Le Jeune Henri

Le Jeune Henri, opéra-comique en deux actes, paroles de M. Bouilly, musique de Méhul. 12 floréal an 5 [1er mai 1797].

Théâtre de la rue Favart, ci-devant Théâtre italien

Titre :

Jeune Henri (le)

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

12 floréal an V (1er mai 1797)

Théâtre :

Théâtre de la rue Favart, ci-devant Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

Bouilly

Compositeur(s) :

Méhul

Almanach des Muses 1798.

Paroles assez mal accueillies. Musique de Mehul, couverte d'applaudissemens, ainsi que le compositeur lui-même : les acteurs l'ont entraîné sur la scène.

Nicole Wild, David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 291, résument ainsi la carrière de la pièce :

LE JEUNE HENRI

Opéra-comique. Livret de Jean-Nicolas Bouilly. Musique d’Etienne-Nicolas Méhul. 1er mai 1797.

Orthographié aussi : Henry. – La Jeunesse de Henri IV, composée en 1791, et acceptée par les comédiens, ne fut pas représentée. Remanié, l’ouvrage fut enfin donné le 1er mai 1797 sous le titre : Le Jeune Henri. La représentation fut si houleuse que seule l’ouverture qui avait fait sensation resta à l’affiche sour le titre : la Chasse du jeune Henri.

Reprise (de l’ouverture) : 3 octobre 1801.

Courrier des spectacles, n° 116 du 13 floréal an 5 [2 mai 1797], p. 2 :

[Une première représentation catastrophique : la pièce n’a aucune qualité : « aucune intrigue, aucune action, point d’intérêt ; c’est le comble de la sécheresse et de la stérilité », si bien que l’indispensable plaisir que recherchent les spectateurs était absent. Plutôt qu’une analyse en due forme, c’est un « simple apperçu » que le critique propose. Il se résume à une énumération de détails. Le conclusion est sans appel : « Nous croyons qu’il est impossible de faire un ouvrage plus mauvais ». Le critique se demande comment un musicien comme Méhul a pu accepter d’écrire la musique d’une telle pièce. A la fin de la pièce, la violence des sifflets a fait pleurer l’actrice principale, mais le critique tient à la rassurer : elle n’a pas démérité. D'ailleurs, tous les acteurs « ont très-bien joué », et principalement madame Saint-Aubin.]

Théâtre de la rue Favart.

L’opéra du jeune Henry, donné hier au théâtre de la rue Favart, n’a pas réussi ; il est même inconcevable qu’il ait été joué jusqu’à la fin. Il n’y a aucune intrigue, aucune action, point d’intérêt ; c’est le comble de la sécheresse et de la stérilité ; en un mot, rien n’a paru faire le moindre plaisir. Nos lecteurs vont en juger par un simple apperçu, car nous ne pouvons donner une analyse suivie, la pièce n’en étant aucunement susceptible.

Le premier acte se passe à savoir que Clémentine est aimée de Henry, que Sévero, tuteur de ce dernier, ne voit pas cet amour de bon œil, que Isaure sa mère n’y fait aucune attention. Le récit de la prise d’un loup, et un enfant sauvé par le jeune Henry ; une ennuyeuse kyrielle de conseils donnés par la mère à son fils ; une marche de paysans ; fête qui se prépare pour une course ; prix de 300 livres proposé par Isaure au plus habile coureur : voila ce qui remplit tout le premier acte. Quelle fécondité ! quelle richesse !

Le deuxième acte a été entendu avec la plus grande défaveur ; détails trop mesquins pour s’y arrêter. Enfin la course a eu lieu ; c’est le jeune Henry qui a obtenu le prix ; mais il l’abandonne à un paysan qui en a besoin pour épouser une fille du village.

Nous croyons qu’il est impossible de faire un ouvrage plus mauvais. Il est étonnant même qu’un habile compositeur veuille bien mettre de la musique à de telles paroles ; c’est au moins hazarder beaucoup : cependant l’on a rendu justice à la musique de M. Méhul, en sifflant l’auteur des paroles. A la fin du second acte, comme le parterre marquait son mécontentement par de grands coups de sifflet, M.me Saint-Aubin croyant apparamment avoir déplu au public, en témoigna sa sensibilité, au point de verser des larmes ; mais tous les spectateurs lui prouvoient , par les plus grands applaudissemens, qu’ils étoient trop justes pour lui faire une telle application. Les suffrages que cette actrice intéressante reçoit tous les jours du public, auraient dû la rassurer contre des marques d’improbation, qui ne pouvoient s’appliquer qu’à l’auteur d’un ouvrage aussi détestable. Nous aurions désiré que le parterre demandât M.me Saint-Aubin après la pièce, afin de lui prouver combien il étoit éloigné de lui rendre si peu de justice.

M.rs Solié , Chenard, Philippe, et M.mes Crétu, Carline, Gontier ont très-bien joué. M.me Saint-Aubin, sur-tout, a mis infiniment d’ingénuité dans le rôle de Clémentine.

D. S.

Courrier des spectacles, n° 118 du 15 floréal an 5 [4 mai 1797], p. 2-3 :

[Une pièce qui tombe, mais une musique qui reste. C'est le début de la vogue de la Chasse du Jeune Henri, l'ouverture de la pièce de Méhul, qui survit à la pièce qu'elle ouvrait. Une belle musique à l'orée d'une pièce victime de son mauvais livret.]

AUX RÉDACTEURS
du Courrier des Spectacles.

Paris, 13 floréal.          

Messieurs,

J’ai vu avec peine qu’en rendant compte de la lourde chute du jeune Henry, vous n’ayez pas parlé de la magnifique ouverture de M. Méhul ; c’est sans doute à l’impression qu’avoit faite sur les spectateurs ce morceau sublime, que l’auteur des paroles a eu l’obligation de ne pas voir siffler sa pièce dès les premières scènes. L’idée de placer aux différentes extrémités de l’orchestre des cors qui se répondent, a produit le plus grand effet : rien de plus neuf, de plus agréable, de plus pittoresque que cette ouverture (1) ; et M. Méhul doit au public, qui, en sifflant les paroles, redemandoit avec enthousiasme l’ouverture, de la faire exécuter, soit au prochain concert Feydeau, soit entre les deux pièces au théâtre Italien , dont l’orchestre l’a exécutée avec le plus bel ensemble. Il est difficile aussi d’entendre un plus beau morceau de chant (2), que celui de l’air d’Isaure au premier acte, des couplets de Mme Saint-Aubin et du duo entre le vieillard et Clémentine ; et il contraste bien fort avec les mauvaises paroles rimées sur lesquelles il est compose. C’est par de pareille musique, mais en choisissant de meilleurs poëmes, que M. Méhul doit répondre aux diatribes de ses envieux.

L. P. Abonné.          

(1) L’ouverture peint une chasse.

(2) Je ne parle pas de l’harmonie, on pense bien que M. Méhul ne l’a point négligée.

Avant-hier au théâtre de l’Opéra Comique, le public demanda l’ouverture du jeune Henry ; elle fut exécutée entre les deux pièces. M. Méhul fut demandé à grands cris ; il parut, et reçut la couronne due à son grand talent.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 3e année, 1797, tome I, p. 246 :

[La première représentation du Jeune Henri a dû être vraiment « orageuse », au point que le critique a renoncé à en rendre compte. Et s’il prend la plume quelques jours après, c’est pour souligner le traitement différent qu’il faut faire entre un poème qui a excité la défaveur, selon les mots même de l'article, et la musique. C’est principalement l’ouverture que le public a voulu retenir (et c’est en effet ce qu’on retiendra de cet opéra-comique).]

Nous n'avons point parlé de la première représentation du Jeune Henri, opéra-comique, donné le 12 à ce théâtre , et nos lecteurs auront apprécié nos motifs ; mais nous trouvons un plaisir bien doux à rendre compte de la justice que le public s'est empressé de rendre le lendemain aux rares talens de Méhul, auteur de la musique de cet ouvrage. Entre plusieurs morceaux de ce grand maître, que le tumulte d'une représentation orageuse n'avoit point empêché les spectateurs d'apprécier et d'applaudir avec transport, l'ouverture sur-tout avoit entraîné tous les suffrages, sans aucun mélange de la défaveur qu'a paru exciter le poëme. Le public a redemandé le 13 cette magnifique composition ; il l'a redemandée pour le 14 ; et sur ses instances réitérées, tous les artistes de ce théâtre ont entraîné ou porté Méhul sur la scène, malgré sa résistance ; et là, le public, les acteurs, l'orchestre, tous d'un accord unanime l'ont comblé d'acclamations, mêlées à-la-fois d'enthousiasme pour son talent, et d'intérêt pour sa personne, acclamations peut-être encore plus flatteuses que les applaudissemens dont les représentations d’Euphrosine, de Stratonice et de Mélidor ont été si souvent couvertes.

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