La Leçon conjugale, ou l'Avis aux maris

La Leçon conjugale, ou l'Avis aux maris, comédie en trois actes et en vers, de Chazet et Sewrin, 14 brumaire an 13 (5 novembre 1804).

Théâtre Français.

Pièce à ne pas confondre avec la Leçon conjugale, ou le voilà pris, de Dubois (1800, au Théâtre des Troubadours).

Titre :

Leçon conjugale (la), ou l'Avis aux maris

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

14 brumaire an 13 [5 novembre 1804]

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Chazet et Sewrin

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an xiii (1804) :

La Leçon conjugale, ou l'Avis aux maris, comédie en trois actes et en vers, Par MM. Sewrin et Chazet ; Représentée, pour la première fois à Paris, sur le Théâtre Français, par MM. les Comédiens ordinaires de l'Empereur, le 14 brumaire an 13. Dédiée à M. de Marsollier, Auteur de Nina, d'Adolphe et Clara, etc.

Courrier des spectacles, n° 2809 du 15 brumaire an 13 (6 novembre 1804, p. 2 :

[En attendant un vrai compte rendu, quelques indications qu’on peut trouver un peu perfides. Le sujet n’est pas original : on nous en rappelle les antécédents (de Shakespeare à madame de Genlis) et les exemples récents (la Jeune femme colère d’Étienne, Avis aux femmes de Pixerécourt, musique de Gavaux), présentés d’un seul point de vue financier (spéculation, capital, intérêt) : le public a apprécié, les acteurs ayant très bien joué (l’« ensemble parfait », cela ne va pas de soi au Théâtre Français).]

Théâtre Français.

Première représentation de la Leçon conjugale, ou l’Avis aux Maris.

Pour la troisième fois, le même sujet , emprunté à Sakespeare [sic], à Mad. de Beaumont, à Mad. de Genlis, etc., vient d’avoir un succès complet.

M. Etienne, au théâtre Louvois ; M. Pixérécour [sic], à l’Opéra-Comique, et hier soir MM. Chazet et Sewrin, au Théâtre Français, n’ont pu que se louer d’avoir fait la même spéculation. Le capital a très bien prospéré dans leurs mains. Ils en ont recueilli un intérêt assez flatteur ; le public les ayant beaucoup applaudis et demandés.

MM. Damas , Michot et Dazincourt, Mesd. Mars et Bourgoin ont joué, avec un ensemble parfait. cette nouveauté, dont nous rendrons un compte plus étendu demain.

Courrier des spectacles, n° 2810 du 16 brumaire an 13 (7 novembre 1804, p. 2 :

[L’article promis la veille s’ouvre sur une comparaison inédite entre les concours entre écoles d'art, comme le récent concours de sculpture, et le fait que trois pièces récentes reprennent le même sujet et obtiennent un succès flatteur, l’un en corrigeant les maris colères et les deux autres les femmes affectées du même défaut. Le critique insiste sur la grande ressemblance entre les deux dernières pièces : même coupe, même motifs, mêmes détails, et jusqu’à des expressions communes. La hiérarchie des théâtres a toutefois été respectées, puisque c’est au Théâtre Français qu’a été donnée la comédie en trois actes et en vers (contre un acte en prose pour le Théâtre Louvois). Il s’amuse à donner une liste d’éléments communs, jusqu’au fait de choisir le même dénouement amené de la même façon. Et il insinue que les deux auteurs du Français « n’ont-ils entre eux aucune raison de s’étonner de la conformité frappante des traits de leurs enfans » (soupçon de plagiat ?). Il n’en demeure pas moins que la pièce de Chazet et Sewrin a ses qualités propres : détails heureux, style vif et varié, versification agréable. L’interprétation est digne des plus beaux éloges. Mais il faut finir sur une perfidie (il semble que la Comédie Française soit en piteux état) : la pièce nouvelle est « la nouveauté la plus supportable » montrée à ce théâtre depuis deux ou trois ans...]

Théâtre Français.

Première représentation de la Leçon conjugale, ou l’Avis aux Maris.

Vers la fin de chaque année classique, les instituts, les prytannées, les maisons d’éducation, et les collèges offrent, dans un concours, l’échelle des progrès de chacun de leurs élèves. Le même sujet proposé à tous est traité d’après les moyens que chaque élève a pu acquérir avec l’aide de son intelligence ou de son application.

Méléagre refusant de défendre sa patrie menacée, ayant été le sujet proposé cette année aux élèves de sculpture, l’une des salles du Louvre a offert huit à dix essais plus ou moins dignes d’éloges, de ce trait mythologique.

Le hasard a établi un semblable concours entre nos jeunes poètes dramatiques, Un joli conte de Mad. de Genlis, emprunté lui-même de Shakespeare, et de Mad. Leprince de Beaumont, a mis en fermentation la verve de ces Messieurs ; il en est résulté trois ouvrages, fort bien accueillis tous trois, à l’Opéra-Comique, au Théâtre Louvois et au Théâtre Français. M. Pixérécourt, auteur de l’ouvrage donné à l’Opéra-Comique, a prétendu corriger les maris colères. M. Etienne, au Théâtre Louvois, et MM. Chazet et Sewrin, au Théâtre Français, ont espéré guérir les femmes de ce vilain défaut.

De cette conformité d’intentions, il est résulté une ressemblance parfaite entre ces deux derniers ouvrages.

Cette ressemblance est telle qu’on se persuade que les deux comédies ont été faites dans le même appartement et sur des données tellement pareilles, qu’il semble que ces Messieurs se soient communiqué progressivement la coupe, les motifs, les détails, et jusqu’aux expressions employées dans chacune de leurs sçènes. Au Théâtre Français, cependant, a été réservé l’ouvrage en vers et en trois actes. La troupe des Infatigables a été obligée de se contenter d’un petit acte en prose. M. Etienne seul a fait ce petit acte ; mais il y a eu association entre deux poëtes comiques, pour arriver à l’honneur d’être accueilli par le plus noble et le plus important des deux théâtres. Aux François, comme à Louvois, le rôle de la Femme colère a été joué par l’actrice chargée des rôles d’ingénuité. Toutes deux y ont été charmantes. Toutes deux se sont emportées contre leurs femmes-de-chambre, contre des cordes de guitarre, de la manière la plus aimable. Les deux maris ont affecté les mêmes emportemens. Tous deux ont maltraité leurs gens, brisé les meubles et crié à tue-tête. Tous deux ont effrayé leurs jeunes épouses par ces fausses fureurs. De part et d’autre, on s’est propose de s’amender. De part et d’autre, on y est parvenu. Egalement, les jeunes épouses ont été instruites par l’indiscrétion d’un tiers, du stratagème des deux maris.

Si déjà les Femmes et les Maris colères de l’Opéra Comique et du Théâtre Louvois ont engendré des colères d'auteurs et de journaux, que ne doit point naturellement produire l’extrême et parfaite ressemblance des ouvrages de M. Etienne et de MM. Chazet et Sewrin ! Mais sans doute ces nouveaux intervenans apporteront, dans cette circonstance, des intentions plus douces et plus pacifiques. Peut-être même n’ont-ils entr’eux aucune raison de s’étonner de la conformité frappante des traits de leurs enfans !

Nous devons cependant dire , en faveur de la comédie des deux Auteurs associés, qu’elle brille de détails heureux, que le style en est vif, varié, que la poésie en est agréable.

Il s’y trouve un rôle de Père, doué d’une sensibilité tout-à-la fois gaie et touchante. Ce rôle est parfaitement joué par Michot. Mlle. Mars a rendu la Femme colere, intéressante et très-estimable ; elle a des mots si heureux, si bien inspirés, d’une naïveté si touchante et si spirituelle ! elle les dit avec tant de charme ! Damas a fort bien fait le Mari ; sa chaleur habituelle a parfaitement secondé les élans de sa feinte colère. Un rôle de vieux Domestique a été très-bien rendu par Dazainçourt.

Depuis deux ou trois ans, c’est la nouveauté la plus supportable que la Comédie française ait présentée au public.

M****.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome III, frimaire an XIII [novembre 1804], p. 262-266 :

[Avant d’aborder la critique de la pièce nouvelle, l’article s’ouvre sur un bilan positif du Théâtre Français, présenté comme étant en plein renouveau. Une large place est accordée à Saint-Phal, félicité pour avoir repris les rôles de Molé en imitant le jeu de celui-ci (passage très intéressant pour comprendre ce que jouer un rôle vaut dire). Le critique aborde ensuite le compte rendu de la pièce nouvelle, qui est inspirée d’un conte de Madame de Genlis, qui a déjà fourni le canevas de deux pièces. Le problème qu’il aborde ensuite, c’est celui de la collaboration de plusieurs auteurs pour écrire une comédie. Le critiquer trouve ce procédé, acceptable dans les pièces du second ordre, où il suffit de faire quelques couplets piquants, inapproprié pour la comédie : les deux auteurs « ne peuvent avoir une manière absolument semblable de voir le monde, d'envisager la société et ses rapports, les caractères, les mœurs et les ridicules ». Chazet, l’un des deux auteurs, est invité à ne pas gaspiller son talent dans une collaboration pour une œuvre dont il pourrait recevoir toute la gloire. La pièce n’est pas réussie : elle « péche essentiellement par le plan, par la distribution des scènes », et la collaboration en est jugée responsable : un auteur unique aurait compris qu’il ne pouvait tirer qu’un acte du sujet. D’ailleurs, si on trouve un élément positif dans la pièce, « quelques détails gracieux, des tableaux bien faits, des tirades élégamment écrites, des réparties heureuses, et des vers bien tournés », on ne sait à qui les attribuer (mais le critique pense qu’un des deux auteurs est supérieur à l’autre, même s’il accepte de mettre en commun « et la critique pour la contexture de l'ouvrage, et l'éloge pour la manière dont en général il est écrit »). L’interprétation est bien jugée, et en particulier le talent de Mlle Mars, qui en arrive à ne pas jouer, mais d’être son personnage.]

THÉATRE FRANÇAIS.

Le retour de la saison favorable aux spectacles, rend au Théatre Français son éclat accoutumé. Les premiers sujets sont revenus des départemens où leur réputation les avait fait appeler ; et la réunion complettée paraît s'occuper à varier son répertoire et nos plaisirs. La terreur tragique a reparu avec Talma ; la majesté des reines, avec Mlle. Raucourt ; le comique délicat et fin, avec Fleury ; et les graces, avec Mlle. Contat. Les représentations de Cinna, de Rodogune, d'Œdipe ; celles du Philosophe marié, du Vieux Célibataire, ont été très – brillantes : le public s'y était porté en foule, et les comédiens ont reconnu cet empressement flatteur en redoublant d'efforts et de talens. On peut particulièrement faire men:tion de Saint-Phal, dans le rôle du Vieux Célibataire. Ce rôle n'est pas d'une grande difficulté : tout comédien intelligent, ayant le physique convenable, le jouera d'une manière satisfaisante : il est assez bien tracé, et est assez comique en soi pour ne pas devoir, comme tant d'autres, son succès au talent du comédien : mais l'étonnante perfection avec laquelle Molé avait établi le rôle, le rendait une partie de son héritage dangereuse à recueillir. St.-Phal qui déjà avait paru dans l'Amant bourru, et qui, sans doute, tentera de paraître dans le Bourru bienfaisant, nous a rendu Molé dans le Vieux Célibataire, autant qu'il était possible de nous le rendre. Il n'a point cherché à faire pour ce rôle une étude nouvelle, certain que Molé en avait eu le sentiment le plus juste. Il a préféré faire bien en imitant, que de s'égarer en cherchant une route nouvelle. Cette modestie n'est point inséparable du talent : Saint-Phal le prouve, et les applaudissemens du public l'attestent. En général, cet acteur, très-bien placé dans ce rôle, n'y laissera rien à desirer, s'il lui donne un peu plus de couleur; s'il en fait ressortir davantage les nuances. Molé ne le disait pas mieux, mais il y déployait plus de chaleur et d'abandon, et produisait un effet que Saint-Phal, avec plus de confiance, ne peut tarder d'obtenir lui-même.

Nous serions injustes si, parmi les motifs qui ramènent l'affluence au Théâtre Français, nous n'établissions pas en ligne de compte les représentations d'une pièce nouvelle, en trois actes et en vers, intitulée la Leçon conjugale, ou l'Avis aux maris. C'est la troisième pièce à laquelle le conte de Mme. de Genlis a donné le jour ; et d'abord nous ferons quelque reproche aux auteurs MM Chazet et Sewrin, de porter sur la scène française l'habitude de ces sortes d'associations, que le besoin de faire vîte a fait naître, et qui rarement garantissent que l'on a bien fait. Que pour une bluette conçue dans un souper, et écrite à la hâte, pour une circonstance quelconque, inter sophos et pocula, la gaîté s'alimente, et l'esprit s'anime du concours de quelques chansonniers, et de la tournure piquante des refrains qu'ils se rappellent, voilà ce qui se conçoit ; mais qu'une comédie soit l’ouvrage de quelques semaines, le résultat du travail de deux personnes qui ne peuvent avoir une manière absolument semblable de voir le monde, d'envisager la société et ses rapports, les caractères, les mœurs et les ridicules, c'est ce qui se conçoit moins facilement ; c'est ce qu'on ne voit que depuis fort peu de temps, et ce qu'aucun succès marquant n'a encore justifié. Nous appliquons sur-tout cette observation au premier des auteurs que nous avons nommés, M. Chazet : en effet, nous n'entendons personne nier qu'il n'ait un esprit facile, de l'imagination, un talent aimable ; mais tout le monde se demande pourquoi il dépense ainsi, en communauté, ce même esprit dont il pourrait, avec une culture plus soignée, recueillir des fruits moins précoces, mais plus précieux, et qui lui appartiendraient à lui seul. C'est l'intérêt qu'il inspire qui fait ainsi parler ses amis, tandis que ses rivaux inquiets, ou ses ennemis l'abusent peut-être par un tout autre langage.

La Leçon conjugale péche essentiellement par le plan, par la distribution des scènes ; en y réfléchissant bien, un seul homme eût reconnu qu'un tel sujet ne fournissait qu'un acte, ou entraînait l'introduction de personnages inutiles dans des scènes oiseuses ; et deux auteurs ne l'ont pas senti. Cette pièce nous offre donc elle-même une preuve du danger des associations pour une comédie ; et si ensuite nous avons à y louer quelques détails gracieux, des tableaux bien faits, des tirades élégamment écrites, des réparties heureuses, et des vers bien tournés, nous nous plaignons encore de la manie des associations, en ne pouvant désigner auquel des associés on doit plus particulièrement rendre grace. Nous croyons naturellement devoir jetter les yeux sur celui des deux qui le plus souvent a pu se louer de la faveur du public ; mais alors nous blessons à-la-fois et la modestie de l'un, et l'amour propre de l'autre. Mettons donc en commun pour la Leçon conjugale et la critique pour la contexture de l'ouvrage, et l'éloge pour la manière dont en général il est écrit. L'ouvrage est joué avec beaucoup d'ensemble et de talent. Michaut fait dans un emploi nouveau des pas qui veulent être soutenus. Damas conserve sa chaleur, et s'attache chaque jour à être moins maniéré ; Mlle. Mars semble n'étudier et ne jouer rien ; elle est chez elle, dit ce qu'elle pense, et agit comme elle parle. C'est un des plus précieux talens que la comédie française ait à ménager.

D’après la base la Grange de la Comédie Française, la pièce de Chazet et Sewrin, la Leçon conjugale, ou l’Avis aux maris,, comédie en trois actes et en vers, a été jouée pour la première fois le 5 novembre 1804. Elle a été jouée 21 fois en 1804 et 1805.

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