Le Fat en province ou le Plan de comédie

Le Fat en Province  ou le Plan de comédie, comédie en trois actes et en vers, de Delestre-Poirson et Meilheurat, 8 septembre 1812.

Théâtre de l'Impératrice.

[On trouve souvent le nom du second auteur sous la forme Meliora.]

Titre :

Fat en province (le) ou le Plan de comédie

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

8 septembre 1812

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

Delestre-Poirson et Meilheurat

Almanach des Muses 1813.

Un jeune auteur, occupé d'un plan de comédie, a donné à son héroïne le nom de sa maîtresse Adèle ; il s'entretient avec son valet d'un projet d'enlèvement qui fait le nœud de la pièce, lorsque le père d'Adèle survient. Il croit qu'on veut parler de sa fille, et se prépare à prévenir les ravisseurs. Un fat, à qui la main d'Adèle est promise, arrive pour la conduire au bal, et reçoit un billet d'une belle inconnue qui lui donne un rendez-vous. Il s'y rend ; mais c'est le valet du jeune auteur qui le reçoit sous un domino. Le père, qui croit qu'on enlève sa fille, enferme le fat et le valet, et leur fait ainsi passer la nuit, tandis que l'amant favorisé est au bal avec sa maîtresse. Tout s'explique, et le père accorde Adèle au jeune auteur.

Peu d'invention ; des vers heureux ; mais une gaîté qui touche à la farce. Du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Fages, 1812 :

Le fat en province, ou le plan de comédie, comédie en trois actes et en vers. Par MM. Delestre-Poirson et Meilheurat. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Odéon, par les Comédiens ordinaires de S. M. l'Impératrice, le 8 septembre 1812.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome V, p. 206-207 :

[Le compte rendu est dominé par une idée : le manque d’originalité de la pièce en discussion. Les jeunes auteurs, qu’il faut encourager en tant que débutants, ont de l’esprit et savent faire des vers, mais leur intrigue rappelle tant de pièces (par milliers, voire centaines de milliers...). Une seule trouvaille, le personnage du vieillard, oncle conforme au personnage traditionnel quand il réprimande son neveu, mais aussi quand il admire ses essais poétiques.]

Le Fat en province, comédie en trois actes et en vers, jouée le 7 septembre.

Un jeune homme, dont la fatuité ne consiste que dans son ajustement et dans le goût de la danse, n'est qu'une caricature dont la mode ne tirera aucun parti. Tel est le mannequin déja offert dans mille pièces ; tel est le fat de l'Odéon. Le jeune Florval n'a pas même ces grâces étudiées, cette élégance prétentieuse, cette affectation de bon ton, et ce jargon amusant qui distinguent au moins ce qu'on appelle nos petits maîtres ; il est sans finesse et sans esprit ; il donne sans examen dans le premier piége qu'on lui tend ; il va se morfondre sur la neige pendant un acte presque entier ; il prend le fausset rauque d'un valet pour la voix douce et flutée d'une maîtresse adorée, et, prisonnier dans un cabinet bien fermé, il lui propose de l'enlever. Les milliers de fats punis ou de fats corrigés, dont la scène abonde, ont tous montré plus de discernement que celui-là.

Le caractère du vieillard étoit une véritable trouvaille, si les auteurs avoient su en tirer parti. Ce bonhomme, en sa qualité d'oncle, se croit obligé de sermonner son neveu sur son goût pour la poésie et sur les dangers qui l'attendent dans cette carrière, mais la vanité du cher oncle est secrètement flattée du succès qu'obtiennent les ouvrages poétiques de son neveu. Il prêche tour-à-tour Barthole et Molière, Cujas et Racine ; il gronde et s'apaise, se fâche et s'extasie. Cet aperçu vrai, raisonnable et d'un comique excellent, fournit une très-bonne scène ; maïs malheureusement c'est la première et la dernière. L'erreur dans laquelle ce vieillard est induit en écoutant le récit d'un plan de comédie, est la cent millième copie de la fable de Scudéri, de Scarron, ou de Péchantré. Il n'y a pas jusqu'à la Métromanie, et à l'aventure de la fameuse Mademoiselle de Lavigne que le Fat en. province n'ait mis à contribution.

Il y a cependant de l'esprit et de jolis vers dans la pièce. Les auteurs sont des débutans ; il faut les encourager. Ils se nomment MM DELESTRE et MEILHEURAT.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1812, p. 278-282 :

[La nouvelle pièce est pleine d’emprunts à d’autres comédies, et le critique ironise sur l’art de voler ses confrères auteurs : il faut pour ne pas être accusé de plagiat faire mieux que celui qu’on copie. Témoin Molière et ses emprunts, en particulier à Cyrano de Bergerac. Le résumé de l’intrigue montre bien son manque d’originalité, soulignée dans l’article (pour le personnage du fat, pour le moyen d’amener le dénouement). La pièce située en province (au moins dans le titre) pourrait se passer n’importe où. Le public a beaucoup ri, mais le critique se moque de ces gens à qui on dicte leur comportement, rire ou pleurer. Pourtant l’intrigue est jugée pénible, les situations sont invraisemblables, les emprunts, mal utilisés, tirent la pièce vers la farce plutôt que vers la comédie. Seul le style est jugé positivement. Les auteurs, nommés, sont présentés comme « fort jeunes ».]

THÉÂTRE DE L’lMPÉRATRICE.

Le Fat en Province, comédie.

Quand on vole, il faut tuer son homme, disait Voltaire ; plusieurs grands maîtres nous ont laissé de beaux exemples à suivre dans ce genre. Personne ne s'avise de blâmer Molière d'avoir pillé Cyrano de Bergerac, et quelques autres auteurs contemporains ; il reprenait son bien où il le trouvait. Mais pour voler ainsi, il faut être riche de son propre fonds ; il faut avoir la main exercée, et sur-tout s'assurer l'impunité par des chefs-d'œuvre.

Je sais bien que toutes ces précautions n’empêchent pas quelques sots de clabauder dans les premiers instans ; mais le public se moque d'eux et de leurs clabauderies ; l'auteur du meilleur ouvrage est, à ses yeux, le véritable propriétaire ; il lui donne gain de cause, et les faiseurs de semblables découvertes sont trop heureux que l'oubli les sauve du ridicule.

Ce préambule était nécessaire pour arriver à la comédie en trois actes et en vers, représentée à l'Odéon.

Deux jeunes littérateurs se sont associés pour faire une expédition de pirates. Mais soit conscience, soit inexpérience, ils ont volé, beaucoup volé, sans faire aucun tort aux gens qu'ils ont pillés, et sans trop s'enrichir eux-mêmes. Je ne saurais dire combien ils ont mis de comédies à contribution pour composer le Fat en Province. S'ils avaient eu autant d'adresse que de bonne volonté, ils auraient fait retrancher vingt pièces du répertoire. Voici, au reste, ce que leur mémoire, plus que leur imagination , leur a fourni.

Un jeune étudiant en droit a la manie de faire des vers ; son oncle, qui craint avec raison que l'amour des lettres ne se concilie pas avec l'esprit des affaires, exige de lui le serment de renoncer à la poésie. Mais par une inconséquence que quelques personnes veulent trouver naturelle, il finit son sermon en demandant au jeune homme s'il ne pourrait pas lui faire le plaisir de lui lire quelques couplets ; notre métromane en a précisément quatre dans sa poche : l'oncle les trouve charmans, et j'ignore si le public eût été de son avis, car les auteurs n'ont pas jugé à propos de nous en faire part. Un étudiant en droit qui fait des vers est nécessairement amoureux, et celui-ci aime sa cousine. L'oncle, qui a parfois des accès de raison, trouve que les deux amans sont trop jeunes pour les unir. Le neveu, qui a vingt-deux ans, et qui connaît son code civil, observe, mais en vain, qu'on peut se marier à dix-huit ans ; l'oncle est inflexible. Molière consultait sa servante, du moins on le prétend. Notre jeune poëte consulte son valet sur un plan de comédie. L'oncle, qui s'est caché finement pour écouter leur conversation, ne manque pas d'entendre tout de travers. L'exposition du sujet lui fait croire qu'on veut enlever sa fille ; espèce de quiproquo dont on commence à se lasser. Enfin le fat, le personnage principal, celui qui donne le titre à la pièce, arrive : c'est une copie de tous les fats mis au théâtre depuis dix ans. Il fait toutes les singeries reçues, arrange ses cheveux et sa cravate, vante la forme de son habit, etc. Le jeune poëte est jaloux de lui ; et comme il y a un bal le soir, il veut l'empêcher de danser avec sa cousine.

Les comédies connues présentent deux moyens en pareille circonstance : un cartel, ou un billet-doux supposé. Nos auteurs ont choisi le dernier, probablement comme le plus pacifique, et le fat se laisse mystifier avec une simplicité d'enfant. Au lieu d'aller au bal, il va au rendez-vous, et y trouve non pas Suzanne, comme dans le Mariage de Figaro, mais un valet déguisé en femme. L'oncle, qui n'est pas rassuré sur les projets de son neveu, le marie avec sa nièce, afin de se débarrasser de la surveillance.

La scène se passe en province, du moins le titre de la pièce l'annonce ; mais comme les auteurs ont épargné la Petite Ville de M. Picard, il serait facile de transporter la scène à Paris, ou même dans les pays étrangers.

Je n'ai indiqué qu'un petit nombre des réminiscences, parce que je n'ai pas fait une analyse détaillée de la pièce ; mais Piron y aurait usé son chapeau.

Le public de l'Odeon, qui a pleuré à Faldoni, sangloté à l’ Enfant Naturel, a. beaucoup ri au Fat en Province. C'est un public bien précieux pour les auteurs, que celui-là ! On lui fait faire tout ce qu'on veut ; ce serait peine perdue de se gêner avec lui. L'affiche annonce-t-elle un drame ? Il sait qu'il doit pleurer, et l'on voit couler les larmes dès les premières scènes. S'agit-il d'une comédie ? Il rit aussitôt que les amis donnent le signal.

La pièce a donc eu beaucoup de succès ; et quand on aurait été mal disposé, on n'aurait guère pu désapprouver des situations et des personnages que l'on avait applaudis tant de fois ailleurs. Il faut bien dire, cependant, que malgré tous ces plagiats, l'intrigue est pénible, et que la plupart des situations sont invraisemblables, que les nombreuses imitations sont rarement bien encadrées, que les caricatures sont chargées, et que les auteurs, avec tous leurs larcins, ont fait une espèce de farce plutôt qu’une comédie. Mais, en général, la pièce est bien écrite et bien dialoguée, ce qui est un mérite assez rare aujourd'hui ; et les auteurs, qui sont fort jeunes, à ce que l'on assure, peuvent tenter de nouvelles entreprises, et espérer de tuer leur homme une autre fois. Ce sont MM. Delaître et Meilloré.

L'Opinion du parterre, dixième année (1813), p. 451 :

Mardi 8 Septembre.

9. Première représentation du Fat en Province, comédie en trois actes et en vers, de MM. Delestre et Meilheurat.

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