Geneviève de Brabant (tragédie an 6)

Geneviève de Brabant, tragédie en 3 actes, par le C. Cicile. 14 brumaire an VI (4 novembre 1797).

Théâtre de l’Odéon

Titre :

Geneviève de Brabant

Genre

tragédie

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

14 brumaire an VI (4 novembre 1797)

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

Cicile

Almanach des Muses 1799.

Sujet si connu qu’on peut se dispenser d’en donner l’analyse.

De l’intérêt.

Sur la page de titre de la brochure, de l'Imprimerie du Courrier des Spectacles :

Geneviève de Brabant. Tragédie en trois actes par le citoyen Cicile. Représentée pour la première fois sur le Théâtre de l'Odéon le XIV brumaire an VI.

La pièce est précédée d'une préface :

Il est peu de personnes qui n'aient versé des larmes sur les malheurs de l'illustre et vertueuse Géneviève de Brabant : l’histoire en est si touchante qu’elle est universellement répandue : Le peuple dans les campagnes s'attendrit aux chants simples et antiques qui lui en retracent le souvenir ; et l'homme cultivé à ceux que Berquin, dans une romance très-connue, en a renouvellés de nos jours.

La Peinture et le Burin se sont unis à la poésie pour la célébrer, et l’on retrouve partout et la Romance et les gravures qui en offrent les principaux traits.

Tous les genres de théâtre, la Pantomime, l'Opéra et même le Vaudeville se sont emparés de ce sujet.

La Chaussée en avoit fait autrefois un drame, dit-on, assez médiocre, et avant lui le père Cerisiers Jésuite une tragédie en cinq actes en vers, qui a été représentée en 1669 avec des chœurs.

Je n'ai pu me procurer cette aucienne. tragédie ; et j'ignore quel a pu être et son mérite et son succès ; mais ce même auteur a publié une vie. de Géneviève, sous le titre de l'innocence reconnue, qui, quoique dédaignée depuis long-tems de l'homme de goût, s’est conservée jusqu'à nos jours.

Cet ouvrage, écrit en mauvaise prose, est embelli de tous les prodiges de la légende : visites d'anges, apparition de la vierge a Géneviève, Spectres, Sortilèges, Discours, Réflexions, Monologues, le Narrateur a tout su, tout connu, et, donnant carrière à sa pieuse imagination, nous transmet jusqu’aux pensées les plus secrètes de ses personnages.

Voici une apostrophe qu’il adresse à la mort, prête à ravir Géneviève dans sa caverne :

« Hola, cruelle ! il n’est pas encore tems de trancher une si précieuse vie ; attends que la justice de Dieu lui ait rendu son honneur, pour lui donner la mort. Quelles dépouilles peux-tu espérer d'une si misérable créature ? Son corps n'a plus de chair pour nourrir tes vers ; tu veux ronger ses os, la tristesse l'a déja fait ; tu prétends peut-être accroître le nombre de tes fantômes et de tes ombres ; laisse la.vivre ; ce n'est rien autre chose. »

Ensuite il fait descendre du ciel deux anges, plus beaux que le soleil, qui lui adressent un discours édifiant, et qui lui rendent. la vie et la beauté.

On peut se faire par cet échantillon une idée de cet ouvrage ; mais le fond d'intérêt dont il est rempli en fait rechercher avec avidité la lecture à la jeunesse, et si notre Mythologie étoit ornée comme l'ancienne des charmes de la diction, je crois que tout homme qui porterait un cœur auroit peine, quant aux infortunes de Géneviève, à se défendre de les lire et de les déplorer.

On pense bien que je n’ai point fait emploi de tout.ce merveilleux dans ma tragédie ; je l'ai reduite à ce qui porte le caractère de la vérité, et à ce qui ne sort point du cours ordinaire de la nature ; et sous ce point de vue, je croi qu'elle peut suppléer à l'histoire qui nous manque de cette infortunée victime de la calomnie, et qu'elle en offre les circonstances les plus intéressantes.

On peut cependant jetter quelque doute sur l'existence d'une femme dans une forêt, pendant un cours de sept années. Cerisiers atteste ce fait, d'après Raderus dans sa Barrière, et Eritius Putéanus, écrivain de la province de Gueldre, où il a pris les fondemens de ses. deux ouvrages. J’ajouterai que les premiers siècles du christianisme ont fourni beaucoup d'exemples de cette nature ; mais comme le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable, et que d'ailleurs les premiers historiens de Géneviève ont pu exagérer les faits, comme il étoit assez d'usage dans ces tems là, j'ai introduit le personnage d'un vieillard, qui a pourvu à ses besoins ; et j'ai fondé son éloignement du monde sur le profond ressentiment quelle a conservé de l'injustice de son époux, et sur l'aversion qu'elle a prise de la méchanceté et de la crédulité des hommes.

Ce caractère est le seul en effet qui puisse convenir à Géneviève, et rendre vraisemblable le courage et l'austérité de sa vie solitaire ; et je crois, malgré l'objection qui m’a été faite à ce sujet, que ce ressentiment est dans le cœur humain et qu’il doit principalement éclater au moment ou elle retrouve son mari.

J'ai seulement adouci quelques expressions de cette situation, ce qui rend Géneviève plus intéressante ; et en cela j'aime à rendre justice aux conseils qui m'ont été donnés.

Du reste ; je prie de considérer que le sujet de cette tragédie n'est pas la reconnaissance de la personne de Géneviève, mais celle de sa vertu.

J'ai voulu offrir un tableau de ces luttes cruelles, et malheureusement trop fréquentes, entre l'innocence et la calomnie ; il cousolera, du moins, les personnes qui ont eu le malheur d'éprouver ses traits empoisonnés, et il pourra garantir l'homme probe de la crédulité facile qui le rend souvent l'écho et le complice du calomniateur.

La tragédie est l'école de la morale et de la vertu : et je m'applaudis d'avoir pu rappeller dans celle-ci quelques traits sur l'immortalité de. l'ame, sans laquelle et la morale et les vertus seroient bien inutiles à l'homme.

Quant aux détails dramatiques de cet ouvrage, j'y ai fait beaucoup de corrections depuis les premières représentations, et je sens qu'il en reste encore beaucoup d'autres à faire. J'observerai seulement que, son intérêt portant uniquement sur une action particulière, je n'ai pu élever mon style à la pompe des grands sujets de tragédie ; j'ai tâché, du moins, privé de ce moyen d'éclat, qu'il put aller au cœur et faire répandre quelques larmes.

J'étois fort jeune, d'ailleurs, lorsque je composai cet ouvrage. Tous les auteurs de tragédies savent les difficultés qu'il faut vaincre pour arriver, la première fois sur-tout, aux honneurs de la représentation ; pour moi, trop défiant de moi-même pour lutter contre elles, je n'attendois plus rien de mes foibles essais et sur-tout de ma Géneviève, abandonnée depuis plus de seize ans à son obscurité.

Je dois au C. Patrat, homme de lettres, attaché au théâtre de l’Odéon l'accueil qu'elle a reçue, et de l'administration de ce théâtre et du public, qui a décidé le succès qu’il m’en avait fait espérer.

Les artistes se doivent tous des encouragements mutuels ; et je saisis avec plaisir cette occasion de lui témoigner ma reconnoissance, et de rendre la même justice au zèle des acteurs qui ont rempli les rôles de ma tragédie. Leurs talens, qui ont reçu déia des applaudîssemens flateurs du public ne peuvent que s'accroitre et se perfectionner encore, auprès des artistes célèbres que l'Odéon vient de réunir dans son sein.

Courrier des spectacles, n° 257 du 15 brumaire an 6 (Dimanche 5 Novembre 1797), p. 2-3 :

[Le Courrier des spectacles consacre à la tragédie nouvelle un long article, qui s’ouvre par le succès que rencontre le sujet, présent sur plusieurs théâtres et traité dans différents genres. Il a déjà fait l’objet d’une tragédie en cinq actes en 1669, mais cette version est bien oubliée. La tragédie nouvelle est en trois actes (l’article revient sur ce point à la fin). Le critique, malgré la notoriété du sujet, en présente l’analyse. Suit un long et minutieux résumé de l’intrigue. Après de nombreuses péripéties, la pièce s’achève bien sûr par la mort du traître qui se poignarde. Le jugement porté ensuite sur la pièce est mitigé. D’abord le sujet est peu susceptible de faire naître l’intérêt chez les spectateurs. Ensuite, si le plan choisi par l’auteur est approuvé, les moyens mis en œuvre sont jugés « quelque fois très-foibles. Le style est jugé « généralement clair et précis », mais il est assez éloigné de ce qu’on attend dans une tragédie, malgré la présence de quelques beaux vers. L’accueil du public a été favorable, et l’auteur, à qui le critique prête « de grandes dispositions » est invité à choisir « des sujets plus heureux lui permettant « d’atteindre cinq actes ». Car c’est bien le but à attendre, alors qu’on tolère aujourd’hui des pièces en trois actes. C’est le signe d’un déclin du théâtre, tout comme la disparition de la comédie, sous l’effet de la mode du drame. Reste à parler des interprètes. « Tous les principaux rôles de cette tragédie ont été parfaitement rendu », avec une restriction pour le rôle de Golo : on attend de son interprète « plus d’à-plomb dans les représentations suivantes ».]

Théâtre de l’Odéon.

Le sujet de Genevieve de Brabant est connu de tout le monde ; il a été traité de nos jours sur différens théâtres, en pantomime au théâtre d’Emulation, en opéra au théâtre Louvois. Il l’avoit déjà été long-temps auparavant ; une tragedie sainte fut donnée par Cerisier en 1669, sous le titre de Genevieve de Brabant, ou l’Innocence reconnue. Cette pièce étoit en cinq actes et en vers, et fut représentée avec des chœurs ; elle a été imprimée, mais je n’ai pu me la procurer, et j’ignore e n conséquence si, et jusques à quel point elle a servi au cit. Cicile, auteur de la tragédie de Geneviève de Brabant, donnée hier pour la première fois avec un très-grand succès, au théâtre de l’Odéon.

Cette nouvelle pièce est en trois actes ; j’en vais présenter l’analyse pour les personnes qui ne se rappellent pas l’histoire de l’héroine.

Pendant que Siffroy, célèbre palatin, étoit absent de ses états où il avoit laissé Geneviève de Brabant, son épouse, Golo, son intendant, en devint amoureux. Il tenta tout pour la séduire, mais ne pouvant parvenir à ses fins, son amour se changea bientôt en rage. Il résolut de la perdre auprès de son époux, et se servant du pouvoir que l’amitié lui donnoit sur Siffroy , il la lui peignit adultère, massacra lui-même Progant, sujet fidèle du palatin, à qui il persuada que c'étoit le rival qui lui étoit préféré. Siffroy trompé par cette perfide, prononça l’arrêt de mort de Geneviève, et laissa à Golo le soin de le faire exécuter ; celui-ci en changea Eralde, un de ses confidens, qui, au moment de consommer le crime, fut tellement touché à la vue de Geneviève et d’un fils qu’elle avoit mis au jour dans sa prison, qu’il favorisa sa fuite jusques dans une forêt où il l’abandonna. II y a sept ans que Geneviève habite cette forêt avec son fils qui a été allaité par une biche, et qu’elle élève sans lui faire connoitre sa naissance. Depuis quatre ans seulement, elle a été rencontrée par Idulphe, paysan du voisinage, qui l’a forcée d'accepter quelques secours.

Siffroy, de son côté n’est guères plus heureux : continuellement tourmenté par le chagrin que lui cause l’infidélité de Geneviève, i1 erre de toutes parts, et arrive en chassant dans la même forêt où elle est retirée. Idulphe se présente à lui, implore sa pitié pour une femme infortunée. Le palatin consent à la voir, et suit son guide jusques à la retraite de Geneviève. Elle n’a pas plutôt reconnu son époux, qu’elle l’accable de reproches et le fuit. Siffroy appelle son ami, lui apprend qu’il vient de retrouver Geneviève ; Eralde avoue qu’il a épargné ses jours ; le palatin veut la revoir ; le monstre de Golo l’en détourne. Siffroy se détermine à la fuir ; il veut du moins adoucir son sort, et la faire reconduire dans son palais. Golo est encore chargé de ce soin, mais il médite de se défaire de sa victime. Il cherche à éloigner Idulphe, et celui-ci ne voulant pas le laisser approcher seul la malheureuse Geneviève, le traître convient avec lui d’un rendez-vous où il se trouvera avec Siffroy, qu’il feint d’aller rejoindre tandis qu’il se cache. Idulphe se rend au rendez-vous. Golo sort de sa retraite, et vient pour poignarder Geneviève ; elle l’apperçoit et se trouve mal ; il s’arrête, espérant que sa mort sera un effet naturel de son épouvante ; mais entendant du bruit, il s’éloigne ; c’est Idulphe qui revient avec Siffroy. Ce dernier a une explication avec Geneviève, qui lui découvre les crimes de Golo. Il est sur le point d'être convaincu, lorsque le monstre se présente. Sifroy veut le percer ; le traître s’offre à ses coups. Son hypocrisie le désarme, et rejette de nouveaux doutes sur Geneviève. Le palatin ne peut rester dans cette incertitude, il veut connoitre le coupable par la voie du combat : mais Idulphe prétend avoir un autre moyen de prouver les crimes de Golo, et lui faisant avouer plusieurs actions méchantes contre Geneviève, il en conclud qu’il a pu être coupable de calomnie. Il existe une preuve plus forte des crimes de Golo, c’est le témoignage de l’enfant qui dit qu’il agitoit un fer dans ses mains, pendant que sa mère étoit évanouie. Siffroy desabusé veut faire périr le traître, qui se fait justice lui-même, en se poignardant.

Quoique ce sujet offre les deux grands ressorts de la tragédie, la terreur et la pitié, il est cependant peu théâtrale. L’intérêt est trop limité ; la tragédie demande plus de pompe, plus d’éclat. On doit rendre justice à 1’auteur sur la manière dont il a tracé son plan, il a tiré du sujet tout le parti possible, mais les moyens sont quelque fois très-foibles. Celui qu’annonce si fortement Idulphe produit d’autant moins d’effet, qu’on s’attend d’avantage à une preuve convainquante. Le témoignage de l’enfant a bien plus de poids que le raisonnement du vieillard.

Le style est généralement clair et précis ; mais quelquefois les expressions sont peut propres, telles que, une ame de fange, des yeux consternés, un funèbre chagrin. Il s’eleve d’ailleurs rarement à la dignité du cothurne ; on a cependant remarqué et applaudi quelques beaux vers. On annonce à Siffroy un pauvre vieillard :

Allez, un malheureux jamais ne m’importune ;
Dites-lui d’approcher.

Golo conseille au palatin de se distraire de ses chagrins par les plaisirs ; il répond :

Et lequel peut valoir à l’ame bienfaisante,
Celui de soulager l'humanité souffrante.
.     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .
.     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .

Et dans un autre endroit :

Vas l’homme vertueux n’est jamais inhumain,
Et tous les scélérats portent un cœur d’airain.

D’autres vers ont paru présenter des pensées exagérées ; tel est le dernier vers de la pièce :

La vertu sur la terre y fait trouver les cieux.

Quoiqu’il en soit, cette tragédie qui, comme je l’ai dit, a été très-bien accueillie du public, annonce de grandes dispositions. Il est à désirer que l’auteur prenne des sujets plus heureux, et qui lui permette d’atteindre cinq actes.

Il est à remarquer que depuis qu’on a toléré les tragédies en trois actes, à peine trouve-t-on un auteur qui en compose une en cinq. C’est ainsi que depuis que les drames sont à la mode, on ne voit plus de comédies. La même cause perdra les deux genres, la facilité que l’on trouve dans un nouveau.

Tous les principaux rôles de cette tragédie ont été parfaitement rendus par les cit. Dorsan et Dugrand, et par la cit. Legrand. Le cit. Prat a bien rendu le petit rôle d’Eralde. Le cit. Barbier, qui a des moyens pour devenir un bon acteur, rendra sûrement celui de Golo avec plus d’à-plomb dans les représentations suivantes.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an VI, 1er trimestre, n° 6 (30 Brumaire – Lundi 20 Novembre 1797), p. 359-361 :

[La légende de Geneviève de Brabant a déjà été mise au théâtre, récemment dans plusieurs théâtres, et plus anciennement en 1669. Le critique ne peut qu’évoquer ces diverses œuvres, sans pouvoir assurer que la nouvelle tragédie découle de la plus ancienne des tragédies qu’il vient de citer. L’analyse de la pièce, destinée à rafraîchir les mémoires défaillantes, s’ouvre par l’exposition de l’avant-scène (ce qui se passe avant que la pièce débute), puis elle résume de façon précise la pièce. Une fois la pièce résumée jusqu’à son dénouement, le jugement porte sur le style, « en général simple & clair ». Plusieurs vers sont cités, présentés comme des « vers de sentiment ». Un dernier exemple est présenté comme exagéré et de mauvais goût, mais leur petit nombre ne nuit pas « au mérite de l’ouvrage ». Un dernier paragraphe est consacré à l’interprétation, jugée de façon très positive.

Cet article, partiellement repris du Courrier des spectacles, figure également dans l’Esprit des journaux français et étrangers, 1798 (vingt-septième année), tome I (janvier 1798, nivôse, an VI), p. 182-185.]

Théâtre de l'Odéon.

Le sujet de Geneviève de Brabant est fort connu ; il a été traité de nos jours sur différens théâtres en pantomime au théâtre d'Emulation, en opéra au théâtre Louvois. Il l'avait déjà été long-tems auparavant ; une tragédie sainte fut donnée par Cerisier, en 1669, sous le titre de Geneviève de Brabant, ou l'Innocence reconnue. Cette pièce était en cinq actes et en vers, et fut représentée avec des chœurs ; j'ignore si elle a servi au C. Cicile, auteur de la tragédie de Geneviève de Brabant, donnée le 14 Brumaire, pour la première fois avec un très-grand succès, au théâtre de l'Odéon.

Cette nouvelle pièce est en trois actes ; j'en vais présenter l'analyse en faveur des personnes qui ne se rappellent pas l'histoire qui en fait le sujet.

Pendant que Siffroy, célèbre Palatin, était absent de ses Etats où il avait laissé Geneviève de Brabant, son épouse, Golo, son Intendant, en devint amoureux. Il tenta tout pour la séduire, mais ne pouvant y parvenir, son amour se changea bientôt en rage. Il résolut de la perdre auprès de son époux, et se servant de l'ascendant qu'il avait sur l'esprit de Siffroy, il la lui peignit adultère, massacra lui-même Drogant, sujet fidelle du Palatin, à qui il persuada que c'était son rival préféré. Siffroy trompé par cette perfidie, prononça l'arrêt de mort de Geneviève, et laissa à Golo le soin de le faire exécuter ; celui-ci en chargea Eralde, un de ses confidens, qui, au moment de consommer le crime, fut tellement touché à la vue de Geneviève et d'un fils qu'elle avait mis au jour dans sa prison, qu'il favorisa sa fuite jusque dans une forêt où il l'abandonna. Il y a sept ans que Geneviève habite cette forêt avec son fils qui a été allaité par une biche, et qu'elle élève sans lui faire connaître sa naissance. Depuis quatre ans seulement, elle a été rencontrée par Idulphe, paysan du voisinage, qui l'a forcée d'accepter quelques secours.

Siffroy, de son côté, est très-misérable : continuellement tourmenté par le chagrin que lui cause l'infidélité de Geneviève, il erre de toutes parts, et arrive en chassant dans la forêt où elle s'est retirée. Idulphe se présente à lui, implore sa pitié pour une femme infortunée. Le Palatin consent à la voir, et suit son guide jusqu'à la retraite de Geneviève. Elle reconnaît son époux, 1'accable de reproches et le fuit. Siffroy veut la revoir : le monstre de Golo l'en détourne.

Siffroy en se résolvant à la fuir, veut du moins adoucir son sort, et la faire reconduire dans son palais. Golo est encore chargé de ce soin, et médite de se défaire de sa victime. Il cherche à éloigner Idulphe ; mais celui-ci et [sic] voulant pas le laisser approcher seul de la malheureuse Geneviève, le traître lui indique un rendez-vous où il doit se trouver avec Siffroy, qu'il feint d'aller rejoindre lui-même, tandis qu'il se cache. Idulphe se rend au rendez-vous. Golo sort de sa retraite, et s'avance pour poignarder Geneviève ; elle l'aperçoit et se trouve mal : il s'arrête, espérant que sa mort sera un effet naturel de son épouvante ; mais entendant du bruit, il s'éloigne : c'est Idulphe qui revient avec Siffroy. Ce dernier a une explication avec Geneviève ; elle lui découvre les crimes de Golo. Le monstre se présente. Siffroy veut le percer : son hypocrisie désarme encore son maître, et jette de nouveaux doutes sur Geneviève. Mais il existe une preuve vivante des crimes de Golo, c'est l'enfant dont le témoignage démasque tout-à-fait le traître, qui se fait justice lui-même, en se poignardant.

Le style de cette pièce est en générai simple et clair ; on a remarqué et applaudi quelques vers de sentiment. On annonce à Siffroy un pauvre vieillard :

Allez, un malheureux jamais ne m'importune ;
Dites-lui d'approcher.

Golo conseille au Palatin de se distraire de ses chagrins par les plaisirs ; il répond :

Et lequel peut va1oir à l'ame bien fesante,
Celui de soulager l'humanité s uffrante ?

D'autres vers ont paru présenter des pensées exagérées ou des expressions de mauvais goût ; tel est le dernier vers de la pièce :

La vertu sur la terre y fait trouver les cieux.

Tous 1es principaux rôles ont été parfaitement bien rendus, et l'on peut citer particulièrement avec éloge les CC. Dorsan et Dugrand et la citoyenne Legrand. (Courrier des Spectacles).

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