La Jeunesse de Henri V

La Jeunesse de Henri V, comédie en trois actes et en prose, d'Alexandre Duval, 9 juin 1806.

Théâtre Français.

Titre :

Jeunesse de Henri V (la)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

9 juin 1806

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Alexandre Duval

Almanach des Muses 1807.

Un jeune prince, étourdi, amoureux par caprice, cherchant les aventures, déguisé une fois en matelot, arrêté comme voleur, mis en gage pour dix guinées, s'évadant ensuite comme coupable, reconnu enfin, et comblant de ses bienfaits tous les acteurs de cette comédie, tels sont les principaux incidens de la jeunesse de Henri V. Beaucoup de mouvement, de la gaîté, et des saillies heureuses lui ont mérité un succès complet.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Vente, 1806 :

La Jeunesse de Henri V, comédie en trois actes et en prose ; Par M. Alexandre Duval. Représentée sur le Théâtre-Français, le 9 juin 1806. Et à Saint-Cloud, devant Leurs Majestés Impériales et Royales, le 22 du même mois.

Courrier des spectacles, n° 3412 du 10 juin 1806, p. 2 :

Théâtre Français.

La première représentation de la Jeunesse de Henri Cinq a obtenu hier beaucoup de succès. C’est une comédie en prose dont le mérite consiste dans une suite continuelle de surprises et de quiproquo qui deviennent d'autant plus piquans, qu’il existe, ou du moins qu’il semble exister un contraste frappant entre les divers personnages. Il est curieux en effet de voir un jeune Prince courir la nuit les aventures, déguisé en matelot, faire dans une taverne de Londres une dépense énorme, être accusé, détenu, enfermé comme un frippon, enfin l'héritier présomptif de la couronne en gage chez un aubergiste pour dix-neuf guinées.

La chronique n’attribue pas l’aventure à Henri Cinq ; elle est plus moderne; c’est ce qui occasionne quelques anachronismes, que nous relèverons dans un article plus étendu sur cet ouvrage.

L’auteur a été unanimement demandé et appelé à grands cris sur la scène. C’est M. Duval, un de nos auteurs les plus féconds et les plus heureux.

Courrier des spectacles, n° 3413 du 11 juin 1806, p. 2-3 :

[Après le court article du 10, un fort long article le 11. Un court rappel de la belle carrière de l’auteur, dont la pièce nouvelle ne fait que confirmer le talent, quelques critiques sont mis en balance avec quelques compliments, « des scènes bien écrites, un dialogue spirituel et gai », mais une baisse de qualité d’acte en acte (le troisième acte est presque vide), des longueurs, et à l’acte deux, on s’éloigne « du ton de la. bonne compagnie ». Comme promis la veille, le critique énumère ensuite une série d’anachronismes que le critique tient à dénoncer : ils risquent de donner un bien mauvais exemples aux théâtres de province, si le Théâtre-Français se permet de telles entorses à l’histoire. On arrive enfin au résumé de l’intrigue, présentée comme « très-amusante », même si la leçon donnée au futur Henri V est jugée « un peu leste ». Le critique a bien du mérite à raconter une histoire plutôt confuse, qui se réduit finalement à peu de choses (une jeune fille qui attire bien des soupirants, dont le prince, et une montre qu’Henri donne en gage pour échapper à la prison, puisqu'il n’a pas de quoi payer ses dépenses à la taverne). Comme toujours dans ce genre de pièces, tout s’arrange à la fin : la jeune Betty retrouve son bien aimé, et le prince retrouve sa montre. Après avoir dénoué tous les fils de l'intrigue, le critique n’a plus qu’à dire tout le bien qu’il pense des interprètes, qui sont tout de même « les premiers talens » du Théâtre-Français.]

Théâtre Français.

La Jeunesse de Henri Cinq.

Si cette comédie n’ajoute rien à la réputation de l’estimable auteur du Tyran domestique, des Projets de mariage, de Maison à vendre, et de plusieurs autres ouvrages recherchés à juste titre, elle ne peut que la confirmer d’une manière très-honorable. M. Duval a traité son sujet en homme habile, et si tout n’y est pas de même force, du moins y trouve-t-on des scènes bien écrites, un dialogue spirituel et gai, enfin une comédie fort amusante.

Le premier acte est mieux que le second, quoiqu’il y ait plus de mouvement dans celui-ci ; le troisième est inférieur aux deux autres. Quelques mots comiques, quelques situations assez courtes ne peuvent remplir convenablement un acte entier, et dédommager de l’indifférence qu’on éprouve au théâtre, lorsqu’après la découverte de toute l’intrigue, on voit arriver le moment de l’explication, moment toujours assez froid et trop peu menagé ; ce troisième acte a été cependant aussi bien fêté que ses deux frères, qui avaient plus de mérite Les caractères, dans le premier, sont bien dessinés, bien développés, et le motif qui amène l’aventure est bien voilé par un but moral. M. Duval me permettra cependant de lui dire que la scène entre Henri, Rochester et Myladi, est trop coupée par les à parte, qui d’ailleurs sont trop longs dans cette scène , les confidences de Rochester à Myladi pourroient être réservées à celle qui suit, la surprise qui en résulteroit et l’explication que feroit le Comte auroieut quelque chose de plus piquant. Il n’y auroit pour cela qu’un très léger changement à faire. Le second acte est plus varié, plus animé ; mais souvent aussi il s’écarte plus du ton de la. bonne compagnie ; du reste, il a excité de grands applaudissemens, et l’auteur, eu faisant rire, a désarmé la critique.

Qu’il nous soit permis ici de relever certaines erreurs ou anachronismes qui auront sans doute échappé à M. Duval et aux acteurs qui l’ont si bien secondé. Henri et Rochester portent avec le costume de la cour l’ordre de la jarretière ; mais un ordre créé par Henri Huit ne pouvoit , je pense, être an usage à Londres, sous Henri Cinq. Dans un autre endroit, le capitaine Copp, en parlant de ses voyages, dit qu’il a parcouru les quatre parties du monde ; mais du tems de Henri Cinq, on n’en connoissoit que trois ; l’Amérique n’ayant été découverte que cent et quelques années après. Je crois même me rappeler que ce capitaine parle aussi des trois Royaumes, tandis qu’alors l’Angleterre étoit séparée de l’Ecosse, qui avoit ses rois particuliers. Je ne fais ces remarques que parce que le Théâtre Français, donnant le ton à tous les autres théâtres, ceux des départemens pourroient se croire autorisés à imiter ses erreurs.

L’intrigue, dont il est ici question, est très-amusante, et formeroit dans un roman, un épisode agréable. C’est une leçon un peu leste, il est vrai , donnée à un Prince; mais c’est à lui qu’il doit s’en prendre, si les égards dûs à son rang, ne lui sont pas toujours conservés.

Henri Cinq n’est encore que-Prince de Galles, et sa jeunesse l’a plusieurs fois entraîné loin des bornes prescrites à l’héritier du trône. Il a pour confident le Comte de Rochester, grand ami des plaisirs, en un mot, grand libertin, qui ne paroit pas user de son crédit pour s’enrichir, puisque ses créanciers sont maitres chez lui. Cependant les attraits, les grands biens de Myladi ***, dame d’honneur de la Princesse de Galles, décident le Comte à se marier, et tout en riant de ceux qui prennent femme, il va en faire la folie.

Tandis qu’il rêve à ce plan nouveau pour lui, Edouard, jeune Page qu’il a depuis peu fait admettre chez le Prince, rêve aussi à ses amours, à sa Betty, nièce de l’aubergiste, qui tient la taverne du Grand-Amiral. Rochester l’interroge, et apprend qu’il se déguisé chaque jour en musicien Italien nommé Georgino, pour aller donner des leçons à une fille jolie comme un ange. Sur-le champ, il forme le projet de se rendre à la taverne. Le Prince invité à une fête que son épouse veut lui donner le soir même, l’engage à venir prendre la moitié de l’ennui qu’il va éprouver. Le Comte s’excuse ; bref, l’éloge de Betty se mêle à la conversation ; Henri est enchanté ; la partie sera charmante ; plus de fête, plus d’étiquette, plus d’ennui. Il part, et suivi de son fidèle Rochester déguisé comme lui en matelot, il arrive à la taverne du Grand-Amiral. Myladi a été instruite du projet par le Comte lui-même, qui se promet par là de dégoûter Henry de son amour pour les aventures, et de conserver les bonnes grâces de la Princesse et de sa dame-d'honneur.

Copp, le maître de la taverne, est un ancien capitaine de corsaire, qui s’est enrichi dans ses courses, et qui a ramené en Angleterre et élevé avec soin près de lui sa nièce, fille de Jacques Moubray, capitaine mort au service de sa patrie. Déjà le maître de musique est arrivé ; déjà des signes d’intelligence annoncent que les deux jeunes gens ne sont pas indifférens l’un à l’autre. Le bruit que font en buvant dans une salle voisine, nos deux matelots supposés. attire l’attention de l’aubergiste qu’ils prient de leur accorder la permission de venir dans sa chambre boire à sa sauté. Henry, à la vue de Betty, est enthousiasmé. Le Comte qui a été reconnu d’Edouard, est prudent, et le Page bien jaloux. On boit, on cause. Copp fait l’éloge de sa nièce, qui seroit, dit-il , une des plus, belles dames de la cour, sans un parent indigne, sans Rochester. Ou l’interroge, on le presse, il finit par avouer que Betty est aussi nièce du Comte. Henry est enchanté de voir son confident aussi sot de la rencontre que du compliment. Le tour du Prince vient ensuite et Copp en deux mots fait son éloge. Cependant il se contient ; Rochester s’esquive, et laisse Henri seul dans la taverne. Il faut payer, pas d’argent sur lui. Copp commence à croire à la fourberie ; une montre que le Prince donne en nantissement sert encore à fortifier ses soupçons. Enrichie de diamans, elle ne peut appartenir qu’à un grand seigneur ou à un fripon. Frappé de cette dernière idée, Copp enferme Henri, va chez le premier bijoutier, qui reconnoît le chiffre du Prince de Galles. Lorsqu’il revient, son prisonnier avoit trouvé les moyens de s’évader, en remettant un bijou à Betty et au prétendu maître Italien.

Dès la pointe du jour, Copp s’achemine avec sa nièce au Palais ; Myladi l'introduit. Le Prince venoit de rentrer, et avoit à peine eu le tems de prendre un costume plus décent que celui de matelot, que l’on annonce Copp ; il entre ; il balbutie ; il parle de deux matelots qui sont venus chez lui et qui ressemblaient l’un... Il examine Rochester, il reste immobile ; il ne sait ce qu’il doit penser. Enfin il remet la montre à Henri, reconnoit encore les traits de son fripon. Il n’ose parler ; mais le Prince le félicite de sa probité, et se plaint en même tems de l’infidélité du maitre de manque, qui n’a pas, dit-il, la délicatesse comme lui de rapporter le bijou qu’il lui a confié. Le Page aborde Henri, et lui remet ce qu’il réclame. Il n’y a plus moyen d’esquiver l’explication : Henri s’exécute d’assez bonne grace. Rochester veut imiter son maître, et se charge d’établir sa nièce ; Copp ne prétend pas céder ses droits , il veut la marier à un bon marchand. La pauvre Betty est désolée en voyant qu’on va lui enlever son maître de musique. Le Prince sc charge de la doter, et l’unit à Edouard, dont elle n’osoit soupçonner la métamorphose.

Cette comédie est jouée par les premiers talens de ce théâtre : c’est annoncer assez que l’execution en est parfaite. Fleury dans Rochester, Damas dans Henri, Michlot dan Copp, Armand dans1e Page, et mesdames Talma et Mars dans Myladi et Betti ont reçu les marques les plus vives de la satisfaction des spectateurs:

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1806, tome VII (juillet 1806) p. 274-278 :

[Un compte rendu particulièrement positif. L'auteur approuve tous les choix dramaturgiques de Duval, y compris quand il prête à Henri V ce qui appartient à Charles II (cette comédie ne prétend pas être« un cours d'histoire »), ou qu’il dénature le caractère de Rochester, qui sinon « n'eût pas été supportable au théâtre » – on ne peut mettre sur le Théâtre Français la figure d’un parfait débauché, ce que comprendront « les gens de goût »).]

La Jeunesse de Henri V, comédie en trois actes , en prose.

Une anecdote, puisée dans la vie de Charles II et dans les mémoires de Rochester, a fourni le sujet de cette amusante comédie, dont le succès, aussi complet que mérité, vient d'ajonter à la réputation dramatique de M. Alexandre Duval.

Le galant et spirituel comte de Rochester, favori de l'héritier présomptif du royaume d'Angleterre(1), a jusqu'ici complaisamment servi les amusemens bizarres, les courses et les déguisemens nocturnes du jeune prince : mais il songe sérieusement à s'établir, et désire obtenir la main de Lady Clara, attachée à la princesse Catherine, épouse de Henri. Cette dame, aussi vertueuse que belle, ne veut pourtant consentir à se marier avec Rochester, qu'à l'expresse condition de le voir renoncer désormais à ces parties peu séantes ; elle exige encore plus, c'est que Rochester lui-même trouve un moyen d'en détourner Henri, et de le rendre par là plus digne de Catherine et du trône qu'il doit occuper un jour. Rochester ne balance pas à sacrifier, s'il le faut, sa faveur et son crédit au désir d'obtenir Clara, et dût-il y trouver sa disgrace complette, il promet d'essayer dans le jour une leçon un peu forte qui puisse faire rentrer le prince en lui-même. Il a découvert par hasard qu'un jeune page se rend tous les jours déguisé dans une taverne pour y voir la jeune et intéressante Betti, et c'est cette taverne qu'il choisit pour commencer la guérison du prince. Après lui avoir adroitement inspiré le désir de voir la jeune nièce du capitaine Coop qui tient la taverne, ils s'y rendent tous deux déguisés en simples matelots, et le jeune page, qui ne se doute pas encore du projet de Rochester, s'y rend de son côté pour l'intérêt de son amour, sous son déguisement de Giorgini, maître à chanter italien.

Le second acte ainsi préparé fourmille d'incidens comiques : d'abord l'embarras du page en voyant arriver Rochester et Henri ; la crainte d'en être reconnu, sa jalousie pendant l'entretien galant du prince avec Betti, entretien que Rochester favorise pour arrêter plus long-temps le prince dans la taverne ; l'inquiétude et la surprise de Henri, en croyant appercevoir dans Giorgini quelque ressemblance avec son page ; les plaisanteries que nos deux matelots supposés sont forcés de subir de la part du capitaine Coop, ancien corsaire franc et marin qui ne se gêne pas beaucoup pour dire sa façon de penser sur Rochester et sur le prince lui-même ; la situation plus pressante de Rochester qui découvre là que cette Betti est une jeune personne de sa famille et de son nom, dont la présence est par conséquent un reproche d'insouciance et de légèreté ; tout cela puissamment assaisonné d'un dialogue piquant et de mots heureux, tous sortans de la situation même et des caractères donnés, forme un ensemble comique très bien conçu et très-bien développé Bientôt l'intérêt va s'accroître par la contexture même du nœud de l'ouvrage. Rochester ne perd pas de vue son objet : par une demi-confidence, il engage le jeune page à ne point déranger son plan, à modérer son zèle et à se reposer sur lui de la sûreté du prince dans la position embarrassante où il va le mettre. En effet, au moment où le capitaine Coop va présenter son mémoire de dix-neuf guinées pour la dépense des deux matelots, Rochester s'esquive et laisse le prince sans argent. Coop insiste pour être payé ; Henri s'embarrasse de plus en plus ; mais se souvient qu'il a une montre et la donne pour gage. A la vue de ce bijoux précieux, ·Coop au lieu de se laisser désarmer, juge que c'est une montre volée, et garde le prince en charte privée peur s'assurer, par des renseignemens positifs, du prix de l'objet ; il revient plus convaincu que jamais par la fuite de l'un, et par ce qu'il vient d'apprendre, que les deux matelots sont deux filoux. La montre a été déclarée par le jouaillier appartenir au prince royal. Henri n'ose ni se découvrir, ni en disconvenir : mais craignant sur-tout un éclat, maudissant Rochester de toute son ame, il se promet bien d'écarter ce favori, négligent ou perfide. Enfin il s'adresse à son page, qu'il prend toujours pour Giorgini, et que le capitaine a chargé de veiller sur lui : en lui donnant une bague, il le détermine à le laisser sauver par la fenêtre. Le page, tout en veillant sur son prince, favorise son évasion, sans oser cependant lui-même se découvrir à sa Betti, toute intimidée de l'aventure. Il ne tarde pas à suivre le prince royal pour être à son poste, au palais, à son arrivée. Coop et sa nièce, étonnés de cette fugue générale, se déterminent à se rendre eux-mêmes au palais pour raconter à son altesse royale toute cette aventure, et se faire honneur auprès d'elle d'avoir retrouvé sa montre. Voilà donc tous les personnages ingénieusement transportés à l'endroit où leurs reconnaissances successives deviendront très-plaisantes, et feront la matière d'un troisième acte tout aussi piquant que les deux autres.

En effet on conçoit que le prince , obligé de courir Londres à pied, faute d'un scheling dans sa poche, et rentrant harrassé dans son palais, doit offrir un embarras divertissant, en trouvant d'abord son page endormi devant sa porte, et que sa ressemblance avec Giorgini doit le frapper encore plus que jamais ; ensuite c'est lady Clara qui le plaisante sur le genre et le goût de son travestissement : elle profite de l'occasion pour prier le prince de lui signer la grace d'un particulier qu'elle recommande à son indulgence. Forcé de sentir qu'il en a besoin lui-même, et de plus pour se hâter de rentrer et de quitter son travestissement honteux, il la signe, et va promptement dépouiller jusqu'au moindre vestige qui puisse lui retracer la scène humiliante qu'il vient de subir. Bientôt néanmoins arrive le capitaine Coop et sa nièce ; et rien n'est assurément plus plaisant que leur surprise à la vue de Rochester qu'ils reconnaissent pour un de leurs filoux : elle redouble bien davantage à l'aspect du prince qui s'exécute enfin, mais qui n'ayant au fond que le tort léger d'avoir compromis sa dignité, l'avoue avec franchise, veut que cette aventure lui serve de leçon, ordonne à Rochester de doter la jeune Betti, lui pardonne en faveur de son hymen avec Clara, reconnaît Giorgini dans son page, lui donne la main de Betti, et recompense le capitaine Coop de son désintéressement et de sa fidélité en lui laissant la montre et lui promettant de l'avancer.

Il serait, je pense, assez difficile de nourrir un sujet avec plus d'adresse de tout ce qui peut le rendre attachant. L'analyse exacte de la pièce me paraît faire mieux son éloge que tout ce qu'on pourrait en dire ; je n'entrerai pas dans la discussion des prétendus anachronismes reprochés à l'auteur. D'abord il n'a pas eu le projet qu'une comédie fût un cours d'histoire ; ensuite, comme ils ne consistent réellement que dans un changement de nom , apparemment commandé par des motifs impérieux, il faut les respecter : il faudrait même remercier l'auteur si ce léger sacrifice était nécessaire pour nous faire jouir d'un des plus piquans ouvrages qui se soient donnés depuis long tems à ce théâtre. La perfection avec laquelle il est joué par MM. Fleuri, Damas et Michot , par Mme. Talma et Mlle. Mars, ajoute encore au plaisir de la représentation.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 11e année, 1806, tome IV, p. 179 :

[Le critique choisit de traiter par l’humour une intrigue où un souverain joue un rôle peu honorable, comme si toute cette affaire ne méritait pas qu’on s’y attarde. Il retient « une intrigue bien conduite et fort amusante » et félicite tant l’auteur que les interprètes qui l’ont « jouée parfaitement ».]

La Jeunesse de Henri V.

Voilà encore un Henri, mais celui-ci est un roi d'Angleterre. On a transporté sous son nom une anecdote de la jeunesse de Charles II. II est assez comique de voir un roi à la taverne, s'enivrant et n'ayant pas de quoi payer son écot. Le tour lui est joué pour le dégoûter de ses orgies nocturnes. Il tire sa montre pour gage de ce qu'il doit ; alors, on le prend pour un voleur ; mais il vient à bout de se débarrasser de son hôte et de regagner son palais, où il le fait bientôt demander. Quelle est la surprise de notre homme quand il reconnoît le roi dans son prisonnier ! A cette action est liée une intrigue bien conduite et fort amusante. Cette pièce fait honneur au talent de M. Duval, son auteur. Elle est jouée parfaitement, par Fleuri, Michot, Damas et mademoiselle Mars.

La Base La Grange de la Comédie-Française donne comme date de création de cette comédie le 9 juin 1806. Elle a été jouée 294 fois de 1806 à 1859.

(1) L'auteur a un peu dénaturé le caractère connu de Rochester, et a bien fait. Sans cela, il n'eût pas été supportable au théâtre. Rochester, comme nous le lisons dans les mémoires de Grammont et dans d'autres mémoires du temps, était un homme en qui la débauche avait tout dégradé , hors l'esprit. Il a avoué dans la confession générale qu'il fit avant de mourir, et que le docteur Burnet a écrite, qu'il avait passé trois ans sans avoir recouvré complettement sa raison, dont l'ivresse lui ôtait l'usage. Après avoir été très-brave, il faisait parade de lâcheté. C'était lui qui disait : Il ne manque à tous les hommes qu'un peu de courage pour être des lâches. Quelquefois il allait déguisé passer des mois entiers dans la cité, et Hamilton nous raconte la vie qu'il y menait !.... -- Les gens de goût sentiront que l'on ne pouvait mettre un pareil caractère sur le théâtre Français.

 

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