La Fontaine chez Fouquet

La Fontaine chez Fouquet, comédie en un acte et en prose, de M. Dumolard ; 21 février 1809.

Théâtre Français.

Titre :

La Fontaine chez Fouquet

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose

Musique :

non

Date de création :

21 février 1809

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Dumolard

Almanach des Muses 1810.

Faible ouvrage d'un auteur déjà connu par des succès.

Les nombreux comptes rendus de cette pièce qui n'a pourtant pas eu de succès insistent largement sur le faible intérêt de ces pièces prétendument historiques, et qui donnent une piètre idée des grands hommes mis sur la scène...

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1809, tome I, p. 390-391 :

[Le critique est las des pièces à personnages historiques et voudrait des auteurs qui inventent. Le compte rendu se limite à dire que la pièce n’a rien de neuf, voire est une pièce déjà représentée.

La Fontaine chez Fouquet, comédie en un acte et en prose jouée le 21 février.

Quand donc aura-t-on épuisé les Dictionnaires historiques ! Les auteurs ne savent plus inventer, et pourtant ils veulent être auteurs. Au lieu de compiler les anecdotes des grands-hommes, et de les habiller si mal, qu'ils font siffler les plus illustres noms ; que ne peignent-ils les mœurs ! Les tableaux de la vie sont assez variés. On doit voir avec chagrin la décadence de l'art dramatique, surtout pour la comédie. Il en a réussi très-peu depuis plusieurs années, et celle-ci est allée grossir la liste des chutes. Ce sujet avoit été traité autrefois par un nommé Pariseau. Quelques personnes assuroient même que la pièce nouvelle n’étoit autre chose que la sienne refaite.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1809, tome III (mars 1809), p. 275-278 :

[Pas de succès : l’auteur s’est trompé sur tout, le choix du sujet (La Fontaine ne peut être le personnage principal d’une pièce, il n’est à sa place au théâtre que dans un rôle secondaire, « dans des scènes presque épisodiques », au milieu de ses amis » ; la comédie n’est pas « le portrait […] d’un homme », mais de l’humanité tout entière), le choix du théâtre (la dignité du Théâtre Français est incompatible avec « quelques plaisanteries d’un genre peu élevé » : on n’est pas au Théâtre du Vaudeville), le cadre, le tableau. Des détails même spirituels ne peuvent sauver une pièce, surtout à la Comédie Française. Le public n’a pas supporté « des plaisanteries d'assez mauvais aloi », et l’auteur n’a pas été nommé (mais il est connu!).]

Théatre Français.

La Fontaine chez Fouquet.

Cette pièce n'a point obtenu de succès : l'auteur parait s'être trompé à la fois et sur le choix du sujet et sur celui du théâtre, et sur le cadre et sur le tableau.

Un auteur comique, celui de nos jours chez lequel peut-être la pureté et l'élégance du style secondent le mieux les intentions dramatiques, avait déjà, avec la justesse d'esprit et le goût qui le caractérisent, indiqué la place et donné, pour ainsi dire, la mesure de celle que peut occuper La Fontaine au théâtre, toujours en supposant que la comédie historique soit un genre admissible, et que le portrait de nos grands-hommes, dans quelque genre qu'ils aient brillé, doive être offert à la scène comme dans une galerie.

C'est comme personnage secondaire, c'est dans des scènes presque épisodiques, c'est au milieu de ses amis qu'il enchanta par sa bonté, qu'il fait rire par sa naïveté, qu'il amuse par ses distractions, et qu'il étonne par ses chefs d'œuvres, que M. Andrieux nous a montré le bon La Fontaine, ne proposant pas de s'aller noyer après le souper d'Auteuil, mais suivant à la rivière tranquillement, modestement, et comme pensant à toute autre chose, ses camarades de table, dégoûtés sans doute de trop bien vivre. Dans la pièce de M. Andrieux, La Fontaine, resté seul, pense à son ami Fouquet, que la disgrace vient d'atteindre, et son amitié trouve pour s'exprimer les vers plus touchans, comme sa raison, les pensées les plus philosophiques ; pendant que La Fontaine compose, Molière écrit les vers qui lui échappent, et retirant son ami de son espèce de léthargie poétique, il l'étonne lui-même en lui montrant les vers qu'il vient de prononcer. Voilà sous quels traits le talent et le goût veulent présenter des hommes tels que Molière et La Fontaine ; un seul de ces traits les peint au naturel et les fait bien connaître.

Mais vouloir, dans le court espace d'un acte, resserrer la vie presqu'entière d'un homme ; le peindre dans presque toutes les circonstances où il s'est trouvé ; lui faire dire en un quart-d'heure tous les mots de lui qu'on a retenus ; l'individualiser enfin, selon l'expression d'un auteur tragique très-récemment critiqué, c'est s'exposer à ne point intéresser ceux qui connaissent le personnage, et à ne pas intéresser davantage, ceux qui le connaissent à peine de nom.

On a dit et répété cent fois, et toujours inutilement, que la comédie devait être le portrait de l'homme, et non pas celui d'un homme ; il faut que le dernier paraisse plus facile, car bien des auteurs s'attachent à ce genre. Celui de La Fontaine a trop oublié que la comédie même réduite aux plus petites proportions ne pouvait vivre uniquement de détails, qu'il faut ou une peinture de mœurs piquante, ou de l'intérêt, et dans tous les cas, de l'action : les détails les plus spirituels ont rarement sauvé un ouvrage de l'écueil commun au plus grand nombre.

Dans la comédie nouvelle, quelques-uns ont été remarqués et applaudis, mais il en est qu'on n'a pu supporter au Théâtre-Français, où l'oreille est plus difficile que par-tout ailleurs ; on a renvoyé quelques plaisanteries d'un genre peu élevé au Théâtre du Vaudeville ; des spectateurs plus sévères les ont renvoyées à un autre Théâtre, où le goût est encore moins exigeant ; ces sortes de renvois, en se multipliant, devaient amener le public à prononcer un arrêt sévère contre la pièce elle-même ; cet arrêt a été rendu avec assez de rigueur. Tout le talent de Saint-Phal, dans le rôle de La Fontaine, n'a pu désarmer le parterre tout courroucé des plaisanteries d'assez mauvais aloi qu'il avait entendues, et qui sont peu dignes en effet de la comédie française.

On n'a point nommé l'auteur ; celui qui nous est désigné est instruit, modeste, studieux ; voilà des titres à l'indulgence s'ils pouvaient être à l'avance proclamés ; mais le parterre ne juge que l'ouvrage, et celui-ci est en effet inférieur à quelques autres donnés par le même auteur, et qui avaient pu déterminer l'admission de celui-ci au Théâtre Français.               S...

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1809, tome IV (avril 1809), p. 271-275 :

[Sans explication, le numéro d’avril de l’Esprit des journaux revient sur la pièce après l’article du numéro de mars. L’article commence de la même façon par le constat de l’échec de la pièce, et du fait qu’elle n’a pas été donnée par le bon théâtre (c’est au Vaudeville qu’elle aurait dû paraître). Autre point de convergence : l’abus des éléments historiques ou prétendus tels : quelques exemples, pas tous liés à la pièce, montrent combien l’histoire souffre dans ces pièces. La pièce a fini dans le chahut : des sifflets, « on a demandé l'auteur avant la fin de la pièce », pour l’interrompre.]

Théatre Français.

La Fontaine chez Fouquet.

Jean s'en alla comme il était venue.

Sans nous laisser une pièce de plus dans le répertoire de la comédie française. Il nous a pourtant laissé une confirmation nouvelle d'un précepte qu'on n'a plus besoin de confirmer,

Tant la chose en preuves abonde :

c'est que quand on sent le talent qui réussit au vaudeville, il ne faut pas se présenter à la comédie française ; mais

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,

    Tout petit prince a des ambassadeurs,

        Tout marquis veut avoir des pages.

Et les calembourgs veulent être applaudis à la comédie française. On aurait été enchanté au vaudeville de l'esprit d'un officier de justice qui, voyant chez La Fontaine le nom de Marot au bas de son buste, se fâche contre ce mot (Maraud) qu'il retrouve par-tout. On dit à un autre que La Fontaine fait des livres de contes ; écrivez, dit-il, qu'il est de la comptabilité. On lui dit qu'il est à l'académie : Ecrivez qu'il est joueur.

Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi ;

et tout cet esprit, qui aurait si bien servi ailleurs, a très-mal réussi où on l'avait placé. Le sujet de la pièce est d'ailleurs de ceux qu'on représente au vaudeville ; l'action est de celles qu'on y passe ; il n'y manque que les couplets.

Ce qui manque aussi à toutes ces pièces-là, c'est le petit mot historique que je voudrais qu'on trouvât moyen de nous mettre en note, pour nous avertir de ce que nous devons attribuer à l'invention du poëte. Des spectateurs peuvent très-bien savoir toutes les fables de La Fontaine et n'avoir pas exactement présentes toutes les anecdotes vraies ou supposées de sa vie. Je sais bien, par exemple, que La Fontaine a été à Château-Thierri pour voir sa femme qu'il n'avait pas vue depuis plusieurs années et avec laquelle on voulait tâcher de le raccommoder, et qu'il revint sans l'avoir vue, parce qu'elle était au salut ; mais je ne sais pas si, en revenant de là avec 6oo fr. d'à-compte qu'il avait reçus sur le reste de ses biens qu'il voulait vendre pour en

Manger le fonds avec le revenu ;

je ne sais, dis-je, s'il est vrai qu'en revenant de là il avait oublié son sac dans la voiture, et si, lorsque le cocher de la diligence le lui rapporta, il s'est écrié : Notre ami Molière avait bien raison de dire : où la vertu va-t-elle se nicher ? Molière disait cela d'un mendiant, et ne l'aurait pas dit d'un cocher de diligence. Je ne vois pas de raison pour qu'un homme qui a un état honnête, qui travaille pour lui et sa famille, n'ait pas de la vertu comme un autre. Je ne sais pas d'ailleurs si La Fontaine, pour récompenser cette bonne action, a prêté ces 6oo francs au cocher pour qu'il eût de quoi acheter la voiture qu'il conduit, et si Marion, sa servante, qui se désole de n'avoir pas le sou pour faire aller le pot au feu, a dit à cette occasion qu'elle était bien heureuse d'avoir amassé quelques écus du temps de cette bonne Mme. de la Sablière. Il serait d'autant plus extraordinaire qu'elle eût dit cela, que la pièce est censée se passer dans le temps de la disgrace de Fouquet, c'est-à-dire en 1661, et que Mme. de la Sablière ne se chargea de l'existence de La Fontaine qu'après la mort d'Henriette d'Angleterre, arrivée en 1670. Je sais bien aussi qu'on a dit que La Fontaine avait un fils qu'il ne connaissait pas, et que, rencontrant un jour dans le monde un jeune homme très-aimable qu'on lui dit être ce fils : il répondit, j'en suis bien aise. Mais je ne sais pas s'il avait encore une fille, comme on nous le dit dans la comédie. On m'a dit aussi qu'il voulait se battre avec un officier, à qui on lui avait persuadé qu'il devait demander raison de ses assiduités chez sa femme, et qu'à l'explication, par des raisons bonnes ou mauvaises, cet officier lui ayant prouvé que ces assiduités n'avaient rien qui pût l'offenser, La Fontaine trouva tout aussi bon de ne se point battre, lorsqu'on lui prouvait que cela n'était point nécessaire, qu'il avait trouvé simple de se battre, lorsqu'on lui avait dit qu'il le fallait. Mais je ne sais pas s'il est historique que les assiduités du chevalier de Beauchêne eussent pour objet la fille de La Fontaine, qu'on lui fait épouser dans cette pièce. Je ne sais pas non plus s'il est historique que Colbert, au moment de la disgrace de Fouquet, ait voulu faire assurer à La Fontaine la pension de 2000 fr. qu'on ôtait à Pelisson, et que La Fontaine l'ait refusée. Je ne sais même pas bien si Pelisson avait alors une pension Voilà ce qui se trouve dans la pièce, et ce n'est pas ce qui l'a fait tomber ; mais c'est qu'il ne s'y trouve pas autre chose : que l'action est nulle et que le dialogue n'est pas assez piquant. On a sifflé d'abord un peu, puis un peu plus, puis beaucoup.

Puis enfin qu'il n'y manqua rien.

On a demandé l'auteur avant la fin de la pièce, ce qui était une manière polie de dire qu'on voulait que la pièce finît, comme on souhaite aux gens la vie éternelle avant qu'ils soient morts. Comme les acteurs ne tenaient compte de ce désir, le bruit a tellement augmenté, qu'on n'a plus rien entendu. J'ai vu La Fontaine joindre la main de sa fille et celle du chevalier de Beauchêne. J'ai entendu le fameux mot, j'y allais. Mais où allait-il, chez sa femme ? Je ne crois pas que ce soit là ce qui eût convenu le mieux au La Fontaine de la pièce dont je rends compte.

D'après Eric H. Kadler, Literary Figures in French Drama (1784-1834), p. 135, la pièce est de Dumolard (H.-F.-E Dumolard-Orcel).

Dans la base La Grange de la Comédie Française, la pièce a connu une seule représentation, celle du 21 février 1809, date de sa création.

 

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