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Les Jugemens précipités, ou les Suites de Misanthropie et Repentir

Les Jugemens précipités, ou les Suites de Misanthropie et repentir, comédie mêlée de chants, de Ségur jeune, 5 Germinal an 7 [25 mars 1799].

Théâtre Montansier Variétés

Almanach des Muses 1800

Courrier des spectacles, n° 763 du 6 germinal an 7 [26 mars 1799], p. 2 :

[La pièce nouvelle a rencontré un succès contesté, puisque les « gens de goût » (qui seront qualifiés tout aussi ironiquement en fin d’article d’« amateurs et [de] connoisseurs ») l’ont mal jugée parce qu’elle n’est pas du comique facile qu’aime le public de ce théâtre. Néanmoins, l’auteur a été nommé, mais a renoncé à paraître. Suit l’analyse de la pièce, réduite au récit de l’intrigue, une histoire assez simple de deux jeunes gens qui reprochent à leur bien aimée de mal réagir à Misanthropie et repentir, la pièce à la mode : l’une y est indifférente, l’autre trop sensible. Tous deux veulent rompre leurs fiançailles, jusqu’à ce que le malentendu se dissipe : les deux jeunes filles ont en fait une réaction normale, qui s’explique facilement, et les deux mariages vont se faire. Le jugement porté sur la pièce est équilibré : elle manque d’action et son plan est faible, mais son but moral est indiscutable, et elle est bien écrite, dialogue comme couplets, avec des caractères bien dessinés. Elle mérite son succès. Et les interprètes ont joué avec ensemble.]

Théâtre Montansier.

L’opéra-vaudeville donné hier à ce théâtre sous le titre des Jugemens Précipités ou les suites de Misanthropie et Repentir, a obtenu du succès. Quelques gens de goût qui s’enthousiasment si facilement aux farces des Cadet Roussel , des Jocrisse et des Mde Angot ont bien tenté de clabauder contre l’auteur de la pièce nouvelle, qui n’a pas eu le grand talent de les faire rire à gorge déployée. Le public les a vivement rappellés à l’ordre. On a demandé l’auteur, mais il a gardé l’anonyme.

Derville et son ami Montral sont promis à Flore et à Clémentine sa cousine ; mais à la veille de contracter l’hymen, les deux amans renoncent à former ces liens. Derville n’a pu voir sans la plus vive peine, la froide indifférence de Flore, qui n’a pas laissé couler une seule larme au drame de Misanthropie, et dont le visage riant et l’air léger sembloit persiffler la sensibilité générale. Montral, au contraire, ne peut se décider à épouser Clémentine, dont les larmes abondantes, et l’évanouissement n'ont servi qu’à lui prouver que sa maîtresse a un dangereux penchant à se laisser attendrir avec trop de facilité. Derville a un entretien avec Flore, mais il ne peut rien obtenir d'elle. Sa légéreté l’emporte malgré les sages représentations de son amant, elle ne veut suivre que son goût pour la gaieté et la parure. Son maître de forte-piano lui apporte une romance, elle essaye de toucher l’instrument, bientôt le ton plaintif et sentimental la rebute. Son maître lui apprend que c’est l’histoire d’une femme malheureuse et sans ressource, elle lui donne sa bourse, mais toujours en cachette de Derville,

Enfin celui-ci la sermone trop, elle le fuit et le laisse à ses réflexions ; Derville se décide à rompre avec une maîtresse aussi légère. Il en avertit la mere de Flore et lui rend sa parole. Montral rompt pareillement son engagement avec Clémentine ; mais la mere de Flore lui apprend que l’évanouissement de Clémentine n’a été produit que par la ressemblance de situation de sa mere avec celle de madame Miller dans Misanthropie. Dorville vient aussi à connoitre la belle action de la légère Flore. Les deux prétendus supplient qu’on leur pardonne leur jugement précipité : la mere y consent, et les quatre amans sont heureux.

Très-peu d’action, un plan foible, mais un but moral, des scenes bien écrites et de jolis couplets, les caractères de Derville et de Flore sont bien tracés et soutenus : enfin cet ouvrage ne pouvoit avoir un succès d’enthousiasme, mais il méritoit de réussir malgré les murmures des amateurs et des connoisseurs. Ce petit opéra a été joué avec ensemble par les citoyens Crétu, César, et les citoyennes Baroyer, Dumas, et Lecat.

D'après la base César, la pièce, d'auteur inconnu, a connu 5 représentations, du 25 mars au 18 avril 1799, au Théâtre de Montansier.

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