Le Jaloux malgré lui

Le Jaloux malgré lui, comédie en un acte, en vers, de Delrieu. 14 germinal an 5 [3 avril 1797].

Théâtre françois de la rue de Louvois

Titre :

Jaloux malgré lui (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

14 germinal an 5 [3 avril 1797]

Théâtre :

Théâtre Français de la rue de Louvois

Auteur(s) des paroles :

Delrieu

Almanach des Muses 1798.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Barba, an XI (1803) :

Le Jaloux malgré lui, comédie en un acte, en vers, par E. B. J. Delrieu. Représentée pour la première fois, au théâtre Français, rue de Louvois, le 3 avril 1793.

La date proposée par la brochure n'est pas la bonne. C'est que la pièce a connu une carrière longue : elle a été publiée seulement en 1803, après sa reprise, comme le Père supposé, ou les époux au berceau, du même auteur. Et l’année 1793 est une erreur pour 1797. On en reste à la date du 3 avril 1797, donnée par le Courrier des spectacles, n° 87.

Courrier des spectacles, n° 88 du 15 germianl an 5 (4 avril 1797), p. 2 :

[La pièce a réussi, l’auteur a été nommé, et ce n’est pas un inconnu. L’intrigue tourne autour de l’absence de jalousie d’un mari, que sa femme veut tirer de son indifférence, et y arrive fort bien en faisant venir sa sœur déguisée en cavalier et en prenant des libertés avec elle. Tout s’arrange finalement, puisque le mari avoue ses torts. Le critique insiste beaucoup sur l’immoralité de la pièce : une femme ne peut pas feindre de s'entretenir avec celle qu’elle présente comme son amant, on ne peut mettre une suivante dans un tel embarras (voir sa maîtresse avec un homme, recevoir de l’argent pour son silence), un mari ne peut pas accepter le comportement de celle qu’il prend pour l’amant de sa femme, et une femme ne peut pas répondre par des rires aux reproches de son mari. L’article s’achève par une phrase qui souligne la qualité de l’interprétation, en mettant en avant l’acteur ayant joué le rôle du mari.]

Théâtre Français.

La petite comédie donnée hier à ce théâtre, sous le titre du Jaloux malgré lui, a réussi. Le public a désiré connoître son auteur, c’est M. Delrieu, qui a déjà fait jouer plusieurs ouvrages.

Zélie, épouse de Valmont, a le malheur de voir son mari très-indifférent pour elle, il s’occupe uniquement de l’étude et a défié sa femme de lui inspirer de la jalousie. Zélie, par les conseils de Vilson son ami, a formé le projet, pour tirer Valmont de cette indifférence , de faire passer pour un de ses amans, sa soeur qui arrive de la campagne, et qui , fort bien en habit de cavalier, sera très-propre à éveiller la jalousie de son époux. Séraphine, c’est le nom de cette sœur, arrive sous le déguise ment convenu. Zélie la présente à son mari, qui ne tarde pas à s’appercevoir des libertés que prend chez lui le prétendu cavalier. Valmont se rend chez Vilson, qui accroît les soupçons qu’il a commencé à concevoir. Pendant son absence, Zélie s’enferme dans son appartement avec Séraphine, et recommande à Rosette, sa suivante, la plus grande discrétion, et sur-tout de ne pas laisser entrer son maître. Rosette ne sait que penser. Valmont à son retour la questionne ; elle est obligée d’avouer ce qui se passe, et bientôt après il voit sortir sa femme de son appartement avec Séraphine. Il se livre à sa fureur, oblige Séraphine de s’en aller, accable Zélie de longs reproches, qui, loin d’affliger cette dernière, lui font le plus grand plaisir. Enfin Séraphine paroît sous ses habits, elle est reconnue et Valmont avoue son tort.

Malgré le succès de cette pièce, nous ne pouvons dissimuler qu’elle est en général peu décente. Une femme peut-elle se permettre, pour guérir l’indifférence de son mari, de feindre d’écouter un amant ? Ce rôle n’est-il pas sur-tout très-indécent vis-à-vis d’une suivante qui voit sa maîtresse s’enfermer avec un étranger, qui lui donne une bourse en lui recommandant de la discrétion ? Un mari peut-il laisser prendre chez lui les libertés que se permet Séraphine ? Est-il naturel que Zélie ne réponde, pendant très-long-temps, aux reproches de son mari que par des ris, qui seuls sont capables d’exciter sa colère ? Nous pensons enfin comme Zélie, qui dit :

Ma sœur nous avons fait une épreuve trop forte.

Cette pièce a été généralement bien jouée. M. Devigny a parfaitement rendu le rôle du jaloux.

L. P.          

Courrier des spectacles, n° 144 du 11 prairial an 5 [30 mai 1797], p. 3 :

[Une lettre de Delrieu, qui souhaite mettre au net l'histoire de sa comédie. Occasion de s'apercevoir que tout n'est pas toujours amical dans le monde du théâtre du temps.]

Aux Rédacteurs du Courrier des Spectacles.

Paris, 10 prairial.          

Messieurs,

J’ai lu dans votre journal, au sujet de l’opéra du Défi , auquel vous donnez l’épithète de charmant ; j’ai lu, dis-je, cette phrase : « Tout le monde sait que c'est de cet opéra que M. Delrieu a fait la jolie comédie du Jaloux malgré lui ».

Je ne puis que vous remercier du double éloge que vous me donnez. Je vous observerez [sic] seulement que la manière dont votre article est conçu, fait croire à vos lecteurs que j’ai volé un charmant opéra pour en faire une jolie comédie.

Comme mon nom n’étoit pas sur l’affiche du théâtre Montansier, qui a joué le Défi à mon insu, vous avez pu ignorer que je suis aussi l’auteur de cet ouvrage.

Voici le fait : persuadé que les Français, à Feydeau, s’en tenoient exclusivement à leur ancien répertoire, je fis un opéra d’une comédie qui leur étoit destinée, et qui, grâce au courage et au zèle de mademoiselle Raucour, est rentrée dans son premier élément.

Les talens précieux de mesdemoiselles Mézeray, Simon, Moliere et M. Devignv ; la gaité aimable et l’ensemble parfait avec lesquels ils ont joué mon Jaloux malgré lui, m’ont convaincu que j’avois très-bien fait de lui rendre sa première existence.

Delrieu, abonné.          

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1797, volume 3 (mai-juin 1797), p. 284-286 :

[Résumé d’une intrigue, qui s’achève sur le constat de son absence de nouveauté, compensée par «  quelques détails ingénieux, des situations assez gaies ». L’auteur a paru (mais pourquoi ces points de suspension ?). Et la fin de l’article est consacrée aux acteurs, tous jugés excellents, avec mention spéciale pour une jeune soubrette pleine d’avenir au point qu’elle pourrait bien « remplacer un jour les deux soubrettes qui embellissent la scène française », et pour l’acteur qui joue le mari, dont on remarque moins « le défaut même de sa prononciation », mais qui commet une grave erreur de costume : paraître dès son lever « en habit habillé », et non en frac, qui « étoit commandé par la situation ».]

THEATRE FRANÇAIS, RUE LOUVOIS.

Le jaloux malgré lui, pièce en un acte.

Une jeune femme, aimant vivement son mari, qui, froid & paisible, ne s'occupe que de sciences & la néglige même pour un problème, imagine de se livrer au tourbillon du grand monde, pour lui inspirer un peu d'inquiétude. Rien ne réussit : il défie même sa femme de le rendre jaloux. Piquée au vif, elle engage sa sœur, qui arrive de province (& que son mari ne connoît pas), à se déguiser en homme, sous le nom de Séraphin, qui à peine a dix-huit ans, & qui a l'air de lui rendre des soins. D'abord, l'époux soutient assez bien cette première épreuve ; mais enfin, arrivant chez lui, & trouvant sa femme enfermée avec le faux Séraphin, il entre en fureur, menace le galant, qui s'enfuit en joignant le persiflage à l'outrage. L'époux se désespère ; sa femme porte le dernier coup, en lui demandant de loger Séraphin ; &, à l'instant où il avoue qu’il meurt de jalousie, Séraphin reparoit en femme, & se fait reconnoître pour la sœur de la jeune épouse, qui jouit du fruit de sa ruse. Certes, ce cadre n'est pas neuf ; mais quelques détails ingénieux, des situations assez gaies, ont assuré le succès de cet ouvrage, qui est écrit avec facilité. On a demandé l’auteur ; M. Delrìeux a paru...... On doit accorder des éloges aux acteurs qui ont joué dans cette pièce.

Mlle. Mêzerai, qui mérite de plus en plus les suffrages, a mis, dans le rôle de Séraphin, toute la grâce, la finesse & les nuances de bon goût & de détail dont son talent la rend susceptible.

Mlle. Simon a joué le rôle de la jeune femme avec une décence, une sensibilité douce qui ont inspiré au public un intérêt qui sembloit étranger à un sujet aussi léger.

Mlle. Mollière, jeune élève de Mlle. Joly, a surpris le public dans le rôle de la soubrette. On doit être difficile pour le talent qui se forme sur un modèle aussi parfait. Mais il nous a semblé qu'elle n'a rien laissé à désirer dans le rôle de Rosette. ll est heureux pour les amis de la bonne comédie, de voir enfin quelqu'un qui, par ses dispositions, son intelligence, & même sa connoissance de la scène, donne l'espoir d'un talent qui puisse remplacer un jour les deux soubrettes qui embellissent la scène française.

M. Vigny a mérité de justes applaudissemens dans le rôle du mari ; il l'a joué avec à plomb & chaleur : le défaut même de sa prononciation a été moins senti que de coutume. Nous lui observerons seulement que, venant de se lever, il n'est pas naturel qu'U soit en habit habillé ; le frac étoit commandé par la situation.

D'après la base César, la pièce a d'abord été représentée 11 fois au Théâtre de la Nation du 3 avril au 6 juin 1797 ; reprise 12 fois au Théâtre de l'Odéon du 2 mars 1798 au 12 mars 1799. Du 3 mai au 2 novembre 1799, elle est jouée 11 fois dans divers théâtres : 6 fois au Théâtre du Marais, 1 fois au Théâtre Italien, 3 fois au Palais des Variétés, 1 fois au Théâtre Feydeau. Sans parler des représentations ultérieures, qui ne sont pas dans le champ d'investigation de César. Car la pièce de Delrieu, reprise à diverses reprises, a été créée à la Comédie Française le 16 février 1824, et elle y a été jouée 42 fois, jusqu’en 1839. Dans la base La Grange de la Comédie Française, la date de première est bien le 3 avril 1797.

Et bien sûr pas trace non plus des représentations de 1793...

 

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