L'Hôtel de la Paix, rue de la Victoire, à Paris

L'Hôtel de la Paix, rue de la Victoire, à Paris, vaudeville en un acte, suivi d'un Divertissement, de Barré, Radet, Desfontaines et Dieulafoi ; 30 juillet 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Hôtel de la Paix, rue de la Victoire, à Paris l’)

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

30 juillet 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet, Desfontaines et Dieulafoi

Almanach des Muses 1808.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Barba, 1807 :

L'Hôtel de la Paix, rue de la Victoire, à Paris, comédie-vaudeville en un acte, Suivie d'un Divertissement de circonstance ; Par MM. Barré, Radet, Desfontaines, Dieu-la-foi. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le jeudi 3 juillet 1807.

[Date erronée : le 3 juillet 1807 était un vendredi, non un jeudi. la bonne date est celle de l'Almanach des Muses, le 30 juillet, qui tombe bien un jeudi. Date confirmée par ailleurs par les annonces de la presse.]

Journal de l’Empire du 31 juillet 1807, p. 2-4 :

[Tout un feuilleton consacré à vanter la gloire de l’Empereur, sous le prétexte, vite abandonné, de signaler les multiples pièces qui saluent la gloire du vainqueur d’Eylau et de Friedland. Peu de place pour le théâtre, beaucoup de place pour glorifier Napoléon, supérieur aux plus grands conquérants, à qui ne manquent que des auteurs capables de chanter sa gloire. Bel exercice de flatterie !]

LA PAIX et L'HEUREUX RETOUR.

Tout est en mouvement sur le Parnasse ; tous les théâtres se disputent à qui chantera le mieux la Paix ; l’un nous annonce un Dîner par Victoire ; l’autre nous loge à l’Hôtel de la Paix, rue de la Victoire ; ici on va donner l’Opéra au Village, ou la Fête, impromptu. On a déjà entendu, à l’Opéra-Comique, le Chant du Retour ; au Théâtre de l’Impératrice on a chanté le même jour des couplets ; une petite scène bien humble a même oublié son obscurité n’écouter que son zèle ; elle a osé se signaler la première par un petit divertissement ingénieux et gai, et donner à tous les grands théâtres l’exemple de célébrer la Paix et l’Heureux Retour (*) du Pacificateur. C’est une grande hardiesse sans doute pour les Nouveaux Troubadours ; mais les conquérans et les héros n’ont jamais dédaigné les chants du petit peuple.

Destiné à rendre compte des sentimena et des pensées d’autrui, bornerai-je là mes fonctions dans dans un moment où il est si doux d'exprimer soi-même ce qu’on ne peut s’empêcher de sentir et de penser à l’aspect de tant de prodiges ? Depuis qie Napoléon est chargé du bonheur de la France et des destins de l’Europe, je l'ai constamment suivi dans toutes ses expositions, et n’ai jamais manqué de lui offrir me foible tribut d’une admiration sincère : il semble même que le noble emploi de louer les grands hommes soit du domaine particulier de la critique ; les éloges les plus délicats qu’on aut jamais donnée à Auguste et à Louis XIV, leur sont venus de la part de deux poètes satiriques. Horace et Boileau ont également excellé dans la louange et dans la critique ; le même esprit qui les rendoit si clairvoyans et si sévères pour les défauts, les rendoit aussi plus sensibles aux beautés. Sans avoir leurs talens, je m'honore de marcher sur leurs traces, et je me fais comme eux un devoir, en frondant les bêtises du temps, de rendre hommage au héros du siècle.

Horace et Boileau étoient si pénétrés de la difficulté de bien louer, que la plupart de leurs louanges se réduisent à protester de leur impuissance. Boileau ne cesse de se moquer des insipides exagérations de quelques panégyristes sans goût et sans génie :

Ce n'est pas qu'aisément, comme un autre à ton char
Je ne puisse attacher Alexandre et César ;
Qu'aisément je ne puisse, en quelqu'ode insipide,
T'exalter aux dépens et de Mars et d'Alcide,
Te livrer le Bosphore, et d’un vers incivil
Proposer au Sultan de te céder le Nil.

Mais ce qui étoit une exagération poétique, en parlant de Louis XIV, pourrait bien n'être qu'une simple vérité en parlant de Napoléon : c’étoit une flatterie de mettre le modeste conquérant de la Flandre et de la Franche-Comté, en parallèle avec les vainqueurs d'Arbelles et de Pharsale  ; mais le capitaine qui s’est rendu maître de l’Europe en bien moins de temps qu’il n'en a fallu à Jules-César pour conquérir la Gaule ; le guerrier qui triomphe en courant, qui s’empare des royaumes en une bataille qui donne et ôte à son gré les couronnes ; le héros dont la rapidité égale celle de la foudre, et dont les hautes idées vont changer la face de l’univers, quand on le compare à Alexandre ou à César, ce n'est pas lui que l’on flatte.

Napoléon est sur-tout aux héros que l’on connoît, par cette force d’esprit qui embrasse tout jusqu’aux moindres détails : c’est là le caractère des hommes faits pour commander. L'administration d’un Empire aussi vaste que celui de la France, est un miracle plus étonnant que les plus étonnantes conquêtes : presque toujours les victoires au-dehors entraînent des désordres au-dedans ; la nation expie trop souvent les exploits de son chef ; mais un Empereur à quatre cents lieues de capitale, au milieu des glaces et des neiges, et qui gouverne ses Etats comme si, tranquille dans son palais, il n’avoit pas d'autres affaires ; un conquérant qui, dans le tumulte des armes, sacrifie aux arts de la paix, et fait tomber les citadelles ennemies pendant qu'il élève de magnifiques monumens ; un souverain qyu faittourner au profit de ses finances ce qui ruine les autres Etats, qui rassemble à des distances infinies des forces immenses sans faire un mouvement nuisible à la prospérité intérieure, et dont le peuple ne se ressent de la guerre que par l’éclat que répand sur lui la victoire ; enfin un guerrier assez sûr de vaincre, assez maître de la fortune pour qu'on lui dresse des trophées dans sa capitale pendant qu’il livre encore des batailles, est un homme auquel il ne manque pour l’emporter sur Alexandre et César, qu’une longue suite de siècles.

Platon se félicitoit d'être né Grec et non pas Barbare, à Athènes et non pas à Thèbes ou à Locres. Quel est le Français qui n'est pas fier d'être né dans le premier Empire de l’univers, d’habiter la plus belle et la plus puissante ville que le soleil éclaire ? Horace s’écrioit autrefois, dans son poëme séculaire : « Astre bienfaisant, astre toujours le même, et toujours nouveau, dont le char radieux ôte et rend aux mortels la lumière du jour, Soleil, puisses-tu, dans ta course immense, ne rien voir de plus grand que la ville des Césars ! »

Alme Sol, curru nitido diem qui
Promis, et celas, aliusque et idem
Nasceris ; possis nihil urbe Româ
               Visere majus !

Le vœu qu’Horace formoit pour Rome est accompli pour Paris ; la vaste étendue du globe n'offre rien qui lui soit comparable ; c'est la reine des cités, chaque jour l’embellit ; l'œil étonné contemple de toutes parts des merveilles dont n’approchèrent jamais celles de Memphis et de Babylone : l’imagination n’a pu inventer ce que l’art a produit sous Napoléon, et Paris sera bientôt digne de son Empereur..Auguste se félicitoit en mourant de hisser Rome de marbre et d'or, après l’avoir trouvée de terre et de brique ; cependant Rome telle que la laissoit Auguste étoit une ville très-irrégulière et très-mal bâtie : Paris, telle que Napoléon nous la prépare, eût paru aux anciens un Olympe digne de servir de palais aux dieux.

Applaudissons-nous d'assister à ces événemens miraculeux, qu’on a besoin d'avoir vus pour ne pas les confondre avec ceux des romans et de la féerie. Combien de fois, en lisant l’histoire de ces mémorables époques qui ont renouvelé l'univers, n'avons-nous pas secrètement envié le sort des témoins de ces grandes révolutions ! Qu’est-ce qui ne voudroit pas avoir vu Cyrus, Alexandre, César, Pompée, Auguste ? Dans quelques siècles, combien de lecteurs nous envieront le bonheur d'avoir été environnés de tous ces prodiges, et d'avoir vu le plus extraordinaire de tous, Napoléon le Grand ! C’est un tite que ses contemporains lui décernent, pour ne pas laisser sur eux cet avantage à la postérité. Tous ceux qui jouissent de ses bienfaits lui disent, comme le peuple romain à César Auguste :

Præsenti tibi maturos largimur honores.

« Notre reconnoissance se hâte de rendre à votre personne des honneurs que l’âge suivant n'accorderait qu'à votre mémoire. »

Je n’ai qu'un chagrin au milieu de tant de sujets de joie et c’est en ma qualité de critique que je suis presque tenté de m'affliger de cet excès de prospérité qui trahit la médiocrité de nos talens. Où sont nos Homère et nos Virgile ; où sont même nos Horace et nos Boileau ? Il s'en forme sans doute en ce moment par les soins et sous les auspices du génie tutélaire qui a régénéré et perfectionné l’éducation publique, comme toutes tes autres parties de l’administration et du gouvernement ; mais il faut les attendre, ils ne sont pas encore mûrs ; et lorsque le premier enthousiasme enflammera leur imagination jeune et brillante, ils trouveront des moissons de gloire depuis long-temps amassées, et plus de matière que jamais aucun héros n’en offrit aux enfans d'Apollon : quant a présent, l’esprit nous tient lieu de verve : nous faisons des chansons au défaut de poëmes ; mais trop foibles pour emboucher la trompette et faire résonner la lyre, nous confions nos transports à la musette, au chalumeau léger ; et des couplets acquittent notre contribution en attendant les odes et les épopées.

On ne peut se dissimuler que les plus grands capitaines de l’antiquité n’ont point trouvé de chantres dignes de transmettre leurs exploits à la postérité. Achille qui, dans dix ans n'a pu prendre une ville, a été chanté par Homére : le conquérant de la Perse, de l’Egypte et de l’Inde, dans les plus beaux jours de la Grèce, n'a rencontré qu'un Cherile, un misérable poëte dont il paya au poids de l’or les méchans vers, tandis qu'Homère a langui dans l'indigence. Le grand Jules-César, le fondateur de l'Empire Romain, n'a obtenu que des éloges forcés, qui valent presque des satires, de la part de Lucain, poète de parti, fanatique du sénat et de Pompée. Mais l’histoire a vengé ces grands hommes des insultes de la poésie. La poésie, qui vit de fictions, semble ne pouvoir s'attacher qu'aux héros fabuleux ; tous ses prestiges s’évanouissent devant la réalité des grandes actions ; une bonne histoire est la seule épopée digne des grands hommes dont la gloire ne redoute pas l’examen et s’augmente par la réflexion. L’histoire passe de siècle et siècle, et vit dans la ménoire autant qu'un poëme ; elle sert d'autant mieux les véritables héros, qu'on se défie moins de la simplicité de son récit fidèle. Il est des hommes, tels que Napoléon, qui n'ont pas besoin du secours de l’invention poétique, puisque leurs actions, racontées dans la plus exacte vérité, ont tout le merveilleux de la fable. Alexandre et César sont aujourd'hui bien plus connus, bien plus célèbres qu'Achille, quoiqu’ils n'aient point eu d'Homère; et l’historien capable de narrer dignement les faits de Napoléon, sera pour nos neveux le plus grand des poètes.

(*)Petite pièce jouée aux Troubadours, avec succès, et dont l’auteur est madame Molé du Théâtre de l’Impératrice.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1807, p. 276-280 :

[Petite revue des pièces que la paix et le retour de l’Empereur victorieux ont fait naître. Après un long paragraphe consacré à s’étonner de la renaissance des spectacles, analyse rapide et même allusive de ce que représente chaque théâtre : le Vaudeville ouvre la série, avec une pièce conforme à son caractère « leste et joyeux », que le critique résume rapidement. C’est l’histoire de la conversion d’un sceptique (il dit sans cesse : « il faudra voir ») au culte de la paix. C’est ensuite le tour de l’Opéra-Comique et de son allégorie l’Opéra au village, ou la Fête impromptu, joué le même jour, et enfin du Théâtre de l’Impératrice, qui crée le lendemain 31 juillet Un dîner par victoire.]

PARIS.

. . . . . . Redeunt spectacula. . . .

Ils étaient languissans, abandonnés, solitaires : ils sont remplis d'une foule curieuse, impatiente, empressée : eh quoi ! la saison tout-à-coup changée n'ordonne-t-elle plus de préférer le charme de la campagne et de la promenade au plaisir qu'elle fait acheter si cher au théâtre ? Ou bien quelque chef d'œuvre nouveau a t-il paru ? L'un de nos bons auteurs reparaît-il dans la carrière, ou quelque Muse inconnue s'est-elle fait remarquer par un début brillant ? Rien de tout cela :l a saison est toujours à-peu-près aussi brûlante : il n'est question ni de chef-d'œuvre, ni de rien de remarquable dans les annales dramatiques, mais Paris, unanime dans le sentiment qu'il partage avec toute la France, avec toute l'Europe, ne pouvant exprimer ce sentiment, aime à trouver des interprêtes dignes de lui. Par-tout où ces interprêtes se font entendre, quels qu'ils soient, il s'arrête pour les entendre, les écoute avec intérêt, avec indulgence, et applaudit avec transport, quand il trouve dans les sentimens exprimés, toute la vivacité des siens, dans un éloge si juste le tour délicat qu'il exige, et dans les refrains qu'il répète, l'esprit français, qui plus que partout ailleurs est ici à sa véritable place.

Dans ces circonstances mémorables ; où le vœu public saisit ainsi tous les moyens de se manifester, le Vaudeville, enfant leste et joyeux, est toujours le premier au rendez-vous : son bagage est léger, sa suite peu nombreuse, son costume commode, sa toilette bientôt faite ; un tambourin, un galoubet composent son orchestre, et il a déjà mis en train sa ronde franche, vive et populaire, qu'ailleurs on dispose encore de magiques tableaux et de brillans prestiges. Il n'y a guères que lui qui puisse suivre la marche rapide des événemens dont nous sommes les témoins : il chante en courant ; ce serait le premier musicien de l'armée, s'il marchait avec elle ; et même il ressemblerait beaucoup aux troubadours ; mais il n'a point d'épée comme eux, et au lieu de harpe il n'a qu'une guitare fort modeste.

Quel que soit au surplus l'instrument qui l'accompagne, il chante gaîment, et cela a son mérite ; il a de l'esprit, et c'est l'essentiel : il a sur-tout l'esprit d'en avoir à-propos, et de paraître en donner à tous ceux qui l'écoutent ; et quand par-tout on se plaint que les formes de l'éloge sont usées, et qu'il n'est plus d'expression d'admiration et de reconnaissance qu'on n'ait employée mille fois, il sait encore varier les siennes, ou les rajeunir, ou même en imaginer de nouvelles. C'est bien là le Vaudeville, français de sa naissance, et qui n'a jamais pu exister ailleurs que dans son pays.

Il vient d'ouvrir une maison garnie qui attire déjà par son titre seul une foule considérable : l'Hôtel de la Paix, rue de la Victoire. Qui ne désirerait y loger ? De quelle nation serait celui qui ne voudrait pas y passer un bail à long terme, pour sa vie, s'il était possible ? Tout Paris s'y porte en foule ; mais fidèle aux lois de l'urbanité, il voudra toujours y laisser de la place aux étrangers, dont les vœux et les sentimens sont devenus si conformes aux nôtres. Dans cet hôtel on trouve une femme jolie et assez coquette, fort éprise d'un officier russe que sa bonne étoile a fait prisonnier de guerre, et bien plus encore prisonnier de la belle veuve ; de plus, un original assez singulier, frondeur par habitude plus que par sentiment, incrédule par obstination, convaincu du ridicule de son scepticisme, et répondant à tout par ce mot d'une profonde sagesse, avec lequel on ne compromet ni son jugement ni sa prudence, il faudra voir.


D'un héros lui peint-on la gloire,
        Il faudra voir.
Lui parle-t-on d'une victoire ;
        Il faudra voir.
Quoique chaque instant voie éclore
Ce qu'on sait qu'il doit bien savoir ;
Quand il voit tout, il dit encore :
        Il faudra voir.

Cependant il en voit tant depuis une certaine époque, qu'il commence à ne plus trop concevoir ce qu'il faut voir encore : la paix le décide, le convertit, parce que ce mot si doux l'attendrit, et il ne veut plus voir que les autres prodigesqu’elle fait espérer et les bienfaits qu'elle promet.

L'Opéra-comique a en quelque sorte employé les formes de l'allégorie ; d'ordinaire elles sont assez froides ; ici le cadre est heureux, le moyen naturel ; Bacchus, Flore et leurs dons charmans, la Victoire et ses trophées, la Paix et ses féconds attributs ne sont pas mal amenés. La musique de ce divertissement a du caractère, et celui du sujet ; elle est vive, simple, légère : c'est le vaudeville avec une flûte de plus.

Au théâtre de l'Impératrice, on voit un cultivateur riche et brave homme, tout-à-fait en train de se ruiner, parce qu'il s'est engagé à donner un beau diner par victoire à ses amis, qui sont, tous les habitans de la commune , réunis en petit comité : l'idée de cette bluette; empruntée au gascon poëte qui refusait mille écus pour chanter toutes les victoires de son maître, a paru fort originale et fort gaie: la pièce est en vers faits très-vîte, et c'était le cas ; mais il y en a beaucoup dans le nombre qui doivent leur mérite à cet empressement, lequel ne nuit pas toujours autant qu'on le pense ; quand il s'agit de céder à son enthousiasme, et de peindre les sentimens les plus purs, et l'allégresse la plus vive.                           S.

L.-Henry Lecomte, Napoléon et l’Empire racontés par le théâtre, 1797-1899 (Paris, 1900), p. 156-157 :

[Article louangeur, comme tout ce qui touche Napoléon, sous la plume de L.-Henry Lecomte, avec en plus une insistance intéressante sur l’alliance franco-russe, espérée plus que réalisée...]

Vaudeville, 30 juillet 1807 : L'Hôtel de la Paix, rue de la Victoire, à Paris, comédie-vaudeville en 1 acte, suivie d'un divertissement de circonstance, par Barré, Radet, Desfontaines et Dieulafoi.

Dans la rue de la Victoire, habitée jadis par Bonaparte, l'aubergiste Robert a fondé un établissement qu'il a baptisé Hôtel de la Paix, dans l'espérance d'y recevoir des représentants de toutes les nations. Il n'a que deux locataires quand la pièce commence, le comte de Mircoff, officier russe prisonnier de guerre, et Madame Derville, veuve d'un officier français, mais il a inondé de prospectus les quatre parties du monde et il compte sur la paix pour faire sa fortune et doter sa fille Justine. Cette paix ne doit pas être prochaine si l'on en croit le sceptique allemand Saint-Germain ; les Français cependant battent les Russes dans toutes les rencontres, ce qui désole Mircoff comme patriote et comme amoureux de Madame Derville à laquelle il n'ose se déclarer. Certain neveu de Robert, Fanfan, parti deux ans auparavant à l'armée, reparait tout à coup chez son oncle ; de conscrit ridicule il est devenu beau soldat et s'est couvert de gloire sous le nom de Sans-Quartier. Il apporte de bonnes nouvelles que les événements confirment bientôt. Le canon, en effet, proclame la paix entre la France et la Russie ; des voyageurs allemands, polonais, danois, affluent chez Robert, Mircoff épouse Madame Derville, Sans-Quartier Justine, et Saint-Germain lui-même rend hommage au grand homme qui vient une fois encore de forcer ses ennemis à l'admiration.

Cette pièce, dont l'idée est heureuse et qui contient de gais détails, fut beaucoup applaudie. De très jolis couplets y célèbrent les Français et leur chef en rendant justice à leurs adversaires. Citons celui-ci, inspiré par l'espoir d'une alliance durable entre deux nations faites pour s'estimer :

De la Neva, de la Seine,
La paix rapproche les flots ;
En vain l'intrigue et la haine
Avaient armé deux héros.
Napoléon, Alexandre,
De l'Anglais trompent l'espoir :
Deux grands hommes pour s'entendre
N'ont besoin que de se voir.

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