Gabrielle d'Estrée ou les Amours de Henri IV

Gabrielles d'Estrée ou les Amours de Henri IV, opéra-comique en trois actes, de Saint-Just [Godard], musique de Méhul. 25 juin 1806.

Théâtre de l'Opéra-comique.

Titre :

Gabrielle d'Estrées ou les Amours de Henri IV

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

25 juin 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique

Auteur(s) des paroles :

Saint-Just [Godard]

Compositeur(s) :

Méhul

Almanach des Muses 1807.

Des déguisemens, des méprises, des reconnaissances, au milieu desquelles on cherche toujours Henri IV sans pouvoir jamais le reconnaître.

Musique agréable. Demi-succès.

Courrier des spectacles, n° 3428 du 27 juin 1806, p. 2-3 :

[Le compte rendu de la pièce qui devrait être toute à la gloire d'Henri IV s'ouvre par l'aveu d'une déception : une pièce dont « le meilleur des Princes » est le héros ne devrait pas pouvoir décevoir, et cet opéra comique illustrant un épisode de la vie d'Henri, à la fois sentimental et guerrier, est froide, même si certains éléments, « situations piquantes » ou « mots charmans » ont suscité un certain intérêt. Les expressions dont le critique se sert pour caractériser l'intrigue, « froide, languissante et peu féconde en mouvemens » parlent d'eux-mêmes. Suit un long résumé minutieux de l'intrigue, d'abord tout un avant scène expliquant comment Henri IV se retrouve auprès de sa belle, comment il trompe ses ennemis, et de quelle manière il apprend que la paix intervient alors qu'il est en position délicate. La pièce est ainsi un mélange de galanterie, de ruse et de danger, de guerre civile et de diplomatie. Le critique consacre enfin un paragraphe à montrer que la pièce, malgré ses faiblesses a ses qualités (un calembour dont le public se sert pour une de ces applications dont les spectateurs sont friands) et ses insuffisances (on ne fait pas livrer des fleurs à un roi en danger !), et un paragraphe sur la musique et ses interprètes, musique qui a ses beautés, mais aussi ses insuffisances : « elle n’a pas paru porter suffisamment la couleur du sujet » et manque de la gaîté qu'on attend d'une pièce où figure Henri IV. Quant aux interprètes, Elleviou, Madame Saint-Aubin et Madame Gavaudan, le critique n'en dit que du bien.]

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Gabrielle d'Estrées, ou les Amours de Henri IV.

Le titre promet plus que la pièce ne tient ; on s’attend à des tableaux gracieux, et l’on ne trouve guères que des scènes de roman et de mélodrame. Le sujet est tiré de l’anecdote suivante :

Henri IV n’ayant plus à combattre qu’un foible parti de ligueurs commandés par Mayenne et se trouvant à quelque distance du château de la belle Gabrielle, se jette dans la forêt de Compiègne, la traverse déguisé en paysan, et arrive auprès de sa maîtresse.

Le nom de Henri est si cher aux Français, tout ce qui se rapporte à lui excite un si vif intérêt, qu'il faudroit avoir bien peu d’habileté pour ne pas réussir dans un ouvrage dont il est le héros. Sa mémoire est en ce moment l’objet d une faveur renaissante ; c’est un ami qu’on revoit et qu’on embrasse après une longue absence.

L’auteur de la pièce nouvelle a profité heureusement de cette bienveillance générale. Car quoique cette production ne soit pas sans intérêt, qu’on y ait ménagé quelques situations piquantes, et qu’elle soit animée par plusieurs de ces mots charmans qui peignent si bien le meilleur des Princes, on ne sauroit nier néanmoins que l’intrigue ne soit souvent froide, languissante et peu féconde en mouvemens.

Henri IV arrive près de la foret de Compiègne, et veut s’introduire incognito dans le château où la belle Gabrielle soupire après le retour de son amant. Quoique d’Estrées doive la vie au Duc de Mayenne, et qu’il l’ait reçu chez lui, néanmoins, il n’a point voulu prendre les armes contre son Roi. Henri, accompagné d’un soldat, qui vient pour épouser Estelle, suivante de Gabrielle, s'approche du château. Le soldat, tout dévoué à son maître, lui promet de l’introduire dans la maison, mais l’arrivée des ligueurs, qui rodent dans le voisinage, contrarie ses desseins ; ceux-ci épient les deux étrangers ; ils reconnoissent Henri, et se préparent à le surprendre ; mais il change de costume avec son compagnon ; ce dernier sort et est arrêté, tandis que le Roi, sous l’habit d’un jardinier chargé ,de fleurs, monte au château. Occupé dans le jardin à .ranger ces fleurs, il voit son amante, il l’entend gémir à la nouvelle que son père lui donne de la captivité de Henri, qu’il croit livré au Duc de Mayenne ; mais bientôt sortant d’un bosquet, il la rassure, et jure de nouveau à ses pieds amour et constance. L’arrivée des ennemis le force d’entrer dans un donjon dont la porte est ouverte. Il s'y cache, et pendant ce tems, les ligueurs, prenant toujours le soldat pour Henri lui-même l’amènent au château, où ils croient trouver le Duc de Mayenne, à qui ils veulent le livrer. Mais le quiproquo cesse bientôt, et soldat qui les a jettés tous dans l’erreur, est enfermé dans le donjon où le Roi s’est retiré. Là, il rend au Roi ses habits, et lorsque d’Estrées, à son arrivée, leur demandent leur prisonnier, c’est Henri qui sort de la tour. Etonnement général. D’Estrées, fidèle à son prince, le soustrait aux ligueurs, en déclarant qu’il en répond sur sa tête, et il le fait entrer dans son château. Henri peut alors voir Gabrielle, lui parler de son amour, lui offrir même le titre d’épouse et de Reine ; mais Gabrielle le rappelle à l’honneur, et finit par déchirer la promesse que le Roi lui a faite de l’épouser. Cependant les serviteurs du Prince ont appris sa retraite ; Crillon est à leur tête, il vient lui annoncer l’arrivée de Mayenne et de ses soldats. Henri n’hésite plus ; ;il va partir, et Gabrielle, en lui faisant ses adieux, place sur son chapeau un panache blanc, signe du ralliement, que ses soldats doivent toujours trouver au chemin de l'honneur et de la victoire. En cet instant d’Estrées apporte des depêches, le Duc de Mayenne dépose les armes et demande la paix. Henri signe avec joie ce traité, qui fait de ce jour le plus beau de sa vie.

Tel est le fonds de cet opéra-comique, qui, malgré ses défauts , a été accueilli avec beaucoup de faveur. On y a saisi avec plaisir plusieurs traits heureux ; les calembourgs même ont eu leur part à la bienveillance publique. Au moment où Henri IV, déguisé en jardinier, est occupé à rentrer des pots de fleurs, Estelle lui présente un laurier rose, pour le placer dans la serre voisine ; le héros prend le laurier par la tige, et la caisse tombe aussi tôt par terre : « Comment vous y prenez vous ? dit Estelle ; vous faites si bien que le laurier vous reste à la main. » Le mot a été vivement applaudi. On a été également satisfait de la scène où Henri IV monte chez sa maîtresse, chargé de fleurs. Ce déguisement n’a pas semblé propre à rehausser la gloire du Prince, car ce n’est guères quand on a des ennemis puissans à combattre que l’on doit se livrer à ces passe-tems.

La musique offre plusieurs morceaux dignes du talent de M. Méhul. On a sur-tout applaudi le duo entre Elleviou et Mad. Gavaudan, et un air chanté d’une manière très-aimable par Mad..St.-Aubin ; mais en général elle n’a pas paru porter suffisamment la couleur du sujet ; on auroit désiré sur-tout ce genre gai qui semble fait pour Henri IV. Elleviou chargé de représenter ce prince, s’est acquitté de ses fonctions: en acteur fort habile ; Mad. Gavaudan a joué le rôle d’Estelle avec beaucoup d’intelligence, de finesse et de légèreté. Il étoit difficile de faire un meilleur choix que Mad. St.-Aubin pour nous donner une idée agréable de la belle et aimable Gabrielle.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 11e année, 1806, tome IV, p. 181 :

[Les pièces avec Henri IV attirent les foules, même si elles sont médiocres, comme cette pièce nouvelle, au plan « mesquin », aux « détails peu soignés », et qui ne vaut que par le chant d’Elleviou et la musique de Mehul. la déception vient du livret de Saint-Just.]

Gabriel [sic] d'Estrées, opéra en trois actes.

Voilà la meilleure preuve que le nom d'Henri IV est d'une recommandation bien puissante auprès du public. Ses amours avec Gabrielle d'Estrées font le sujet de la pièce nouvelle ; mais l'auteur n'en a pas tiré grand parti. L'ouvrage roule presque entièrement sur un travestissement du roi en paysan, d'où résultent des quiproquo. Eloi, simple soldat qui l'accompagnoit, est pris pour lui par des ligueurs qui guettoient Henri. Il ne se découvre que quand le roi est en sûreté. En général le plan a paru mesquin, et les détails peu soignés. Elleviou a très-bien joué Henri IV. Il a chanté avec la plus grande expression la romance, charmante Gabrielle, sur laquelle Mehul a fait des accompagnemens délicieux : c'est le morceau le plus marquant de l'ouvrage. On pouvoit attendre mieux de M. de Saint-Just.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VIII, août 1806, p. 277-279 :

[Une pièce avec Henri IV a de bonnes chances de réussir, et la cohabitation de deux pièces avec le même héros n’est pas nouvelle. Mais le critique invite ses lecteurs à ne pas comparer la pièce du jour et la Mort d’Henri IV, la mise en scène des amours d’Henri IV telle qu’elle est faite ici n’étant pas à la gloire du roi, deux des trois actes étant très faibles : un seul acte propose « des scènes assez divertissantes » et reprend des mots d’Henri IV que tous apprécient. Même l’interprétation du roi par Elleviou est critiquée. La musique de Méhul ne semble pas du goût du critique. Les auteurs ont été nommés et ont paru : « l’ouvrage a réussi ».

La Partie de chasse de Henri IV est une comédie en prose, en deux actes, de Charles Collé, datant de 1762 et restée populaire tout au long de le Révolution.]

THÉATRE DE L'OPÉRA – COMIQUE.

Gabrielle d’Estrées, en trois actes.

Rien n'était plus piquant que de voir tout-à-coup et en même-temps sur les deux théâtres de la capitale, les amours et la mort de Henri IV. Déjà la même chose était arrivée : on vit en même-temps sur la scène française et sur la scène lyri-comique, il y a quelques années, la Partie de Chasse de Henri IV, et la Bataille d'Ivry. Le nom d'un monarque populaire et chéri,

Le seul roi dont le pauvre ait gardé la mémoire,

a toujours eu une influence sur le succès des ouvrages dont on l'a constitué le personnage principal ; et j'oserai dire qu'il faut bien que cela soit, car on sait combien la Bataille d’lvry était inférieure à la Partie de Chasse, et combien sans les mots connus que l'auteur (Durosoi) avait accumulés dans l'ouvrage, il eût été difficile de croire au succès de sa pièce.

Peut-être aurions-nous le droit d'en dire autant de Gabrielle d’Estrées ; car je n'aime pas trop que l'on prenne pour sujet d'une action comique, les faiblesses d'un grand homme. Henri IV se déguisant en paysan pour aller voir sa maîtresse, et risquant le salut de son royaume pour une intrigue de cette nature, ce n'est pas précisément là une aventure bien propre à faire son éloge. Le premier acte est presque insignifiant, et le troisième tout-à-fait nul. Le malheur de ces pièces où l'on choisit des maîtresses de roi pour héroïnes, est de n'avoir point de dénouement possible : mais on trouve dans le second acte des scènes assez divertissantes. On retrouve les mots connus qui ont excité notre admiration et notre enthousiasme pour Henri IV ; on y revoit le brave Crillon, le coloris du temps, .et l'on pardonne quelques longueurs, on pardonne le peu de rapport entre Elleviou et le personnage qu'il représente, on pardonne les frédons du gosier de Henri, travesti en chanteur moderne; mais il faut bien se garder d'aller voir Gabrielle d'Estrées le lendemain du jour où l'on a vu la Mort d'Henri IV, de peur d'être trop sévère.

La musique est de Méhul : c'est dire assez qu'on ne doit, qu'avec circonspection, la juger et en dire son avis : j'avoue que j'ai quelquefois eu besoin de me rappeller qu'elle était de lui : j'avoue que j'ai trouvé l'arrangement de l'air Charmante Gabrielle plus bizarre que gracieux ; mais je sortais de la tragédie, et peut-être le rapprochement a-t-il influé sur mes sensations. Au total, l'ouvrage a réussi, et les auteurs, MM, St.-Just et Méhul, ont été nommés.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1807, tome I (janvier 1807), p. 296-297 :

[A l’occasion d'une représentation à Bruxelles, compte rendu assassin, dès les premiers mots. Rien ne trouve grâce aux yeux du critique, ni le livret, ni la musique (même Méhul n’est pas bon !), ni l’interprète principal : il n’a pas appris son rôle, tant il est « indigné de remplir un personnage si peu ressemblant au grand Henri ». Seuls deux actrices et un acteur sont distingués, dans des rôles secondaires (même Gabrielle d’Estrée a un rôle insignifiant).

Gabrielle d'Estrée ou les Amours de Henri IV, est un bien mauvais ouvrage. La musique n'est pas digne de M. Méhul : si son nom n'était sur l'affiche, on ne le reconnaîtrait nulle part, pas même dans un joli duo que Henri et la soubrette chantent au deuxième acte, On peut dire que, dans cet ouvrage, Henri IV est travesti sous tous les rapports. J'ai rougi pour l'auteur qui lui a mis une hotte sur le dos. M. Desfossés, indigné de remplir un personnage si peu ressemblant au grand Henri, n'a pas jugé à propos de l'apprendre, ce qui n'a pas rendu la pièce meilleure.

Le rôle de Gabrielle est insignifiant ; Mlle. Bayer le fait valoir ; elle y a un costume exact et frais, et elle joue avec infiniment d'intelligence.

Mme. Berteau est fort gentille dans Estelle, le seul rôle agréable de la pièce. M. Hurteau joue le soldat compagnon de Henri ; il s'y montre comédien intelligent. Les autres rôles sont accessoires ; ils sont tous soignés, et c'est aux acteurs que la pièce doit son succès.

Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, p. 265, donnent le nom des auteurs : Claude Godard d’Aucour de Saint-Just pour le livret, Etienne-Nicolas Méhul pour la musique. La pièce a connu 6 représentations.

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