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L'Heureuse gageure

L'Heureuse Gageure, comédie en un acte et en vers, de arc-Antoine. Désaugiers, 25 mars 1811.

Théâtre Français.

Titre :

Heureuse gageure (l’)

Genre

divertissement

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

25 mars 1811

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Marc-Antoine Désaugiers

Almanach des Muses 1812.

Pièce au sujet de la naissance du Roi de Rome. Des allusions très-ingénieuses et des vers tournés avec esprit. Du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mme Masson, mars 1811 :

L'Heureuse Gageure, divertissement en un acte et en vers libres, à l'occasion de la naissance de S. M. le Roi de Rome, Par M. Desaugiers, Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre Français, le 25 mars 1811.

Journal de l’Empire, 28 mars 1811, p. 2-3 :

[Après avoir longuement commenté le retrait de Mahomet II, la tragédie de Baour-Lormian, le critique rend compte de la pièce de Desaugiers, admirablement servie par les comédiens « du premier théâtre de 1'Europe, et par conséquent du monde ». Certes, « le fond est peu de chose », et c’est la forme, ce sont les détails qui donnent son prix à la pièce. L’intrigue fait intervenir un sorcier, comme dans la Nouvelle télégraphique, un sorcier qui ne sait évidemment pas si l’enfant à naître sera garçon ou fille, mais a su exprimer un oracle ambigu. L’essentiel de la pièce, ce sont les couplets qui ont été redemandés et qui le méritaient. On peut en juger par ceux qui sont cités...]

THEATRE FRANÇAIS.

...

L 'Heureuse Gageure.

Sur le nom de l'auteur, M. Desaugiers, on auroit pu gager que le succès seroit heureux : de l'esprit, un dialogue vif et gai, de jolis couplets. Voilà ce que ce genre de pièce exige et ce sont 1à les qualités qui distinguent M. Desaugiers ; il a eu d'excellens coopérateurs dans les acteurs et actrices du premier théâtre de 1'Europe, et par conséquent du monde. Le fond est peu de chose, la forme est tout ; les détails font le prix de ces ouvrages légers faits pour le moment ; l'action a pour fondement deux rêves : Le vigneron Thibault et 1a fermière Alix ont songé l'un, qu'il devoit naître un prince ; l'autre, une princesse : gageure à qui aura fait le songe le plus véridique. Pour s'en assurer, ils vont consulter une espèce de poète du pays, qui passe pour sorcier : les poètes sont sorciers par état ; les Latins les désignent par un nom qui signifie devin, vates. Les nôtres cependant ne sont pas grands sorciers, et ne peuvent pas même deviner le succès de leurs pièces ; tous les jours ils s'y trompent. Le poète ou devin du village n'en sait pas plus que Thibault et Alix sur la question qu'on lui fait ; lui-même vient de faire une pièce de vers pour un prince ou pour une princesse : ses réponses sont ambiguës et à double sens, comme celle que l'oracle fit autrefois à Crésus. Chacun des consultans peut les interpréter en sa faveur, jusqu'à ce que la nouvelle officiellement annoncée leur apprenne la vérité ; le prix de la gageure sert à marier les enfans de ceux qui ont gagé. Tout finit par de jolies chansons, dont on a fait répéter presque tous les couplets, et qui étoient dignes de cet honneur :

Illustre fils de la Victoire
Reçois notre encens et nos vœux ;
Tu seras l'amour et la gloire
De ton siècle et de nos neveux.
Déjà, bénissant ta naissance,
Nous voyons à tes lois soumis
Dans le berceau de ton enfancev
Le tombeau de nos ennemis.

Bénissons le mois mémorable
Qui, dans un enfant adoré,
D'un bonheur à jamais durable,
Nous donne le gage sacré ;
Le prince dont l'auguste père
Hérita du nom des Césars,
Devoit recevoir la lumière
Sous l'heureuse étoile de Mars.

Voici le couplet pour le public :

Tandis que l'idole du monde
Repose en paix dans son berceau,
Daignez joindre au canon qui gronde
Un bruit garant de ce tableau ;
Et surtout gardez-vous de croire
Que vous troublerez son repos :
Jamais un chorus de victoire
N'effraya l'enfant d'un héros

Tous les sujets de Melpomène et de Thalie sans distinction de rang et d'emploi, se sont fait un devoir de paroître dans le divertissement de la fin ; toute la comédie étoit sur le théâtre : le public a vu avec plaisir cette marque de zèle de la part des Comédiens Français, mais n'en a point été surpris. Parmi les acteurs de la pièce, on a distingué Damas, Mlle Leverd, Michot, Mlle Mars, dont le talent sembloit être animé par l'intérêt de la circonstance.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome II, p. 153 :

[Un petit ouvrage sur la naissance du Roi de Rome. Tous les théâtres sont bien obligés de donner une pièce sur ce sujet, et le Théâtre Français autant, voire plus que les autres. L’intrigue résumée n’est pas passionnante, mais peu importe, ce qui compte, c’est « de la gaieté, des détails heureux, et surtout le sujet »

L'Heureuse Gageure, divertissement en un acte et en vers, joué le 25 mars.

Tous les théâtres célèbrent à l'envi le grand événement-qui comble d'allégresse tous les Français. Le premier de nos théâtres ne pouvoit manquer d'offrir son hommage, il a été très-bien accueilli.

La fermière Alix et le vigneron Thibaut ont fait chacun un rêve différent qui présage à l'un la naissance d'un Roi de Rome, et à l'autre celle d'une Princesse. Ils font une gageure d'un arpent de vigne contre un champ de bled. Il y a dans le canton un poète que l'on prend pour un devin, et que l'on vient consulter. Ses discours font croire à chacun des parieurs qu'il a gagné, jusqu'au moment où l'on annonce la naissance d'un Prince. Les enjeux servent à marier les enfans d'Alix et de Thibaut.

De la gaieté, des détails heureux, et surtout le sujet, ont fait vivement applaudir ce petit ouvrage de M. Désaugiers, dont cette pièce est le début au Théâtre Français.

Esprit des journaux, français et étrangers, mai 1811, tome V, p. 265-267 :

[Le Théâtre Français joue une pièce sans allégorie, sans changement des noms des lieux ou des personnages mis à contribution (ce n'est pas dans ses habitudes !). La pièce se situe au village et met en scène des gens de la campagne qui cherchet à deviner le sexe de l’enfant à naître. Ils font un pari sur cette question, la consultation d’une sorte de devin ne dissipe pas l’incertitude, jusqu’à ce que les cloches ne donnent la solution : c’est un garçon. Mais tous se réjouissent, même le nigaud, qui apporte de la gaieté dans la pièce. Le jugement critique est positif : une pièce simple, « c’est tout ce qu'il faut pour exprimer un sentiment vrai » (et la joie de cette naissance est évidemment « un sentiment vrai »). Détails agréables, versification facile, style des songes bien écrits, etc. On aurait pu s’attendre, sur ce théâtre, à « quelque chose de plus auguste et de plus solennel », mais l’esprit français aime exprimer l’amour par des chansons. « Ce n'est pas dégrader la scène française que de lui donner quelquefois le ton de la gaîté nationale. »]

L'Heureuse Gageure, divertissement en un acte et en vers, par M. Désaugiers.

Ce n'est pas sous le voile de l'allégorie, ni en changeant le nom des lieux ou des personnages que l'auteur a cherché à peindre l'heureux événement qui comble les vœux de la France. Il a abordé franchement son sujet, et en a tiré tout uniment l'action ou plutôt l'incident qui amène en scène les conjectures individuelles, les opinions particulières qui partagent les désirs, les espérances de chacun, à la veille d'un jour qui doit décider de grandes destinées. C'est donc au village que dame Alix et son voisin Thibaut ont fait chacun un rêve sur la naissance de l'enfant chéri qu'on attend avec une impatience bien capable de faire travailler toutes les imaginations la nuit comme le jour. Dame Alix a donc songé que le petit champ de bled, dont elle est propriétaire, s'est changé en un parterre émaillé de roses, d'où elle conclut que c'est une fille qui doit naître ; le vigneron Thibaut a rêvé, au contraire, que son quartier de vignes a été métamorphosé en un champ de lauriers, d'où il conjecture que l'enfant sera un garçon. De la dispute entre les deux songeurs, naît une gageure du champ de bled contre le quartier de vignes. En attendant que le canon décide irrévocablement la question, chacun tire à soi tous les pronostics qui peuvent être relatifs au sujet. Un poète enthousiaste, qu'on ne manque pas de prendre pour un sorcier, se trouve là fort à propos pour entretenir chacun des parieurs dans son idée favorite. Le nourrisson du Pinde a fait son thème en deux façons, pour ne pas manquer à la circonstance ; il déclame les vers qu'il consacre à peindre tantôt une Grace et tantôt un Amour. C'est pour dame Alix et pour Thibaut un oracle qui flatte, tour-à-tour, leurs espérances respectives. Enfin, l'airain a tonné vingt-deux fois et plus, dame Alix n'est point fâchée de perdre sa gageure, parce que les deux enjeux servent à marier Louise, sa fille, avec Hippolyte, fils de Thibaut. A travers tout cela, un nigaud du village, qui est désolé de n'être pas père cette année, où les enfans pleuvent dans tous les ménages, sert à égayer la scène par ses naïvetés, et à lui ôter cette monotonie sentimentale qui pourrait dégénérer en fadeur ou tourner à l'ennui.

L'idée de ce petit drame est simple, et c’est tout ce qu'il faut pour exprimer un sentiment vrai. Les détails sont agréables, la versification est facile, le style des deux songes est d'une couleur assez brillante, le rôle du poëte a de la chaleur et de l'élévation ; ainsi l'auteur a su varier ses tons, et suivre les inspirations de son sujet. On aurait pu s'attendre à quelque chose de plus auguste et de plus solennel sur le théâtre de Thalie et de Melpomène ; mais les Français ne savent bien exprimer les mouvemens de leur amour qu'en chansons. C'est un genre qui leur est propre et que l'on peut montrer partout sans inconvenance. D'ailleurs, ceci s'énonce sous le titre modeste de divertissement ; quelques pièces de Molière ont été dénommées ainsi, beaucoup de Dufresny, et un plus grand nombre de Dancourt. Ce n'est pas dégrader la scène française que de lui donner quelquefois le ton de la gaîté nationale.

D’après la base La Grange de la Comédie Française, la pièce de Désaugiers, créée le 25 mars 1811, a connu quatre représentation au cours de cette année.

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