Héro et Léandre

Héro et Léandre, ballet-pantomime en un acte, de Milon, musique de François-Charlemagne Lefevre, 13 frimaire an 8 [4 décembre 1799].

Théâtre des Arts.

Titre :

Héro et Léandre

Genre

ballet

Nombre d'actes :

1

Musique :

oui

Date de création :

13 frimaire an 8 [4 décembre 1799)]

Théâtre :

Théâtre des Arts

Compositeur(s) :

François- Charlemagne Lefevre

Chorégraphe(s) :

Milon

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, à l’Imprimerie à Prix-Fixe, an 8 :

Héro et Léandre, ballet pantomime, En un Acte, Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la République et des Arts, le 6 frimaire an 8 ; Par L.-J. Milon, Artiste de ce Théâtre.

Léandre conduit par l’Amour,
En nageant, disoit aux orages :
« Laissez-moi gagner les rivages ;
» Ne me noyez qu’à mon retour ».

Traduction de Martial.

Courrier des spectacles, n° 1006 du 14 frimaire an 8 [5 décembre 1799], p. 2 :

[Premier article enthousiaste après la première représentation du ballet. Faute de place, le critique ne peut qu’esquisser quelques éléments de tout ce qu’il a à dire du spectacle et de ses interprètes. Il finit par l’annonce du triomphe de Milon.]

Théâtre de la République et des Arts.

Encore un compositeur dont le nom doit figurer honorablement à côté de ceux des Dauberval, des Vestris et des Gardel. Le talent du cit. Milon s’étoit annoncé avec bien de l’avantage, par le joli ballet de Pygmalion, donné sur un théâtre inférieur ; mais il vient de briller enfin sur le premier théâtre de l’Europe. L’ingénieux ballet de Héro et Léandre a obtenu hier le succès le plus éclatant. On ne peut concevoir comment il est possible de créer, pour ainsi dire, un poëme avec un sujet aussi simple, qu'en jugeant à la représentation même tout le parti que l’auteur a sçu en tirer, et les détails charmans qu’il a sçu lier au fonds de l’action principale. C’est avec un véritable regret que contrariés par le défaut d’espace et de temps, nous nous voyons forcés de remettre au prochain numéro l'analyse et l’exposé des beautés de cet ouvrage, joué en perfection par le cit. Vestris et par les cit. Gardel, Chevigny et Minette Duport ; car cette intéressante artiste qui jouoit autrefois avec tant de finesse les rôles d’Amour sur ce théâtre, vient d’y signaler sa rentrée dans le même caractère. Nous parlerons de son jeu en rendant compte de l’exécution admirable de ce ballet confiée au zèle de tous les premiers sujets de la danse.

La musique est du citoyen Lefevre et mérite les éloges qu’on lui a donnés généralement.

Le citoyen Milon a été demandé et amené par le citoyen Vestris et par la citoyenne Gardel, ou plutôt par la foule de ses camarades ; il a reçu les plus vifs applaudissemens.

B.

Courrier des spectacles, n° 1007 du 15 frimaire an 8 [6 décembre 1799], p. 2-3 :

[Très long article, cette fois, détaillé et précis, sur un ballet jugé de façon très positive. Le critique commence par le résumé de l’intrigue de la pantomime. Puis il énumère toute une série de très beaux moments : il parle de « détails charmans », d’« idée ingénieuse », d’« hommage très adroit » pour décrire des temps forts du ballet. Danseuses et danseurs sont tous félicités chaleureusement pour la qualité de leur danse, mais aussi pour leur interprétation parfaitement adaptée à la situation. Il faut tout de même nuancer un peu un jugement jusqu’ici sans restrictions, et c’est au ballet d’ensemble final qu’est fait le traditionnel reproche de longueur excessive. De même il est regrettable qu’il n’y ait pas eu de nouvelles décorations pour cette œuvre nouvelle. « La musique a fait constamment plaisir », selon la formule qu’on rencontre souvent dans des critiques (elle n’engage pas beaucoup celui qui l’emploie). Elle est jugée peu chaleureuse, pauvre en contrastes. Elle comprend un certain nombre d’airs d’autres musiciens que Lefebvre.]

Théàtre de la République et des Arts.

Rien de plus simple, mais en même tems de plus délicat que le plan du ballet-pantomime de Héro et Léandre.

Léandre, épris de Héro, aborde à Sestos, où elle dirige, comme première prêtresse, le culte de Vénus. Il la voit au moment où elle conduit une fête à l’honneur de la Déesse ; il saisit, pour faire à Héro l’aveu de son amour, l’instant où quelques Phrygiennes, qui venoient la chercher pour la fête, sont rentrées dans le temple. Les vœux de Léandre sont rejettés ; Héro ne peut y être sensible sans attirer sur elle le courroux de la Déesse. L'Amour paroît, et Léandre implore son appui. Le Dieu, pour servir cet amant, emploie une ruse innocente : pendant que tout un peuple fait ses offrandes à Vertus, il s’avance sous l'extérieur d’un adolescent qui veut offrir des fleurs, et charge Héro de les présenter pour lui à la Déesse. Héro, charmée du maintien modeste et des traits intéressans de cet enfant, le presse contre son sein et en reçoit un baiser qui porte aussi-tôt le trouble dans ses sens.

On commence les jeux de la fête, mais l’Amour les trouve peu dignes du culte de sa mère, il les suspend, fait paroître des Génies qui viennent revêtir deux Phrygiennes, l’une des attributs de Junon, l’autre de ceux de Minerve ; il désigne Héro pour figurer Vénus, et Léandre , représentant Pâris, lui offre la pomme. A peine ce prix de la beauté est-il déposé sur l’autel, qu’une colombe descend et l’emporte avec rapidité. Ce prodige annonce que cette nouvelle disposition de fête est agréable à la Déesse.

Ne se bornant pas à ce stratagème, l’Amour introduit dans les jeux une Phrygienne dont les grâces éveillent la jalousie dans le cœur de Héro. Léandre dissipe ce nuage et la nuit couvre de ses voiles le serment que les amans se font d’être fidèles.

Cependant le navire qui devoit reconduire Léandre à Abydos a déjà fait voile. Le jour va paraître, révéler son amour, éclairer les soupçons sur les sentimens secrets de Héro. Ce n'est plus qu'à la nage que Léandre peut rejoindre le rivage opposé. A mesure qu’il approche de la mer, le cortège des plaisirs s'éloigne ; ils disparoissent dès qu’il s’est élancé dans les flots, qui, soulevés par un violent orage, l’ont bientôt englouti. La foudre brille autour de Héro, qui tombe évanouie ; mais Amphitrite, portée par des Tritons, vient la rendre à la vie ; Neptune, du fond des eaux, lui ramène Léandre et les Dieux descendent de l’Olympe pour les unir.

Ce ballet, dessiné avec un goût infini, est rempli de détails charmans que la plume voudrait envain décrire. On concevrait difficilement une idée plus ingénieuse que celle de faire composer par l’Amour une fête à Vénus, en figurant l’époque où Paris lui donna la pomme, et sur-tout d’assurer le triomphe de Léandre en le chargeant de représenter vis-à-vis de Héro le Berger du Mont Ida. C’est encore un hommage très-adroit au célèbre compositeur du Ballet de Pâris ; mais sur-tout c’est, quand au fonds même de l'action, un véritable trait de génie, comme la danse guerrière de Pallas est un véritable coup de maître. Ce pas est d’une superbe facture, et son exécution, confiée à la cit. Clotilde, est au-dessus de toute expression. D’après la vigueur et la précision de son jeu mâle, hardi et toujours majestueux, la beauté de son maintien, nous sommes fondés à dire que ce rôle est un des plus beaux de ceux qu’elle ait remplis jusqu’à ce jour.

Tout est noble et correct dans le jeu de la cit. Saulnier, figurant Junon ; tout y est plein de grace et de délicatesse dans celui des cit. Chevigny, Chameroy, Vestris et Félicite.

Les deux rôles principaux sont remplis par le cit. Vestris et la citoyenne Gardel.-Envain essayerait-on de donner une idée très-juste de la vérité avec laquelle ils rendent les moindres situations : toute description serait foible, tous détails seraient incomplets. Même dans l’exécution de quelques pas de la plus grande force, dans la scène où l’Amour amène la Phrygienne au milieu des jeux, le cit. Vestris ne perd point de vue le principal intérêt de son rôle. Léandre alors, quoique séduit par les graces de cette nouvelle beauté, a cependant les yeux sans cesse fixés sur Héro : cette intention est supérieurement rendue ; et quant à la citoyenne Gardel, si elle exprime avec ame la douleur et le désespoir, elle n’exprime pas avec moins d’habileté l’étonnement et la joie que lui cause la présence de Léandre rendu à la vie par les Destins suprêmes. Les moindres nuances ici sont caractérisées avec un art admirable.

La citoyenne Minette Duport a généralement paru étonnante. L'Amour, dans ce sujet, n’est plus un enfant, il joue déjà un personnage sérieux : plus âgé, il est plus adroit, plus fin, et la citoyenne Minette en a parfaitement saisi le caractère. Ce rôle cependant est considérable, c’est à lui que tient tout le fil de l’action ; il exigeoit autant d’intelligence qu’en a mis la citoyenne Minette.

Quoique tout fasse plaisir dans cet ouvrage, l'auteur peut-être jugera nécessaire de supprimer quelque chose de ce qui n’est qu’exécution de danse, au ballet d’ensemble qui termine le spectacle ; cette partie a paru un peu longue. Ce sacrifice sera d’autant plus facile qu’il n’ôtera rien à l’action.

On a regretté avec beaucoup de raison que cette pièce ait été montée avec des décorations déjà connues. C’est la première fois peut-être que l’on voit un ballet nouveau sans décorations nécessitées par le sujet.

La musique a fait constamment plaisir ; l’e ploi de morceaux connus est un peu rare, mais le cit. Lefebvre a été souvent heureux dans ceux de sa composition qu’il a encadrés. On distingue sur-tout une très-belle marche, un adagio très expressif, dont les parties sont concertées avec habileté, et l’ouverture qui a de bons effets et qui prouve un goût très-sage. S’il est un reproche à faire à cette musique, c’est de n’avoir pas toujours assez de chaleur et d’offrir peu de ces contrastes frappans au moyen desquels tous les morceaux, quelque différent que soit leur caractère, acquièrent l’un par l’autre une valeur nouvelle. Parmi les airs adaptés, on a principalement applaudi une belle tempête du célèbre Vogel, un air délicieux de Martini, exécuté sur le cor avec un goût exquis par le cit. Frédéric, un petit fragment de Mozart, composant un duo du Mariage de Figaro, et un joli presto d'Haydn.

B.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome IV, p. 541-543 :

[Ballet à succès, qui reprend en la modifiant « la fable connue de Héro et Léandre ». Résumé de l’argument. La fin du ballet est critiquée (l’entrée des faunes). Eloge des danseurs. Mais la suite est moins positive : « les costumes et les décorations sont peu soignés. Les auteurs sont cités, compositeur et chorégraphe, ce dernier étant mis en valeur.]

Héro et Léandre. », ce qui n’a pas empêché le succès.

Ce ballet avoit attiré beaucoup de monde à l'Opéra le 13 frimaire. Il a eu du succès.

L'auteur n'a pas exactement suivi la fable connue de Héro et Léandre, il s'en faut de beaucoup; et, sans le programme , il seroit tout-à-fait impossible de deviner le nom des personnages, et même de démêler l'intrigue par l'action du ballet, ce qui est un grand défaut.

Léandre aborde à Lesbos, il voit Héro à la tête des prêtresses, en devient amoureux et le lui déclare bientôt. Héro fuit dans le temple de Vénus. Léandre, déguisé en femme, trouve les moyens de s'y introduire. L'Amour qui le favorise, propose à la prêtresse de célébrer par des jeux le triomphe de Vénus sur Minerve et Junon, et donne une pomme à Léandre qui doit représenter Pâris. Léandre fait hommage de la pomme à Héro ; elle se sent attendrir, elle aime Léandre et ressent déja tout le tourment de la jalousie. Les deux amans restent seuls, les Ris et les Jeux viennent former autour d'eux un berceau de fleurs, dit le programme, car le spectateur ne peut les prendre que pour des témoins indiscrets : Léandre ravit à Héro le voile blanc qui couvre sa tête. Mais le vaisseau qui devoit ramener Léandre est parti sans lui, il se jette à la nage, une tempête affreuse s'élève, il est englouti, Héro tombe évanouie, alors le calme renaît. Neptune sort du fond des eaux, et rend Léandre à son amante. Ils sont unis par Vénus, et on célèbre leur hymen en présence de cette déesse et de Neptune. Des faunes mal habillés et mal amenés terminent le ballet on ne sait comment, puisqu'ils dansent on ne sait pourquoi.

Les rôles de Léandre et de Héro ont été rendus par le C. Vestris et la C.e Gardel, avec cette supériorité de talent qui les distingue.

La C.e Clotilde a dansé le pas de Pallas avec une expression mâle et guerrière qui lui a mérité des applaudissemens. Ce pas d'un genre absolument neuf, est ce qu'il y a de plus piquant dans ce ballet dont les costumes et les décorations sont peu soignés, mais qui a plu par les talens précieux qu'il met en scène.

Les auteurs ont été demandés, ce sont les CC. Lefèvre, pour la musique ; et Milon, pour la danse : celui-ci a déja donné à l'Ambigu-Comique un ballet des plus agréables, celui de Pygmalion dans lequel ses camarades du théâtre des Arts se sont fait un plaisir de figurer plusieurs fois.

Ajouter un commentaire

Anti-spam