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Pygmalion (Milon, 1799)
Pygmalion, ballet-pantomime en 2 actes, de Milon, musique de François-Charlemagne Lefebvre, 19 Floréal an 7 [8 mai 1799].
Théâtre de l’Ambigu-Comique.
Reprise le 2 Fructidor an 8 [20 août 1800].
Théâtre de la République et des Arts
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Titre :
Pygmalion
Genre
ballet-pantomime
Nombre d'actes :
2
Musique :
oui
Date de création :
19 floréal an 7 [8 mai 1799]
repris le 2 fructidor an 8 [20 août 1800]
Théâtre :
Création au Théâtre de l’Ambigu-Comique,
Reprise au Théâtre de la République et des Arts
Chorégraphe(s) :
Milon
Compositeur(s) :
musique de différents compositeurs, arrangée par François-Charlemagne Lefebvre.
Courrier des spectacles, n° 807 du 20 floréal an 7 [9 mai 1799], p. 2-3 :
[Cette première représentation de Pygmalion est un grand succès, et le critique porte une appréciation très positive sur l'œuvre. Ce n’est pas un produit de l’imagination (qualificatif qui n’est pas élogieux), mais une allégorie mythologique dont la compréhension ne pose pas de problème. Il met en scène l'amour forgeant ses armes, arc et flèches, et s’en servant pour rendre une jeune bergère amoureuse de Polémon, ce qui désespère Pygmalion, à qui Vénus vient en aide en donnant la vie à une de ses statues. Le critique ne peut s’attarder sur tous les détails (il y reviendra), mais il fait un vif éloge du travail de Milon, mise en action d’un grand nombre d’airs, « groupes délicieux », « situations expressives », « scènes absolument parlantes : tout ce qui décrit le ballet-pantomime.]
Théâtre de l’Ambigu-Comique.
Le succés brillant que vient d’avoir à ce théâtre le ballet de Pygmalion, est une preuve certaine que le véritable goût reprend enfin son empire. Cet ouvrage n'est pas un de ces enfans bizares de l'imagination, qui présente le monstrueux assemblage du merveilleux et du romanesque, c’est un sujet tiré de la fable amené par une action ingénieuse et tout à fait anacréontique. De-là des allégories faciles à saisir, quoique très-délicates, et des tableaux dont rien n’égale la fraîcheur et la finesse.
On voit d’abord dans les jardins d’Amathonte l’amour constant et l’amour inconstant, chacun environnés de leur troupe légère, occupés à forger des flèches. Les travaux finis, on voit que les traits forgés par l’amour inconstant sont beaucoup plus nombreux que ceux de son frere.
Delphide, jeune bergere, arrive à la suite d’un grouppe de compagnes, et cueille des fleurs. Pygmalion vient sur ses traces et sans être apperçu lui ravit sa corbeille, offre de la rendre si Delphide veut en faire hommage à la statue de l’amour : la bergere s’y refuse, elle veut cueillir d’autres roses au-dessus d’un buisson ; mais l'amour caché tout près glisse à travers le feuillage une fleche qui blesse Delphide au cœur. Elle croit que l’épine de la rose est la seule cause du mal qu’elle ressent. Cependant elle cede à une douce langueur, et plus sensible, elle accompagne Pygmalion aux pieds de la statue de l’amour.
Le petit Dieu lui-même feint de dormir dans un bosquet : il est apperçu des bergeres qui veulent lui couper les ailes, il évite ce malheur par mille détours, et s’échappe enfin ; ce tableau est enchanteur.
Les amours inconstans reviennent bientôt ; ils sont suivis de Palémon [sic pour Polémon], qui rend hommage aux charmes de Delphide, la bergere oppose des dédains à ce nouvel amour, mais bientôt elle reçoit un trait de l’amour inconstant, qui amene le couple amoureux à tracer ses noms sur un arbre, au moyen des mots que l’Amour y ajoute, on y lit : l’Amour unit Delphide à Polémon. Ces caractères s’offrent aux regards de Pygmalion, qui s’abandonne au désespoir, et reproche à Delphide sa perfidie ; Delphide va implorer son pardon, mais l’amour inconstant la retient et l’entraine ; l’amour constant touché de la douleur de Pygmalion, lui offre les arts pour consolation, lui remet en main le maillet et le ciseau, et lui fait apparaître sur des nuages des amours achevant de sculpter quelques blocs.
Le sculpteur est vu ensuite dans son attelier ; de tous ses ouvrages qui n’ont plus d’attraits pour lui, une seule statue fixe son attention, et bientôt il en devient amoureux. Que de grâces, que de majesté ! semble-t-il s’écrier ; il veut s’en éloigner, vains efforts. Enfin il invoque la divinité pour qu’elle anime son chef-d’œuvre. Vénus descend de l’Empyrée ; elle touche sa statue, et Galathée respire. Pygmalion la reçoit des mains de l’Amour, qui signale cette union par une fête.
Une foule de détails échappent nécessairement à cette analyse : en nous promettant de revenir sur cet ouvrage plein de goût, nous nous bornerons à dire qu’il fait beaucoup d’honneur au citoyen Millon, qui a été demandé et accueilli au milieu des plus vifs applaudissemens. C’est un triomphe bien mérité, tant à cause de la composition du ballet même, que par l’art avec lequel l’artiste a mis en action une foule d’airs ou de morceaux choisis, et encore par le talent qu’il a eu de créer, non-seulement des grouppes délicieux, mais des situations expressives, et des scenes absolument parlantes.
Courrier des spectacles, n° 809, du 22 floréal an 7 [11 mai 1799], p. 2 :
[Retour sur le ballet Pygmalion. Il est consacré à dire combien le Théâtre de l’Ambigu-Comique a su réaliser ce ballet avec des moyens dignes des grands théâtres. Le critique fait l’éloge des décors et des machines, et surtout dit tout le bien qu’il pense des danseurs (un seul petit reproche au citoyen Alexis, invité à mieux contrôler le mouvement de ses bras). L’auteur du ballet a su traiter avec talent « l’un des sujets les plus arides de la fable ». Et il a été bien secondé par l’auteur de la musique : son ouverture a su admirablement bien peindre un « lever de l’aurore ».]
Théâtre de l’Ambigu-Comique.
Nous revenons avec d'autant plus de plaisir sur le joli ballet de Pygmalion, qu’il ne demandoit pour briller encore davantage qu’un théâtre plus grand, et qu’il est une sorte de phénomène aux boulevards, livrés pendant si long-tems au genre diabolique. Cet ouvrage est monté néanmoins avec tout le soin imaginable. Le théâtre, dans chacun des trois changemens, est parfaitement éclairé, et les décorations qui sont du citoyen Moench pere, ajoutent à la réputation de ce peintre. La première représente les jardins d'Amathonte, et deux forges y sont occupées par les amours. La seconde est d’un caractère tout particulier : c’est un attelier considérable dont l’étendue est en projection directe pour le spectateur. Cette idée n’est pas commune, car la plupart des perspectives de derniere composition sont en diagonale. Le style de l’architecture est simple et sans luxe, tel qu’il peut convenir à l’intérieur d’un attelier : on remarque à la troisième, que la conque dans laquelle descend Venus, est supportée, mais non couronnée par des nuages : de chaque côté des amours soutiennent de banderoles, et l'intervalle est un ciel dont la teinte vaporeuse se marie d’autant mieux avec le ciel des décors et reçoit un reflet agréable.
Le rôle de Pygmalion est rempli avec beaucoup d’intelligence par le citoyen Isidor. Il réunit l’exactitude du sentiment : on voit qu'il a étudié avec fruit plusieurs de ces attitudes pleines de graces qui font le charme des compositions Grecques.
Les sujets qui remplissent les autres rôles méritent aussi des éloges sous le double rapport de la danse et du jeu. En général, ils ont des talens rares pour leur âge. Il y a beaucoup de force dans le genre de danse du citoyen Alexis, qui peut-être ne modere pas assez le mouvement de ses bras. Il remplissoit le rôle de Polémon. Celui de Delphide, confié à la citoyenne Emilie n’a rien laissé à désirer : expression, souplesse, légereté, tout dans ce personnage comme dans celui de Galathée, lui attire de justes applaudissemens.
Les cit. et cit.. Duport, chargés des rôles d'amour constant et inconstant, ont une finesse et une légereté rares dans leur exécution. Ce qu’il y a de plus étonnant dans des sujets aussi jeunes, c’est l’a-plomb : tous, au surplus, autant par cette qualité que par la netteté des pas et la précision de la mesure prouvent une bien bonne méthode.
Quand bien même plusieurs autres bons ouvrages n’eussent pas fait la réputation du cit. Millon, celui-ci suffisoit pour l’établir. Pygmalion, l’un des sujets les plus arides de la fable, n’avoit encore donné matière qu'à une seule scène. Il y a du mérite a avoir amené cette épisode par une action qui loin d’en affoiblir l’intérêt, le prépare au contraire sans altérer la fidélité du trait mythologique. Aussi, ce sont des amours qui conduisent Pygmalion sur les pas d’une bergere, c’est l’inconstance de la beauté qui se jette au sein des arts, c’est dans un attelier qu’il cherche un asyle contre l’amour, et c’est-là que le dieu triomphe encore dans un chef-d’œuvre sur lequel lui-même en secret a conduit le ciseau de l’artiste, tout est lié, tout est rapide dans ce joli ballet.
On y remarque nombre de pas heureux, mais entr’autres un pas de deux charmant au second acte, et le pas de cinq qui le termine.
Le citoyen Lefebvre, attaché à l’orchestre du théâtre de la République et des Arts, a fait précéder cette piece d'une ouverture qui, faite pour peindre un lever de l’aurore, a toute la délicatesse convenable à ce tableau.
Le ballet réapparaît dans le numéro de 1801 de l’Almanach des Muses, qui recueille pourtant les nouveautés et ne signale pas qu’il s’agit de la reprise d’un ballet déjà donné ailleurs.
Almanach des Muses 1801
Pygmalion aime Delphide. Il est protégé par l'Amour constant ; mais l'Amour inconstant séduit le cœur de sa maitresse, et Polémon va épouser Delphide. Pygmalion se désespère. L'Amour constant prend pitié de lui, lui présente un ciseau, un maillet, et l'invite à se consoler avec les Arts, des chagrins que lui a causés l'inconstance d'une maitresse. Pygmalion suit ce conseil, il fait une statue, dans laquelle il s'admire, dont il devient amoureux, et pour laquelle il invoque la puissance des Dieux. Pygmalion n'est plus dans son atelier, il se trouve transporté avec sa statue dans les jardins de Cythère, où se trouvent Vénus et l'Amour. La déesse anime la statue, et l'Amour la conduit dans les bras de Pygmalion, qui s'unit à elle.
De la fraîcheur dans les tableaux du premier acte. Le rôle de Pygmalion très-bien joué par le cit. Vestris.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Dupré, an viii (1800) :
Pygmalion, ballet-pantomime en deux actes, Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la République et des Arts, le 2 Fructidor an 8 ; Par L. J. Milon, Artiste de ce Théâtre ; Musique de différens Auteurs, arrangée par F.-C. Lefebvre, Artiste du même Théâtre.
Courrier des spectacles, n° 1272 (9 Fructidor an VIII), p. 2-3 :
[Le compte rendu (qui parle de « nouvelle représentation ») s’ouvre sur une grave question : celle du double intérêt, jugé contraire aux règles intangibles du théâtre. Mais cette irrégularité permet à la pièce d’être plus qu’un ballet, ce dont le critique se félicite : œuvre de goût, essai devenu coup de maître, action étonnante. Une foule de détails contribue à « augmenter à chaque instant l’intérêt. Le critique en donne des exemples, souligne aussi la qualité du choix des musiques, ainsi que la très remarquable prestation de Vestris et celle d’un sujet nouveau.]
'Théâtre de la République et des Arts.
Une nouvelle représentation du ballet de Pygmalion nous a donné plus de facilité d'en admirer les charmans détails. Eh ! combien ceux-ci rachètent avec avantage le défaut de double intérêt qu'avec raison sans doute on a reproché à l'auteur ! Mais s'il se fut astreint à donner à son action la régularité dramatique qu'on peut, tranchons le mot, qu'on doit exiger à la scène, Pygmalion n'auroit plus été qu'une pantomime, qu'une scène muette qui seroit sortie du genre familier à ce théâtre ; en un mot, ce n'auroit plus été un ballet. Le citoyen Millon , en composant celui-ci, n'ignoroit pas le côté foible qu'il présentoit à la critique, mais pressentant aussi le jugement des amateurs de l'art de la danse, il a dû mettre de côté les observations qu'il se faisoit à lui-même, quelque fondées qu'elles fussent, et présumer qu'on ne verroit plus dans son premier acte, véritable introduction au sujet, qu'un effort du goût et un essai de l'imagination.
Le goût triomphe complettement, l'essai devient un coup de maître, et l'action de ce premier acte paroitra toujours étonnante. Toutes idées anacréontiques parfaitement liées, tous tableaux d'une fraîcheur incomparable, cette allégorie des Amours de caractère opposé, ce combat que le Dieu de l'Inconstance livre au cœur de l'amante de Pygmalion, l'empire consolateur que l'Amour constant., rival du Dieu volage, prend sur l'esprit de l'amant trahi, au point de lui offrir les arts pour dédommagement d'une illusion malheureuse, enfin, cette foule de détails qui, nécessaires aux principaux incidens, reposent néanmoins de l'attention que ces derniers commandent ; tout flatte, soutient, augmente à chaque instant l'intérêt ; tout rit à la pensée qui, satisfaite et préparée, passe avec une disposition plus favorable au sujet purement mythologique dont se compose le second -acte.
Nous ne résistons pas au plaisir de revenir sur quelques-uns des premiers tableaux, ils prouvent que l'artiste, pour les créer, a mis à profit la lecture des meilleurs auteurs anacréontiques, tant anciens que modernes. -Cette course de l'Amour poursuivi par Delphide et les Nymphe» qui veulent lui couper les ailes, est en quelque sorte une idée du chantre de Théos ; il a fallu pour la concevoir être plein de cet esprit délicat qui conduisoit les pinceaux de Chaulieu ou de Léonard. Nous ne connoissons rien d'aussi ingénieux que ce jeu de l'Amour et des Nymphes, après celui que le citoyen Gardel a introduit dans son premier acte du ballet de Télèmaque, et dont la plus jolie strophe du Pergilium Veneris1 lui a fourni l'image :
Ite , Nymphæ ; ponit arma
Feriatus est Amor ;
Jussus est inermis ire,
Nudus ire jussus est.
Std tamen, Nymphæ, cavete
Quod Cupido pulcher est.
Totus est armatus idem
Quando nudus est Amor.
« Alliez [sic, pour Allez], ô Nymphes ; livrez-vous sans crainte aux jeux que ce beau jour commande. L'Amour partage votre gaité, il est nud, il est sans armes, tel a été l'ordre de sa mère... Qu'ai-je dit ?... Non, non, méfiez-vous encore de ce bel enfant. Qu'il soit nud, qu'il soit armé, l'Amour n'est-il pas toujours également à redouter ? » (Sens littéral.)
A l'exemple du citoyen Gardel, le citoyen Millon a tiré parti de tous les modèles qu'il avait eus sous les yeux, tant en poésie qu'en peinture ; les uns lui ont inspiré les plus charmantes idées, les autres des grouppes délicieux ; nous ne citerons de ces derniers, que celui du serment à l'Amour, qui est exactement un tableau de Fragonard.
Rien ne devoit mieux faire ressortir toute cette aimable composition que l'excellent choix des airs ou de déclamation ou d'ensemble. Tous également doux, faciles, énergiques ou délicats, graves ou légers, vifs ou sensibles, suivant les passions qu'il a fallu exprimer, ou les situations qu'il a fallu peindre ; ils présentent encore le mérite de l'opposition la plus adroite des tons et du passage fréquens, mais toujours habilement ménagé, de la mélodie à l'harmonie, de l'harmonie à la mélodie, et pour peu qu'on suive le genre des ballets, on sent que le choix des airs applicables à la pantomime, et l'art de les lier, contribuent beaucoup au succès de ces sortes d'ouvrages. A cet égard , le citoyen Lefevre qui a depuis arrangé la musique du ballet de Héro et Léandre, mérite les applaudissement multipliés qu'obtient la musique de Pygmalion. Elle a été d'ailleurs cette seconde fois supérieurement exécutée.
Nous ne pourrions ici revenir sur la perfection du jeu du citoyen Vestris, sans tomber dans une nouvelle redite. Ce rôle est son triomphe, et ce sentiment, qui du moins est le nôtre, nous a paru le sentiment général. On ne peut se faire une juste idée du talent et de l'ame de cet acteur dans le rôle de Pygmalion , qu'après l'avoir vu. Un sujet nouveau sur ce théâtre, mais dont la réputation avoit été avantageusement commencée sur un théâtre inférieur, excite une juste admiration dans le rôle de l'Amour inconstant Nous voulons parler du jeune Duport qui devient pour la danse comme pour la pantomime, une acquisition réellement précieuse ; ce jugement n'est point aventuré, quand on a vu avec quelle finesse il joue ce rôle assez considérable.
B * * *.
L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome XII, Fructidor an 8 [août-septembre 1800], p. 187-189 :
[Le ballet sans originalité traite un sujet familier à tous, l’histoire de Pygmalion amoureux de la statue qu’il a sculptée et à qui Vénus donne la vie. Le critique reproche à ce ballet-pantomime des longueurs et une certaine confusion sur le personnage de l’Amour confiant, qui se montre justement soupçonneux. Défauts qui n’empêchent la le spectacle d’être jugé brillant et plein d’avenir.]
Pigmalion, ballet.
Deux Amours se partagent l'empire des cœurs ; l'un, toujours badin & portant des ailes de papillon, se nomme l'Amour volage ; l'autre, un peu maussade & portant des ailes de pigeon, se nomme l'Amour confiant. Pigmalion, protégé par ce dernier, brûle (c'est le mot) pour une jeune bergère dont il se fait d'abord aimer, mais qui lui préfère bientôt un galant moins tendre & plus amusant. Le malheureux amant se désespère, s'arrache les cheveux, & veut même s'arracher la vie, lorsque l'Amour confiant lui conseille d'oublier l'infidelle, & de se consacrer exclusivement aux beaux-arts. Cette idée sourit à Pigmalion ;. il prend possession d'un bel atelier de sculpture, &, après avoir donné çà & là quelques coups de ciseau qui n'ont pas l'air de servir à grand'chose, il se trouve avoir fait la statue de Galatée..... Tout le monde sait le reste. Le statuaire devient amoureux de son ouvrage ; il invoque Vénus ; celle-ci, toujours bonne, ne se fait pas invoquer deux fois ; elle descend au milieu de son cortège ordinaire ; elle touche la statue de Galatée, qui, de marbre devient chair, & qui finit bientôt, non-seulement par aimer & épouser Pigmalion, mais encore par très-bien danser à sa propre noce avec Vénus, Cupidon & le marié..... Quant à la nymphe qui a trahi cet honnête homme, il n'en est plus question. Son crime reste impuni, au grand scandale de toutes les femmes vertueuses.
Il y a dans la composition de ce ballet anacréontique quelques intentions très-ingénieuses, notamment la scène où- l'Amour volage explique à la nymphe qu'il veut séduire, tous les plaisirs du changement. Mais nous croyons que cette nouveauté eût paru plus amusante si le compositeur eût évité plus scrupuleusement les longueurs, surtout dans les scènes de sentiment ; elles semblent donner tort à l'Amour confiant, déjà trop discrédité parmi nous. Un autre défaut de ce ballet, c'est de laisser ignorer jusqu’au second & dernier acte, la profession de Pigmalion, & de faire donner à cet amant fidèle le conseil d'oublier sa bergère, précisément par le dieu qui préside à la confiance. Quoi qu'il en soit, cette représentation ne peut manquer d'être suivie de beaucoup d'autres ; le spectacle nous en a paru très brillant, & digne, en tout , du premier théâtre de l'Europe.
Le compositeur du ballet est le C. Milon ; les airs ont été arrangés par le C. Lefebvre.
Journal général de la littérature de France, Fructidor an VIII, p. 288 :
Théâtre de la République et des Arts.
L'administration de ce théâtre mérite que l'on remarque l'activité avec laquelle les nouveautés s'y succèdent. En peu de tems, deux opéra, trois ballets et trois remises ont contribué a ramener les amateurs de la bonne musique.
Le ballet de Pygmalion, donné le 4 de ce mois, a eu le succès le plus complet. Ce ballet, en deux actes, commence par une scène allégorique, dont l'idée est prise de l'un des chants des Métamorphoses, du cit. Lemercier. Les amours constans, les amours légers forgent, chacun de leur côté, les traits dont ils doivent s'armer : leurs ailes et leurs couleurs sont différentes, et ils ne sont pas également dangereux. Pygmalion, jeune berger, se mêle aux jeux des amours ; un trait le blesse : il voit Delphide, et l'adore ; mais bientôt il lit sur un hêtre les noms de Delphide et de Palémon, que l'amour vient d'y graver entrelacés. II s'abandonne au désespoir. Le fils de Vénus lui fait don d'un cizeau : les arts doivent le consoler des rigueurs d'un amour malheureux.
Au second acte, Pygmalion se trouve dans son atelier. Des chef-d'oeuvres sont déjà sortis de ses mains ; déjà sa Galathée a troublé sa raison : il invoque Vénus, qui, animant sa statue, l'accorde à ses vœux. C'est la scène de Rousseau.
La composition de ce ballet a beaucoup de mérite, sous le rapport choréographique. Presque tous les pas dessinés par le cit. Milon, sont agréables, et leur exécution est confiée aux premiers sujets de la danse. Mme. Gardel y déploie surtout le talent le plus précieux ; et l'entrée la plus remarquée, a été un pas de deux, dansé par Vestris et Mlle. Chameroy, sur une charmante polonaise, exécutée par Frédéric Duvernoy. Le choix des airs est remarquable ; ils sont tous liés avec art, et heureusement adaptés à la situation : leur arrangement est dû au cit. Lefebvre. On a reconnu, avec plaisir, les beaux duos d'Armide et de l'Olympiade, des airs charmans de Mozart et de Grétry, et une foule de morceaux tirés des meilleures productions instrumentales de Haydn et de Pleyel. L'ouverture de la Frascatana, sur laquelle est arrangée une des finales de danse, dont Gardel est l'inventeur, termine l'ouvrage d'une manière brillante.
Dans la base César figure un ballet Pygmalion d'auteur inconnu qui a d'abord connu deux représentations les 13 et 25 février 1799 au Théâtre des Amis de la Patrie, puis qui a été donné 12 fois du 8 mai au 1er juin 1799 au Théâtre de l'Ambigu-Comique. C’est le même qui réapparaît au Théâtre de la République et des Arts le 8 fructidor an 8 [20 août 1800]. Il est crédité de 18 représentations entre 1800 et 1805 (6 en 1800, 7 en 1801, 3 en 1802 et 2 en 1805).
1 Il s'agit du Pervigilium Veneris, poème latin d'époque impériale.
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