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Le Fond du sac, ou la Préface de Lina

Le Fond du Sac, ou la Préface de Lina, parodie-vaudeville en un acte, de MM. Dieulafoy et Gersin ; 5 novembre 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Fond du Sac (le), ou la Préface de Lina

Genre

parodie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

5 novembre 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dieulafoy et Gersin

Almanach des Muses 1808.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Madame Masson, 1807 :

Le Fond du sac, ou la préface de Lina, parodie vaudeville en un acte et en quatre années Par MM. Dieu-La-Foi et Gersin. Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville, le cinq novembre 1807.

La pièce parodiée est Lina ou le Mystère, de Révéroni de Saint-Cyr et Dalayrac (Opéra Comique, 8 octobre 1807).

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, tome VI, année 1807, p. 220-221 :

[Le critique souligne la nouveauté de cette parodie, qui utilise « toute l'avant-scène de la pièce », sans craindre les invraisemblances que cette avant-scène contient. Très grand succès, d’autant que la fin fait apparaître une statue de Henri IV, moyen infaillible pour charmer le public. Excellente interprétation.]

Le Fond du Sac, ou la Préface de Lina.

C'est une idée très-comique que d'avoir choisi, pour parodier Lina, toute l'avant-scène de la pièce : rien n'en pouvait mieux faire sentir les défauts. Aussi la parodie accumule-t-elle invraisemblances sur invraisemblances. Rien n'est plus drôle que de voir Lina dans les souterrains d'Almeida disparaître avec le vainqueur derrière les rochers. Un changement de décoration vous porte chez le père et la mère de Lina, où le héros l'épouse sans la reconnaître, et part pour l'armée à l'instant même. Autre changement de décoration : Lina est dans son jardin avec un enfant de quatre ans et l'ami du mari, qui porte des besicles, ne quitte Lina que pour chasser, et ne voit jamais l'enfant. Enfin le mari revient, soupçonne sa femme et son ami ; mais une lettre écrite par Lina dans les souterrains, et qui se retrouve dans le fond du sac du facteur, fait le dénouement, que protége encore un changement de décoration. C'est la statue de Henri IV qui paraît. On chante les louanges du bon roi. Le plus mauvais ouvrage se sauverait avec une pareille recommandation. Malice, esprit, gaieté, ont fait le succès de cette parodie de MM. Dieulafoi et Gersain. Mademoiselle Desmares joue Lina et Edouard le Pâtre, d'une façon très-comique. Ils ont bien parodié Mademoiselle Michu et Lesage. Séveste a été aussi très-plaisant dans le rôle de l'ami aux besicles, parodiant Paul.

Archives littéraires de l'Europe, tome seizième (1807), Gazette littéraire, novembre 1807 p. xlv :

[Une parodie d’un genre nouveau, puisqu’elle utilise non seulement l’action de la pièce parodiée, mais les événements antérieurs, ce que le public a grandement apprécié. Pièce très gaie, mais sans dépasser les limites des convenances.]

Le Fond du Sac, ou la Préface de Lina, parodie-vaudeville en nn acte et en quatre années, de MM. Dieu-la-Foi et Gersin.

Nous n'avons point donné dans notre dernière feuille assez de détails sur Lina pour mettre nos lecteurs en état de sentir tout le mérite de la parodie de cette pièce, quand bien même nous en rendrions le compte le plus exact. Nous nous bornerons à observer que les auteurs du Fond du Sac nous semblent avoir ouvert une nouvelle route aux parodistes, en travestissant non-seulement l'action de Lina, mais tous les événemens antérieurs sur lesquels cette pièce est fondée. Cette innovation a produit les scènes les plus plaisantes, et la parodie a été accueillie d'un bout à l'autre par les éclats de rire et les applaudissemens des spectateurs. Il faut avouer que peu de vaudevilles offrent des couplets d'une gaieté aussi franche, et que les auteurs ont poussé cette gaieté aussi loin qu'il étoit possible sans tomber dans la grossièreté. Ce mérite est rare ; mais c'est le plus grand que l'on puisse avoir à ce théâtre et celui qui seul peut y procurer de véritables succès.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XII, décembre 1807, p. 290-296 :

[Rendant compte d’une parodie, le critique ne peut éviter de parler de ce genre qui prouve le succès de l'œuvre parodiée, dont les auteurs auraient tort de se formaliser. C’est le cas des auteurs de Lina, parodiée d’une manière originale : ce que les parodistes ont montré, c’est « tout l’avant-scène [mis] en action et sous les yeux du spectateur », ce qui permet d’en montrer l'invraisemblance, qu’on accepte facilement parce qu’on ne la voit pas. Ils ont eu beaucoup de succès dans leur entreprise de souligner l’obscurité d’une situation que les auteurs de la pièce avaient pris soin de ne pas trop éclairer, et ont fait rire d’un événement scabreux que la pièce originale ne pouvait pas montrer trop clairement sans scandaliser (Lina met en scène le tabou du viol, qu’il est impossible de traiter sérieusement au théâtre en 1807). Ce que le drame ne peut montrer, les parodistes le peuvent, et le public a beaucoup ri, sauf quand la critique se faisait trop amère, signe que le public n’est pas prêt à accepter n’importe quoi. Les couplets ont été redemandés. Mais plutôt que de les reproduire, le critique préfère s’interroger sur la raison du traitement différent de la pièce et de sa parodie, l’une ne pouvant évoquer clairement ce que l’autre montre sans choquer. Le critique pense qu’ils ‘agit d’une différence de perception du spectacle, le premier étant trop proche de la réalité et créant une illusion tandis que la parodie est perçue comme simple imitation. La tragédie qui émeut a une portée que le comique de la parodie ne comporte pas.]

Le Fond du Sac, ou la Préface de Lina, parodie-vaudeville en un acte et -en quatre années, par MM. Dieu-la-Foi et Gersin.

Tout ouvrage à grands événemens et à grands sentimens, soit tragédie, soit opéra, soit drame, est sujet à la parodie. L’esprit malin de la nation ne se laissera jamais priver de ce droit. L'Opera-Comique l'exerça long-temps en son nom. Il est aujourd'hui le partage du Vaudeville, qui rend dans l'occasion à l'Opéra-Comique, ce que celui-ci prêta autrefois au Théâtre Français et à l'Opéra. Les auteurs parodiés ne devraient pas se formaliser de ces plaisanteries ; elles sont une nouvelle preuve de leurs succès, car on ne parodia jamais une pièce tombée. Cependant l'amour-propre poétique s'en irrite quelquefois ; et peu d'auteurs vont rire, comme celui d’Agamemnon, au travestissement de leur ouvrage, avec l'actrice dont le jeu contribua le plus à son succès. Je ne sais si l'auteur de Lina aura suivi ce sage exemple ; mais il est sûr qu'il aurait couru moins de risque qu'un autre à faire ainsi preuve de bon esprit. La manière dont on a parodié son ouvrage est, je crois, tout-à-fait nouvelle. On a mis tout l’avant-scène en action et sous les yeux du spectateur. Combien y a-t-il de tragédies qui résistassent à une pareille épreuve ? Il est assez généralement reçu qu'on passe au. poète beaucoup d'invraisemblances dans les événemens qui précèdent son action, pourvu que cette action se développe, ensuite devant nous d'une manière vraisemblable ; et cette concession est toute à l'avantage du public, car, sans elle, nous serions privés de la plupart des chefs-d'œuvres qui font l'ornement de notre scène.

Au reste, soit que MM. Dieu-la-Foi et Gersin aient ouvert, comme nous le croyons, une route aux parodistes, soit qu'ils aient suivi un exemple déjà donné par leurs prédécesseurs, le public a couronné leur entreprise par-les plus vifs applaudissement, et, ce qui vaut mieux, par les plus bruyans éclats de rire. L'auteur de Lina, voulant peindre une action réelle, avait été obligé d'envelopper d'épaisses ténèbres les événemens antérieurs à cette action. Les auteurs du Fond du Sac, ne voulant que nous faire rire d'un conte et nous le donnant pour tel, en ont indiqué les détails les plus scabreux de la manière la plus claire. L'un n'a pu nous dire qu'en énigmes que son héroïne avait été violée dans le donjon de Toloza, parce que chez lui ce viol est donné comme véritable ; les autres n'exigeant de nous aucune croyance à ce qu'ils nous faisaient voir, ont pu nous montrer les soldats parcourant le donjon, les jeunes filles à leurs pieds implorant leur clémence ; le comte de Lescar, survenant dans un état d'ivresse, et s'emparant de Lina pour la sauver, sans que tous ces tableaux aient produit d'autre effet que de nous faire rire. De là on nous a transporté au château du père de Lina ; nous avons vu la pauvre fille faire à ses parens l'aveu de sa déconvenue ; puis le comte de Lescar est arrivé avec ordre du roi d’épouser la belle affligée ; la résistance qu'elle a montrée, les raisons de son père pour la déterminer, ont produit les effets les plus comiques. Le mariage s'est fait malgré l'intervention de la duchesse d'Aguilar, qui venait réclamer la main du comte ; mais alors elle lui a signifié un second ordre du roi» pour qu'il eût à partir sur-le-champ. Le comte, au désespoir, a parlé d'emmener sa femme à l'armée ; Lina a tremblé de cette résolution, mais Téligny l'a rassurée en paraissant avec un troisième ordre, par lequel le roi lui confiait la garde de la femme du comte. Le père et la mère de Lina, demeurés seuls, ont pris fort plaisamment la résolution de mourir, pour ne pas embarrasser l'intrigue de la pièce ; et après une délibération encore plus plaisante sur le choix de leur genre de mort, ils sont sortis pour se mettre entre les mains d'un médecin, bien persuadés que cet honnête homme en aurait assez de la migraine du papa, et d'un mal au doigt de la maman, pour les envoyer promptement dans l'autre monde.

La scène change encore ; on se trouvé au château de Lescar, et le reste de la parodie est calqué assez fidèlement sur la pièce. Il n'est pas besoin de dire que les caractères sont travestis comme les événemens. Téligny sur-tout, ce loyal chevalier, qui, dans Lina, a rempli pendant trois ans tous les devoirs de l'amitié, et ne s'est point informé du petit enfant qu'on élevait secrettement à la ferme, Téligny n'est plus ici qu'un pauvre imbécille, portant des bésicles et ne voyant rien. Son rôle est un de ceux qui ont le plus égayé l'assemblée. Il faut citer aussi celui d'un facteur de la petite poste, qui se trouve fort à propos dans le donjon au moment où l'on viole, pour prendre une lettre que Lina vient d'écrire à ses parens : il met cette lettre dans son sac, et c'est du fond de ce sac que l'on voit ensuite sortir le dénouement de la pièce.

Nous avons déjà dit qu'elle a obtenu un succès complet ; et en effet, depuis le commencement jusqu'à la fin, la gaîté du public n'a pas été un moment suspendue ; elle est seulement devenue moins vive à quelques traits où la critique cessait elle-même d'être gaie pour devenir amère; nouvelle preuve de la justesse de goût de ce public, qu'on accuse trop souvent d'en manquer. Il est à souhaiter que les auteurs de la parodie profitent de ces indications ; il ne s'agit que de retrancher quelques mots qui ne sont pas les plus spirituels d'un ouvrage qui en fourmille. La manière dont ils ont été reçus, prouve que si le public aime à rire aux dépens même de ceux qui lui procurent des plaisirs, il ne veut pas pourtant qu'on les blesse.

On a redemandé plusieurs couplets de cet agréable ouvrage, et nous en citerions quelques-uns, s'il ne nous paraissait plus utile de profiter de l'espace qui nous reste pour offrir à nos lecteurs quelques réflexions que cette parodie nous a fait naître. Il n'est point, a dit Boileau,

Il n'est point de serpent ni de monstre odieux
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux.

Pourquoi ? Parce que, dans ses tableaux, nous ne croyons jamais entièrement à la présence de ce monstre. Le véritable Oedipe, la vraie Cléopâtre nous glaceraient d'horreur. L'OEdipe de Voltaire, la Cléopâtre de Corneille, joués par Talma et par Mlle. Raucourt, nous causent un genre de plaisir, dont on n'a peut-être pas très-bien expliqué la nature, mais qui n'en est pas moins réel. Il en est ainsi de tous les sujets vraiment tragiques. Mais en prenant la règle de Boileau dans une acception trop générale, on la convaincrait aisément de fausseté. Il est des objets que l'art, et surtout l'art tragique, ne peut jamais nous faire supporter, parce qu'il exige encore un certain degré de croyance à ses prestiges. Corneille n'en fit que trop bien l'expérience dans sa Théodore. L'idée que cette vierge chrétienne allait être prostituée dans sa prison, excita l'indignation générale ; et l'auteur de Lina n'a osé nous présenter lui-même l'idée du viol que dans l'éloignement et sous les formes les plus obscures. Les parodistes, au contraire, nous l'ont rendue aussi présente que la décence du langage le permettait, et leurs tableaux n'ont révolté personne. Il est vrai, comme nous l'avons déjà observé, que personne n'y croyait. Mais pourquoi personne n'y croyait-il ? Parce qu'on était prévenu que ce n'était point l'imitation d'une action réelle qu'on nous présentait, mais l'imitation d'une imitation, une parodie. Et voilà pourquoi les sujets qui offriront le plus d'épines au poète tragique, seront ceux où le parodiste trouvera le plus de sources de gaîté ; ce qui indignait chez l'un fait rire chez l'autre, et le contraste et la gaîté embarrassée de Melpomène surprise dans une attitude qui ne semble pas lui convenir, rend plus piquante encore la légèreté maligne de Momus, qui se plaît à copier cette même attitude, parce qu'il n'a la prétention ni de toucher ni d'attendrir, et qui est bien sûr de ne choquer personne, parce qu'il s'occupe sans cesse a faire voir l'invraisemblance de l'action qu'il travestit. Ces sortes de parodies seront donc toujours très-heureuses, mais leur succès ne prouvera rien contre celui de la pièce qui en est l'objet; et les spectateurs qui aiment les plaisirs de tout genre, pourront aller rire avec MM. Dieu-la-Foi et Gersin, sans avoir à rougir de s'être attendris avec l'auteur du Délire.                 G.

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