement par l’étalage d’un titre long et imposant, ou plutôt n’est-ce pas un calcul adroit pour enlever par l’identité du titre quelques spectateurs à la Fille coupable et repentante de l’Ambigu ? Fitz-Henri n’avoit pas besoin de ce moyen pour réussir. Si les filles-mères commencent à passer de mode sur nos grands théâtres, elles trouvent un refuge assuré sur ceux des Boulevards. Qu’une fille qui a fui la maison paternelle pour suivre son amant, et que le repentir ramène aux pieds de ceux qu’elle a déshonorés, se présente aux veux des spectateurs l’air abattu, défigurée, les cheveux en désordre, la démarche pénible, le bras appuyé sur les épaules d’un jeune enfant, cette vue seule suffit pour émouvoir en sa faveur. Lorsqu’elle commence à parler de sa douleur, de son repentir, de son désespoir, et qu’elle mêle à ses sanglots de superbes réflexions sur la perfidie des hommes, sur le malheur attaché aux enfans rebelles et ingrats, peu-à peu vous voyez les yeux s’humecter, on soupire, on sanglote, et cependant on écoute religieusement ; mais que l’héroïne débite une belle tirade, qu’elle y mette de l'abandon ; enfin tout le charlatanisme de son jeu, on ne se contraint plus ; on applaudit à diverses reprises, les larmes coulent par torrens. Voilà précisément l’effet qu’a produit Fitz-Henri.

Le premier acte est simple, l’exposition en est claire. Le second offre des situations pathétiques, et entr'autres une jolie scène entre Cécile et la jeune Caroline, l’amie et la compagne de son enfance. Fitz-Henri, devenu fou, ne paroit qu’au troisième acte, et sans vouloir ici établir de comparaison entre les deux pièces de l’Ambigu de la Gaité, nous aimons mieux qu’il ne paroisse que dans cet acte, parce que la vue d’un malheureux en cet état est toujours pénible , et que l’on ne peut montrer ces foux trop tard et trop peu.

L'auteur de Fitz-Henri n’a donné qu’une scène à son insensé, et néanmoins elle a paru encore trop longue, malgré le talent de M. CamaiIle-S.-Aubin, chargé de ce rôle. Le même défaut nous avoit frappés lorsqu’on joua la même pièce aux Jeunes Elèves, où le rôle de Fitz-Henri étoit encore très bien rendu. Cette seconde épreuve doit engager l’auteur à retoucher cette scène.

En général la pièce a etc représentée avec assez d’ensemble, cependant il nous semble qu’elle étoit mieux exécutée à la rue de Thionville. Nous n’en excepterons que le rôle de Cécile, où Mlle. Planté a surpassé avant hier toutes celles qui l’avoient joué avant elle. Mlle. Rivet a aussi obtenu des applaudissemens dans le joli rôle de Caroline, mais elle n’a pu faire oublier la folie, la gaité et l'ingénuité de Mlle. Virginie qui jouoit ce rôle aux Jeunes Elèves.

Variétés littéraires, Par M. Dumas, de l'Académie de Lyon. Extraits du Bulletin de Lyon. Tome I.er (1808), p. 156-158 :

Sur le drame ou mélodrame de Fitz Henri.

LA nouvelle Administration du Théâtre des Célestins affiche une espece de pudeur qui l'honore quand elle annonce un mélodrame ; elle ne dit plus : on donnera tel ouvrage, mélodrame, mis en scène par M. un tel. Mais elle dit : on donnera tel ouvrage, pièce à grand spectacle. Cette circonlocution est un hommage rendu au bon goût ; à-peu-près comme, selon La Rochefoucault, l'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. Au fond, rien n'est plus mélodrame que Fitz-Henri et quelques autres productions qut ont l'air de s'introduire sur la scène comme en contrebande, et pour servir d'ombres aux jolis tableaux que nous offre le vaudeville. On voit dans Fitz Henri un père dont la fille a perdu l'honneur par la séduction d'un lord, et qui en eprd la raison ; il ne 1a recouvre que par le repentir de son enfant, et par un baiser qu'elle lui donne en temps utile. le spectacle d'un fou, les actions d'un homme en démence, le désordre d'une jeune fille, les remords qui déchirent son cœur, peuvent intéresser, attendrir le spectateur ; mais à coup sûr , il n'y trouve pas le moindre petit mot pour rire. Je n'envisage pas bien le but moral de cette triste pièce, et je crois qu'on pourrait ne se reposer qu'avec réserve sur la vertu d'une jeune personne qui serait retenue dans le sentier de l'honneur seulement par la crainte de voir l'esprit de son père s'aliéner.

On cite cependant des exemples de ces heureux effets produits par les pièces de théâtre, et sur-tout par les drames et mélodrames, qui font sur les têtes à imagination des impressions profondes. M. Creuzé de Lesser, dans son voyage en Italie et en Sicile (ouvrage qui, pour le dire en passant, mérite d'être lu), parle d'un Français fixé en Italie, qu'il félicitait sur les égards et la tendresse de ses enfans et qui déclara que le plus respectueux de tous ne l'avait pas toujours été autant. « J'avais épuisé tous les moyens, continue le vieillard, et ne savais plus comment m'y prendre, quand je lus par hasard dans le Théâtre de Mercier le drame de Jenneval ; j'en fus si frappé, que je m'imaginai que mon fils pourrait l'être. Je posai ce drame sur sa table, et l'ouvris à l'endroit le plus touchant. Mon fils le lut, et je dois dire que depuis ce jour il fut avec moi tel que vous le voyez aujourd'hui. » Ou je me trompe, ajoute M. Creuzé de Lesser, ou voilà le succès le plus flatteur dont un auteur dramatique puisse s'honorer.

On a eu raison de dire que Fitz-Henri est le triomphe de M. Lepeintre cadet. Ce jeune acteur joue avec beaucoup d'expression et de feu le rôle pitoyable du père insensé. La chaleur excessive de la saison s'est réunie à celle de son jeu pour doubler le mérite de ses efforts et de ses succès. Il serait à désirer que M. Lepeintre ne se bornât pas à soigner ce rôle qu'il affectionne, et qu'il appliquât à d'autres rôles de quelque importance les ressources de son intelligence qui ne paraît pas bornée. Mme. Dorsan, qui remplit le personnage de la jeune fille séduite et repentante, le seconde de tout son pouvoir. Dans la situation intéressante, forte et pathétique où elle se trouve, elle n'aurait pas besoin de tout le talent qu'on lui connaît pour arracher des larmes, pour faire éprouver il pianger dolce dont parle l'Arioste.

Cette actrice, qui nous a été envoyée par le vaudeville de Paris. a pu se former à bonne école. Indépendamment de l'espèce de mérite que j'ai déjà signalé en elle, on doit louer l'intelligence, l'habitude qu'elle a de la scène, sa diction qui est généralement bonne et sur-tout cette prononciation exacte et nette qui distingue les acteurs de la capitale, et qu'on est en droit d'exiger impérieusement de tous les comédiens. Mme. Dorsan ne se renferme point dans un seul genre, et bien qu'elle paraisse vouée spécialement au drame, elle vient de monter avec avantage le rôle de la Laitière de Berci.

On voit que je saisis avec empressement les occasions de louer : elles se présentent toujours trop rarement. Dans tous les cas, je n'attache point d'importance à mon opinion, et je n'ai pas la prétention de croire qu'on doive en agir autrement. Un critique juste, impartial, s'appuyant du jugement public, est bien plus désireux de distribuer les éloges et de prodiguer les encouragemens, que de blâmer, redresser sans cesse, et frapper d'estoc et de taille avec l'arme de la satyre et du dénigrement. Toutefois la louange n'a de poids et de prix qu'autant qu'elle est méritée : la fumée de l'encens qui n'est pas pur suffoque la divinité. Il ne faut point chercher à amuser les oisifs, à faire sourire la malignité par des sarcasmes, des quolibets, des observations piquantes ; mais un avis motivé, des réflexions sages, justes, dictées par la vérité et par le désir d'être utile, sont le devoir et le privilège d'un journaliste, et tournent incessamment au profit du théâtre, du goût, des artistes et du public. Heureux qui peut toucher à ce but qu'il est plus facile d'indiquer que d'atteindre !

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